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L'Eubée est une île de la Grèce, appelée aussi autrefois Nègrepont; la plus grande île de la mer Egée après la Crète. Superficie, 4076 km². Un étroit canal la sépare de la Béotie et de l'Attique, et se rétrécit en un point jusqu'à 65 m, de sorte que depuis l'Antiquité on y a établi un pont. Ce canal n'est qu'une vallée longitudinale qui forme une succession régulière d'étranglements et de bassins comme les vallées terrestres. On y remarque le phénomène des marées, qui l'a rendu célèbre. L'Euripe a donné à l'Eubée le nom de Négrepont sous lequel elle a été connue depuis le Moyen âge. L'Eubée est à la fois très montagneuse et très fertile; le point culminant est le Delphi (1908 m.). Marbres cipolins. Eaux thermales à Chalcis. Blé, oliviers, pins, platanes, chênes. Pâturages (moutons). L'Eubée exporte des céréales, des vins, des fruits, du lignite. Elle subit la domination vénitienne en 1351, et celle des Turcs en 1470. (L. Del). Histoire de l'EubéeD'après la tradition grecque, l'île d'Eubée se serait d'abord appelée Macris, à cause de sa grande longueur; puis Hellopia, nom restreint ensuite au district septentrional; Oche, nom conservé par une montagne du Sud de l'île; Abantis, du nom de ses premiers habitants; c'est ce dernier nom qui, par corruption, devint Eubée. Hésiode, d'après Etienne de Byzance, attribuait l'origine du nom d'Eubée à Epaphus, fils de la vache Io. Les plus anciens habitants connus de l'île furent les Abantes; ceux-ci étaient, d'après Aristote, des Thraces venus d'Abae et immigrés; d'autres, bien entendu, les font descendre d'un héros éponyme Abas. On les considère aussi comme apparentés aux Illyriens. Au Sud de l'île vivaient des Dryopes occupant le mont Ocha. Au Nord, les Hellopes et les Hestiéens formaient des tribus à part, dont l'origine était peut-être distincte. Très tôt, peut-être avant le début du premier millénaire avant notre ère, suppose-t-on, les Ioniens envahirent l'Eubée et absorbèrent les populations primitives. Hérodote le dit formellement des Abantes qui collaborèrent avec eux à la colonisation de la côte d'Asie Mineure, plus tard appelée Ionie. L'île d'Eubée fut, dès lors, un des centres de la culture ionienne et regarda dans une certaine mesure, comme sa métropole, Athènes, d'où étaient parties les migrations ioniennes. Elle ne forma pas un Etat unique, mais fut partagée entre plusieurs cités. Les deux plus importantes étaient au centre, sur la côte occidentale, Chalcis et Erétrie; puis, à l'extrémité septentrionale, Histiée (appelée plus tard Oreus), en face de la côte thessalienne; le long de la côte occidentale, en face de la Locride, étaient Dium, OEdepsus, Athenae Diades, Orobiae, Aegae; sur la côte orientale, Cerinthus; à l'extrémité méridionale, Dystus, Styra et Carystus. Toutes ces cités (sauf Athenae Diades) sont nommées dans l'Iliade. Les quatre seules qui aient eu un rôle historique sont Chalcis, Erétrie, Histiée et Carystus.La période la plus brillante de l'Eubée fut celle du VIIIe au VIe siècle. Chalcis et Erétrie étaient alors deux des cités les plus prospères de la Grèce. Leur commerce était considérable ; elles avaient fondé un grand nombre de colonies sur les côtes de Macédoine (dans la presqu'île qui garda le nom de Chalcidique), de Thrace, d'Italie (Cumes, Rhegium), en Sicile, dans les îles de la mer Egée. Le pays était fertile; les mines de fer et de cuivre, les carrières de marbre fournissaient aux artisans la matière de leur travail; les produits agricoles, tissus, produits métallurgiques alimentaient l'exportation. Les monnaies eubéennes étaient acceptées partout. Au VIe siècle, une guerre engagée pour la possession de la plaine du Lélante, entre Chalcis et Erétrie, groupa en deux camps presque tous les Grecs insulaires. Elle affaiblit les deux cités rivales. Les colonies de la Chalcidique renoncèrent à leur obédience pour entrer dans la ligue spartiate. Jaloux des Athéniens, les Chalcidiens s'allièrent contre eux avec les Thébains et les Spartiates. Le résultat fut la prise de leur ville dont le territoire fut distribué à 4000 colons athéniens (506). En 499, les Erétriens aidèrent les Ioniens contre les Perses. Aussi, en 490, ceux-ci, après avoir débarqué à Carystus, saccagèrent Erétrie dont les habitants furent déportés en Babylonie. Erétrie et le reste de l'Eubée acceptèrent alors la domination athénienne. L'île se révolta en 445, mais fut soumise promptement par Périclès. C'était la plus importante des possessions athéniennes à cause de ses richesses agricoles, de ses blés, de ses bois de construction, de ses pâturages et de son bétail qui suppléaient aux ressources de l'Attique. En 411, l'Eubée passe aux Spartiates. Au Moyen âge, l'Eubée prit le nom d'Egripo (dérivé de celui de l'Euripe, le détroit entre Chalcis et la terre ferme) donné à la ville qui s'éleva sur les ruines de Chalcis. En 1204, l'île fut conquise par les croisés et attribuée d'abord à des seigneurs lombards, mais elle passa sous le protectorat des Vénitiens, lesquels en furent complètement souverains à partir de 1351. Les Occidentaux l'appelaient Nègrepont. (Voir aussi : Les îles Grecques au Moyen Age). Elle fut soumise par les Turcs en 1470. Ils la gardèrent jusqu'en 1821, où Modena Maurogenia donna le signal de l'insurrection. Elle fut ensuite attribuée au nouveau royaume de Grèce. (A.-M. B.). On a fait des fouilles intéressantes sur l'emplacement des deux principales villes de l'Eubée, Erétrie et Chalcis. A Chalcis, la Société archéologique d'Athènes a déblayé le gymnase, où l'on a rencontré une mosaïque, et exploré la nécropole, où l'on a trouvé une vieille statue de marbre, des poteries primitives, des vases peints et des feuilles d'or. A Erétrie, l'Ecole américaine d'Athènes a dégagé, au début du XXe siècle, le théâtre, où l'on a constaté quelques dispositions particulières : toutes les dépendances, magasins, coulisses, loges d'acteurs et de danseurs y sont au niveau du logeion, d'où un escalier et un couloir souterrain conduisent au centre de l'orchestre. On a également fouillé la nécropole, où l'on a découvert des tombes à chambres et lits funéraires, des peintures décoratives, des ornements d'or, des plaques d'argile peinte, des Eros de terre cuite, des vases à ornementation géométrique. On a trouvé encore des inscriptions : des listes de vainqueurs aux jeux, un curieux décret des Eretriens (fin du Ve s. av. J.-C.), réglant la célébration des Artemisia, l'organisation des concours musicaux ou autres, le cérémonial des processions et des sacrifices. NumismatiqueLes villes de l'île d'Eubée qui frappèrent monnaie dans l'Antiquité sont Carystus; Chalcis, Erétrie, Histiée, et peut-être Athenae Diades et Cymé. Les plus anciennes pièces sont celles de Chalcis, qui remontent jusqu'à l'an 700 avant notre ère environ. D'ailleurs, actuellement, les numismatistes hésitent entrele classement à Athènes même ou à quelque ville de l'Eubée, de monnaies archaïques anépigraphes, aux types de l'osselet, de la roue, de la triskèle, de l'amphore, du cheval, etc., avec un carré creux au revers.Les monnaies de Carystus ont pour types principaux le coq (karux) qui constitue les armes parlantes de la ville, le taureau, la vache allaitant son veau, emblèmes de Héra dont le temple était sur le mont Oché qui dominait la ville : la tête de Héra et celle de Héraclès. Sur les monnaies de Chalcis, on voit la roue, l'aigle dévorant un serpent, la tête de Héra adorée sur le mont Dirphys. A Erétrie, c'est la tête de Gorgone, celle de la nymphe Eubaea, celle d'Artemis Amarynthide, la vache qui lui était consacrée. Enfin, à Histrie, les types principaux sont une tête de Ménade et la nymphe Histrie assise sur une proue de navire dont elle tient la stylis. Les monnaies de l'Eubée sont, pour la plupart, très remarquables par leur style et leur belle frappe; outre les noms des villes, on y lit souvent des noms de magistrats locaux; sous l'Empire romain on n'y frappe plus que des monnaies de bronze, et tout monnayage cesse définitivement vers le temps de l'empereur Gallien. Mais ce qui rend particulièrement important le monnayage de l'île d'Eubée, surtout à l'époque primitive, c'est qu'en raison de l'importance commerciale de l'île dès la VIIe siècle avant notre ère, ce monnayage a été imité, sinon pour les types, au moins pour la taille des espèces, dans un très grand nombre de villes grecques, particulièrement les colonies de Chalcis et d'Erétrie, sur les côtes de la Thrace, de l'Italie méridionale et de la Sicile. L'Eubée donna ainsi son nom à un système monétaire célèbre qu'on appelle le système euboïque, exclusivement appliqué aux monnaies d'argent. D'après les recherches de Imhoof Blumer, le système euboïque fut, dès la fin du VIe siècle, adopté à Athènes; il a pour base un drachme de 4,36 g. Voici d'ailleurs l'échelle de ses divisions. tétradrachme, 17,45 g; didrachme, 8,72 g; drachme, 4,36 g; hémi-drachme, 2,18 g; obole, 0,72 g. Dans certaines villes de la Sicile et de l'Italie méridionale, on trouve des tiers de tétradrachme, de 5,80 et des sixièmes du tétradrachme, de 2,90 g. Les fractions qui résultaient de ces divisions en tiers et en sixièmes pouvaient être regardées dans les transactions commerciales, aussi bien comme des divisions du système éginétique que comme des divisions du système euboïque, de même que le didrachme enboïque correspondait exactement au statère corinthien. En dehors des villes de l'île d'Eubée, et des monnaies archaïques incertaines qui peuvent être attribuées à l'Eubée ou à Athènes, Imhoof Blumer a constaté le système enboïque dans la taille des espèces, à Rhegium en Italie; à Himera, Zancle, Naxos en Sicile; enfin, dans la plupart des villes de la Chalcidique. Le système enboïque paraît originaire de Samos et avoir eu primitivement pour base la mine faible babylonienne, donc le statère est de 8,40 g. (E. Babelon). |
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