| L'origine du mot ténor remonte à la formation même de l'harmonie. L'on sait que cet art, inconnu de l'Antiquité, et qui n'est parvenu à sa perfection qu'après de nombreux tâtonnements successifs, a consisté simplement, à son début, en des agrégations de chants préexistants, plains-chants ou chansons populaires, combinés, soit entre eux, soit avec des parties secondaires de l'invention des compositeurs. Ce chant préexistant, ou, pour faire usage d'un terme encore conservé dans le contrepoint, ce «-chant donné », servant de base à la composition harmonique, toujours présenté lentement, par longues notes prolongées, était appelé teneur (la partie tenue) ou ténor. A l'origine, c.-à-d. au Moyen âge, cette partie, support de tout l'édifice musical, était placée à la basse. Par la suite, elle monta d'un degré, et passa à la voix d'homme la plus aiguë ce fut ainsi que cette voix prit le nom de la partie qui lui était le plus habituellement confiée. La voix de ténor a pour étendue normale les notes ré² à sol3 : Elle peut être artificiellement développée de plusieurs degrés, surtout à l'aigu. Le registre de fausset de certains ténors s'élève parois jusqu'au diapason du soprano, et, depuis Duprez, il n'est pas de ténor d'opéra qui ne se croie obligé de donner le do de poitrine. Cette partie s'écrit, en principe, en clef d'ut (do) 4e ligne : c'est ainsi que l'ont toujours notée les maîtres jusqu'au commencement du XIXe siècle. Depuis cette époque, en raison de l'abandon progressif des clefs d'ut dans la lecture courante, on a pris l'habitude d'écrire la partie de ténor en clef de sol 2e ligne, comme celle de soprano, bien qu'elle sonne une octave au-dessous. Dans l'harmonie vocale à quatre parties, le ténor est donc la troisième partie (en commençant par l'aigu), intermédiaire entre le contralto et la basse. Il fut traité comme tel de tout temps en Italie, où la partie de contralto était chantée par des femmes ou des castrats. Il en fut de même en Allemagne ( les compositions vocales de Bach). En France, par suite de très anciens errements, c'était l'usage de ne faire chanter aux femmes que la partie supérieure : la deuxième partie était alors confiée à la haute-contre, voix de ténor artificiellement développée au suraigu, tandis que la troisième était chantée par la taille, voix de ténor maintenue à son diapason naturel. Cette disposition a été conservée dans les théâtres de musique français jusque dans le courant du XIXe siècle, pour l'écriture des choeurs aussi bien qu'à l'égard des solistes. - Une voix de ténor : Rolando Villazon. Cliquez sur l'image pour afficher la vidéo. (source : Youtube). Les principaux rôles d'hommes des opéras de Lulli, Rameau, Gluck, furent écrits pour des voix de haute-contre : tels sont Castor, de Castor et Pollux, la première des trois Parques dans le trio des Parques d'Hippolyte, et Aricie (dont la voix se tient presque constamment dans la région aiguë de ré3 à si bémol3), Achille d'Iphigénie en Aulide et Orphée (dans la version française de l'opéra de Gluck), qui monte jusqu'au contre-ré. Ces pratiques, produisant le plus souvent de véritables impossibilités d'exécution, sont des plus défavorables à la reconstitution fidèle des oeuvres de l'ancienne musique française. La voix de ténor se prête à l'interprétation des sentiments les plus divers, tour à tour sonore, douce, fraîche, légère, vibrante et souple. La plupart des rôles des grands amoureux dans les opéras des maîtres sont écrits pour ténor : citons par exemple Renaud, dans les deux Armide de Lulli et de Gluck; Don Ottavio de Don Juan et Tamino, de la Flûte enchantée; Fernand Cortez, dans l'opéra de Spontini; Arnold, de Guillaume Tell; Raoul des Huguenots; Faust de Berlioz et de Gounod, et Roméo de ce dernier; Enée des Troyens; Tannhauser, Lohengrin, Tristan, Siegfried, Parsifal, etc. Parmi les ténors les plus célèbres, mentionnons la haute-contre Jélyotte, qui chanta les opéras de Rameau; Le Gros, qui fut l'interprète de Gluck; Garat, le célèbre chanteur du Directoire; le ténor d'opéra-comique Elleviou; Nourrit et Duprez, à l'Opéra, entre 1830 et 1840; au théâtre Italien, Garcia, Rubini; Marie, Tamberlick; le chanteur wagnérien Schnorr de Carolsfeld, qui établit définitivement l'interprétation de Tannhauser et créa Tristan; plus tard vinrent Jean de Reszké, Van Dyck, Tamagno, etc. (Julien Tiersot). | |