| Louis Gabriel Ambroise, vicomte de Bonald est né le 2 octobre 1754 au château de Mouna (Aveyron), où il est mort le 23 novembre 1840. Président de l'administration centrale de son département en 1790, il émigra en 1791. Il resta quelque temps à l'armée de Condé, puis se retira à Heidelberg, enfin à Constance, où il publia, en 1796, la Théorie du pouvoir politique et religieuse (3 vol.) que le Directoire fit saisir. De retour de l'émigration, il prit part avec Chateaubriand à la rédaction du Mercure. En 1808, Fontanes, son ami, le fit nommer conseiller titulaire de l'Université, poste qu'il occupa jusqu'en 1814. Bonald fut député de l'Aveyron en 1815 et 1816, élu membre de l'Académie française cette dernière année, puis admis à la pairie en 1823. En 1830, il se retira de la politique. Bonald a été un publiciste plutôt qu'un véritable philosophe et, en philosophie même, il a fait preuve de logique plutôt que de profondeur de pensée. Ennemi de la Révolution française par tempérament et par instinct, il a cherché à rationaliser cet instinct et voici comment. La Révolution fonde la société sur un contrat mutuel et volontaire formé par tous les membres du corps social. L'autorité sociale émane du peuple, le peuple est le seul véritable souverain. Ainsi la constitution, le gouvernement et les lois dépendent du peuple et du peuple seul. Il suit de là que le peuple a le droit de changer comme il l'entend la constitution et les lois. La tradition n'a aucun droit par elle-même à être respectée, et toutes les nouveautés sont légitimes dès qu'elles plaisent au peuple. Bonald s'est donné pour tâche de prouver que cette théorie est démentie par les faits. Pour cela, il établit que la société, au lieu d'être un fait arbitraire et conventionnel ainsi que le supposait Rousseau, est un fait nécessaire et primitif. Toute forme sociale actuelle dépend d'une forme sociale antérieure qu'elle continue. Ce par quoi la société actuelle dépend de la société antérieure est la constitution, et le véhicule grâce auquel la constitution sociale se transmet d'âge en âge est la parole. L'enfant apprend de ses parents les lois qu'eux-mêmes ont reçues de leurs ancêtres et, s'il ajoute quelque chose à ce capital primitif, il n'a pas le droit de le bouleverser de fond en comble. L'autorité et la tradition, voilà donc les bases de la société d'après de Bonald. On voit par là l'extrême importance que prend dans son système le problème de l'origine du langage. Toute la sociologie est suspendue pour lui à ce problème d'ordre psychologique. Si l'humain a lui-même inventé la parole, il a pu aussi inventer les lois. Or, de Bonald n'admet pas que l'humain ait pu inventer les lois. Il ne doit donc pas admettre que l'humain ait inventé le langage : La parole, dit-il, était nécessaire pour inventer la parole [...]. L'homme pense sa parole avant de parler sa pensée. Si donc la psychologie nous montre que la parole ou la tradition orale est antérieure à la pensée individuelle et lui est nécessaire pour que celle-ci arrive à se posséder elle-même, comme le signe ne peut être antérieur à la chose signifiée, il s'ensuit qu'une pensée a dit précéder la parole traditionnelle. C'est alors Dieu même qui a dû révéler à l'humain le langage, et avec lui et par lui toutes les premières vérités, bases de l'ordre religieux, moral et social. - La société « Il faut faire la société bonne, si l'on veut que l'homme soit bon; il faut qu'à son entrée dans la société il y trouve, établi par les lois, pratiqué dans les moeurs, enseigné par les écrits, rappelé par les arts, autorisé, accrédité par tous les moyens dont la société dispose, tout ce qui peut aider un naturel heureux ou fortifier une âme faible et continuer une bonne éducation ou réformer une éducation vicieuse. Les sujets publics, ou le peuple, est le terme de la volonté du pouvoir et de l'action des ministres, et c'est à son utilité que tout se rapporte dans la société, constitution et administration. La société est établie pour l'avantage général, et non pour le bien particulier, puisqu'il faut au contraire que le particulier souffre pour le bien général. Les sophistes qui ont traité de la société n'y voient que l'individu, et Pufendorff lui-même dit que les lois sont faites pour l'avantage du chef : erreur grossière, puisque le chef doit le premier s'immoler pour le salut de ses membres. Toute société, dans ce sens, est une république, res publica, la chose de tous, et non la chose de chacun, et alors, dit J.-J. Rousseau, « la monarchie elle-même est une république ». Dans le siècle dernier, les bons auteurs appelaient toute forme d'État république; ce n'est que dans ce siècle qu'on a donné exclusivement cette dénomination au gouvernement populaire, de tous les États celui où chacun est le plus occupé de soi et où tous sont le moins occupés des autres. Dans la société, il n'y a pas de droits, il n'y a que des devoirs. » (Bonald, extrait de Législation primitive, 1817). | Cette doctrine, qu'on a nommée le traditionalisme, ne va à rien moins qu'à refuser toute spontanéité à la raison humaine et à en faire l'écho servile d'une révélation. Le catholicisme lui-même ne l'a pas acceptée, et le traditionalisme a été condamné par Grégoire XVI ainsi que par le concile du Vatican. Les autres principaux ouvrages de Bonald sont l'Essai analytique sur les lois naturelles de l'ordre social, refondu dans son grand ouvrage sur la Législation primitive (1802; 2e édition, 1821, 3 vol.), le Traité du Divorce, la Théorie du pouvoir social. Ses Oeuvres complètes ont été publiées par l'abbé Migne (1859, 3 vol. in-S). (G. Fonsegrive). | |
| Bonald (Victor de), publiciste né le 19 mai 1780, mort à Rodez le 6 mars 1871; fils du vicomte de Bonald. Pendant l'émigration il fit ses études à Heidelberg. A la Restauration il fut nommé recteur de l'Académie de Montpellier, perdit cette position pendant les Cent-Jours, la reprit après la seconde Restauration et donna sa démission à la révolution de Juillet. Il a écrit : Des vrais principes opposés aux erreurs du XIXe siècle ou Notices positives sur les points fondamentaux de la philosophie, de la politique. et de la religion (Avignon et Montpellier, 1833, in-8) ; Moïse et les géologues modernes ou récit de la Genèse comparé aux théories nouvelles des savants sur l'origine de l'univers, la formation de la terre, etc. (Avignon, 1835, in-48); De la vie et des écrits de M. le vicomte de Bonald, Défense de ses principes philosophiques, etc. (Avignon. 1841, in-12); Encore un mot sur Pascal, les jésuites et l'enseignement (Avignon, 1845, in-8). | |