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Henri le Lion est un duc de Saxe (1139-1181), né à Ravensburg en 1129, mort à Brunswick le 6 août 1192, un des plus remarquables personnages du Moyen âge, digne émule de son cousin Frédéric Barberousse. Son histoire est intimement liée à celle de l'Allemagne et des trois empereurs sous le règne desquels il vécut, Conrad Ill, Frédéric Ier et Henri VI. Fils de Henri le Superbe, duc de Saxe et de Bavière, il n'avait encore que dix ans lorsque la mort de son père, qui venait de perdre la Bavière, lui transmit le duché de Saxe. Albert l'Ours ne put le lui enlever. Sa grand-mère Richenza (morte en 1141) et sa mère Gertrude administraient en son nom et les Saxons lui restaient fidèles. La diète de Francfort (1142) le confirma dans la possession du duché de Saxe. Sa mère se remaria avec Henri Jasomirgott, qui reçut le duché de Bavière. Dès qu'il fut majeur, Henri le Lion revendiqua le duché de Bavière, en prit le titre et s'allia à son oncle Welf VI contre son beau-père. En même temps, il affermissait son autorité en Saxe et prenait une part active à la guerre contre les Slaves. Ceux-ci étaient encore maîtres du Nord de l'Allemagne depuis les cantons des Dithmanes et de Stortnarn contigus à la mer du Nord, jusqu'à la Vistule, divisés eu peuplades rivales, mais unis par la vénération pour le sanctuaire d'Arcona (Rugen) et la haine des colons allemands. Le duc de Saxe, puis empereur Lothaire, avait pour les combattre favorisé la constitution de véritables principautés territoriales, celles d'Adolphe de Schauenburg en Holstein, d'Albert de Ballenstaedt dans la Marche du Nord, préparant à la fois la con-quête du pays slave et le démembrement de la Saxe. Henri le Lion recueillit ce qu'avait semé son grand-père. La lutte contre les Slaves fut marquée par la croisade de 1147; tandis qu'au Sud opéraient contre Demmin et Stettin, Albert l'Ours et Conrad de Misnie, au Nord Henri le Lion marchait contre Dobin, forteresse de Niklot, l'habile prince des Abodrites. Ce ne fut qu'un demi-succès; mais, dans les années suivantes, le duc de Saxe, grâce au concours d'Adolphe de Schauenburg et des évêques, surtout d'Hartwig, archevêque de Brême, étendit son influence sur les Wendes; beaucoup furent convertis au christianisme, les évêchés d'Oldenbourg, Ratzebourg, Mecklembourg, relevés. En même temps, il s'efforçait de se rendre complètement le maître en Saxe et dans les pays conquis par lui; il déclarait que, dans le pays wende, il était maître par la grâce de Dieu; il obligeait l'évêque d'Oldenbourg à recevoir de sa main l'investiture; il administrait, levant l'impôt en son propre nom. Bientôt il réitéra sa réclamation du duché de Bavière et, ayant rassemblé une armée, se rendit dans ses domaines de Souabe. Mais sur le chancelier du Saint-Empire Wibald, l'empereur s'entendit avec les barons saxons indociles et Albert l'Ours, ce qui força le Lion à courir à la défense de Brunswick sa capitale (1151). Sur ces entrefaites, la mort de Conrad III appela à l'Empire Frédéric de Souabe. Celui-ci eut pour politique l'entente avec les Welfs (Frédéric Ier , Guelfes), accorda satisfaction à Henri le Lion, réglait ses contestations avec Albert l'Ours, l'autorisant à investir (mais au nom de l'empereur) les évêchés wendes; enfin il lui conféra le duché de Bavière, retiré à Henri Jasomirgott, mais affaibli par le démembrement de l'Autriche. La puissance de Henri le Lion était alors vraiment royale; ses domaines s'étendaient sur toute l'Allemagne et l'Italie, de la Baltique à l'Adriatique. Il se comportait en maître exclusif, favorisant le commerce de ses villes de Lunebourg, Bardewick, etc., s'efforçant d'enrayer celui des autres comme Lubeck, au risque de se brouiller avec son fidèle vassal Adolphe de Schauenburg. Quand Adolphe lui eut cédé Lubeck, il lui prodigua au contraire les privilèges et en fit la première ville de l'Allemagne septentrionale. En lutte avec l'archevêque de Brême, il traite sa ville en place conquise, le dépouille de son autorité métropolitaine. Il noue des relations avec les rois et les cités de Danemark, de Norvège, de Suède, de Russie. L'alliance intime de Henri le Lion et de Frédéric Barberousse fut également avantageuse aux deux cousins. En Italie, le duc accompagnait l'empereur et décidait la prise de Rome (1155), collaborait à la conquête de la Lombardie (1158), la prise de Crême (1160), au châtiment de Mayence (1163). Renonçant à la politique traditionnelle des Welfs (Guelfes), il prit parti contre le pape. En revanche, Frédéric le soutenait contre ses vassaux, et cette assistance réciproque maintenait le pouvoir royal comme le pouvoir ducal, très menacés par les prétentions des princes territoriaux qui morcelaient l'Allemagne. En Bavière, comme en Saxe, Henri favorise le commerce et la création des villes; il fonde Munich en y faisant passer la route vers les salines de Reichenhall. Mais sa grande activité se portait au Nord. Dans l'intervalle des campagnes de Frédéric, il y continue la conquête. Il rapporte d'Italie des machines de siège à l'aide desquelles il emporte une à une les forte resses des Abodrites. Niklot est tué (1160); ses fils Pribislav et Vratislav sont forcés dans leurs forêts marécageuses. La catastrophe de Mecklembourg est vengée par une grande expédition qui consomme la conquête (1164). Pribislav se soumet et reçoit à titre de fief saxon la moitié de ses anciennes possessions. Sa fille naturelle épouse le fils de Henri. Dans les terres dévastées viennent s'établir des colons hollandais, flamands, westphaliens, saxons; des forteresses y sont construites, des villes fondées; le duc crée des comtes, notamment celui de Schwerin, choisit pour évêques des serviteurs fidèles. Allié à Valdemar II du Danemark, il fait une guerre acharnée aux pirates slaves. Il répudie au bout de quinze ans sa femme Clémence de Zaehringen (1162) et plus tard épouse Mathilde, fille de Henri II d'Angleterre, nouant ainsi une alliance qui dominera la diplomatie de la fin du XIIe siècle. La mort d'Albert l'Ours délivre le duc de Saxe de son principal rival. Les princes slaves de Poméranie et de Mecklembourg s'entendent avec lui pour propager le christianisme et la colonisation allemande. La situation est si solide que Henri le Lion peut quitter ses Etats pour un pèlerinage à Jérusalem. Laissant la régence à sa femme Mathilde, il part, avec une véritable armée, escorté par les comtes de Schwerin et Blankenburg, par Pribislav, par l'évêque de Lübeck, etc. Il descend le Danube, reçoit à Constantinople, à Jérusalem, un accueil royal, et, après avoir visité les lieux saints, revient par Antioche et Iconium, chargé de présents et de reliques (1172-1173). La puissance que l'orgueilleux et égoïste chef des Welfs avait acquise grâce à son intime union avec le chef des Hohenstaufen fut détruite par leur rupture. Déjà l'accord avait été ébranlé lorsque Henri le Lion refusa d'acheter à son oncle Welf VI, resté sans enfants, ses fiefs italiens que celui-ci vendit alors à l'empereur. Il fut rompu en 1176 par le refus du duc de Saxe de participer à l'expédition d'Italie. Le résultat fut la défaite de l'empereur en Italie, mais aussi la ruine de l'Etat que Henri s'efforçait de créer sur l'Elbe et la Baltique. Dès qu'il apprit la paix de Venise, il se hâta de traiter avec les Slaves de Poméranie qu'il assiégeait dans Demmin. Son pire ennemi, Ulrich, auquel il avait enlevé l'évêché d'Halberstadt, y fut rétabli par l'empereur et défit les vassaux du duc (1178). Celui-ci s'efforça de se réconcilier avec son cousin à Spire; mais il fut ajourné à la diète de Worms et n'osa y venir; il fit également défaut à Magdebourg et à Goslar où on le cita, et rejeta l'invitation de Frédéric lui demandant une amende de 5000 marcs et l'engagement de soumettre ses différends à la décision impériale. Il fut alors mis au ban de l'Empire et déposé de tous ses fiefs, sur l'avis des princes confirmé au bout de cinq mois par l'empereur à la diète de Wurzbourg (janvier 1180). La guerre était déjà commencée. Henri le Lion avait pris d'assaut et incendié Halberstadt (septembre 1179) et repoussé l'attaque des archevêques de Cologne et Magdebourg et du landgrave de Thuringe contre Haldensleben. Un conseil de princes le déclara définitivement déchu de son duché de Saxe et celui-ci fut démembré; l'archevêque de Cologne reçut la Westphalie (pays entre Weser et Rhin); les évêques de Brême, Magdebourg, Paderborn, Hildesheim, Verden, etc., reprirent les possessions qu'ils avaient inféodées au duc; l'héritage du comte palatin Albert de Sommerschenburg passa au landgrave de Thuringe; le reste de la Saxe avec le titre ducal fut attribué à Bernard d'Anhalt, dont le frère Baudoin se vit attribuer l'archevêché de Brême, vacant à ce moment. La diète de Ratisbonne (juin 1180) prit des dispositions analogues pour le duché de Bavière; on rendit aux évêques tous leurs fiefs et avoueries; les comtes d'Andech, devenus duc de Méran, s'agrandirent; la Styrie fut érigée en duché séparé. Otton de Wittelsbach reçut le titre de duc de Bavière, son frère Frédéric celui de comte palatin. Restait à exécuter ces décisions. Henri le Lion se préparait à résister, négociant avec les rois de Danemark d'Angleterre, de France, le comte de Flandre, sans succès, d'ailleurs. A la tête de son armée grossie des contigents slaves, il saccagea le Harz, brûla Nordhausen et Muhlhausen, et remporta à Weissensee une sanglante victoire sur Bernard d'Anhalt et les landgraves de Thuringe qu'il fit prisonniers; ses vassaux écrasèrent à Habrefeld l'armée de l'archevêque de Cologne. Mais le duc eut l'imprudence de se brouiller par avance avec ses meilleurs fidèles en exigeant la remise de leurs prisonniers pour bénéficier de la rançon; le jeune duc de Holstein, Adolphe de Schauenburg, passa dans le camp opposé; sa défection en entraîna beaucoup d'autres. Henri se jeta sur le Holstein et le dévasta. Mais le terme fixé par l'empereur aux partisans des Welfs pour se soumettre approchait et la plupart n'osèrent continuer la lutte. La Bavière fut conquise sans coup férir, puis toute la région du Harz. Exaspéré par ces défections, Henri le Lion injurie et accuse de trahison ceux même qui restent auprès de lui, emprisonne Bernard de Ratzebourg, puis le relâche, occupe ses châteaux, si bien qu'il s'en fait un ennemi mortel. La fin de la vie de Henri le Lion fut occupée par ses efforts pour restaurer son pouvoir détruit. Il fut autorisé à rentrer à Brunswick en 1185; les princes, entre lesquels on avait morcelé la Saxe, étaient divisés, incapables de la défendre contre l'ennemi extérieur et même de maintenir l'ordre intérieur. Il négocia avec l'archevêque de Cologne, brouillé avec l'empereur; ce dernier, avant de partir pour la croisade, jugea imprudent de le laisser derrière lui. Il lui proposa de participer à la croisade, promettant de le rétablir dans ses dignités, exigeant, à défaut de cela, soit une renonciation formelle à ses prétentions, soit un nouvel exil de trois ans; Henri le Lion préféra le dernier parti et reprit le chemin de l'étranger (1188). Dès l'année suivante, il profitait du départ de ses adversaires pour rentrer en Allemagne. En quelques mois, il reconquit les villes de l'Elbe, avec l'appui de l'archevêque de Brême, réconcilié, s'empara du Holstein et tira une éclatante vengeance de la ville de Bardewick, l'opulente cité des bords de l'Elbe, qui l'avait combattu. Il la rasa, ne laissant debout que la cathédrale, au fronton de laquelle il inscrivit Vestigia Leonis. Lübeck, Lauenbourg, Lunebourg ouvrirent leurs portes (1189). La suite fut moins brillante; battu par Adolphe de Dassel, il dut signer le traité de Fulda avec Henri VI. Il ne l'observa pas, mais la coalition des princes saxons le paralysa et il finit, après l'emprisonnement de Richard Coeur de Lion, par renoncer à ses projets. Il acheva paisiblement sa vie à Brunswick et fut enseveli dans la cathédrale. Le mariage de son fils aîné avec une nièce de Barberousse semblait sceller la réconciliation des Staufen et des Welfs. Son troisième fils Otton, élevé à la cour de Richard, devait relever la cause de sa famille. (A.-M. B.). |
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