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La
voix de basse est une voix d'homme, qui,
si on la considère comme on avait coutume de le faire autrefois,
et comme cela se fait parfois encore en Allemagne,
est la plus riche de toutes. Ainsi comprise, la voix de basse se divisait
en trois voix, la basse-contre, la basse-taille, le baryton
ou concordant; aujourd'hui, les Allemands distinguent souvent la basse
grave et la haute (tiefer Bass und hoher Bass); en France,
on divise seulement les voix masculines graves en basse et baryton. L'élévation
progressive du diapason a conduit les chanteurs à forcer leurs moyens
et, par suite, à confondre les différentes natures de voix.
L'ancienne voix de
basse-contre, la plus profonde des voix d'homme, a pour registre :
Elle n'était
admise au théâtre (opéra,
opérette) que comme basse récitante,
et pour servir de pédale vocale à de grands ensembles, et
l'on exigeait surtout une énorme puissance de son. Il y a, en Russie,
des voix de basse-contre qui descendent facilement jusqu'au do grave au-dessous
des lignes (clef de fa), et quelques-unes même atteignent le contre-la.
La voix de basse-taille
est la véritable voix de basse. On l'appelle de nos jours basse
chantante. C'est par erreur que le mot de basse-taille, dans le langage
courant, est pris pour synonyme de basse très profonde (ce qui est
étrange, c'est que Garcia lui-même,
dans la préface de sa méthode, a commis cette erreur). En
effet, ce mot de basse-taille vient de la dénomination de taille
donnée à la voix des troisièmes ténors.
Le registre de la basse-taille est celui-ci :
Quant à la voix
de baryton, il en a été parlé dans l'article relatif
à ce mot.
La voix de basse
fut très usitée en France
pendant les XVIIe et XVIIIe
siècles. Depuis les premiers opéras
français jusqu'à ceux de Gluck, on
trouve constamment des passages très surchargés d'ornements,
ou, pour dire comme à cette époque, de roulements confiés
à cette voix; dans la musique vocale
de chambre et les cantates, un grand nombre d'airs à boire ont été
écrits pour des basses telles que Thévenard. Les rôles
de Jupiter, de Pluton, de tyrans, revenaient de droit aux basses les plus
sonores et les plus ronflantes. On trouve trois basses dans le Tancrède
de Campra (1702). Ce ne fut qu'à la fin
du XVIIIe siècle que le chant de
basse dans l'école française, cessa d'être surchargé
de traits et de vocalises.
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Une
voix de basse : Paul Gérimon.
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sur l'image pour afficher la vidéo.
(source : Youtube).
Les Italiens
condamnaient cette voix à des vocalises
presque aussi rapides que celles des soprani.
Haendel lui-même a des passages, inexécutables
aujourd'hui, qui
exigent une sûreté
incroyable et le saut instantané de la voix de tête à
celle de poitrine; voici quelques mesures pour voix de basse, extraites
du rôle de Polifemo, dans l'une de ses première oeuvres, Acis
e Galatea :
Rossini
fut le premier qui introduisit en France
les coutumes italiennes. Quand il présenta à Dérivis
le rôle de Moïse, ce chanteur refusa; mais Levasseur, l'ayant
accepté, le tint avec un très grand succès. De ce
jour, la basse complète fut installée à l'Opéra.
Si cet événement eut d'heureuses conséquences, il
en eut aussi dont on ne doit pas se féliciter : les compositeurs
réunirent tous les registres en un seul, poussèrent les notes
élevées jusqu'au fa dièse au-dessus des lignes (clef
de fa). Aussi les rôles de basse complète trouvent-ils rarement
des chanteurs qui puissent les soutenir; parmi ces rôles indiquons,
au XIXe siècle, ceux de Bertrain,
dans Robert le Diable, de Brogni, dans la Juive.
Les plus célèbres
rôles de basse sont ceux d'Agamemnon et de Calchas, dans l'Iphigénie
en Aulide de Gluck; de Sarastro, dans la Flûte
enchantée
de Mozart; du Commandeur, dans Don Juan;
de Caspar, dans le Freischütz, de Weber,
basse-taille qui exécute deux fois de suite, en manière de
ricanement, la terrible gamme que voici :
Bien connu est le rôle
de Marcel, dans les Huguenots de Meyerbeer;
il en est de même du rôle de Méphistophélès,
dans le Faust
de Charles Gounod,
rôle de basse-taille que peuvent chanter des barytons.
Dans Wagner, les rôles de basse doivent
être souvent considérés comme des rôles de barytons;
ainsi le Wotan de l'Anneau du Niebelung;
mais, dans cette même oeuvre, nous trouverons Hunding, Fafner, Hagen,
qui sont des basses franches; il faut nommer aussi le roi, dans Lohengrin,
et l'admirable Hans Sachs des Maîtres
Chanteurs.
Parmi les chanteurs basses illustres, les Italiens ont eu Zucchelli, Botticelli,
Carthagenova, Lablache; les Allemands, Staudigl et Scaria; en France, nous
nommerons Levasseur, Serda, Alizard, Obin, Belval, Battaille, etc.
(Alfred
Ernst). |
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