| Albrecht Altdorfer est un peintre-graveur, architecte, né à Altdorf (?), près de Landshut (Bavière), vers 1480, mort à Ratisbonne en 1538. L'année de sa naissance n'est pas exactement connue; mais elle ne saurait être postérieure à 1480, puisque Altdorfer reçut en 1505 le droit de cité dans la ville libre de Ratisbonne et qu'il fallait, pour l'obtenir, avoir au moins 25 ans. Plusieurs biographes, à la suite de Saudrart, le font naître en Suisse. Heineken a rectifié cette erreur et découvert à Ratisbonne plusieurs documents le concernant. Il acquit rapidement une situation honorable dans la ville de Ratisbonne. On le voit, en 1508, au rang des citoyens ayant droit à un cachet particulier (Siegetmässiger); en 1509, il reçoit du conseil dix florins pour un tableau; en 1513, il achète une maison et l'acte de vente apprend qu'il était marié à cette époque. En 1517, il peint un voile d'autel pour l'exposition des reliques; en 1518, achat d'une seconde maison. En 1519, il est chargé, en qualité de membre du conseil de Ratisbonne, de signifier a la communauté juive son expulsion de la ville. Il reçoit, en outre, la mission de peindre une bannière avec l'image de la Vierge et les armes de la ville, puis un tableau votif; de dessiner une monnaie et de décorer les affûts des canons de la cité impériale. Il n'est pas possible qu'il ait peint, en 1522, le portrait de Barbara de Blomberg, mère de don Juan d'Autriche, puisqu'elle était à peine née à cette époque. En 1526, il est élu membre du conseil intérieur de Ratisbonne et reçoit la charge d'architecte de la ville. En cette qualité, Aldorfer construit un marché et un abattoir. En 1528, il siège à la justice de paix, et il refuse de nouvelles fonctions pour se consacrer à un important tableau qu'il peignait alors pour le duc de Bavière et qu'il avait promis de livrer au plus tôt. (Il s'agissait de la Bataille d'Arbèles). En 1529-1530, il doit, en qualité d'architecte, fortifier la ville contre les Turcs. En 1532, il perd sa femme et il achète une maison avec un grand jardin, où il passait les mois d'été. Il ne semble pas qu'il se soit jamais absenté de Ratisbonne depuis le jour où il vint s'y établir; ses fonctions multiples l'y retenaient étroitement. La ville était d'ailleurs en ces années fort agitée; la Réforme y avait trouvé un accueil favorable. Altdorfer figure au nombre des conseillers qui, en 1533, appelèrent Jean Hiltner, ami de Luther, et provoquèrent une décision du conseil supprimant les offices de Sainte-Marie. Il grava même un portrait de Luther. Cette même année, comme il avait dû, pour remplir sa charge d'architecte de la ville, entretenir un cheval à ses frais, le conseil lui alloue deux mesures d'avoine par an. En 1534, il est nommé curateur du cloître des Augustins. Il meurt en 1538. Son testament, daté du 12, février 1538, ordonnait qu'on l'ensevelit dans le cloître Saint-Augustin, près de sa chère femme, et distribuait différents legs, notamment à son frère Erbard Altdorfer et à ses soeurs. - La Victoire d'Alexandre sur Darius, par Altdorfer. Comme peintre, s'il n'est pas certain qu'il ait travaillé dans l'atelier et ait été l'élève direct de Dürer, il n'est pas douteux du moins qu'il à subi son influence; mais parmi ceux qui imitèrent le maître de Nuremberg, il reste un des plus personnels. Il y a dans la conception de des oeuvres d'Altdorfer un élément de fantaisie et de poésie, et une originalité qui, encore aujourd'hui, nous frappent; aussi, bien que son dessin soit faible, que ses formes soient souvent laides et sans grâce, il reste un des représentants les plus intéressants de la vieille école allemande. Il a un profond sentiment de la nature et le paysage prend toujours chez lui, et quel que soit le sujet, une importance capitale. Sa manière rappelle celle des miniaturistes; il n'aurait pu aborder une oeuvre de grande dimension, mais, dans leurs proportions réduites, ses tableaux ont un charme très particulier par la vérité de l'expression, les détails de la composition, la qualité de la couleur, la distribution de la lumière, et l'exécution minutieuse des accessoires, arbres, architecture, etc. Il subit évidemment l'influence italienne, mais sans qu'elle ait jamais pu recouvrir chez lui le fond germanique originel; c'est surtout dans ses architectures, où la Renaissance et le gothique sont arbitrairement mêlés, qu'on peut en surprendre les traces. Parmi ses plus importants ouvrages, il faut citer : le Christ en Croix, tableau d'autel de 1517, à Augsbourg, et la Naissance de Marie; la Victoire d'Alexandre le Grand sur Darius (1529) à la Pinacothèque de Munich. Sur le cadre se lit : ALBRECHT ALTDORFER. ZV. REGENSBVRG FECIT. En haut, on trouve une longue inscription expliquant le sujet et dénombrant les combattants. C'est la représentation fidèle d'une bataille au XVIe siècle, immense mêlée de fantassins et de cavaliers tous peints avec un soin amoureux; au milieu, Alexandre à cheval, recouvert d'une belle armure d'or, se précipite la lance abattue, sur Darius dont le char de combat est en fuite. Dans le ciel, la lune s'efface et le soleil monte à l'horizon, symbole des deux destinées en ce moment aux prises. Le paysage se déroule à l'infini, embrassant des villes, des montagnes, des châteaux; à l'horizon s'étend la mer, couverte de vaisseaux. Le rendu de chaque figure, de chaque armure est poussé jusqu'à la minutie et les deux armées tiennent dans un panneau de quatre pieds de hauteur sur 3,5 de largeur. Napoléon Ier l'avait fait porter à Saint-Cloud et placer dans sa chambre. En 1815, il fut rendu à Munich. La Pinacothèque possède aussi d'Altdorfer une Madone avec l'Enfant, la Chaste Suzanne, Saint Georges combattant le dragon dans un paysage, et le Christ pleuré; au musée de Berlin, un Saint François et saint Dominique, de 1507; à Nuremberg, Saint Jérôme au pied de la Croix; l'Ensevelissement de saint Quirinus, Saint-Etienne devant le tribunal et Lapidation de saint Etienne; à Vienne, Marie avec l'Enfant; un Paysage avec figures allégoriques, Repos de la sainte Famille en Egypte, avec cette inscription : Albertus Altorffer pictor Ratisponensis in salutem animae hoc tibi munus, diva Maria, sacravit cordi fideli (1510); Altdorfer a gravé sur cuivre et sur bois; Bartsch (VIII, 41-84), lui attribue quatre-vingt-seize estampes. Elles sont de valeur fort inégale. Son dessin est médiocre et sans accent particulier. Comme il a adopté la coutume de graver en petit, il est compris dans les « petits maîtres » et souvent appelé « le petit Albert ». Il a copié plusieurs planches de Marc Antoine; c'est une traduction en allemand et souvent une déformation du maître italien. Toutes les fois qu'il a voulu traiter le nu dans les sujets empruntés à la mythologie (Neptune, Vénus, le jugement de Pâris, etc.), sa maladresse éclate. C'est surtout dans la série de ses architectures et de ses modèles d'orfèvrerie que ses estampes sont remarquables. - Saint Georges combattant le dragon, par Altdorfer. Il faut aussi mentionner une suite de paysages. Georges Duplessis (Histoire de la gravure) a porté sur Altdorfer ce jugement sévère : « Il gagne à être classé parmi les damasquineurs : c'est là sa véritable place. » On compte encore soixante-trois gravures sur bois d'Altdorfer, sur lesquelles on peut porter le même jugement. Une série de quarante pièces sur la Chute et la Rédemption fut éditée en 1604 sous ce titre : Alberti Dureri-Noriberg. Germ. Icones sacrae, nunc primum e tenebris in lucem editae. L'erreur n'était guère permise. On cite parmi ses plus belles planches une Ascension, un Saint Jérôme et des morceaux d'architecture. (André Michel). | |