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François
René, chevalier, puis vicomte de Chateaubriand est un illustre
écrivain et homme politique
français, né à Saint-Malo
le 4 septembre 1768, dans famille noble et ancienne, et mort à Paris
le 4 juillet 1848. Il brille surtout par l'éclat, le coloris et
le grandiose des images, empreintes pour la plupart à une nature
toute nouvelle; chez lui le sentiment, noble ou tendre, est presque toujours
mêlé de mélancolie et d'amertume. Par ses qualités
comme par ses défauts, Chateaubriand peut être considéré
comme le père du romantisme en France.
Comme homme politique, sa conduite et ses écrits semblent offrir
de nombreuses contradictions; cependant, il fut toujours, ou du moins il
voulut être à la fois l'ami de la royauté légitime
et de la liberté, défendant alternativement celle des deux
qui lui semblait être en péril :
«
je suis, a-t-il dit lui-même, bourbonien par honneur, monarchiste
par raison, républicain par goût et par caractère.
»
Les principales
oeuvres de Chateaubriand
La vie de Chateaubriand
Années d'enfance
et de jeunesse.
Dernier né d'Auguste de Chateaubriand
et d'Apolline-Jeanne-Suzanne de Bédée, qui avaient eu dix
enfants, dont six survivaient, il passa une partie de ses premières
années, en compagnie de Lucile, la plus jeune de ses soeurs, dans
le manoir féodal de Combourg (Ille-et-Vilaine), dont les salles
désertes et le parc dévasté firent sur son imagination
une impression ineffaçable. Elève du collège de Dol,
puis de celui de Rennes, et destiné
par sa famille à entrer dans la marine royale, il étudia,
sans grand succès, les mathématiques,
abandonna ses premières velléités, se crut une vocation
ecclésiastique et passa soit à Combourg, soit à Dinan,
quelques années de vagues rêveries et d'études imparfaites,
au bout desquelles il fut bien obligé de s'avouer qu'il n'avait
pas encore trouvé sa voie. Il se décida enfin pour l'état
militaire. Muni, à 17 ans, d'un brevet de sous-lieutenant au régiment
de Navarre, alors en garnison à Cambrai,
il traversa pour la première fois Paris, qu'habitaient déjà
son frère aîné et deux de ses soeurs, fut bien accueilli
de ses nouveaux camarades, fut bientôt fait capitaine, mais ne resta
que quelques mois au service.
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Les Soirées
à Combourg
« A huit heures,
la cloche annonçait le souper. Après le souper, dans les
beaux jours, on s'asseyait sur le perron. Mon père, armé
de son fusil, tirait des chouettes qui sortaient des créneaux à
l'entrée de la nuit. Ma mère, Lucile et moi, nous regardions
le ciel, les bois, les derniers rayons du soleil, les premières
étoiles. A dix heures on rentrait et l'on se couchait.
Les soirées
d'automne et d'hiver étaient d'une autre nature. Le souper fini
et les quatre convives revenus de la table à la cheminée,
ma mère se jetait, en soupirant, sur un vieux lit de jour de siamoise
flambée; on mettait devant elle un guéridon avec une bougie.
Je m'asseyais auprès du feu avec Lucile; les domestiques enlevaient
le couvert et se retiraient. Mon père commençait alors une
promenade qui ne cessait qu'à l'heure de son coucher. Il était
vêtu d'une robe de ratine blanche, ou plutôt d'une espèce
de manteau que je n'ai vu qu'à lui. Sa tête, demi-chauve,
était couverte d'un grand bonnet qui se tenait tout droit. Lorsqu'en
se promenant il s'éloignait du foyer, la vaste salle était
si peu éclairée par une seule bougie qu'on ne le voyait plus;
on l'entendait seulement encore marcher dans les ténèbres
: puis il revenait lentement vers la lumière et émergeait
peu à peu de l'obscurité, comme un spectre, avec sa robe
blanche, son bonnet blanc, sa figure longue et pâle. Lucile et moi
nous échangions quelques mots à voix basse quand il était
à l'autre bout de la salle; nous nous taisions quand il se rapprochait
de nous. Il nous disait en passant :" De quoi parliezvous? " Saisis de
terreur, nous ne répondions rien; il continuait sa marche. Le reste
de la soirée, l'oreille n'était plus frappée que du
bruit mesuré de ses pas, des soupirs de ma mère et du murmure
du vent.
Dix heures sonnaient
à l'horloge du château : mon père s'arrêtait;
le même ressort qui avait soulevé le marteau de l'horloge
semblait avoir suspendu ses pas. Il tirait sa montre, la montait, prenait
un grand flambeau d'argent surmonté d'une grande bougie, entrait
un moment dans la tour de l'ouest, puis revenait, son flambeau à
la main, et s'avançait vers sa chambre à coucher, dépendante
de la petite tour de l'est. Lucile et moi, nous nous tenions sur son passage;
nous l'embrassions en lui souhaitant une bonne nuit. Il penchait vers nous
sa joue sèche et creuse sans nous répondre, continuait sa
route et se retirait au fond de la tour, dont nous entendions les portes
se refermer sur lui. »
(Chateaubriand,
Souvenirs de Combourg, Livre IIIe).
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Séjour
à Paris (1786-1791).
Rappelé à Combourg par la
mort de son père (6 septembre 1786), il obtint un congé pour
régler ses affaires de succession, revint à Paris
et, cédant aux sollicitations de son frère, fut présenté
à Louis XVI et admis à suivre
une de ses chasses (1787). Sa sauvagerie naturelle ne lui permit pas plus
de faire figure à la cour que dans le grand monde où son
frère l'introduisit alors. Il partageait son temps entre l'étude
des classiques grecs et latins,
trop négligée par lui jusqu'alors, et la fréquentation
de quelques écrivains, La Harpe, André
Chénier, Parny, Delisle de Sales, Ginguené,
Lebrun, Chamfort, Carbon de Flins, dont l'accueil
bienveillant ne fut guère récompensé, car il a tracé
d'eux plus tard, dans ses Mémoires, des portraits dont Sainte-Beuve
a signalé l'inconvenance et l'injustice. Toute l'ambition de Chateaubriand
tendait alors, a-t-il prétendu, à l'insertion dans l'Almanach
des Muses d'une idylle, l'Amour de la campagne, qui parut, en
effet, dans le volume de 1790 et où rien, certes, ne trahissait
le génie de celui qui l'avait laborieusement rimée.
Après avoir assisté en Bretagne
aux premiers troubles qui signalèrent les édits
du parlement de Rennes, il se trouvait à
Paris lors de la prise de la Bastille,
du meurtre de Foulon et de Bertier, des journées des 5 et 6 octobre
et il assista aux préparatifs de la Fédération; mais
la politique le préoccupait beaucoup moins à cette époque
que l'ambition littéraire et la curiosité des voyages. De
très bonne heure, il avait conçu l'idée de découvrir
le passage au Nord-Ouest de l'Amérique,
entre le détroit de Béring et la baie
d'Hudson, et il s'en était ouvert à Malesherbes,
beau-père de son frère aîné, qui l'y avait vivement
encouragé.
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F.-R.
de Chateaubriand (1768-1848).
Voyage en Amérique
(1791-1792).
Au printemps de 1791, il s'embarqua à
Saint-Malo, porteur d'une lettre de recommandation pour Washington
que lui avait remise un gentilhomme français, le marquis de la Rouërie,
qui, après avoir pris une part glorieuse à la guerre
de l'Indépendance, devait devenir l'un des conspirateurs les
plus fameux du parti royaliste.
Débarqué à Baltimore,
Chateaubriand se rendit aussitôt à Philadelphie,
fut poliment accueilli par le libérateur du nouveau monde, qui s'étonna
un peu de la hardiesse de l'entreprise et peut-être aussi de la légèreté
avec laquelle elle était conçue, visita New-York,
Boston, puis il parcourut pendant une année
les immenses solitudes de l'Amérique du Nord;
il remonta la rivière d'Hudson
jusqu'à Albany, chassa le buffle et le carcajou avec les Iroquois
et les Indiens du Niagara, parcourut la région des lacs du Canada,
l'intérieur des Florides et fraya tour
à tour avec les Natchez, les Muscogulges et les Hurons. Chemin faisant,
il ébauchait sur les lieux son poème des Natchez
(Le Voyage en Amérique)
Un fragment d'un journal anglais, que le
hasard fit tomber sous ses yeux, lui apprit la fuite et l'arrestation
de Louis XVI à Varennes. Renonçant tout à coup
à ses projets de découverte, que rien d'ailleurs ne faisait
présager, il se crut engagé d'honneur à rentrer en
France défendre son roi, revint
à Philadelphie, obtint à crédit une place sur un navire
en partance pour Le Havre et, après
une traversée longue et pénible qui faillit se terminer par
un naufrage, débarqua sur le sol natal le 2 janvier 1792.
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Le Meschacebé
(Mississippi)
« Ce fleuve,
dans un cours de plus de mille lieues, arrose une délicieuse contrée,
que les habitants des Etats-Unis appelent le Nouvel Eden et à laquelle
les Français ont laissé le doux nom de Louisiane. Mille autres
fleuves, tributaires du Meschacebé, le Missouri. l'Illinois, l'Akanza,
l'Ohio, le Wabache, le Tenase, l'engraissent de leur limon et la fertilisent
de leurs eaux. Quand tous ces fleuves se sont gonflés des déluges
de l'hiver, quand les tempêtes ont abattu des pans entiers de forêts,
les arbres déracinés s'assemblent sur les sources. Bientôt
la vase les cimente, les lianes les enchaînent, et des plantes y
prenant racine de toutes parts, achèvent de consolider ces débris.
Charriés par les vagues écumantes, ils descendent au Meschacebé
: le fleuve s'en empare, les pousse au golfe Mexicain, les échoue
sur des bancs de sable, et accroît ainsi le nombre de ses embouchures.
Par intervalle, il élève sa voix en passant sur les monts
et répand ses eaux débordées autour des colonnades
des forêts et des pyramides des tombeaux indiens : c'est le Nil des
déserts. Mais la grâce est toujours unie à la magnificence
dans les scènes de la nature : tandis que le courant du milieu entraîne
vers la mer les cadavres des pins et des chênes, on voit, sur les
deux courants latéraux, remonter, le long des rivages, des îles
flottantes de pistia et de nénuphar, dont les roses jaunes s'élèvent
comme de petits pavillons. Des serpents verts, des hérons bleus,
des flammants roses, de jeunes crocodiles s'embarquent passagers sur ces
vaisseaux de fleurs, et la colonie, déployant au vent ses voiles
d'or, va aborder, endormie, dans quelque anse retirée du fleuve.
Les deux rives du
Meschacebé présentent le tableau le plus extraordinaire.
Sur le bord occidental, des savanes se déroulent à perte
de vue; leurs flots de verdure, en s'éloignant, semblent monter
dans l'azur du ciel où ils s'évanouissent. On voit dans ces
prairies sans bornes errer à l'aventure des troupeaux de trois ou
quatre mille buffles sauvages. Quelquefois, un bison chargé d'années,
fendant les flots à la nage, se vient coucher, parmi de hautes herbes,
dans une île du Meschacebé. A son front orné de deux
croissants, à sa barbe antique et limoneuse, vous le prendriez pour
le dieu du fleuve, qui jette un oeil satisfait sur la grandeur de ses ondes
et la sauvage abondance de ses
rives.
Telle est la scène
sur le bord occidental; mais elle change sur le bord opposé et forme
avec la première un admirable contraste. Suspendus sur le cours
des eaux, groupés sur les rochers et sur les montagnes, dispersés
dans les vallées, des arbres de toutes les formes, de toutes les
couleurs, de tous les parfums se mêlent, croissent ensemble, montent
dans les airs à des hauteurs qui fatiguent les regards. Les vignes
sauvages, les bignonias, les coloquintes, s'entrelacent au pied de ces
arbres, escaladent leurs rameaux, grimpent à l'extrémité
des branches, s'élancent de l'érable au tulipier, du tulipier
à l'alcée en formant mille grottes, mille voûtes, mille
portiques. Souvent, égarées d'arbre en arbre, ces lianes
traversent des bras de rivière sur lesquels elles jettent des ponts
de fleurs. Du sein de ces massifs, le magnolia élève son
cône immobile; surmonté de ses larges roses blanches il domine
toute la forêt et n'a d'autre rival que le palmier, qui balance légèrement
auprès de lui ses éventails de verdure.
Une multitude d'animaux
placés dans ces retraites par la main du Créateur y répandent
l'enchantement et la vie. De l'extrémité des avenues on aperçoit
des ours, enivrés de raisins, qui chancellent sur les branches des
ormeaux; des cariboux se baignent dans un lac; des écureuils noirs
se jouent dans l'épaisseur des feuillages; des oiseaux-moqueurs,
des colombes de Virginie, de la grosseur d'un passereau, descendent sur
les gazons rougis par les fraises; des perroquets verts à tête
jaune, des piverts empourprés, des cardinaux de feu, grimpent en
circulant au haut des cyprès; des colibris étincellent sur
le jasmin des Florides, et des serpents-oiseleurs sifflent suspendus aux
dômes des bois en s'y balançant comme des lianes.
Si tout est silence
et repos dans les savanes de l'autre côté du fleuve, tout
ici au contraire est mouvement et murmure : des coups de bec contre le
tronc des chênes, des froissements d'animaux qui marchent, broutent
ou broient entre leurs dents les noyaux des fruits; des bruissements d'ondes,
de faibles gémissements, de sourds meuglements, de doux roucoulements,
remplissent ces déserts d'une tendre et sauvage harmonie, Mais quand
une brise vient à animer ces solitudes, à balancer ces corps
flottants, à confondre ces masses de blanc, d'azur, de vert, de
rose, à mêler toutes les colleurs, à réunir
tous les murmures, alors il sort de tels bruits du fond des forêts,
il se passe de telles choses aux yeux, que j'essayerais en vain de les
décrire à ceux qui n'ont point parcouru ces champs primitifs
de la naturel. »
(Chateaubriand,
Atala, prologue).
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Les années
d'exil (1792-1800).
Le moment était mal choisi. L'émigration
avait en partie déjà dispersé sa famille; la suppression
des droits féodaux réduisait
à rien les propriétés qui lui étaient échues
en partage à la mort de son père, et les bénéfices
auxquels son affiliation à l'ordre de Malte lui aurait donné
droit étaient, comme tous les autres biens du clergé, aux
mains de la nation. Afin, dit-il, de lui procurer « le moyen de s'aller
faire tuer au soutien d'une cause qu'il n'aimait pas », on le maria.
La fiancée que lui avaient choisie ses soeurs, Mlle Céleste
Buisson de Lavigne, âgée de dix-sept ans, était fille
d'un chevalier de Saint-Louis, ancien commandant de Lorient,
et sa fortune montait, dit-on, à cinq ou six cent mille francs.
Le mariage, célébré en secret par un prêtre
non assermenté (mars 1792), fut attaqué comme nul par un
oncle maternel de la jeune femme, et celle-ci fut enfermée dans
un couvent de Saint-Malo en attendant la décision du tribunal, qui
se prononça en faveur de la validité. Quatre mois après,
Chateaubriand émigrait.
Tout son avoir consistait en une somme
de 12,000 francs, avancée par un notaire
sur la dot de sa femme, ou plutôt en 1500 francs, car il avait perdu
le reste au jeu. Arrivé à Bruxelles avec son frère,
il se sépara de celui-ci, gagna Coblentzet
s'engagea dans la septième compagnie bretonne. Enveloppé
dans la retraite des Prussiens après la glorieuse défense
de Thionville (octobre 1792) et licencié
ainsi que les survivants de son corps, Chateaubriand, blessé à
la cuisse et atteint de la petite vérole, fut abandonné dans
un fossé, jeté par pitié dans un fourgon, secouru
par des femmes de Namur, et déposé
mourant sur le pavé de Bruxelles
où toutes les portes se fermaient devant lui. Son frère réussit
cependant à lui faire passer une somme de 600 francs, qui lui procura
quelques soins et lui permit de s'embarquer pour Jersey
dans la cale d'une petite barque. Là encore, il faillit périr
faute d'air et d'espace, et son état parut tellement désespéré
que le patron du bateau, pendant une relâche à Guernesey,
l'abandonna sur le rivage.
Recueilli par de pauvres pêcheurs
qui l'arrachèrent à la mort et parvenu chez un de ses oncles,
le comte de Bédée, émigré à Jersey,
il fut plusieurs mois avant de recouvrer sa santé profondément
ébranlée. Il voulut, néanmoins, se rendre à
Londres, où il espérait reprendre
du service dans l'armée des princes, mais les médecins qu'il
consulta lui déclarèrent que toute fatigue lui était
désormais interdite et qu'il ne devait pas «-compter
sur une longue existence ». C'est cependant alors qu'il traversa
la période la plus aiguë, de sa vie de misère, partageant
un galetas avec un compatriote nommé Hingant, puis avec son cousin
de La Bouetardays, sans feu, sans pain, sans linge, enveloppé d'une
méchante couverture, sur laquelle il posait parfois son unique chaise
«-pour se réchauffer »,
prétendait-il, tandis que son cousin, drapé dans sa robe
de conseiller au parlement de Bretagne, et que la gaieté n'abandonnait
jamais, se flattait de coucher « sous la pourpre ». Chateaubriand
en était réduit à donner des leçons de français
et à faire des traductions pour les libraires, et ils seraient morts,
néanmoins, d'inanition, si Chateaubriand n'eût fait la connaissance
du pamphlétaire Peltier et si La Bouetardays n'eut reçu quelques
secours de sa famille.
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La misère
et la faim
« ... Hingant
voyait aussi s'amoindrir son trésor; entre nous deux, nous ne possédions
que soixante francs. Nous diminuâmes la ration de vivres, comme sur
un vaisseau lorsque la traversée se prolonge. Au lieu d'un schelling
par tête, nous ne dépensions à dîner qu'un demi-schelling.
Le matin, à notre thé, nous retranchâmes la moitié
du pain, et nous supprimâmes le beurre.... Cette diète rigoureuse,
jointe au travail, échauffait ma poitrine malade; je commençais
à avoir de la peine à marcher, et néanmoins je passais
les jours et une partie des nuits dehors, afin qu'on ne s'aperçût
pas de ma détresse. Arrivés notre dernier schelling. je convins
avec mon ami de le garder pour faire semblant de déjeuner. Nous
arrangeâmes que nous achèterions un pain de deux sous que
nous nous laisserions servir comme de coutume l'eau chaude et la théière;
que nous n'y mettrions point de thé que nous ne mangerions pas le
pain, mais que nous boirions l'eau chaude avec quelques petites miettes
de sucre restées au fond du sucrier.
Cinq jours s'écoulèrent
de la sorte. La faim me dévorait; j'étais brûlant :
le sommeil m'avait fui; je suçais des morceaux de linge que je trempais
dans l'eau; je mâchais de l'herbe et du papier. Quand je passais
devant les boutiques de boulangers, mon tourment était horrible.
Par une rude soirée d'hiver, je restai deux heures planté
devant un magasin de fruits secs et de viandes fumées, avalant des
yeux tout ce que je voyais : j'aurais mangé, non seulement les comestibles,
mais leurs boîtes, paniers et corbeilles. Le matin du cinquième
jour, tombant d'inanition, je me traîne chez Hingant : je heurte
à la porte, elle était fermée; j'appelle : Hingant
est quelque temps sans répondre; il se lève enfin et m'ouvre.
Il riait d'un air égaré : sa redingote était boutonnée
: il s'assit devant la table à thé. « Notre déjeuner
va venir », me dit-il d'une voix extraordinaire. Je crus voir quelques
taches de sang à sa chemise; je déboutonne brusquement sa
redingote : il s'était donné un coup de canif profond de
deux pouces dans le bout du sein gauche. Je criai au secours. La servante
alla chercher un chirurgien. La blessure était dangereuse. »
(Chateaubriand,
extrait des Mémoires d'outre-tombe).
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Peltier procura d'abord à son compatriote
une chambre et un libraire, qui consentit à lui remettre quelques
avances sur un livre dont il lui exposa la plan; peu après, et toujours
grâce à Peltier, il fut chargé de déchiffrer
des manuscrits français du XIVe
siècle pour une société d'antiquaires, qui se proposait
de publier une histoire du comté de Suffolk. Il se rendit donc à
Beccles, puis à Burgay, sous le nom de Combourg, parce que, dit-il,
aucun Anglais ne pouvait parvenir à prononcer son véritable
nom, dut à de longues promenades à cheval le rétablissement
de sa santé, et, tout en se livrant au travail de transcription
qu'on lui avait demandé, ébaucha avec la fille d'un pasteur,
Charlotte Ives, un roman en action, qui n'était
pas sans analogie avec celui qu'un autre inconnu, P.-P.
Prudhon, esquissait vers la même époque, à Paris,
avec la fille de l'orfèvre Fauconnier; tous deux, il est vrai, se
souvinrent à temps qu'ils étaient mariés et tous deux
eurent la délicatesse de l'avouer au moment opportun.
L'Essai
sur les révolutions.
Le livre auquel Chateaubriand travaillait
fut terminé « entre l'idée de la mort et un rêve
évanoui ». Pendant son séjour à Beccles il avait
successivement appris le supplice de son frère et de sa belle-soeur,
montés sur l'échafaud le même jour que Malesherbes
et Mme Le Peletier de Rosambo (5 floréal an II - 22 avril 1794),
l'incarcération dans les prisons de Rennes de sa soeur Lucile et
de sa femme et celle de sa mère à Paris, jusqu'au 9 thermidor,
puis, à quelque temps de là, la mort d'une autre de ses soeurs,
Mme de Farcy. Il avait alors ,en politique et en religion, des idées
peu en harmonie avec celles qu'il professa plus tard. Il était en
plein courant de scepticisme monarchique
et religieux, ou pour parler plus exactement, universel, car l'Essai
historique, politique et moral sur les révolutions anciennes et
modernes, considérées dans leurs rapports avec la Révolution
française
(Londres, 1797, t. I, divisé en deux parties), où se révélait
déjà son talent d'écrivain, concluait à ce
que la nature humaine étant toujours la même et soumise aux
mêmes lois, poursuivant les mêmes espérances et toujours
détournée par les mêmes passions,
les révolutions ne valent pas ce qu'elles coûtent, et l'humanité
sera de tout temps exposée aux mêmes alternatives de doute,
de désenchantement et de despotisme.
Le pessimisme, qui perce à chaque page
du livre, est plus amer encore dans des notes nombreuses tracées
sur les marges d'un exemplaire de l'Essai qui, de main en main,
parvint à Sainte-Beuve et qu'on a recueillies dans une réimpression
récente. Envoyé à quelques critiques sur le continent,
l'Essai passa presque inaperçu.
Un grand changement s'opérait peu
de temps après son apparition dans l'esprit de l'auteur. En mourant
loin de lui, sa mère recommandait à Mme de Farcy de le rappeler
aux principes dans lesquels il avait été élevé;
la lettre de Mme de Farcy, datée du 1er
juillet 1798, ne parvint à son adresse que lorsque celle qui l'avait
écrite avait elle-même cessé de vivre.
«
Ces deux voix qui sortaient du tombeau, dit Chateaubriand, cette mort qui
servait d'interprète à la mort m'ont frappé, je suis
devenu chrétien : je n'ai point cédé, j'en conviens,
à de grandes lumières surnaturelles; ma conviction est sortie
de mon coeur : j'ai pleuré et j'ai cru. »
D'un manuscrit extraordinairement volumineux,
dans lequel il entassait un peu au hasard ses ébauches, ses rêveries,
ses réminiscences et jusqu'à des notes de statistique ou
de botanique, il avait extrait les premiers
chapitres d'un livre qu'il se proposait d'intituler Des Beautés
poétiques et morales de la religion chrétienne et de sa supériorité
sur les autres cultes de la terre. Un publiciste réfugié
à Londres après le coup d'Etat
du 18 fructidor (Le
Directoire) et devenu bientôt son plus intime ami et son meilleur
conseiller, Louis de Fontanes, l'engageait vivement
à rentrer en France et à y mettre au jour les pages qu'il
lui avait lues et dont l'éclat et l'originalité l'avaient
frappé.
Sous le Consulat
et l'Empire (1800-1814).
Sur ses conseils et par son appui, Chateaubriand
se procura un passeport au nom de Lassagne, de Neuchatel, et revit Paris
après huit ans d'absence (mai 1800). Un libraire nommé Migneret
consentit à lui avancer quelques fonds sur le Génie du
christianisme
dont le titre définitif, sinon le plan, était désormais
arrêté; et le livre, grâce sans doute encore à
Fontanes, était assez connu avant de paraître pour que le
faux Lassagne put signer « l'auteur du Génie du christianisme
» une lettre insérée dans le Mercure (1er
nivôse an IV - 22 décembre 1800) contre Mme
de Staël, à propos de son étude sur la Littérature
considérée dans ses rapports avec l'état moral et
politique des nations; premier signal des hostilités qui, en
dépit de quelques rapprochements passagers, divisèrent toujours
ces deux grands esprits.
Atala.
Bientôt, pour parer à l'éventualité
d'une publication subreptice que lui faisait craindre la perte de quelque
parties du manuscrit, a-t-il assuré plus tard, mais en réalité
pour tâter l'opinion, il détacha de son livre un épisode
intitulé Atala ou les Amours de deux sauvages dans le désert
(1800, in-18). L'effet produit fut immédiat, immense et durable.
Du jour au lendemain, l'émigré, dont une police bénévole
respectait l'incognito factice, fut célèbre. Réimprimée
coup sur coup, corrigée d'ailleurs par l'auteur dès la cinquième
édition, traduite en plusieurs langues, accaparée par des
faiseurs dramatiques subalternes, criblée d'épigrammes par
des gens d'esprit tels que Morellet et Marie-Joseph
Chénier qui, à vrai dire, n'y comprirent rien, Atala
plaça d'emblée Chateaubriand entre Rousseau
et l'auteur de Paul et Virginie,
dont l'humeur
naturellement chagrine s'accommodait assez
mal de cette rivalité inattendue. Malgré les critiques qu'on
pouvait adresser et qu'on n'a pas épargnées à l'auteur,
aussi bien à propos de la hardiesse ou de la bizarrerie de ses images
qu'en raison de ses erreurs géographiques ou physiques, Atala
est du petit nombre de livres qui font véritablement date dans le
siècle et qui ont ouvert à la littérature
française des horizons nouveaux.
La
publication du Génie du Christianisme.
Dès son retour en France, Chateaubriand
avait été introduit par Fontanes dans le groupe choisi de
ses amis les les plus intimes : Joubert, Ballanche,
Chênedollé, Bonald,
Molé, Pasquier et Mme Pauline de Beaumont.
Celle-ci, fille de Montmorin de Saint-Herem, l'un des derniers ministres
de Louis XVI, est, de toutes les femmes dont Chateaubriand fut aimé,
la seule qui semble avoir eu quelque influence sur son oeuvre. C'est sous
ses yeux, et avec son aide, tout au moins pour les recherches et les citations,
que le Génie du christianisme fut retouché et rédigé
pendant l'été de 1801 à Savigny-sur-Orge (Essonne)
où elle avait loué une maison de campagne. Le livre fut annoncé
par un grand article de Fontanes, publié dans le Mercure
et reproduit dans le Moniteur le jour même de la promulgation
du Concordat et de la proclamation de la paix d'Amiens
(18 germinal an X - 18 avril 1802).
Cette coïncidence, à laquelle
le hasard seul n'avait pas présidé, est significative. Le
culte catholique reprenait ainsi possession de soit empire sur les esprits
et dans les desseins du gouvernement. Divisé par livres et accompagné
de deux épisodes, Atala et René, dont le second
était encore inédit, le Génie du christianisme
offrait au point de vue littéraire les mêmes beautés
et les mêmes défauts que le fragment qui l'avait annoncé,
et les critiques eurent beau jeu à discuter la forme et le fond.
Mais ces disparates et ces contradictions ne nuisirent en rien à
la portée morale de l'oeuvre qui contribua plus que n'importe quel
décret à la renaissance de pratiques religieuses.
«
Séparer le Génie du christianisme de cet ensemble
de circonstances sociales auxquelles il se lie et de cet à-propos
unique et grandiose, a dit Sainte-Beuve, c'est vouloir être injuste
et ne le plus comprendre. Le livre en lui-même n'est sans doute pas
un grand livre, ni un vrai monument, un monument comme l'eût été
l'ouvrage de Pascal si l'auteur des immortelles Pensées eût
vécu; que dis-je? à l'état de simples fragments où
nous avons les Pensées aujourd'hui, ce serait presque, a
mon sens, un sacrilège que de venir leur comparer l'oeuvre brillante,
à demi-frivole. Mais ce que cette oeuvre fut véritablement,
nous le voyons déjà; ce fut un coup soudain, un coup de théâtre
et d'autel, une machine merveilleuse et prompte, jouant au moment décisif
et faisant fonction d'auxiliaire dens une révolution sociale d'où
nous datons. »
René.
René,
détaché seulement en 1807 du livre où il formait épisode,
eut, lui aussi, une profonde, mais néfaste influence. Dans ce récit
où le personnage d'Amélie emprunte plus d'un trait à
Lucile et à Mme de Beaumont, et dont l'analogie avec Werther
est frappante, si la donnée, le milieu et les détails en
diffèrent, Chateaubriand s'est peint tout entier ou plutôt
il a peint moins encore la génération à laquelle il
appartenait que celle qui l'allait suivre et qui se réclamerait
de lui, en dépit de ses protestations. Ce dégoût des
trivialités de l'existence quotidienne, cette vague inquiétude
jamais apaisée, cette âpre mélancolie née des
plaisirs mêmes, ne va-t-on pas la retrouver quelques années
plus tard dans les premiers vers de Lamartine,
dans les premiers romans de George Sand, dans Musset,
enfin, à chaque page de ses oeuvres?
Châteaubriand
et Napoléon.
Dans la premiers édition du Génie
du Christianisme, remaniée depuis (ainsi que tous les autres
ouvrages de Chateaubriand), la Préface se terminait par une
allusion transparente au premier consul,
comparé à Cyrus ordonnant au
prince des prêtres de rebâtir le temple
de Jérusalem et à l'obscur Israélite qui apportait
un grain de sable pour sa reconstruction. Il semblerait en effet que l'auteur
d'un tel livre se fût à jamais recommandé aux faveurs
du maître que la France s'était choisi; c'était compter
sans leur humeur également rebelle à toute supériorité
et aussi sans des scrupules qui sont tout à l'honneur de Chateaubriand.
Nommé, par Talleyrand, secrétaire
de légation à Rome sous le cardinal
Fesch, qui n'avait pas même été consulté (1803),
il ne put supporter les ennuis de ce poste subalterne et les tracasseries
que lui suscitait son chef. Il y eut de plus une des grandes douleurs de
sa vie, et qu'il a retracée dans une lettre à Fontanes, dont
toute l'Europe lettrée eut bientôt
connaissance : Mme de Beaumont qui l'avait rejoint à Rome, malgré
l'avis des médecins, mourut dans ses bras (4 novembre 1803). Revenu
à Paris, il venait d'être nommé ministre près
la République du Valais quand il apprit l'exécution nocturne
du duc d'Enghien. II adressa aussitôt sa
démission à Bonaparte et la guerre
intestine qu'ils s'étaient déclarée éclata
cette fois au grand jour. A quelques mois de là, le 9 novembre 1804,
mourut abandonnée de tous, sauf d'un ancien domestique, pendant
un séjour de Chateaubriand en Auvergne
et en Bourgogne, Lucile de Chateaubriand
(Mme de Caud), dont la raison surexcitée n'avait pu se calmer sous
la bienveillante influence de Mme de Chateaubriand qui l'avait soignée
en l'absence de son père.
Un
voyage autour de la Méditerranée.
C'est encore du fameux manuscrit de Londres
que Chateaubriand tira la première ébauche d'une vaste épopée
en prose où il se proposait de démontrer que la religion
chrétienne n'était pas moins favorable que le paganisme
au développement des caractères et au jeu des passions et
que le merveilleux propre à cette religion pouvait lutter avec celui
de la mythologie. Afin de rendre le contraste plus saisissant entre le
paganisme expirant et le culte nouveau, il choisit la fin du IIIe
siècle où les longues persécutions de Dioclétien
lui fournissaient le moyen de « conduire le lecteur dans les différentes
provinces de l'Empire, particulièrement
chez les Francs et les Gaulois
[...]. La Grèce, l'Italie,
la Judée, l'Egypte,
Sparte, Athènes,
les déserts de la Thébaïde sont les autres points de
vue ou les perspectives du tableau ».
Cette énumération est comme
le programme même du voyage que Chateaubriand accomplit avant de
se mettre à l'oeuvre (19 juillet 1806 - juin 1807). Accompagné
jusqu'à Venise par sa femme, il s'embarqua,
suivi d'un domestique, à Trieste et
parcourut tour à tour Sparte, Athènes, Smyrne
(Izmir), Constantinople (Istanbul),
la Syrie, la Judée, Alexandrie,
Le Caire, Tunis,
Carthage, Cadix
et enfin Grenade, où l'attendait une
femme dont le nom, longtemps caché, n'est plus depuis belle lurette
un mystère (Mme de Mouchy). Ce fut, assure-t-il, à l'Alhambra
même qu'il écrivit le Dernier Abencerage,
et il est facile d'y relever plus d'une allusion aux circonstances qui
lui inspirèrent ce récit romanesque , devenu inséparable
d'Atala et de René, bien qu'il leur soit sensiblement
inférieur.
A peine rentré au foyer conjugal,
Chateaubriand encourut la colère du maître et si l'affaire
ne prit pas les proportions qu'il lui a plu de lui attribuer plus tard,
elle n'en eut pas moins un retentissement considérable. En rendant
compte dans le Mercure (4 juillet 1807) du Voyage pittoresque
et historique de l'Espagne d'Alexandre de Laborde (1807-1808, 4 volumes
in-folio), il emboucha la trompette, et les allusions que renferme le début
de cet article allèrent droit à leur but. Il n'est pas de
lettré qui ne connaisse cette sombre page où la prose a le
nombre et l'harmonie des plus beaux vers et que toute une génération
a sus par coeur :
«
Lorsque, dans le silence de l'abjection, l'on n'entend plus retentir que
la chaîne de l'esclave et la voix du délateur; lorsque tout
tremble devant le tyran et qu'il est aussi dangereux d'encourir sa faveur
que de mériter sa disgrâce, l'historien paraît, chargé
de la vengeance des peuples. C'est en vain que Néron
prospère, Tacite est déjà
né dans l'Empire; il croît, inconnu, auprès des cendres
de Germanicus, et déjà l'intègre
Providence a livré à un enfant obscur la gloire du maître
du monde. »
Pour comprendre à distance l'émotion
que causa cet exorde assez disproportionné avec le sujet même
de l'article, il faut se rappeler le régime d'oppression latente
sous lequel on vivait alors, la surveillance étroite et tracassière
du théâtre, de la presse et
de la littérature, les rancunes des partis vaincus, aigries encore
par le silence même qu'on leur imposait. Napoléon était
alors à Tilsitt, occupé à
régler les conditions du traité qu'il signa trois jours plus
tard. C'est là qu'il eut connaissance de l'article de Chateaubriand.
S'il fallait en croire celui-ci, l'empereur n'aurait parlé de rien
moins que de le « faire sabrer sur les marches de son palais ».
Un passage d'une lettre de Joubert à
Chênedollé réduit l'incident à ses véritables
proportions :
«
Le pauvre garçon [Chateaubriand] a eu pour sa part d'assez grièves
tribulations. L'article qui m'avait tant mis en colère était
resté quelque temps suspendu sur sa tête, mais à la
fin le tonnerre a grondé, le nuage a crevé et la Foudre en
propre personne a dit à Fontanes que si son ami recommençait,
il serait frappé. Tout cela a été vif, et même
violent, mais court. Aujourd'hui tout est apaisé. »
Le Mercure de France dont Chateaubriand
avait, paraît-il, racheté, moyennant 20,000-F,
la propriété à Fontanes, ne fut pas supprimé,
comme il l'a prétendu, mais il fut réuni à la Revue
philosophique et littéraire (ancienne Décade)
et la direction en fut confiée à Esménard. Chateaubriand
réclama vainement, paraît-il, sous la Restauration,
la restitution de la propriété dont il s'était vu
spolié. Cette éviction arbitraire apaisa, semble-t-il, la
colère de Napoléon, mais pour rassurer ses amis et pour travailler
à loisir à sa fameuse épopée, Chateaubriand
acheta près d'Aulnay, dans la Vallée aux Loups, une
modeste maison de campagne où il rêvait de finir ses jours
et dont il dut se défaire en 1817.
Les
Martyrs.
Les Martyrs ou le Triomphe de la religion
chrétienne,
écrits dans cette retraite, parurent en 1809 (2 volumes in-8). Les
polémiques soulevées par le Génie du Christianisme
se ravivèrent avec plus d'âpreté encore et n'épargnèrent
aucun des défauts du livre. Ce n'est pas seulement aujourd'hui la
forme de cet interminable poème en prose qui nous paraît surannée
et nous n'en sommes plus à nous demander si Chateaubriand avait
le droit d'enfreindre la défense de Boileau,
touchant les mystères chrétiens,
mais les Martyrs sont entachés d'un vice bien autrement funeste
: l'ennui en découle à pleins bords, et de cet immense panorama,
où l'auteur accumule les paysages notés d'après nature,
les réminiscences classiques ou parfois même des plagiats
à peine dissimulés, il ne subsiste que quelques noms, ceux
d'Eudore, de Cymodocé et de Velléda, quelques épisodes,
tels que la description des moeurs des Francs et de leurs combats qui devait
un jour révéler à Augustin Thierry
sa vocation d'historien, ou des pages citées avec raison dans tous
les manuels de rhétorique, comme les horreurs d'une tempête
en vue des côtes d'Italie, ou le réveil d'un camp au lever
de l'aurore.
L'Itinéraire
de Paris à Jérusalem.
L'Itinéraire de Paris à
Jérusalem
(1811, 3 vol. in-8), est le corollaire et le complément des Martyrs,
mais il offre actuellement encore un tout autre intérêt :
l'auteur y fait preuve, outre son magistral talent de peintre, de qualités
d'observation et d'humour qu'il n'avait alors montrées qu'à
ses plus intimes amis. Par sa date comme par son importance, l'Itinéraire
inaugure cette littérature de voyage dont on a peut-être abusé
depuis, mais qui restera l'une des formes les plus piquantes et les plus
personnelles de la pensée moderne. Au point de vue purement historique
et géographique, l'itinéraire n'était pas moins vulnérable
que le Génie du christianisme ou les Martyrs : un
médecin italien résidant en Grèce, le Dr Aramiotti
a publié à Padoue, en 1817,
une critique passablement acerbe de l'Itinéraire, résumée
dans les Annales encyclopédiques de Millin (1817, t. II).
Chateaubriand
et l'Académie.
La crainte de déplaire à
Napoléon avait empêché l'Académie
française de proposer le Génie du christianisme
pour l'un des prix décennaux fondés en 1809 et distribués
l'année suivante. Cet oubli volontaire n'eut pas le résultat
qu'on en attendait, car l'empereur demanda brusquement un jour pourquoi
Chateaubriand n'était pas de l'institut. Alla-t-il jusqu'à
le faire menacer d'une prison perpétuelle, s'il refusait de se présenter,
comme le candidat malgré lui l'a prétendu plus tard? On ne
doit accepter qu'avec circonspection les dires de Chateaubriand, toutes
les fois qu'il s'agit de ses rapports personnels avec l'empereur. M.-J.
Chénier venait de mourir (10 janvier 1811), et Chateaubriand
fut élu sans concurrent à sa place, le 20 février
suivant.
La situation ne laissait pas que d'être
piquante et délicate; il lui fallait prononcer l'éloge d'un
disciple de Voltaire, d'un républicain
impénitent, d'un satirique dont il avait plus d'une fois senti l'aiguillon.
Il lui fallait en outre, s'il ne voulait rien sacrifier à ses propres
convictions, flétrir le régicide dans la personne de son
prédécesseur comme dans celle de ses nouveaux collègues,
Merlin (de Douai) et Cambacérès.
Il lui fallait enfin introduire, bon gré mal gré, l'éloge
obligatoire du principal auteur du drame d'Ettemheim et de Vincennes.
Le discours qu'il lut devant la commission d'usage le 19 avril, fut improuvé
par la majorité de ses membres, et soumis, sur son ordre, à
l'empereur. Napoléon le trouva « de la dernière extravagance
», cribla l'original de ratures et de coups d'ongles, et s'écria
que s'il avait été prononcé, « il eût
fait murer l'institut et jeter l'auteur dans un cul de basse-fosse ».
Le témoignage de Bourrienne confirme
ici celui de Chateaubriand lui-même. Condamné au silence,
celui-ci se refusa noblement à une palinodie, et si son élection
ne fut pas annulée, elle n'en demeura pas moins comme non avenue
jusqu'à la réorganisation de l'Institut
par la Restauration. Le texte du fameux
discours ne put naturellement non plus être imprimé, mais
il en courut d'innombrables copies. Par contre, et pour faire pièce
à l'auteur, le gouvernement mit en circulation une édition
tronquée et interpolée de l'Essai sur les révolutions,
à laquelle Chateaubriand voulut opposer une réimpression
intégrale. Il va sans dire que l'autorisation préalable lui
fut refusée.
Quelques mois auparavant, Napoléon
avait fait impitoyablement fusiller Armand de Chateaubriand, cousin de
l'écrivain, comme agent des Bourbons,
se contentant de répondre aux sollicitations de Mme de Rémusat
: « Chateaubriand veut la grâce de son cousin? que ne la demande-t-il
lui-même? » et il la lui eût accordée sans doute,
moins par clémence que pour humilier un indomptable opposant. Puis
il voulut le nommer surintendant des bibliothèques, mais, se ravisant
bientôt, il le fit inviter par le préfet de police à
s'éloigner de Paris. Chateaubriand, qui avait écrit dans
la Vallée aux Loups les premiers chapitres de ses Mémoires,
alla les continuer à Dieppe. De 1812
à 1814, il partagea son temps entre cette rédaction tant
de fois reprise depuis, et des recherches historiques. Une carrière
nouvelle, non moins orageuse que la première, allait s'ouvrir devant
lui.
Sous la Restauration
(1814-1830).
A peines les alliés eurent-ils
pris le pied sur le sol de la France, que Chateaubriand lança sa
fameuse brochure De Buonaparte et des Bourbons, dont Louis
XVIII a pu dire qu'elle lui valut une armée, mais dont l'auteur,
d'abord laissé à l'écart, puis nommé ambassadeur
en Suède, eût été,
s'il avait pu se rendre à son poste, le représentant de la
légitimité auprès de l'allié de l'« usurpateur
». Le retour de l'île d'Elbe
ne donna pas à Chateaubriand le temps de refuser, et il suivit à
Gand le roi qui lui confia cette fois le portefeuille
de ministre d'Etat. Il adressa en cette qualité à Louis
XVIII un Rapport sur l'état de la France où il
lui proposait l'établissement d'une charte et des mesures libérales
à l'égard de Ia presse, de l'éligibilité et
de la pairie; mais ce rapport, réimprimé à Paris sur
une copie mensongère, le représentait comme conseillant au
roi le rétablissement des droits féodaux et des dîmes,
la reprise des biens nationaux, etc., et l'effet qu'il attendait de ce
manifeste fut tout autre.
-
L'oeuvre
de Napoléon
[L'idée
générale de ce pamphlet qu'est De Buonaperte et des Bourbons
est est que Napoléon Bonaparte est un faux grand homme, un insensé.
A l'intérieur, il a ruiné la France par une mauvaise administration,
par l'abus de la conscription et surtout par une abominable tyrannie :]
« Les crimes,
l'oppression, l'esclavage marchèrent d'un pas égal avec la
folie. Toute liberté expire, tout sentiment honorable, toute pensée
généreuse deviennent des conspirations contre l'Etat. Si
on parle de vertu, on est suspect; louer une belle action, c'est une injure
faite au prince. Les mots changent d'acception : un peuple qui combat pour
ses souverains légitimes est un peuple rebelle; un traître
est un sujet fidèle; la France entière devient l'empire du
mensonge : journaux, pamphlets, discours, prose et vers, tout déguise
la vérité. S'il a fait de la pluie, on assure qu'il a fait
du soleil; si le tyran s'est promené au milieu du peuple muet, il
s'est avancé, dit-on, au milieu des acclamations de la foule. Le
but unique, c'est le prince; la morale consiste à se dévouer
à ses caprices, le devoir à le louer. Il faut surtout se
récrier d'admiration lorsqu'il a fait une faute ou commis un crime.
Les gens de lettres sont forcés par des menaces à célébrer
le despote. Ils composaient, ils capitulaient sur le degré de la
louanges; heureux quand, au prix de quelques lieux communs sur la gloire
des armes, ils avaient acheté le droit de pousser quelques soupirs,
de dénoncer quelques crimes, de rappeler quelques vérités
proscrites! Aucun livre ne pouvait paraître sans être marqué
de l'éloge de Buonaparte comme du timbre de l'esclavages; dans les
nouvelles éditions des anciens auteurs, la censure faisait retrancher
tous les passages contre les conquérants, la servitude et la tyrannie,
comme le Directoire avait eu dessein de faire corriger dans les mêmes
auteurs tout ce qui parlait de la monarchie et des rois. Les almanachs
étaient examinés avec soin, et la conscription forma un article
de foi dans le catéchisme. Dans les arts, même servitude :
Buonaparte empoisonne les pestiférés de Jaffa : on fait un
tableau qui le représente touchant, par excès de courage
et d'humanité, ces mêmes pestiférés. Ce n'était
pas ainsi que saint Louis guérissait les malades qu'une confiance
touchante et religieuse présentait à ses mains royales. Au
reste, ne parlez point d'opinion publique : la maxime est que le souverain
doit en disposer chaque matin. Il y avait à la police perfectionnée
par Buonaparte un comité chargé de donner la direction aux
esprits et à la tête de ce comité un directeur de l'opinion
publique. L'imposture et le silence étaient les deux grands moyens
employés pour tenir le peuple dans l'erreur. »
[A l'extérieur,
Buonaparte s'est comporté, dans sa diplomatie, comme un fou ou un
enfant; et quant à son fameux génie militaire, les événements
viennent de montrer ce qu'il faut en penser : ]
« Absurde en
administration, criminel en politique, qu'avait-il donc pour séduire
les Français, cet étranger? Sa gloire militaire? Eh bien,
il en est dépouillé. C'est en effet un grand gagneur de batailles,
mais hors de là le moindre général est plus habile
que lui. Il n'entend rien aux retraites et à la chicane du terrain;
il est impatient, incapable d'attendre longtemps un résultat, fruit
d'une longue combinaison militaire; il ne sait qu'aller en avant, faire
des pointes, courir, remporter des victoires, comme on l'a dit, à
coups d'hommes, sacrifier tout pour un succès sans s'embarrasser
d'un revers, tuer la moitié de ses soldats par des mesures au-dessus
des forces humaines. Peu importe : n'a-t-il pas la conscription et la matière
première? On a cru qu'il avait perfectionné l'art de la guerre
et il est certain qu'il l'a fait rétrograder vers l'enfance de l'art.
Le chef-d'oeuvre de l'art militaire chez les peuples civilisés,
c'est évidemment de défendre un pays avec une petite armée,
de laisser reposer plusieurs milliers d'hommes derrière soixante
ou quatre-vingt mille soldats, de sorte que le laboureur qui cultive en
paix son sillon sait à peine qu'on se bat à quelques lieues
de sa chaumière. L'empire romain était gardé par cent
cinquante mille hommes et César n'avait que quelques légions
à Pharsale. Qu'il nous défende donc aujourd'hui dans nos
foyers, ce vainqueur du monde! Quoi! tout son génie l'a-t-il abandonné?
Par quel enchantement cette France, que Louis XIV avait environnée
de forteresses, que Vauban avait fermée comme un beau jardin, est-elle
envahie de toutes parts? »
(Chateaubriand,
De Buonaparte et des Bourbons).
|
Après Waterloo,
Chateaubriand refusa de faire partie du cabinet où Fouché
avait reçu le portefeuille de la police qu'il ne put d'ailleurs
conserver longtemps. Créé pair de France, il défendit
la Chambre introuvable dans une brochure intitulée : De la Monarchie
selon la Charte, où il s'efforçait en vain de convertir
les intransigeants de l'émigration à quelques-unes des idées
nouvelles, attaqua sans mesure dans le Conservateur le duc de Richelieu,
que sa noble conduite en 1815 et en 1818 aurait dû préserver
de ses traits, et surtout le duc Decazes contre lequel il s'oublia jusqu'à
écrire à propos de l'attentat de Louvel : « les pieds
lui ont glissé dans le sang », faisant ainsi remonter jusqu'au
ministre la responsabilité d'un crime où il est difficile
aujourd'hui de voir rien de plus qu'une vengeance personnelle. L'article
eut un retentissement énorme et le ministère tomba.
Chateaubriand, qui venait de flatter habilement
l'opinion publique par un mémoire apologétique touchant
la vie et la mort du duc de Berry (1820, in-8 et in-18), fut nommé
par M. de Villèle ambassadeur de France
à Berlin (1er
janvier 1821), puis à Londres (avril 1822). Désigné
pour assister en qualité de plénipotentiaire au congrès
de Vérone (septembre 1821), il en revint
pour remplacer Mathieu de Montmorency au ministère des affaires
étrangères. Ce fut là le point culminant de sa carrière
diplomatique, ou, comme il l'a singulièrement défini, «
son René en politique ». Il réussit, malgré
l'opposition de ses collègues, à faire déclarer la
guerre à l'Espagne, et provoqua
ainsi cette courte et brillante campagne du Trocadéro qui rendit
un moment à la France l'illusion de ces victoires qu'elle ne connaissait
plus. Néanmoins, quelques jours plus tard (6 juin 1824), il fut
brutalement congédié.
Rejeté de nouveau dans l'opposition,
Chateaubriand fut, au Journal des débats,
la sentinelle avancée du parti libéral, et n'épargna
pas les critiques à un régime dont il connaissait mieux que
personne les côtés faibles. Il eut en particulier la gloire
de faire abandonner par la Chambre le projet de loi contre la presse, ironiquement
appelée loi de justice et d'amour. Cette guerre acharnée
dura près de trois ans. Le ministère Villèle tomba
et céda la place à Martignac. Nommé ambassadeur à
Rome, près de Léon XII, Chateaubriand
donna sa démission lors de l'avènement du cabinet Polignac.
Il était à Dieppe au moment
de la promulgation des ordonnances qui précipitèrent la chute
de la maison de Bourbon. Revenu en hâte
à Paris et porté en triomphe par un groupe de combattants
qui saluaient en lui le défenseur de la liberté de la presse,
il donna avec éclat sa démission de pair de France, après
avoir lu à la tribune, le 7 août, une protestation longue
ment motivée contre la monarchie proclamée
le jour même, et résigna la pension viagère de 12,000F,
attachée à son titre.
Dernières
années (1830-1848).
Il avait d'abord projeté de se
fixer en Suisse, mais il en fut bientôt
rappelé par les événements et par l'opinion publique
dont quelques strophes de Béranger s'étaient
fait l'écho. Durant l'épidémie de choléra de
1832. il voulut distribuer aux diverses mairies de Paris les 12,000
F que la duchesse de Berry lui avait fait tenir pour remplacer la pension
qu'il avait abandonnée : il ne put y parvenir. Lors du débarquement
de la duchesse en Vendée, le gouvernement de « Philippe »,
qu'il continuait à ne pas reconnaître, se donna l'inutile
satisfaction de l'arrêter et de le détenir quinze jours à
la préfecture de police dans les appartements mêmes de M.
Gisquet. Mis en liberté par ordonnance de non-lieu, Chateaubriand
repartit pour la Suisse et séjourna quelque temps à Lucerne.
Un Mémoire sur la captivité
de Madame la duchesse de Berry (1833, in-8), terminé par l'apostrophe
fameuse devenue bientôt le mot de ralliement du parti : « Madame,
votre fils est mon roi! », l'amena sur les bancs de la cour d'assises,
en même temps que le gérant de la Quotidienne poursuivi pour
le même délit. Tous deux furent acquittés, et Chateaubriand
connut de nouveau les enivrements d'une popularité à laquelle
il n'était pas aussi insensible qu'il voulait bien le dire. Un message
secret qu'il reçut de la captive de Blaye, et qu'elle l'invitait
à faire parvenir à ses enfants à Prague,
le décida à continuer ce rôle de « courtisan
du malheur », dans lequel son orgueilleuse misanthropie se complaisait
plus encore que ses convictions, car, écrivait-il alors, «
je crois moins au retour de Henri V que le plus misérable juste-milieu
ou le plus violent républicain ». Il ne put arracher au vieux
roi Charles X son consentement à la déclaration
de majorité de son petit-fils, et il renonça, pour toujours
cette fois, à cette politique d'intrigues et de compétitions
dont il avait vu de près le néant et la caducité (octobre
1833).
Les
Mémoires d'outre-tombe.
Les quinze dernières années
de la vie de Chateaubriand se peuvent résumer en quelques lignes
: Chateaubriand, malade, presque paralysé par la goutte, trouva
encore la force d'aller voir, en novembre 1843, le comte de Chambord qui
lui donnait rendez-vous à Londres. Et pour le reste, son quotien,
c'était: la mise en ordre, ou pour mieux dire, l'arrangement de
ses Mémoires
et tous les jours la visite qu'il rendait à Mme
Récamier :
Dans ce salon de l'Abbaye-aux-Bois, tout
ce que l'Europe comptait alors de gens célèbres vint défiler
devant le vieillard morose « bâillant sa vie », selon
son expression fameuse, assis au coin de la cheminée, indifférent
à tout, hormis à sa gloire, inquiet du silence qui se faisait
peu à peu autour de son nom, et que la verve de Béranger,
avec qui il fut de tout temps en coquetterie réglée, avait
seule le privilège d'arracher à sa torpeur. A certains jours,
cet auditoire d'élite eut même l'insigne faveur d'entendre
lire diverses pages du livre auquel Chateaubriand confiait le soin de défendre
sa renommée, et qu'il retouchait encore au mois de juin 1847. Sa
femme était morte le 9 février 1847, et Ballanche suivit,
le 12 juin. Lui-même s'alita le 2 juillet 1848, reçut les
sacrements, dicta son testament et mourut le mardi 4 juillet. La stupeur
et l'effroi de Paris au lendemain des sanglantes journées de juin
détournèrent l'attention de cette mort qui passa presque
inaperçue.
Le samedi 8, un service funèbre
fut célébré dans l'église des Missions étrangères,
située rue du Bac, dans le voisinage
de la maison mortuaire ; le corps fut transporté à Saint-Malo,
où eurent lieu le 18 juillet les obsèques solennelles. A
l'élévation, la musique fit entendre la mélodie :
Combien j'ai douce souvenance... Puis le cortège s'achemina
vers l'îlot du Grand-Bé, dans la rade de sa ville natale,
où le cercueil fut déposé dans le sépulcre
de granit. Il repose là, sous une pierre entourée d'une petite
grille en fer et surmontée d'une croix. Point d'inscription; ni
nom, ni date.
-
Chateaubriand
sur son lit de mort.
Le désordre de ses affaires avait
depuis longtemps forcé Chateaubriand à «-hypothéquer
son tombeau », selon sa propre expression. Ses Mémoires,
qui en principe ne devaient paraître que longtemps après sa
mort, avaient été cédés, moyennant une rente
viagère de 12,000 F, à une société
anonyme. Revendus à Emile de Girardin,
ils furent découpés en feuilletons dans La Presse,
et ce mode de publicité ne leur fut guère moins défavorable
que le moment où on les jeta en pâture à la curiosité
publique, c.-à-d. au moment des préoccupations politiques
les plus graves.
Ce n'est pas seulement la foule qui leur
fit mauvais accueil : la critique sembla prendre sa revanche de la longue
contrainte qu'elle s'était imposée tant que le maître
avait vécu; à ce point de vue le cours professé à
Liège en 1849 par Sainte-Beuve,
et quelques pages de Nisard, bien dissemblables de celles que lui avait
jadis inspirées une communication des Mémoires encore
inédits, sont un témoignage significatif de cet état
des esprits. Dans ce livre où, selon le mot de Nisard, il n'y a
d'épargnés que les oubliés, on ne voulut voir alors
que l'incommensurable vanité de l'auteur, ses affectations d'archaïsme,
les digressions politiques et historiques auxquelles il s'était
livré sans retenue, et le dénigrement systématique
de tous ceux qui, princes, ministres ou écrivains, ne s'étaient
pas inclinés devant son génie. De nos jours, nous en jugeons
plus équitablement, et les Mémoires d'outre-tombe
sont, en dépit des réserves qu'ils soulèvent et des
longueurs qui les déparent, le livre le plus vivant, sinon même
le plus lu de Chateaubriand.
La préparation vingt fois interrompue
et vingt fois reprise de ces Mémoires n'avait pas seule rempli
les loisirs que lui avaient fait les alternatives de la politique et sa
retraite définitive depuis 1833. Privé des conseils de Fontanes
et de Joubert qui, sans doute, s'y fussent opposés, il avait, dès
1825, mis au jour un dernier fragment du manuscrit de Londres qui aurait
pu sans inconvénient n'en jamais sortir; l'ébauche des Natchez
est contemporaine, en effet, de celle d'Atala, mais elle n'en a
pas, tant s'en faut, la fraîcheur, et elle en semble beaucoup moins
la suite que la parodie.
Les Etudes et Discours historiques
(1831, 4 vol. in-8) sont plus importants et malgré l'insuffisante
érudition dont l'auteur fait un vain étalage, il serait injuste
de ne pas reconnaître qu'elles ont contribué à la renaissance
dont Augustin Thierry avait ouvert la voie. L'Essai sur la littérature
anglaise
(1836, 2 vol in-8), la traduction intégrale du Paradis perdu
de Milton (1836, 2 volumes in-8), le Congrès
de Vérone (1838, 2 volumes in-8) appartiennent à l'âge
mûr de l'auteur, tandis que sa tragédie
de Moïse (1834) et surtout sa Vie de Rancé (1844)
déçoivent sous sa plume.
Les
Natchez et le Dernier des Abencerages.
Les Natchez
et les Aventures du dernier des Abencerages ont paru pour la première
fois dans une édition des OEuvres complètes de Chateaubriand
entreprise par Ladvocat (1826-1827, 28 vol. in-8). Le détail bibliographique
des autres éditions partielles ou complètes nous entraînerait
trop loin. Atala, notamment, a été l'objet d'une
illustration considérable de Gustave Doré (1862, in-folio),
et de nombreuses réimpressions à l'usage des bibliophiles.
L'homme et l'oeuvre
Caractère.
Chateaubriand s'est
peint lui-même dans ses oeuvres, tantôt indirectement (Atala,
René, les Natchez), tantôt directement (Mémoires
d'outre-tombe). Son caractère offre un singulier mélange
de dédaigneuse froideur et d'enthousiasme lyrique. Il fait
dire à René :
«
Je m'ennuie de la vie, l'ennui m'a toujours dévoré. »
Il dit lui-même
:
«
J'ai bâillé ma vie, j'ai porté mon coeur en écharpe.
»
Sa vie a été
sans cesse mêlée aux plus grands événements
du siècle, et ses ouvrages sont sortis de la réalité
tout autant que du rêve. Il dit :
«
C'est dans les bois que j'ai chanté les bois, sur les vaisseaux
que j'ai peint l'océan, dans les camps que j'ai parlé des
armes, dans l'exil que j'ai appris l'exil, dans les cours, dans les affaires,
dans les assemblées, que j'ai étudié les princes,
la politique et les lois » (Mémoires d'outre-tombe).
-
Sur mon caractère
« En aucun
temps, il ne m'a été possible de surmonter cet esprit de
retenue et de solitude intérieure qui n'empêche de causer
de ce qui me touche. Personne ne saurait affirmer sans mentir que j'aie
raconté ce que la plupart des gens racontent dans un moment de peine,
de plaisir ou de vanité. Un nom, une confession de quelque gravité,
ne sort point ou ne sort que rarement de ma bouche. Je n'entretiens jamais
les passants de mes intérêts, de mes desseins, de mes travaux.
de mes idées, de mes attachements, de mes joies, de mes chagrins,
persuadé de l'ennui profond que l'on cause aux autres en leur parlant
de soi. Sincère et véridique, je manque d'ouverture de coeur
: mon âme tend incessamment à se fermer : je ne dis point
une chose entière, et je n'ai laissé passer ma vie complète
que dans ces Mémoires. Si j'essaie de commencer un récit,
soudain l'idée de sa longueur m'épouvante; au bout de quatre
paroles, le son de ma voix me devient insupportable, et je me tais. Comme
je ne crois à rien, excepté en religion, je me défie
de tout : la malveillance et le dénigrement sont les deux caractères
de l'esprit français; la moquerie et la calomnie, le résultat
certain d'une confidence.
Mais qu'ai-je gagné
à ma nature réservée? D'être devenu, parce que
j'étais impénétrable, un je ne sais quoi de fantaisie
qui n'a aucun rapport avec ma réalité. Mes amis mêmes
se trompent sur moi, en croyant me faire mieux connaître et en m'embellissant
des illusions de leur attachement. Toutes les médiocrités
d'antichambre, de bureaux, de gazettes, de cafés, m'ont supposé
de l'ambition, et je n'en ai aucune. Froid et sec en matière usuelle,
je n'ai rien de l'enthousiaste et du sentimental : ma perception distincte
et rapide traverse vite le fait et l'homme, et les dépouille de
toute importance. Loin de m'entraîner, d'idéaliser les vérités
applicables, mon imagination ravale les plus hauts événements,
me déjoue moi-même : le côté petit et ridicule
des objets m'apparaît tout d'abord : de grands génies et de
grandes choses, il n'en existe guère à mes yeux. Poli, laudatif,
admiratif pour les suffisances qui se proclament intelligences supérieures,
mon mépris caché rit et place, sur tous ces visages enfumés
d'encens, des masques de Callot. En politique, la chaleur de mes opinions
n'a jamais excédé la longueur de mon discours ou de ma brochure.
Dans l'existence intérieure et théorique, je suis l'homme
de tous les songes; dans l'existence extérieure et pratique, l'homme
des réalités. Aventureux et ordonné, passionné
et méthodique, il n'y a jamais eu d'être à la fois
plus chimérique et plus positif que moi, de plus ardent et de plus
glacé; androgyne bizarre, pétri des sangs divers de ma mère
et de mon père.
Les portraits qu'on
a faits de moi, hors de toute ressemblance, sont principalement dus à
la réticence de mes paroles. La foule est trop légère,
trop inattentive pour se donner le temps, lorsqu'elle n'est pas avertie,
de voir les individus tels qu'ils sont. Quand, par hasard, j'ai essayé
de redresser quelques-uns de ces faux jugements dans mes préfaces,
on ne m'a pas cru. En dernier résultat, tout m'étant égal,
je n'insistais pas; un comme vous voudrez m'a toujours débarrassé
de l'ennui de persuader personne ou de chercher à établir
une vérité. Je rentre dans mon for intérieur, comme
un lièvre dans son gîte : là je me remets à
contempler la feuille qui remue ou le brin d'herbe qui s'incline.
Je ne me fais pas
une vertu de ma circonspection invincible autant qu'involontaire : si elle
n'est pas une fausseté, elle en a l'apparence; elle n'est pas en
harmonie avec des natures plus heureuses, plus aimables, plus faciles,
plus naïves, plus abondantes, plus communicatives que la mienne. Souvent,
elle m'a nui dans les sentiments et dans les affaires, parce que je n'ai
jamais pu souffrir les explications, les raccommodements par protestations
et éclaircissements, lamentations et pleurs, verbiage et reproches,
détails et apologies. »
(Chateaubriand,
extrait des Mémoires d'outre-tombe).
|
Portraits de Chateaubriand.
Des divers portraits originaux de Chateaubriand
le plus connu est celui de Girodet (ci-dessus),
exposé pour la première fois au salon de 1810 sous cette
désignation : Portrait d'homme méditant dans la campagne
de Rome. Chateaubriand a raconté comment
Denon, en courtisan prudent, avait dissimulé,
le jour de l'ouverture du salon, ce portrait dans un coin obscur et comment
Napoléon exigea, au contraire, qu'il fût placé devant
lui. Il reparut, cette fois avec le nom du modèle, au salon de 1814.
Donné par Mme Récamier au musée de Saint-Malo, il
a figuré en 1878 à l'éphémère exposition
des Portraits nationaux. Un buste en marbre par David
d'Angers (1829), conservé par la famille, un médaillon
du même (musée du Louvre) et
une statue assise par Duret (palais de l'Institut) complètent cette
iconographie à laquelle il faut joindre d'assez nombreuses estampes
gravées principalement d'après Girodet et David d'Angers.
Influence de Chateaubriand.
Théophile
Gautier a dit de Chateaubriand :
«
Il a restauré la cathédrale gothique, rouvert la grande nature
fermée, et inventé la mélancolie moderne. »
Si l'on ajoute que Chateaubriand a renouvelé
la critique, on a ainsi résumé toute son influence.
1°
Il a restauré la cathédrale gothique.
Ceci doit s'entendre d'abord au sens figuré.
Par le Génie du Christianisme, Chateaubriand, s'il n'a rien
ajouté de sérieux au fond même de la théologie,
a brisé par des arguments nouveaux et actuels, la tradition antireligieuse
du XVIIIe siècle. Il a réhabilité
socialement et esthétiquement le christianisme; il a même,
en dehors de toute religion positive, expliqué et justifié
le sentiment religieux.
Au sens propre, il a ramené la curiosité
et l'intérêt vers le Moyen âge,
si dédaigné, pour des raisons différentes, des XVIe,
XVIIe et XVIIIe
siècles. Institutions, moeurs, monuments, il a tenté de tout
expliquer. A l'architecture pseudo-grecque, il a opposé l'art
gothique national, dont il a montré les rapports symboliques
avec le christianisme et les paysages de la France. Grâce à
lui, les Augustin Thierry, les Victor Hugo, les
Michelet, les Vitet,
les Mérimée, historiens, poètes,
critiques, administrateurs, se sont épris d'une admiration à
la fois raisonnée et enthousiaste pour les chefs-d'oeuvre longtemps
méconnus du Moyen âge.
2°.
Il a rouvert la grande nature fermée.
Il n'est pas vrai de dire que la nature
était fermée pour une société qui avait pu
lire Jean-Jacques Rousseau et Bernardin de Saint-Pierre, mais il est plus
juste d'affirmer que Chateaubriand a étendu et transformé
le sentiment de la nature. Il l'a étendu : car il n'a pas seulement,
comme Rousseau, décrit la Suisse, la Savoie
et la forêt de Montmorency ou le Mont-Valérien; mais après
la solitude bretonne de Combourg, il a peint l'immensité de l'océan,
à toutes les heures du jour et de la nuit, et la forêt américaine,
et les rives du Mississippi;
puis la campagne romaine, Naples, la Messénie,
l'Attique, la Palestine,
l'Espagne, - et chacun de ces tableaux, s'il accuse bien la main et la
manière du même peintre, a toutefois son caractère
propre et surprend encore le lecteur, deux siècles entiers de littérature
descriptive, par un singulier mélange de précision dans
les lignes et d'éclat dans le coloris. Ajoutez que dans ces paysages
si variés et faits d'après nature, il a su placer des hommes
dont le costume, les gestes et les moeurs sont appropriés au fond,
sur lequel ils se détachent et avec lequel ils s'harmonisent. La
couleur locale, impossible à
reconstituer archéologiquement, est avant tout un rapport.
Ni Atala, ni Chactas, ni Eudore, ni Cymodocée ne pourraient changer
de cadre sans changer de psychologie, d'aventures et de langage.
Mais si Chateaubriand a étendu le
sentiment de la nature, il l'a aussi transformé. En effet, Bernardin
de Saint-Pierre avait peint les mers, les orages et la nature exotique,
et avec la plus riche palette. Mais ces descriptions restaient objectives.
L'oeil de Bernardin est un miroir qui réfléchit avec autant
de fidélité que de netteté toute la gamme des nuances;
mais sa sensibilité ne semble pas se mêler au paysage. Chateaubriand,
s'il reçoit beaucoup de la nature, lui rend plus encore. Comprimée
et endolorie, incomprise d'une société toute à ses
plaisirs ou à ses disputes, sa sensibilité à lui ne
trouve de refuge que dans la nature. Il l'interroge, il l'associe à
sa douleur, il la trouve maternelle ou indifférente, il l'adore
ou il la maudit; c'est la conception romantique de la nature, qui doit
défrayer toute la grande poésie
lyrique de 1820 à 1848.
-
Chateaubriand
en 1828.
3°
Il a inventé la mélancolie moderne.
Certes, la mélancolie, même
si on la prend dans le sens restreint de lassitude morale et de dégoût
de la vie; existait avant Chateaubriand. Le Saint-Preux de la Nouvelle
Héloïse
(1760) et surtout Werther (1774, traduit en français dès
1778), sont des mélancoliques. Mais ils apparaissent plutôt
comme des exceptions; ce sont des révoltés, des excentriques.
Dans René, au contraire, toute une génération
se reconnaît; René incarnait le mal du siècle. Ruines,
morts violentes, déceptions morales et scientifiques, rêves
humanitaires démentis par la brutalité des faits, misère,
exil, - et, en face de ces maux et de ces douleurs, aucune consolation,
point de croyances positives, un vague déisme, une vanité
rebelle, des passions exaltées et inassouvies : tels sont les éléments
historiques et sociaux dont se forme, vers 1800, entre les secousses de
la Révolution et les campagnes de l'Empire, cette mélancolie
d'un genre nouveau. Avec cette divination et cette inconscience qui sont
la marque du génie, Chateaubriand a synthétisé et
fixé cet état d'âme dans son René. Mais
ce qu'il y avait de plus intéressant dans cette mélancolie
faite de rêves et de déceptions, c'est qu'elle devenait le
fond du lyrisme, au sens actif comme au sens passif.
Le poète, qui tour à tour
désespère et cherche en gémissant, acquiert une sensibilité
exaspérée et exquise; il associe Ia nature entière
à ses impressions; il s'alanguit avec l'automne et renaît
avec le printemps; il s'anéantit dans la sérénité
des nuits, et voudrait fuir sur l'aile des orages. De son côté,
le lecteur, en qui la faculté de percevoir et de vibrer s'est affinée
sous l'influence de cette mélancolie, éprouve l'impérieux
besoin d'entendre une voix qui lui formulé et lui module ce qu'il
ne sent qu'à demi. Il est d'intelligence avec le poète, il
le transpose en lui.
On trouve dans Chateaubriand tous les thèmes
de la grande poésie romantique; quand
Lamartine donne ses Méditations
en 1820, le public formé par la lecture du Génie,
de René, des Martyrs, semble lui dire-:
« Je t'attendais. »
4°
Enfin, Chateaubriand a renouvelé la critique.
La critique littéraire d'abord,
en substituant à la critique des défauts celle des beautés,
en nous apprenant, pour juger d'une oeuvre, à la replacer dans les
circonstances, dans la civilisation, dans les moeurs, dont elle est l'expression.
Cependant, à cela Mme de Staël aurait
suffi. L'originalité de Chateaubriand est ailleurs. Elle est dans
la solution définitive de ce malentendu qu'on appelait la querelle
des Anciens et des Modernes. Dans les parties du Génie
intitulées : Poétique du Christianisme et Beaux-Arts
et Littérature, Chateaubriand établissait non plus des
préséances, mais des différences. Son plaidoyer en
faveur du merveilleux chrétien
était basé beaucoup moins sur la supériorité
d'une doctrine que sur la nécessité de répondre,
en écrivant, aux croyances de son temps. Légitime, chez Homère,
la mythologie était absurde pour des
chrétiens. De même, en étudiant et en comparant les
caractères de l'époux, de la femme, de la mère, du
guerrier, chez les Anciens et chez les Modernes, il notait les acquisitions
psychologiques qu'il attribuait au christianisme; et il révélait
aux classiques eux-mêmes, qui ne semblaient pas l'avoir senti, que
leur originalité éclatait là où ils avaient
modifié et enrichi, au nom de ce principe de relativité,
les types fournis par leurs modèles.
L'histoire ne lui doit pas moins. Chateaubriand,
non seulement, comme nous le disions plus haut, nous a rendu le sens du
Moyen âge, et nous a révélé la vraie couleur
locale; non seulement il a donné lui-même, dans plusieurs
passages des Martyrs, de l'Itinéraire, des Mémoires
d'outre-tombe, des Études historiques, des modèles
de narrations documentées, précises et colorées; mais
encore ses théories sur la relativité des oeuvres d'art,
appliquées aux civilisations antiques et modernes, ont été
des plus fécondes.
Le style de Chateaubriand.
Chateaubriand procède à
la fois des grands écrivains classiques, comme Pascal,
Bossuet et Voltaire, et des précurseurs
du romantisme, J.-J. Rousseau et Bernardin
de Saint-Pierre. Mais il n'a rien d'un imitateur. Il faut distinguer en
lui le peintre, qui a le don d'évoquer dans notre imagination les
paysages les plus divers, - le poète, qui note avec délicatesse
et avec profondeur les mouvements et les élans du coeur, - l'orateur
qui développe des idées générales au moyen
de comparaisons et de métaphores, en d'amples périodes. Mais
on oublie trop souvent un Chateaubriand vif et spirituel, au style énergique
et concis, qui excelle à tracer des portraits. Aussi, bien que la
manière de Chateaubriand sente un peu l'effort, bien qu'il abuse
souvent de sa splendide imagination et de sa facilité oratoire,
on peut dire qu'il n'existe pas de style plus grand ni plus varié
dans la prose du XIXe siècle. Il
a servi de modèle à tous : poètes qui n'ont eu qu'à
rythmer et à rimer une prose déjà si musicale; historiens
qui lui ont emprunté sa pittoresque précision; critiques,
orateurs, romanciers... Il est leur initiateur et leur maître.
(Maurice Tourneux / R. Canat/
Ch.-M Des Granges).
|
Éditions
anciennes - Outre de nombreuses éditions
de chacun des ouvrages séparés de Chateaubriand, il a été
fait plusieurs éditions de ses Oeuvres complètes;
les meilleures sont celles de Ladvocat, en 31
vol. in-8, Paris, 1826-31, revue par l'auteur même, qui y a joint
des éclaircissements et des notes critiques, et l'a enrichie de
quelques oeuvres inédites (les Abencerages, les Natchez, Moïse,
tragédie, des poésies diverses, des discours politiques);
et celle de Ch. Goselin, 35 vol. in-8, 1836-38 (on y trouve en plus le
Congrès de Vérone, un Essai sur la littérature
anglaise, une traduction du Paradis perdu
de Milton). Chateaubriand n'a donné depuis
que la Vie de Rancé, 1844. Les Mémoires d'Outre-Tombe,
publiés d'abord dans le feuilleton de la Presse, ont été
édités en 12 vol. in-8 de 1849 à 1850.
Noailles,
son successeur à l'Académie y a fait son Éloge.
Marin et Ancelot ont écrit sa Vie,
Collombet Châteaubriand, sa vie et ses écrits, Ste-Beuve,
Châteaubriand et son groupe littéraire; Danilo, Châteaubriand
et ses critiques; Benoît, Étude sur Châteaubriand.
En
librairie. - Denis Tillinac,
Sur
les pas de Chateaubriand, Presses de la Renaissance, 2009. |
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