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Héraclite est un philosophe grec, né à Éphèse vers 576 av. J.-C., mort vers 480 av. J.-C. Appartenant à une famille riche et puissante, il prit parti, dans les luttes politiques qui déchiraient sa cité, pour l'aristocratie; il paraît avoir été peu en faveur auprès de ses concitoyens. Sa vie nous est d'ailleurs fort peu connue, et quelques renseignements conservés par divers historiens sont plus que suspects : telles sont entre autres les anecdotes racontées par Diogène Laërce et relatives à sa maladie et à sa mort. Ainsi nous raconte-t-il, Héraclite occupa une haute magistrature; mais, ayant été victime d'une injustice il renonça aux affaires et se retira loin de la société des hommes sur une montagne solitaire, où il vivait d'herbes et de racines. Accablé d'infirmités précoces, il se laissa mourir de faim, à l'âge de 60 ans. Il faut écarter aussi l'assertion de quelques auteurs chrétiens d'après laquelle il aurait été persécuté pour cause d'athéisme. Théophraste nous apprend qu'il était d'humeur mélancolique, et c'est ce que semblent confirmer quelques-uns des fragments de ses oeuvres qui nous ont été conservés. Toutefois, les anecdotes racontées par Diogène Laërce sur sa misanthropie ne méritent aucune créance. La tradition d'après laquelle il pleurait de tout, tandis que Démocrite riait de tout, est un conte absurde. Nous ne savons rien de ses maîtres. C'est à tort qu'on l'a parfois considéré comme un disciple de Xénophane. Il avait composé un ouvrage Sur la Nature, écrit en prose ionienne, et célèbre, comme l'attestent Aristote et Lucrèce, par son obscurité. Nous en avons quelques fragments qui confirment ce témoignage des anciens : nous y voyons aussi qu'Héraclite avait de lui-même la plus haute opinion : il se désigne comme un de ces humains qui à eux seuls valent plus que des milliers d'autres. Les Lettres qu'on lui a parfois attribuées ne sont certainement pas authentiques. Monnaie d'Ephèse Représentant Héraclite. Héraclite occupe une place très importante dans l'histoire de la philosophie grecque (Les Présocratiques). Le premier, et sans se rattacher à aucune école antérieure, il a exposé une doctrine philosophique très profonde, en opposition à la fois avec l'opinion commune et avec les théories des autres philosophes. Plus tard, ses doctrines exercèrent une grande influence sur l'esprit de Platon qui les conserva, en ce qu'elles ont d'essentiel, dans son système. A une époque ultérieure, la physique des stoïciens fut, avec des modifications importantes, il est vrai, la reproduction de celle d'Héraclite : et des philosophes qui sembleraient devoir être à tout égards les plus éloignés de sa manière de voir, tels que Enésidème, lui firent cependant, sur des questions capitales, de notables emprunts. Héraclite déclare que, de quelque côté qu'il se tourne, il ne trouve nulle part la connaissance vraie. Le commun des humains n'a aucune intelligence de l'éternelle vérité : l'ordre du monde n'existe pas pour lui ; la vérité lui paraît incroyable : il est sourd à sa voix, même quand elle frappe ses oreilles. Les humains qui ont acquis un grand renom, à l'exception toutefois des Sept sages de la Grèce, n'ont guère plus de prestige à ses yeux : il s'exprime fort durement sur Hésiode et sur Homère, sur Pythagore et Xénophane. Sa doctrine philosophique est en contradiction directe avec celle de l'école d'Elée. Tandis que celle-ci proclamait l'être absolument un et immobile, Héraclite ne voit partout que multiplicité et changement. Rien dans le monde entier ne demeure un seul instant identique à soi-même : tout passe, tout change, tout meurt à chaque moment. C'est ce qu'il exprimait par ces formules restées célèbres : Tout coule et on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve. Aucune chose n'est à proprement parler : tout devient, tout passe d'un contraire à l'autre : tout se confond, les contraires sont identiques, et c'est un même être, toujours fuyant, qui revêt tour à tour les formes les plus opposées. Le jour devient la nuit, et la nuit le jour (Le jour et la nuit); le petit devient grand, et l'invisible visible; le haut et le bas, ce qui est salutaire et ce qui est nuisible, le commencement et la fin, le mortel et l'immortel, ne diffèrent pas. L'été et l'hiver, la guerre et la paix sont identiques: l'argile dont les choses sont faites revêt sans cesse de nouvelles formes. « Le monde, dit-il, n'a été créé [Cosmogonie] par aucun des dieux ni par aucun des humains : mais il a toujours été, il est et il sera un feu, éternellement vivant, s'allumant et s'éteignant selon la loi. »Les historiens et les critiques ne sont pas d'accord sur ce qu'il faut entendre par ce feu, qui est le principe de tout. Selon Ed. Zeller, cette proposition ne résulte pas, par une réflexion consciente, du principe métaphysique: il ne conteste pas que l'explication d'Héraclite soit en son principe une explication physique : l'imagination du philosophe revêt tout d'abord d'un symbole physique cette loi du changement qu'il a observée partout; et sa conscience ne sait pas encore distinguer entre l'idée générale et la forme sensible sous laquelle cette idée est exprimée. En d'autres termes, le feu primordial n'est pas le feu que nos sens peuvent apercevoir; ce n'est pas non plus une substance immuable, demeurant toujours qualitativement la même, qui aurait servi à former les autres choses. C'est le principe actif, l'essence des éléments, qui circule éternellement dans toutes les parties de l'univers, et produit la transformation incessante des choses. Le rayon de feu ou l'éclair [la foudre et les éclairs], c'est l'élément chaud, le principe de la chaleur, qu'il appelait peut-être aussi l'éther. Enfin, l'évolution et les transformations de ce feu essentiel ne se font pas au hasard ; elles sont au contraire soumises à une loi divine, à laquelle tout obéit, à la Dikê, au Logos, qui s'appelle encore la destinée ou la nécessité, dont rien dans le monde ne saurait enfreindre les arrêts. Il y a ainsi une force organisatrice et divine qui anime le monde et le gouverne sans en être distinguée : Dieu ou Zeus ne diffère pas du monde; il lui est immanent. Cette raison universelle ne diffère pas non plus du feu. C'est, comme le diront plus tard les stoïciens, qui s'approprieront la conception panthéiste d'Héraclite, un feu artiste et raisonnable qui amène méthodiquement toutes choses à l'être. Telle est, dans ses grandes lignes, la conception philosophique d'Héraclite. Elle diffère, non seulement, comme on l'a vu, de celle des Eléates, mais aussi de celles d'Empédocle, d'Anaxagore et de Démocrite par son caractère nettement dynamiste. Sur sa théorie de la connaissance, nous savons peu de chose il considérait les sens comme trompeurs, et mettait la raison au-dessus d'eux. Mais il ne paraît pas avoir approfondi les questions de cet ordre. On trouve encore dans les Fragments nombre de vues morales, politiques ou religieuses. Il méprise la vie de la plupart des humains qui, dit-il, vivent comme le bétail, naissent, procréent des enfants, et meurent sans jamais viser à un but plus élevé. L'humain raisonnable doit obéir à la loi générale. Il dépend de l'humain d'être heureux; il suffit de se conformer à l'ordre du monde, qui est toujours tel qu'il doit être. En politique, il considère les lois humaines comme une émanation du divin, et déclare que rien n'est plus nécessaire au salut de l'État que la suprématie de la loi. Un peuple doit combattre pour sa loi comme pour ses murs. Cette suprématie de la loi ne doit être sacrifiée ni à la domination d'un seul, ni à celle de la multitude qui ne sait pas, dit Héraclite, obéir au meilleur ni supporter aucune supériorité. Enfin il traite les questions religieuses avec un grand respect pour les croyances populaires; il croit aux révélations (Oracle) de la Sibylle, et parle de Zeus et d'Apollon sur le ton d'un théologien ou d'un croyant : il a même une prédilection marquée pour les appellations mythologiques, sans qu'on puisse voir comment ses croyances s'accordent avec ses théories philosophiques. (Victor Brochard). La pensée d'Héraclite d'après les auteurs anciens
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Héraclite est un mathématicien grec, d'époque inconnue, cité par Pappus pour un problème qui est parfois donné à tort sous ce dernier nom : par un point situé sur la bissectrice d'un angle droit, mener une droite dont la partie interceptée par les côtés de cet angle ait une longueur donnée. C'est peut-être le même qu'un Heracleitos ou Heracleios (?), auteur d'une Vie d'Archimède, citée par Eutocius dans son commentaire sur Apollonius. |
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