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Les Hespérides

Les Hespérides, c.-à-d. Occidentales (personnages de la mythologie grecque), étaient des nymphes dont le jardin était planté d'arbres qui portaient des pommes d'or. On disait que ces arbres avaient été donnés par Héra à Zeus, lors de son mariage avec ce roi des dieux. Leurs fruits avaient des vertus surprenantes; ce fut avec une de ces pommes que la Discorde brouilla les trois déesses qui aspiraient à l'empire de la beauté; ce fut avec un fruit des mêmes arbres qu'Hippomène adoucit la fière Atalante. Aussi ces pommes d'or avaient-elles été mises sous la garde de Ladon, un horrible dragon à cent têtes, fils de Gaïa (la Terre), et qui poussait à la fois cent sifflements formidables. Ce qui n'empêcha pas  Héraclès, de s'emparer de ce trésor, et d'accomplir ainsi un de ses Douze travaux. 
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Héraclès et les Hespérides.
Héraclès et les Hespérides. 
Bas-relief. Villa Albani, Rome.

Les Hespérides étaient petites-filles d'Hespérus, et filles d'Atlas et d'Hespéris, ou de Zeus et d'Hespéris ou de Thémis, suivant Diodore de Sicile, qui en compte sept  : Maïa, Electre et Taygète, qui furent aimées de Zeus; Alcyone et Célaéno, amantes de Poséidon; Stérope ou Astérope, aimée d'Arès, qui en eut Oenomaüs; et enfin Mérope. Hésiode les fait filles de la Nuit et de l'Erèbe, et Chérécrate dit qu'elles durent leur naissance à Phorcys et à Céto, divinités de la mer. Apollodore en compte quatre : Égle, Erythée, Hestis, Aréthuse, qu'Apollonius réduit à trois, Hespéré, Érythéis, et Églé. Suivant d'autres, cette triade est composée d'Églé, d'Aréthuse et d'Hespéruse. Cependant, il y a des poètes qui en nomment encore d'autres, telles que Hespéra, Erythéis et Vesta. Quelques auteurs, les identifient avec les Atlantides ou aux Pléiades, et rien de plus confus que les mythes qui les concernent. 

Les Hespérides avaient une beauté et une sagesse peu communes et une voix des plus mélodieuses et charmantes, d'où leurs surnoms de Ligyphonous, à la voix éclatante; de Hymnodous, et de Ephimeron aeidousas, cantatrices. Sur leur réputation, Busiris, roi d'Egypte, conçut le dessein de s'en rendre maître, et commanda à des pirates de pénétrer dans leur pays, de les enlever et de les lui amener. Ces pirates trouvèrent dans leur jardin les filles d'Atlas, qui se divertissaient; ils se saisirent d'elles, les entraînèrent au plus vite, et les embarquèrent sur leurs vaisseaux.

Sur ces entrefaites, Héraclès avait reçu d'Eurysthée l'ordre d'enlever les pommes d'or du jardin des Hespérides, et de les lui apporter. Le héros se mit en route; sur les côtes de la Maurétanie, il rencontra les pirates ravisseurs, qui prenaient leur repas près du rivage; et, ayant appris des jeunes vierges le malheur qui leur était arrivé, il tua les brigands, et rendit les Hespérides à leur père; Atlas, par reconnaissance, donna non seulement à Héraclès les pommes d'or qu'il était venu chercher, mais encore lui enseigna à fond l'astronomie; c'est ce qu'on a voulu exprimer en ajoutant que Héraclès soutint le ciel sur ses épaules à la place d'Atlas, pendant que celui-ci alla cueillir les fameux fruits. 

Ce récit est à peu près celui de Diodore; mais d'autres mythologues avancent que le héros alla droit au dragon, l'attaqua, le vainquit, et s'empara des pommes d'or. Lorsque le héros eut enlevé les fruits merveilleux, les Hespérides, au désespoir, furent changées en arbre (Apollonios). Suivant d'autres, elles reprirent leur ancien ministère, Athéna leur ayant rendu les pommes d'or, qui lui avaient été consacrées par Eurysthée.  On dit encore qu'Héraclès ayant laissé ces fruits dans le vaisseau des Argonautes, ceux-ci, tourmentés par la soif, les rendirent aux Hespérides, qui leur indiquérent une source en échange de leur restitution. 

Plusieurs auteurs, même parmi les anciens, prétendent que les objets consacrées à Aphrodite, au soleil, à Héra, ou à Dionysos, et si bien gardés dans le jardin des Hespérides n'étaient pas des pommes d'or (oranges ou citrons, , aurea mala), mais des brebis (mélon, méla) à riche toison; telles, par exemple, que celles que nous appelons maintenant mérinos.  Les évhéméristes disaient alors que les Hespérides étaient une population d'Occident, qui avait de grands troupeaux.

D'autres ont pris ce mythe pour une allégorie : Noël le Comte ne voyait dans le dragon qu'une image de l'avarice, laquelle se consume pour garder un or qui lui est inutile, et auquel elle ne veut pas que personne touche. 

Suivant Vossius, ce mythe est un tableau des phénomènes célestes : les Hespérides sont les heures du soir; le jardin est le firmament; les pommes d'or sont les étoiles; le dragon est le zodiaque qui coupe l'équateur à angles obliques. Héraclès ou le soleil enlève les pommes d'or; c'est-à-dire que cet astre, quand il paraît, fait disparaître du ciel tous les astres.

 Maïer y trouvait tous les principes de l'art de la transmutation des métaux; d'autres, Josué qui pille les troupeaux des Chananéens, ou la désobéissance du premier homme...

Où placer le jardin des Hespérides?

Au temps où la Grèce poétique, planant du haut de l'Olympe sur le disque terrestre, voyait à l'horizon les montagnes de la Thrace, les derniers cantons de l'Asie Mineure, les côtes de la Libye, et les rivages ultérieurs de la Sicile se perdre dans une lointaine obscurité, au voisinage du circulaire Océan qui formait le limbe du planisphère, les désignations absolues d'Orient et d'Occident avaient une application bien différente de celle que nous leur donnons aujourd'hui. Il suffisait d'atteindre la plage où la Pentapole cyrénéenne venait expirer devant les flots redoutables de la grande Syrte, pour se trouver dans le domaine des Hespérides, dont les bosquets embaumés, étalant les fruits dorés du citronnier et de l'oranger, étaient justement vantés comme un jardin aux pommes d'or; et leur ville, baignée par le lac de Triton, portait elle-même le nom d'Hespéris, échangé plus tard contre celui de Bérénice, que remplace maintenant celui de Benghâzi.

Aux indications de la géographie, la mythologie était venue lier ses propres traditions  : ces Hespérides, qui possédaient le délicieux jardin aux pommes d'or, elle en faisait, on l'a dit plus haut, des nymphes peu nombreuses, parfois sept, d'autres fois seulement trois, filles, comme les Gorgones et les Grées, de Phorcys et de Céto; quelquefois elle confondait entre elles ces triades diverses nées d'un même père et d'une même mère, et c'est la gorgone Méduse qu'elle donnait pour reine aux peuples riverains du lac Triton. D'autres circonstances encore rattachaient ce mythe au sol de la Cyrénaïque, car Cyrène était la patrie de Phorcys, et Pallas y était adorée sous le nom de Gorgone.

Mais, plus tard, c'est au fond de la petite Syrte que nous retrouvons le lac Triton, avec le culte de Pallas, et, peut-être, l'origine du nom aussi bien que du redoutable ornement de son égide; car c'est l'égide ou vêtement de peau de chèvre des femmes libyennes que la déesse avait adoptée; et des franges de cuir, vues à travers le prisme de l'imagination poétique des Grecs, s'étaient transformées en serpents, ainsi que nous le dit naïvement Hérodote. La tête de Gorgone, attachée par Homère et par Euripide au bouclier de Pallas, et par Virgile sur la poitrine cuirassée de la déesse, n'aurait donc été, suivant toute apparence, autre chose qu'un de ces bouquets de lanières de cuir diversement coloriées, qu'on voit encore, de nos jours, orner le centre des boucliers africains.

Puis enfin le Triton, les Gorgones, et les Hespérides avec leurs pommes d'or, furent transportés au fond de l'Occident, et reculés jusqu'au delà des Colonnes d'Hercule quand les Grecs en eurent connaissance par des récits étrangers avant que le samien Koléos eût été poussé jusque là par les vents. Alors le jardin merveilleux des Hespérides fut placé sur les bords du Lixus, et leur ville fut Lixa, baignée aussi. comme l'antique Hespéris, par un lac Tritonide. Mais si la mythologie était obligée de s'enfuir au couchant devant les progrès successifs de la géographie, elle se modifiait sans effort et s'accommodait volontiers à ces nouvelles conditions; ce n'est plus alors du cyrénéen Phorcys que les Hesperides avaient reçu le jour, mais bien d'Hespérus frère d'Atlas, ou de sa fille Hesperis et d'Atlas lui-même; et le nom d'Atlantides leur appartenait désormais aussi bien que celui d'Hespérides : leur nombre aussi s'etait accru jusqu'à sept. Les Gorgones elles-mêmes, au lieu de rompre leur ancienne liaison avec les Hespérides, étaient entraînées dans leur marche vers l'Occident, et les unes et les autres enfinquittaient le continent pour se réfugier dans des îles plus reculées (Les îles fantastiques). Des découvertes géographiques successives étaient ainsi constatées par les diverses transformations du mythe; mais qu'il nous suffise d'avoir indiqué celles-ci, pour citer maintenant Diodore de Sicile :

« Dans les temps primitifs, il y eut, dit-on, en Libye des Amazones; et l'on assure, au surplus, qu'il a existé en Libye plus d'une nation de femmes belliqueuses et puissantes, telles que furent aussi les Gorgones. Les Amazones habitaient, aux dernières limites du monde, dans l'île Hespera, ainsi appelée de sa situation occidentale; cette île se trouvait dans le lac Tritonide, au voisinage de l'Éthiopie et du mont Atlas; île grande, fertile, couverte d'arbres, de fruits et de troupeaux, semée d'escarboucles, de sardoines et d'émeraudes. Les Amazones s'emparèrent de tous les points de l'île, hors un seul, appelé Menes, qu'elles respectèrent comme sacré, et qui resta aux Éthiopiens ichthyophages; puis ce fut te tour des nations libyennes les plus voisines, notamment des Atlantes, maîtres d'un beau pays et de grandes villes; conduites par leur reine Myina, elles enlevèrent Kernè aux Atlantes vaincus, et leur accordèrent ensuite paix et amitié; si bien qu'elles prirent fait et cause pour eux contre les Gorgones, qui infestaient leurs frontières; il y eut de grands combats, où la victoire resta aux Amazones. Plus tard, les Gorgones étant redevenues puissantes sous leur reine Méduse, elles subirent une nouvelle défaite de la part de Persée. Enfin les Amazones et les Gorgones furent détruites les unes et les autres par Héraclès, dans sa grande expédition d'Occident. »
On a voulu ressaisir de cette narration, sortie d'une bouche grecque, les lambeaux d'une histoire réelle des premières populations occidentales de la Libye. Les Atlantides, les Amazones et les Gorgones auraien-elles pu être en effet des nations libyennes tour à tour dominatrices du couchant, jusqu'à ce qu'Héraclès, personnification du peuple punique, fût venu leur enlever l'empire? C'est oublier que les mythes sont des mythes et pas une histoire exprimée sous forme codée et qu'on pourrait déchiffrer en y appliquant une clé selon sa fantaisie.
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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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