| Considéré comme faisant l'objet d'une science spéciale, le droit comprend l'ensemble des règles qui gouvernent les hommes vivant en société et dont l'exécution est assurée par la force publique. C'est ce dernier caractère qui permet de distinguer le droit de la morale, de la politique et des usages mondains. Toute catégorie de règles de conduite pour laquelle cette coercition extérieure fait défaut reste en dehors du domaine du droit. Le plus souvent la règle oblige tous les membres du corps social, mais cela n'est pas nécessaire pour que cette règle ait le caractère juridique. Il en est qui sont faites pour un seul homme, par exemple celles qui déterminent les attributions du chef de l'Etat. Entre ces deux extrêmes, tous les degrés intermédiaires sont concevables. Mais, dans tous les cas, la règle de droit émane de l'autorité suprême, et c'est par là que les règles juridiques véritables se séparent des règlements intérieurs établis par les grandes compagnies ou par les chefs d'établissements industriels ou scolaires, etc. Ces règlements ou disciplines ne sont que des contrats librement consentis entre particuliers, sous l'empire des régies supérieures du droit. L'autorité qui établit la règle de droit se présente sous deux formes très différentes. Tantôt la règle à suivre n'est qu'un usage, une tradition introduite on ne sait quand, par qui, ni comment. Tantôt elle est un ordre donné par le chef social; on peut dire de qui elle émane, quand elle a été faite, et on en connaît la formule. Dans le premier cas, on suit la règle par esprit d'imitation et aussi parce qu'on compte sur l'expérience acquise qu'elle récèle et sur la sécurité qu'on a toujours en suivant des sentiers battus. L'observation de la règle n'est guère due qu'à l'esprit de routine des praticiens; c'est la même force qui introduit les clauses dites de style dans les actes des notaires et qui maintient la fixité dans la jurisprudence des tribunaux. Au second cas, au contraire, l'autorité qui orée le droit agit en vertu d'une constitution régulière : son mode de fonctionnement est déterminé. Cette autorité prend alors le nom de pouvoir législatif et le droit établi par elle s'appelle loi, au sens général du mot, un droit écrit. De là, d'après sa source, une grande division dans le droit, entre la loi où droit écrit d'une part et la coutume d'autre part. Souvent on considère l'usage général comme une manifestation tacite de la volonté souveraine du corps social, mais c'est le résultat d'une erreur théorique. Chaque groupe politique ou Etat se constitue un droit propre, sous la forme d'usages ou de droit écrit, qui forme un tout distinct. Mais la coexistence des divers Etats fait naître un droit d'une autre sorte, le droit international. Celui-ci comprend d'une part le droit des gens ou droit international public qui règle les rapports des Etats entre eux et qui est fixé par des usages ou par des traités, et d'autre part le droit international privé qui règle les conflits de lois, c.-à-d. les rapports entre particuliers soumis à des lois différentes. La science du droit a subi, dans les temps modernes, une transformation profonde. Le temps, n'est plus où elle était contenue tout entière dans les compilations de Justinien. A l'heure qu'il est, la science juridique est une des plus vastes qui existent, une de celles qui exigent les connaissances les plus variées. Il en est ainsi même pour l'étude historique du droit ancien, des législations mortes. Sur les aptitudes diverses que doit réunir celui qui veut étudier sérieusement le droit romain. A plus forte raison cette variété d'aptitudes et de connaissances est-elle nécessaire pour l'étude des législations vivantes qui sont infiniment plus complexes et plus variées que ne l'était le droit romain et qui, d'ailleurs, ne peuvent être bien comprises et appréciées qu'à l'aide de l'histoire et de la législation comparée. L'étude d'un pareil ensemble dépasse de beaucoup les forces d'une seule personne. Pour le praticien même, la spécialisation est nécessaire. Depuis longtemps, malgré la résistance de traditions vénérables, on a introduit dans l'enseignement du droit un système de cours à option qui n'oblige plus les étudiants à tout apprendre. (Marcel Planiol). | |