| Les Égyptiens de l'Ancien Empire, qui l'appelaient Serk-t, tenaient déjà, semble-t-il, en haute considération Alpha du Centaure. A cette époque, soit 3000 ans avant notre ère, son lever héliaque - c'est-à-dire juste avant le Soleil - correspondait à l'équinoxe d'automne, et pourrait même avoir motivé, selon le fondateur de l'archéoastronomie Norman Lockyer, l'orientation de plusieurs temples. Au temps d'Homère et d'Hésiode, et plusieurs siècles encore après eux, le ciel hellène ornait toujours ses nuits d'avril de la belle Alpha. Mais, au fil des âges, l'astre s'est lentement effacé sous l'horizon. Quand Ulugh-Beg, qui observait le ciel depuis Samarcande au 15e siècle, lui donna le nom de Rigil Kentaurus, le Pied du Centaure, l'étoile était en fait déjà hors de sa portée. | |
Ch. André 1900 | Ce système, l'un des plus beaux du ciel austral, est l'un des groupes binaires les plus tôt reconnus l'étoile Alpha Centaure a été trouvée double par le P. Richaud, à Pondichéry, en décembre 1689, dans les circonstances suivantes : "Regardant à l'occasion de la comète plusieurs fois les pieds du Centaure avec une lunette d'environ douze pieds, je remarquai que le plus oriental et le plus brillant. était une double étoile comme celui de la Croisade; avec cette différence toutefois que, dans la Croisade, une étoile paraît, avec la lunette, notablement plus éloignée que l'autre; au lieu qu'au pied du Centaure les deux étoiles paraissent, même avec la lunette, presque se toucher, quoique cependant on les distingue aisément [1]." [1] Mémoires de l'Académie des Sciences. Paris, 1692. - On the periodic time of a Centaure by E.-B. Powell (Monthly Notices of the Royal astronomical society, vol. XLV, P. 19). Un autre religieux, le P. Louis Feuillée (premier botaniste de Sa Majesté et correspondant de l'Académie royale des Sciences), retrouva vingt ans plus tard, le 4 juillet 1709, à Lima, le caractère binaire de cette étoile. Il se servait d'une lunette de dix-huit pieds et nota les deux étoiles comme étant de 3e et de 4e grandeurs. La troisième observation de Alpha Centaure a été faite par La Caille, en 1752, lors de son séjour au Cap de Bonne-Espérance; elle donne les différences en ascension droite et en déclinaison des cieux composantes; depuis, les observations ont été multipliées. C'est, en effet, l'une des plus intéressantes pour nous, l'étoile Alpha du Centaure étant la plus rapprochée de la Terre. |
| Si l'on adopte pour parallaxe de Alpha du Centaure le nombre 0",71 de Gill et Elkin [a], le demi grand axe de l'orbite est de 23,6 fois l'unité astronomique, soit la moyenne des demi grands axes d'Uranus et de Neptune; mais, en raison de sa grande excentricité, la distance des deux étoiles au moment du périastre surpasse à peine le demi grand axe de l'orbite de Saturne tandis qu'au moment de l'apoastre elle est de beaucoup supérieure à celui de Neptune. La masse totale du système est d'ailleurs double de celle du Soleil. D'autre part, nombreuses observations méridiennes de ces deux étoiles faites successivement au Cap de Bonne-Espérance par Maclear, Stone et Gill ont permis à Roberts d'obtenir le mouvement de chacune d'elles par rapport au centre de gravité commun et, par suite, le rapport des masses des deux composantes [2]. [2] A.-W. Roberts, Mass, proper motion and positions of a Centauri (Astronomische Nachrichten, n° 3313). En 1880 la position du centre de gravité du système était a=14h31m27s64, d = 60°20'20",64 et le mouvement propre commun exprimé par un arc de 3",66 sur le grand cercle. D'après cet astronome, les masses des composantes a2 et a1 sont entre elles dans le rapport : a2/a1 = 51/49. Les deux composantes ont donc sensiblement même masse et aussi même masse que le Soleil; a2 est un peu plus lourd que lui, tandis que a1 est au contraire un peu plus léger (2/100). D'autre part, la discussion des différentes déterminations de l'éclat relatif du Soleil et des étoiles porte à admettre due les éclats de a2 Centaure et du Soleil seraient les mêmes à la même distance : a2 Centaure serait donc, par sa lumière, ses dimensions et sa masse, comme un frère jumeau de notre Soleil; a1, au contraire, serait un peu plus petit et cinq ou six fois moins lumineux. Le système de Alpha Centaure est donc un des mieux connus. En 1915 découverte par R. Innes, Proxima se révèle plus proche encore. Comme son mouvement propre (son déplacement sur la voûte céleste) est le même que celui d'Alpha, on en fait a Centauri C, présument son appartenance au système de Rigil Kentaurus. Mais la question de son appartenance réelle reste posée. Proxima est très peu liée par la gravitation au système principal. En théorie sa révolution est accomplie en 750 000 ans. C'est une durée bien longue et la petite étoile peut être soumises à de nombreuses perturbations dans l'intervalle. Qui plus est, certains astronomes ont cru pouvoir déduire du comportement éruptif de Proxima un âge bien inférieur à celui des deux autres étoiles. Proxima n'aurait donc rien à voir avec les deux autres étoiles, et se trouver suivre simplement quelque temps la même route qu'elles. La première étoile à sursauts, UV Ceti, a été découverte en 1947 par Luyten. Les éruptions de Proxima ont été découvertes en 1950, par Shapley, à Harvard, par comparaison de centaines de clichés pris depuis le début du siècle. Depuis intéressent les astronomes parce qu'elle permet de mieux comprendre les mécanismes de la dynamo solaire. Proxima, dont on suppose que l'enveloppe est entièrement convective, fournit un bon modèle de la partie supérieur de l'enveloppe du Soleil, où l'on pense que le champ magnétique dipolaire de notre Soleil prend sa source. | [a] Cette parallaxe a d'abord été mesurée en 1839 par Henderson, lui aussi au Cap. |