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L'Inquisition
Organisation
Aperçu
L'institution
Son organisation
Ses provinces
L'organisation de l'Inquisition fut toujours très simple, sans apparat. Les circonscriptions inquisitoriales, qui comprenaient chacune plusieurs évêchés, se confondaient avec les « provinces » des ordres mendiants, très généralement chargés de l'Inquisition. L'inquisiteur, qui ne portait aucun insigne, résidait, au cours de ses tournées, dans les couvents de son Ordre ou empruntait, pour y installer son tribunal, un édifice public. L'inquisiteur (qui, depuis la réforme de Clément V, devait avoir dépassé la quarantaine) procédait seul, ou assisté d'un confrère, d'auxiliaires qui instruisaient la cause et dirigeaient les premiers interrogatoires, et enfin de « conseillers » versés dans la science du droit; il était toujours accompagné de notaires et d'appariteurs, et il était autorisé à réquisitionner des « témoins impartiaux » pour assister aux actes oraux de la procédure (qui n'étaient jamais publics); les témoins devaient contresigner avec le notaire tous les procès-verbaux. Ces procès-verbaux étaient conservés, indexés, et formaient des archives de police, d'une sûreté qui, plus d'une fois, fut fatale aux justiciables. L'inquisiteur Bernard Gui, protestant contre la réforme clémentine, fait ressortir le contraste entre la France, où les inquisiteurs sont obligés d'avoir recours aux officiers royaux pour se procurer une escorte armée, et l'Italie, où l'Inquisition indépendante (grâce à sa part dans les amendes et les confiscations), entretient des bandes à elle de « familiers » et de bravi

A l'origine, les sentences étaient rendues au fur et à mesure de l'examen des affaires, tous les jours. Mais bientôt on laissa s'accumuler les cas, pour avoir, de temps en temps, l'occasion de solennités émouvantes où paraissaient simultanément une foule de condamnés. Le jour de cette solennité (sermo generalis, autodafé), qui était toujours un dimanche, à l'église, en présence du peuple, les justiciables de l'Inquisition étaient conduits sur une estrade. L'inquisiteur prêchait; les officiers laïques prêtaient le serment d'obédience; lecture était donnée des confessions, en langue vulgaire; on demandait aux pénitents (à ceux qui en avaient manifesté l'intention) d'abjurer; les autres, les obstinés, étaient livrés au bras séculier. L'exécution avait lieu le lendemain.

L'Inquisition pontificale n'a pas toujours eu de chef unique; il n'y a pas toujours eu d'inquisiteur général, préposé par le pape à la direction de l'immense machine inquisitoriale. Urbain IV ordonna en 1262, à tous les inquisiteurs d'adresser leurs rapports au cardinal de Saint-Nicolas in carcere Tulliano. Ce cardinal (Caietano Orsini) qui fut plus tard Nicolas IV, a été véritablement le premier des inquisiteurs généraux. A son avènement au Saint-Siège, il se nomma comme successeur son neveu, doyen du Sacré Collège. Boniface VIII abolit la fonction, qui resta vacante jusqu'au moment où Clément VI la ressuscita momentanément en faveur du cardinal de Saint-Etienne in Monte Caelio.

L'histoire de la procédure inquisitoriale est un vaste sujet qui ne saurait être traité ici en détail. Mais ce qui caractérisait hautement cette procédure, c'était l'arbitraire :

« Elle était éminemment dangereuse, dit H.-C. Lea (Histoire de l'Inquisition au Moyen âge, I, 456), parce que l'accusateur s'y confondait avec le juge, qui, souvent, était personnellement un fanatique. Cependant l'Eglise professait la théorie que l'inquisiteur était un père spirituel, impartial, dont les fonctions, ayant pour objet le salut des âmes, ne devaient être entravées par aucune règle. Toutes les garanties dont l'expérience des hommes avait reconnu la nécessité dans les procédures judiciaires les plus triviales étaient donc supprimées. L'inquisiteur était exhorté à procéder sommairement, à ne pas s'inquiéter des formes, à rejeter tous les appels et exceptions dilatoires [...]. Si la procédure avait été publique, l'infamie de ce système aurait été atténuée; mais l'Inquisition s'enveloppait d'un profond mystère jusqu'après le prononcé de la sentence. »
Un individu était-il signalé comme suspect d'hérésie, l'Inquisition faisait procéder à une enquête secrète; puis, il était cité secrètement devant l'inquisiteur; s'il était cité, c'est qu'il était jugé coupable : il était donc condamné dès le jour de la citation; il fallait qu'il avouât et acceptât sa pénitence; s'il n'avouait pas, c'est qu'il s'obstinait, et son cas devenait par là même passible du bûcher. Dénégation est signe d'endurcissement, dans la pratique inquisitoriale. Il y avait avantage, toutefois, à obtenir des aveux formels, car ceux qui confessaient étaient invités à prouver leur sincérité en dénonçant leurs complices. Aussi les futurs inquisiteurs étaient-ils dressés par leurs anciens à en arracher : ils suivaient, à cet effet, de véritables cours de psychologie, dont on possède un spécimen dans la Practica de Bernard Gui; quand l'habileté de l'interrogateur échouait, on avait recours à la torture sous toutes les formes, lente ou proprement dite. C'est une chose singulière que l'Eglise qui, jusque-là, avait toujours désapprouvé la torture et interdit absolument aux clercs l'effusion, et même la simple vue de l'effusion du sang, ait renoncé à ce préjugé séculaire en faveur de l'Inquisition. A l'origine, il semble que les inquisiteurs aient fait procéder à la torture, comme à l'exécution des obstinés, par le bras séculier; mais c'était une complication gênante. Alexandre IV autorisa,  en 1256, les inquisiteurs et leurs aides à s'accorder mutuellement des dispenses pour des « irrégularités ». Dès lors, l'inquisiteur et ses familiers, sous le couvert de la dispense accordée par un collègue, procédèrent directement aux opérations de la torture, mais en la passant sous silence dans les procès-verbaux d'aveux. L'abus fut tel que, dés la fin du XIIIe siècle, le gouvernement de Philippe le Bel protesta contre la méthode nouvelle (que lui-même employa si copieusement plus tard), et  que Clément V prépara un projet d'après lequel la torture ne serait administrée qu'avec le consentement de l'évêque, si celui-ci pouvait être consulté dans les huit jours. 

A la grande indignation de Bernard Gui, cette restriction fut adoptée par le Concile de Vienne et promulguée par Jean XXII en octobre 1317. Mais Clément n'avait parlé que des « accusés »; la torture des « témoins » resta permise sans autorisation préalable. La règle avait été posée qu'un accusé ou un témoin ne pouvait être torturé qu'une fois; aussi, quand on torturait pour la seconde ou la troisième fois le même individu, prenait-on la précaution de déclarer que l'on procédait, non pas à la réitération, mais à la continuation du supplice. Toute confession faite à la suite d'une torture proprement dite devait être renouvelée postérieurement, « sans contrainte »; mais toute rétractation d'une confession faite était considérée comme un parjure, attestant que l'hérétique était non seulement impénitent, mais relaps; et les relaps étaient livrés sans délai au bras séculier. Ainsi aucun accusé ne pouvait échapper lorsque le juge était décidé à condamner. Bernard Gui avait bien raison de dire, en comparant la procédure inquisitoriale à celle des autres cours d'Eglise, qui fonctionnaient conformément au droit romain, que 
« notre justice (celle des inquisiteurs) n'est pas la même que la leur » « Il y a beaucoup de choses qui sont particulières à l'Inquisition. » 
Une de ces choses était que les inculpés traduits devant l'inquisition n'avaient jamais connaissance des noms des témoins qui les chargeaient. Cette règle extraordinaire avait été posée d'abord « par crainte des représailles » contre les dénonciateurs; mais c'est en vain que Boniface VIII, lorsqu'il l'inséra dans le Corps du droit canonique, exhorta expressément évêques et inquisiteurs à n'agir ainsi qu'en cas de péril, avec des intentions pures; la dissimulation des noms des témoins resta une pratique générale :
« Rien n'est plus rare, dit Eymerich, que le cas où il n'y a pas de péril pour les témoins-». 
On en arriva enfin à cacher aux accusés non seulement les noms des témoins, mais encore les témoignages qui déterminaient la conviction du juge; l'accusé, que l'on exhortait à avouer, pouvait ignorer pendant des années les charges qui pesaient sur lui-:
 « Notre justice, dit Bernard Gui, n'est pas la même que la votre ».
En fait, on échappait rarement à l'inquisition, lorsqu'on lui était dénoncé. Sans doute, il y a des exemples de grands seigneurs qui, ayant appelé du Saint-Office au pape, ont été acquittés (le sire de Parthenai sous Charles IV) et d'individus riches qui achetèrent leur liberté en cour de Rome, mais aucun espoir n'était laissé aux gens du commun, qui n'avaient pas de protecteurs puissants et qui tombaient sous la griffe d'inquisiteurs inintelligents ou passionnés, sans parler des inquisiteurs, flétris par Clément V, qui agissaient sous l'impulsion de rancunes personnelles.

Les peines infligées par l'inquisition avaient pour objet « le remède de l'âme », le salut éternel des coupables, non la vengeance, ni l'exemple. Elle imposait des pénitences. Mais le crime d'hérésie était si grave que les pénitences étaient, pour la plupart, très sévères; il ne pouvait être racheté par le simple repentir et le retour dans les voies droites : il y fallait les pèlerinages, la flagellation, l'amende dans les cas bénins, le port de croix jaunes et le « mur » (la prison) dans les autres cas. La croix jaune était une punition très rude, car elle désignait le porteur à l'animadversion publique, comme on le voit par les nombreuses proclamations faites précisément pour réagir contre les persécutions infligées aux « pénitents » par les dévots :

« Le sanbenito de l'Inquisition espagnole dérive du scapulaire avec croix de couleur safran qui était porté par les condamnés à la prison lorsque, à certaines fêtes, ils étaient exposés aux portes des églises, afin que leur humiliation servit d'avertissement au peuple.-» (Lea, I, 331). 
D'ailleurs, toutes les pénalités mineures étaient, en pratique, rachetables, au moyen de pots-de-vin, à la discrétion de ceux qui les avaient prononcées; si le condamné mourait avant d'avoir accompli sa pénitence, ses héritiers étaient souvent invités à financer à sa place, pour éviter que le de cujus fût déclaré mort en état d'hérésie, et que sa succession fut exposée, par conséquent, à la confiscation.
 « Si l'on considère que toute personne, âgée de plus de sept ans était sujette à la suspicion d'hérésie, on comprendra quel vaste champ était ouvert à la cupidité de l'Inquisition, de ses espions et de ses familiers. » 
Boniface VIII, Clément V ont reconnu à plusieurs reprises que certains inquisiteurs se livraient à d'odieuses extorsions (en faisant chanter des innocents et en délivrant des coupables à prix d'argent) et vainement essayé d'y mettre un terme; il y eut encore des émeutes, à ce sujet, au XVIe siècle.

Le châtiment le plus fort que les inquisiteurs pouvaient infliger était la prison perpétuelle, moyen sûr de faire accomplir aux coupables, confès et repentis, une pénitence de nature à racheter leurs erreurs. On distinguait le régime strict (murus strictus) et le régime indulgent (murus largus) : dans tous les deux, le prisonnier était nourri au pain et à l'eau (mais il était permis de recevoir d'autres aliments du dehors); les condamnés au mur strict étaient, en outre, reclus et enchaînés. On sait, d'ailleurs, que les prisons du Moyen âge étaient des lieux horribles il y régnait, cependant, un certain laisser-aller, qui tournait parfois au profit de l'humanité, quand les prisonniers avaient de quoi faire des cadeaux aux geôliers. Les évasions étaient assez fréquentes. Sur 636 sentences prononcées de 1308 à 1322 d'après l'inquisiteur Bernard Gui, il y a 16 condamnations à des pèlerinages, 138 au port de la croix jaune, 300 à la prison, 21 à l'exhumation d'ossements de personnes qui auraient été condamnées à la prison; 40 obstinés furent livrés au bras séculier. Encore faudrait-il savoir combien de condamnés à la prison perpétuelle virent leur peine commuée en pénalités plus douces. Les commutations de peine étaient fréquentes, vu l'encombrement des geôles. Mais on peut se demander

« si le destin des libérés, qui restaient soumis à la police inquisitoriale, dont la vie se traînait désormais au milieu d'une anxiété incessante, était moins lamentable que celui des victimes de la prison et du bûcher ».
Les 21 condamnations de Bernard Gui contre les ossements d'hérétiques décédés s'explique par ce fait connu que l'Inquisition n'était nullement désarmée par la mort de ses justiciables. Le crime d'hérésie entachait, du reste, la descendance du coupable jusqu'à la troisième génération; Boniface VIII fut considéré comme ayant adouci, sur ce point, la rigueur des constitutions de Frédéric, parce qu'il supprima l'incapacité pour les petits-enfants de la ligne maternelle.

Les biens des hérétiques frappés d'emprisonnement (et quelquefois même de peines moindres) par l'Inquisition étaient, ipso facto, confisqués. L'importance de ce détail est capitale, car il expliqne la faveur dont l'établissement inquisitorial fut l'objet de la part des princes temporels :

 « Sans le stimulant du pillage qui rendit si attrayante la poursuite de l'hérésie, l'Inquisition n'aurait pas survécu à la poussée du fanatisme qui lui donna naissance au commencement du XIIIe siècle. » 
En effet, d'après les lois romaines, les biens confisqués des criminels, et notamment des hérétiques, revenaient au fisc, à dater du jour où le crime avait été commis. Dès qu'un individu suspect d'hérésie était arrêté, ses biens étaient séquestrés et ses débiteurs avertis; confès et repentant, l'hérétique réconcilié, ou ses héritiers, ne pouvaient plus recouvrer lesdits biens que par une mesure gracieuse qui équivalait à un don. Mais qui représentait, au XIIIe siècle, le fisc romain? Nous avons vu que, aux termes de la bulle Ad extirpanda d'Innocent IV les dépouilles étaient partagées, en Italie, entre les autorités locales, les fonctionnaires de l'Inquisition et l'évêque; toutefois, dans le Patrimoine de Saint-Pierre, la Chambre apostolique percevait, dès le pontificat d'Alexandre IV, la plus grosse part des confiscations; finalement l'usage s'établit, dans l'Italie tout entière, à l'exception de Venise, du Piémont et des Deux-Siciles, de répartir le bénéfice entre les municipes, l'Inquisition et la Chambre apostolique : c'est au XVe siècle seulement qu'Eugène IV restitua aux évêques la part (qui n'était plus considérable) revenant à la Chambre pontificale, afin d'encourager d'autant leur zèle contre l'hérésie. A Naples, les rois angevins ont toujours réclamé et obtenu, pour leur fisc, tout ou partie des « encours » (confiscations); les encours furent partagés en Piémont entre l'Etat et l'Inquisition jusqu'à ce que, au XVe siècle, Amédée IX revendiquât le tout pour son fisc; Venise ne consentit, en 1239, à l'introduction de l'Inquisition dans ses domaines qu'à la condition (entre autres) de percevoir toutes les recettes du Saint-Office, En Espagne, l'Eglise gardait les biens confisqués si l'hérétique était un clerc ou un vassal de l'Eglise; autrement, ils revenaient au seigneur temporal. En France, la couronne se réserva de bonne heure les confiscations pour cause d'hérésie; au retour de sa première croisade, Louis IX, prêtant l'oreille aux réclamations de l'épiscopat à ce sujet, accepta un compromis en vertu duquel les fiefs de la mouvance d'un évêché qui viendraient à être confisqués, seraient divisés en deux parties égales, les évêques intéressés ayant le droit de racheter la part royale, dans le délai de deux mois; passé ce délai, le roi restait obligé de céder ces territoires à une personne de condition analogue, soumise aux mêmes obligations que le précédent possesseur; les meubles restaient à la couronne; par exception, dans le diocèse d'Albi, les encours étaient partagés entre l'évêque et le roi. 

Particulièrement atroces étaient les procédures en vigueur en matière de confiscation; la brutalité des officiers royaux, dont on a tant d'autres preuves, s'y donnait pleine carrière, D'abord, comme s'ils étaient persuadés que l'Inquisition n'acquittait jamais, les officiers royaux confisquaient préventivement les biens des accusés. Louis IX dut leur ordonner, en 1259, d'admettre les accusés non condamnés à la prison, ou leurs héritiers, à revendiquer leurs biens séquestrés; Boniface VIII s'est aussi élevé contre cet abus, mais en vain. En second lieu, comme on le voit par le Registre des encours de Carcassonne pour les années 1302-1313, les plus faibles créances des hérétiques condamnés au mur étaient énergiquement recouvrées; mais leurs dettes n'étaient pas payées, sous prétexte qu'un hérétique n'avait pas pu s'engager valablement. En vertu du même principe, les aliénations consenties par les condamnés étaient considérées comme nulles, et les détenteurs de bonne foi des biens aliénés étaient recherchés, forcés à se dessaisir, sans indemnité aucune. Enfin le séquestre des biens meubles des accusés était si complet que leur famille, enfants, femmes et vieillards, demeurait souvent privée de tout, jetée sur le pavé, réduite à la mendicité, du jour au lendemain. 

Les princes besogneux du Moyen âge trouvaient donc dans les encours une source de recettes qui n'était pas négligeable, quoiqu'elle eut sa contre-partie, car ils devaient contribuer aux dépenses de l'Inquisition : Louis IX, s'est chargé des frais afférents aux prisons où les justiciables des inquisiteurs étaient reçus. Mais l'opération ne laissait pas de se solder en bénéfice. Il est remarquable que l'inquisition n'ait été tout à fait prospère que dans les pays où il y avait beaucoup d'hérétiques riches. Au commencement du XIVe siècle, les seigneurs et les marchands languedociens ayant été dépouillés, il n'y eut plus guère d'autres hérétiques à poursuivre que les Spirituels, les Dolcinistes, les Fraticelles, qui avaient la propriété en horreur et qui ne possédaient rien. C'est alors que le déclin de l'institution inquisitoriale commença. Du reste, quelques princes temporels résistèrent à l'appât grossier des dépouilles; et, à la fin du XIVe siècle, l'empereur Charles IV, que cet appât tenta beaucoup, ne réussit pas à vaincre, d'une manière durable, la répugnance des seigneurs et des villes d'Allemagne.

L'Inquisition ne prononçait jamais elle-même une sentence de mort, non plus qu'une confiscation, mais elle livrait les obstinés (et, à partir du milieu du XIIIe siècle, les relaps) au bras séculier, ce qui revenait au même. Les penseurs de l'Ordre dominicain ont abondamment justifié cette pratique. Elle était si invétérée que l'un des griefs qui déchaîna le plus d'indignation contre Jean Huss, au concile de Constance, fut la proposition contraire, soutenue par l'hérésiarque. Au reste, il ne faut pas croire,
comme on l'a cru, que les inquisiteurs se soient principa lement appliqués à envoyer des gens au bûcher. Les exécutions par le feu étaient relativemant rares, et employées seulement à la dernière extrémité.

« Les véritables armes du Saint-Office, ses armes efficaces, comme aussi les pires fléaux qu'il déchaîna, furent les geôles infectes, les confiscations en masse, les pénitences humiliantes, enfin la police invisible par laquelle il paralysait l'esprit et le coeur de tout homme assez infortuné pour avoir affaire à lui. »
L'influence de l'Inquisition sur la société du Moyen âge en général, particulièrement en France, ne saurait être exagérée. C'est sa procédure qui popularisa partout l'usage de la torture. Ce sont ses méthodes qui furent adoptées par les papes et par les rois pour satisfaire leur avidité ou leurs vengeances particulières : l'Ordre des Templiers et Jeanne d'Arc en sont les plus illustres exemples. Geôles infectes, confiscations en masse, police invisible, le gouvernement de Philippe le Bel, dirigé par des hommes du Midi, qui avaient vu de près le fonctionnement de l'institution inquisitoriale, a emprunté tout cela, et d'autres choses encore, à l'Inquisition languedocienne. 
« L'influence de l'inquisition, dit très bien Lea, s'est produite à une époque où les vieux usages des barbares tombaient en désuétude en faveur du progrès général des intelligences, où un droit nouveau s'é laborait sous l'influence des lois romaines retrouvées, où la juridiction du seigneur féodal était rapidement absorbée par celle de la royauté. Tout le système judiciaire des monarchies européennes était en voie de transformation. Si, dans cette réorganisation, les pires errements de la jurisprudence impériale ont été adoptés, si les garanties par lesquelles Rome en avait restreint l'abus ont été négligées, alors qu'on en exagérait à plaisir la malice; si, enfin, ces usages révoltants devinrent et restèrent, pendant cinq siècles, les caractères essentiels de la jurisprudence criminelle de l'Europe, - il faut sans hésiter attribuer ce scandale au fait que les pratiques en question avaient reçu la sanction de l'Eglise. Protégées par cette haute recommandation, elles pénétrèrent partout où pénétra l'Inquisition elle-même. » 
(L.).
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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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