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La
Lune
à
l'âge de la photographie
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Les premières
photographies de la Lune
datent de 1840. Même si cette
nouvelle technique ne parvient pas à rivaliser avec l'observation
directe pour ce qui concerne la finesse des détails qui peuvent
être déceler, elle apporte une certaine objectivité,
qui permettra son utilisation pour réaliser de nouvelles cartes
de notre satellite. L'Atlas photographique de la Lune, réalisé
par Loewy et Puiseux
entre 1894 et 1910
constitue sans doute le couronnement de cette approche. Mais la photographie
a aussi d'autres avantages très tôt reconnus. Ainsi va-t-on
l'utiliser pour des études photométriques, ou encore pour
explorer les plages du spectre électromagnétique situées
au-delà du domaine visible. Aujourd'hui, la photographie classique
n'est plus guère utilisée par les astronomes. Elle a cependant
connue un dernier moment de gloire, lors du programme d'exploration de
notre satellite dans les années 1960,
à l'occasion duquel on a pu prendre des clichés de la Lune
"sur place".
Dates
clés :
1840
: Premières photographies de la Lune.
1894
-1910 : Parution de l'Atlas photographique de la Lune de Loewy
et Puiseux.
1959
: Premier cliché de la face opposée de la Lune par
la sonde Luna-3.
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Les
premières photos...
C'est Arago qui,
dès 1840, eut l'idée
d'appliquer la photographie à l'étude du ciel et plus spécialement
de la surface lunaire. La même année, J. W. Draper (père
de Henry D.), à New York,
réussit la première photo de la Lune. Celui-ci écrivait
à l'époque que "il était généralement
admis que la lumière de la Lune ne contenait aucun rayon actinique,
et qu'elle était donc sans aucun effet sur les les composés
d'argent utilisés en daguerrotypie". Il utilisa cependant un
télescope de 5 pouces et prit plusieurs clichés qui furent
présentés au Lycemum of Natural History de New York.
En 1850,
Bond, qui utilisait à Cambridge
(Massachusetts) un réflecteur de 15 pouces réussit une photo
de notre satellite en entier, puis, lors de la Grande Exposition qui se
tint à Londres en 1851
plusieurs autres images furent montrées. Entre 1850
et 1857, Secchi
à Rome, Bertch et Arnaud en France, Dancer
(dès février 1852), puis
Phillips (1853), Harnup, Crookes
(1855), De la
Rue, Frye, Baxendell, Williamson et Huggins
en Angleterre réussirent d'autres clichés. Aux dires de Crookes,
les temps de pose utilisés pendant cette période pour photographier
la Lune varient selon les instruments entre six secondes et six minutes.
On obtiendra par ailleurs en 1857
des clichés de Jupiter
en 5 secondes et de Saturne
en 1 minute. Et ces travaux seront l'occasion de jeter les toutes premières
bases de la photométrie photographique, et d'en soupçonner
les subtilités. Ainsi De la Rue expose-t-il, en 1858,
les résultats de ses comparaisons auxquelles il s'est livré.
Il lui est apparu que la Lune était (en termes photographiques)
2 à 3 fois plus brillantes que Jupiter, alors que si l'on s'en tenait
à l'estimation mathématique de son éclairement, on
pouvait constater qu'elle recevait 27 fois plus de lumière que Jupiter.
On doit à Bond, à partir de 1860
et Zöllner, à partir 1865,
la consolidation de ces premiers travaux de photométrie.
H.
Faye s'attacha dès 1872
à montrer par ailleurs l'importance de la photographie pour étudier
la géologie de la Lune. Janssen, après
lui fit remarquer en 1879
que la photographie est en astronomie un plus puissant moyen d'investigation
que les lunettes. En effet, le spectre photographique a une étendue
égale aux quatre tiers du spectre oculaire, les plaques photographiques
sont impressionnées par les rayons ultraviolets, que l'oeil ne peut
percevoir, et les actions lumineuses s'ajoutent sur les plaques photographiques,
tandis que l'intensité de l'image formée dans l'oeil cesse
de croire à partir d'un dixième de seconde. La photographie
donne des images complètes des disques lumineux, tandis que le champ
visible d'une lunette est d'autant plus restreint que celle-ci est plus
puissante; par suite, la photographie a permis d'étudier la Lune
dans son ensemble, ce qui était impossible avec les lunettes. De
là, le rôle prioritaire que jouera la photographie à
partir de cette époque pour l'étude de la Lune.
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La première
photographie que l'on peut donner de la Lune comme fournissant une très
bonne définition avaient été celle de Rutherfurd,
astronome à New York (1863)
[a]. J.
Nasmyth publiera également des clichés remarquables en
1874. Et il faut ensuite attendre jusqu'en
1880 pour avoir une bonne image nouvelle,
obtenue par Common, à Ealing (Angleterre).
Burnham a publié une excellente épreuve
en 1888, grâce au puissant instrument
de l'observatoire Lick, et aux bonnes conditions climatiques dans lesquelles
se trouve le mont Hamilton. Prinz, de Bruxelles, obtient une image très
satisfaisante en 1889. Les frères
Henry, aussi savants astronomes qu'habiles opticiens,
donnent, en 1890, une image photographique
très belle. En 1891, Holden
et Campbell dirigent de nouveau le grand équatorial
de l'observatoire Lick sur notre satellite, et en publient d'excellentes
images. Les frères Henry, puis les astronomes du mont Hamilton,
en 1893, fournissent de nouvelles épreuves.
L'observatoire de Paris
a commencé en 1894, la publication
d'un Atlas photographique de la Lune. M. Loewy,
qui deviendra directeur de cet établissement à partir du
1er décembre 1896,
exécute activement cet Atlas en se servant de son grand équatorial
coudé; il a été secondé par P.
Puiseux.
L'équatorial
coudé consiste en une lunette astronomique brisée il angle
droit, ayant un miroir plan dans cet angle; ce miroir et un autre miroir,
placé à côté de l'objectif, sont disposés
de telle sorte que les rayons lumineux se réfléchissent dans
la direction de l'axe du Monde; il a une grande stabilité : il évite
l'emploi des coupoles, dont la construction et l'entretien sont si coûteux,
et aux observateurs la fatigue et la perte de temps. L'idée de cet
instrument remontait à 1871
quand Loewy l'avait présentée à Delaunay,
qui l'avait approuvée, mais ce fut seulement en 1882
que, grâce à une importante donation de Bischoffsheim, ce
premier équatorial coudé, dont l'objectif était de
0,27m de diamètre, avait pu être installé à
l'Observatoire de Paris.
Le grand équatorial coudé, établi en 1891,
de 18 m, de distance focale et de 0,60 m d'ouverture, permettra d'obtenir
une image directe de la Lune plus grande que celles que l'on avait eues
jusque là; elle se trouve dans l'Atlas de Loewy et Puiseux.
Cet atlas sera formé de planches tirées
en héliogravure d'après des clichés de notre satellite,
et d'un texte sur la constitution de l'écorce lunaire. L'Observatoire
Lick, sur le mont Hamilton (Californie),
inauguré en 1888,
dirigé d'abord par Holden et depuis 1898 par Keeler, a aussi entrepris
en 1896
un atlas analogue, mais moins grandiose, avec un équatorial de 0,
914 m d'ouverture. Les fonds nécessaires à l'établissement
de cet Observatoire ont été légués par Lick
et les frais de publication de cet Atlas sont faits par W.-W. Law.
Des photos examinées
à la loupe
Les clichés
photographiques permettent un examen "à froid" des astres. En les
examinant minutieusement on peut y espérer déceler quantité
de détails qui auraient pu échapper à l'observation
directe (on n'ose dire "à chaud", quand on songe dans quelles conditions
s'est longtemps pratiquée l'observation astronomique). Cette opportunité
nouvelle offerte par la photographie n'est cependant pas dépourvue
de pièges. Ainsi a-t-on assisté pendant quelque temps à
un renouveau d'anciennes idées sur l'atmosphère lunaire et
sur l'éventuelle présence d'eau à sa surface.
Loewy et P. Puiseux,
après avoir examiné les agrandissements de leurs clichés
de la Lune, se sont ainsi montrés, en 1887,
plutôt favorables à l'existence d'une atmosphère très
rare autour de cet astre, contrairement à l'opinion de Bessel
qui avait calculé que cette atmosphère, ne pouvant atteindre
qu'un millième de celle de la Terre, serait tout à fait inappréciable.(La
question, en fait, ne sera définitivement tranchée qu'en
1956,
grâce à l'observation d'une occultation
par la Lune de la radiosource du Crabe).
En outre, les astronomes
ont acquis la conviction que la Lune a eu autrefois une atmosphère
plus dense qu'à présent, en analysant les résultats
des supposés phénomènes volcaniques dont ils pensaient
observer les marques à sa surface. Enfin, si eux ont cru avoir prouvé
qu'il n'existe actuellement en quantité appréciable sur Ia
Lune ni eau, ni glace, et qu'on ne saurait imaginer quelles formes organisées,
même les plus rudimentaires, pourraient y vivre, ils n'ont pas complètement
éteint l'idée selon laquelle la Lune aurait pu avoir dans
le passé air, vent, ni nuages, pluies, et eaux...
Quelque auteurs,
ont noté par ailleurs que certains cratères à demi
ensevelis sur les rives des mers semblent témoigner que des nivellements
postérieurs à leur formation ont dû être causés,
soit par des alluvions, soit par des sédiments, dans une certaine
phase plus météorologique que géologique. Ne semblait-il
pas, ici ou là, que l'on observe les ruines de cratères jadis
inondées à leur pied, et que leur aire comme leurs alentours
aient pu être ensevelis sous un déluge de boue ou sous un
empiétement de sables poussés par le vent? Le sol lunaire
offre un grand nombre d'exemples analogues (et à la fin du XXe
siècle, comme au début du
XXIe,
on trouvera des arguments analogues, avancés, cette fois en faveur
de l'hypothèse d'une présence ancienne d'eau liquide sur
Mars...). |
[a]
Les premiers travaux photographiques (Lune et étoiles jusqu'à
la 5e magnitude) de Rutherfurd datent en fait de 1858.
Il Utilisait un réflecteur équatorial de 11,25 pouces d'ouverture
et de 14 pieds de focale. Rutherfurd l'abandonnera après 1861
pour lui préférer un réfracteur de mêmes dimensions,
et qui sera complètement opérationnel à partir de
1864. |
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Les plus
petits détails
La
Lune étant l'astre le plus rapproché de la Terre
(pas assez cependant pour que nos meilleurs instruments nous la fassent
voir à 1 m, comme avait voulu le laisser croire, en 1835,
une mystification cherchant à impliquer John
Herschel...,
ou comme l'avait espéré Robert Hooke
qui avait cru qu'on pourrait un jour construire des lunettes avec lesquelles
on arriverait non seulement à connaître la constitution physique
de la surface lunaire, mais à y distinguer des habitants, qui seraient
de la taille de ceux de la Terre.), il est curieux de savoir quelles doivent
être les plus petites dimensions des moindres détails que
nous pouvons reconnaître sur le globe de notre satellite.
Prinz,
astronome à l'observatoire de Bruxelles, a longuement étudié
cette question, et nous extrayons de l'article qu'il a publié dans
Ciel et Terre, les passages qui suivent :
Le
diamètre de la Lune à sa distance moyenne étant de
3 480 000 m, pour un angle de 31' 8" = 1868", il en résulte que
1" d'arc vaut 1 863 m. c'est cette valeur qui nous servira de base. Prinz
a choisi les objets les plus favorablement situés et les plus petits
de chaque épreuve, et il a mesuré leurs images sur verre
ou sur papier au moyen d'un microscope muni d'un micromètre. Voici
les résultats qu'il a obtenus : les photographies de Rutherfurd,
très jolies à l'oeil donnent pour grandeur de 1" d'arc du
disque lunaire 0,21m, et comme un détail appréciable du sol
de notre satellite doit avoir 1" 6 environ, la dimension minima de ce détail
est donc 3 000 m. environ. Avec les photographies de Common. la plus petite
largeur d'un objet visible atteint 6 000 m. Les images de Prinz nous donnent
des détails mesurant d'abord 7 900 m, puis 4 200 m. Les épreuves
de Burnham font voir des longueurs de 3 600 m, 3 700 m, 6 000 m. Les photographies
des frères Henry nous montrent de plus fins détails, correspondant;
suivant les épreuves, à 3 200 m, 3 000 m, 2 250 m. Les images
de Holden et Campbell signalent des objets de 2 800 m, 3 500 m, 3 000 m,
4 300 m, 2 900 m. Les nouvelles épreuves des frères Henry
(1893)
font voir des détails de 2 320 m. Celles de l'observatoire Lick
semblent donner des longueurs de 630 m. et même 315 m. (Dans tous
les cas, les astronomes s'accordent à reconnaître que l'oeil
perçoit des détails que la photographie est impuissante à
nous révéler).
Les
photographies de Loewy et Puiseux, "bien supérieures" encore, selon
Weinek, directeur de l'observatoire de Prague
resteront une référence pendant une grande partie de XXe
siècle.
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Une
photo des Apennins lunaires obtenue par Nasmyth en 1874.
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"On
se formera une idée exacte de la nature des terrains lunaires par
l'admirable photographie [ci-dessus]. Ne dirait-on pas, à l'aspect
de cette photographie, que l'on est transporté en ballon à
quelques lieues seulement au-dessus du sol lunaire, et que de là
nous eu saisissons dans tous ses détails le relief si étrange?
Chaque cirque, chaque cratère, chaque crête de la chaîne
de montagnes, chaque rocher, pour ainsi dire, est visible, non seulement
par lui-même, mais encore par l'ombre qu'il projette à l'opposé
de l'éclairement solaire. L'astre du jour, élevé depuis
peu au-dessus de l'horizon [du haut], éclaire le relief du sol par
ce côté, et les ombres se projettent [vers le bas] en s'allongeant
sur le terrain, comme nous le voyons ici au soleil levant et au soleil
couchant. La grande chaîne qui s'étend sur la région
supérieure et [tout l'angle droit] de la photographie est la plus
élevée et la plus accidentée des chaînes de
montagnes lunaires : c'est la chaîne des Apennins qui ne mesure pas
moins de 720 kilomètres de longueur, et dont les plus hauts sommets
dépassent 6000 mètres de hauteur. Le terrain s'élève
insensiblement, comme on le voit, et atteint de montagne en montagne ces
hauteurs formidables qui surplombent à pie la plaine où l'on
voit s'allonger leurs ombres. C'est assurément là une des
scènes les plus grandioses et les plus sublimes de la nature lunaire...
Combien de fois ne suis-je pas resté l'oeil attaché au télescope,
pendant des heures entières, dans les soirées qui avoisinent
le premier quartier, en contemplation et presque en extase devant cette
merveille éblouissante, apparaissant précisément telle
qu'on la voit ici photographiée, et attirant invinciblement l'oeil
et la pensée sur ce grand spectacle, vu de trop loin encore!
Au
nord des Apennins [gauche de l'image], le grand cratère béant
qui domine est Archimède, dont le diamètre est de 83 kilomètres
et la hauteur de 1900 mètres. A côté de lui on remarque
deux autres cratères le premier, à l'ouest [en haut, à
gauche], est Aristillus; le second, [à sa droite], est Autolycus.
Cette
même photographie montre les rainures bizarres qui se sont ouvertes
à travers certaines plaines lunaires. L'une commence au rempart
sud d'Archimède et s'étend à près de 150 kilomètres,
d'abord large d'un kilomètre et demi, puis s'amincissant; l'autre
commence de l'autre côté du même cratère et descend
en serpentant vers le nord. Ces fissures ont plusieurs kilomètres
de profondeur, et en certains endroits des éboulements en ont obstrué
le fond : leur chute est presque à pic. Deux autres rainures considérables
filent le long des Apennins, au Soleil comme à l'ombre des montagnes,
etc.
Supposons
qu'un voyageur, arrivant du petit groupe de montagnes situé à
l'ouest de ces deux cratères, pense traverser la plaine pour arriver
entre eux et continuer son chemin par le nord d'Archimède pour se
rendre vers le cratère Ératosthène qui borde l'est
[angle en bas à droite] de notre photographie. Le voilà tout
à coup arrêté par un abîme de 1300 mètres
de large! Quel détour ne devra-t-il pas faire pour le contourner!
Et quel autre détour ne devra-t-il pas subir encore lorsqu'en arrivant
au nord d'Archimède, il trouvera à ses pieds un autre précipice,
non moins formidable !" (C. Flammarion, Les Terres du Ciel, 1884).
...
Et les dernières
Au XXe
siècle, plusieurs atlas photographiques
de la Lune ont été publiés, comme celui de Gerard
Kuiper (1960).
On se contentera de noter que les dernières grandes étapes
de la photographie de la Lune (avant que ce moyen d'étude ne soit
supplanté par les supports électronique) datent des années
qui ont immédiatement précédé le programme
d'exploration spatiale de la Lune, ainsi que des années qui correspond
à ce programme lui-même, et auxquelles on doit des photographies
in situ.
Elles sont représentées
en premier lieu par l'atlas lunaire réalisé à
l'aide des clichés obtenus à l'observatoire du Pic du Midi
entre 1959
et 1963,
(Kopal, Klepesta, Rackham), qui comprend 200 cartes au 1/ 1 000 000. Il
convient ensuite de signaler la première photographie de la face
opposée de la Lune obtenue en 1959
par la sonde soviétique Luna 3, puis la foule de clichés
obtenus à l'occasion de la préparation du programme américain
d'exploration humaine par les sondes Surveyor (87 674 clichés obtenus
en partie depuis le sol lunaire entre 1966
et 1968),
et, pendant la même période, par les sondes Lunar Orbiter.
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En
bibliothèque - G.
Kuiper, Photographic Lunar Atlas, 1960. Zdenek Kopal, Joseph Klepesta,
Thomas W. Rackham. A New Photographic Atlas of the Moon, New York,
Academic Press, 1971. A. Viscardy, Atlas photographique de la Lune,
Masson, 1997.
En
librairie - Michael Light, Pleine
Lune, La Martinière, 2002 (un choix des plus belles photos de
la Lune prises lors du programme Apollo); Jean Lacroux, Christian Legrand,
Découvrir la Lune, Bordas, 2000 (Un guide photographique
de la Lune accessible aux débutants). |
Le
site d'alunissage d'Apollo 11. Photo (réduite) extraite
du
Lunar
Orbiter Photographic Atlas of the Moon.
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