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Diodore de Sicile
(Diodorus Siculus), historien grec, contemporain de Jules
César et d'Auguste. Nous ne savons
sur sa vie que ce qu'il en dit lui-même (I, 4). Il naquit à
Agyrium (Argirone) en Sicile, où, grâce aux relations fréquentes
des Romains avec les Siciliens (L'Italie
Antique), il apprit la langue latine. Il semble avoir pris comme but
de sa vie la composition de son grand ouvrage historique et ce fut pour
mener à bien son entreprise qu'il parcourut une grande partie de
l'Europe et de l'Asie, qu'il s'installa à Rome et y vécut
longtemps, classant les documents historiques ou géographiques recueillis
au cours de ses voyages, dépouillant les travaux des historiens
antérieurs. La préparation et, sans doute aussi, l'achèvement
de son oeuvre, ne demandèrent pas moins de trente ans. Cet ouvrage
est intitulé Bibliothèque historique, probablement
parce qu'il contenait l'histoire de tous les pays et de tous les peuples.
Il fut composé à une date qu'on ne peut préciser;
il ne saurait en tout cas être antérieur à l'an 21
av. J.- C. (Mommsen, Römische Forschungen, Berlin, 1869-74,
t. II, p. 549) ou même à l'an 8 av. J.-C. époque à
laquelle Auguste réforma le calendrier
(Scaliger, Animadversiones ad Eusebium,
p. 156).
Cet ouvrage exposait l'histoire de 1100
ans environ, depuis l'époque mythologique, jusqu'à jusqu'à
la première année de la 180e olympiade
(l'an 60 av. J.-C.). Il comprenait quarante livres et se divisait en trois
grandes sections : la première, composée des six premiers
livres, exposait les mythes et l'histoire des barbares et des Grecs avant
la guerre de Troie; la deuxième, en onze
livres, donnait le récit des événements survenus depuis
la guerre de Troie jusqu'à la mort d'Alexandre
le Grand; la dernière, en vingt-trois-livres, allait de la mort
d'Alexandre le Grand aux premières conquêtes de César
en Gaule. Cette histoire gigantesque ne nous
est pas parvenue dans son entier : nous possédons les cinq premiers
livres dans lesquels est racontée l'histoire primitive des Egyptiens,
des Ethiopiens, des Assyriens et des Grecs; mais les livres VI-X sont perdus;
nous avons conservé aussi les livres de XI à XX inclusivement,
contenant le récit de la deuxième guerre contre les Perses
(480 à 301), mais tout le reste de l'ouvrage nous manque. Nous ne
le connaissons que par des extraits, assez nombreux, il est vrai, conservés
par Photius (Bibliothèque, Cod.,
244) qui donne des fragments empruntés aux livres XXXI, XXXII, XXXIII,
XXXVI, XXXVII et XL et aussi par le recueil d'extraits exécuté
au Xe siècle sur les ordres de Constantin
Porphyrogénète. Ce n'est pas tout : les livres mêmes
que nous avons encore offrent des traces, de lacunes assez considérables
et il se pourrait bien que nous n'ayons pas l'histoire de Diodore sous
sa forme primitive.
Dans la préface de son histoire,
préface qu'on a comparée à la brillante façade
d'un médiocre édifice, Diodore nous a renseignés sur
les devoirs de l'historien, sur le but qu'il s'était proposé.
Il voulait faire de l'histoire universelle jusqu'à César
un tableau d'ensemble qui fût aussi utile que possible au lecteur,
tout en lui demandant le moins d'effort possible. C'est pour cela que,
dans les six premiers livres consacrés à l'âge mythique,
il a classé les faits en suivant l'ordre ethnographique et que pour
les autres il a adopté l'ordre chronologique ou plutôt synchronique,
donnant la suite des événements, année par année,
avec l'indication de l'archonte athénien et des consuls romains.
Les faits rapportés par Diodore et ainsi présentés
sont empruntés à des sources nombreuses et de valeur très
différente, sources que l'on peut déterminer, avec une certaine
précision, d'après les indications même de l'auteur
de la Bibliothèque historique. On peut admettre, par exemple, sans
courir grand risque de se tromper, que Diodore a utilisé Ctésias
pour l'Asie, Hécatée pour l'Egypte, Mégasthène
pour l'Inde; pour la Grèce, Ephore et ses successeurs; pour l'histoire
d'Alexandre, Clitarque, Callisthène et Duris; pour la Sicile, Timée.
En retraçant les origines de la république romaine, il a
surtout mis Fabius Pictor à contribution; pour la première
guerre punique, il s'est servi de Philistus, et, pour les événements
postérieurs, de Polybe et de Posidonius. Il ne s'est pas d'ailleurs
toujours complètement assimilé les documents qu'il employait;
il semble souvent donner des extraits des auteurs qu'il a suivis plutôt
qu'une rédaction personnelle, ce qui expliquerait certaines inégalités
de style. Le style de Diodore est en effet inégal, mais en même
temps il est clair et limpide. Sa langue tient le milieu entre le grec
antique et le grec commun parlé vers le Ier siècle avant
notre ère.
Cet ouvrage, pour le fond aussi bien que
pour la forme, a donné lieu aux appréciations les plus diverses
et les plus extrêmes. On a reproché à Diodore, au point
de vue historique, de manquer de critique, de mêler l'histoire et
la fable, de mal choisir ses sources, deles mutiler, de multiplier les
anachronismes et les contradictions, de ne pas savoir distinguer les moeurs
et les croyances des barbares d'avec celles des Grecs, d'avoir faussé
la chronologie. On a critiqué la monotonie de son style, la création
de mots nouveaux, de constructions peu correctes. La plupart de ces critiques
tomberaient d'elles-mêmes si l'oeuvre de Diodore, comme on l'a supposé,
ne nous était pas parvenue sous sa forme originale, et l'on pourrait
en rejeter tout le blâme sur l'auteur du remaniement que nous posséderions.
Quelle que soit la solution adoptée, que nous ayons l'ouvrage même
de Diodore ou que nous en ayons un simple remaniement, il faut, pour être
juste, mettre les qualités de l'oeuvre en balance avec les défauts.
L'ouvrage, tel que nous le possédons, montre chez son auteur une
érudition profonde, un esprit impartial et un bon sens souvent remarquable.
C'est pour nous une mine inépuisable de renseignements sur toutes
les sciences la physique et l'histoire naturelle, l'archéologie,
la géographie et l'ethnographie, et cette abondance de documents
doit nous rendre moins sévères pour un livre qui nous donne,
au moins, un résumé de tant d'ouvrages perdus; qu'on le lise
avec précaution, soit, mais qu'on lui tienne largement compte des
précieux documents que seul il représente pour nous.
On a attribué à Diodore soixante-cinq
lettres, évidemment apocryphes, et dont l'original grec n'existe
plus, s'il a jamais existé. On les trouve publiées pour la
première fois en italien par Pietro Carrera (Storia di Catana,
1639) et en latin dans Burmann (Thesaurus Antiq. Siciliens., t.
X). (S. D.).
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Editions
anciennes - La première édition
complète du texte grec de Diodore est celle d'Henri Estienne, 1559,
in-fol., et la plus estimée celle de Wesseling, grec et latin, Amsterdam,
1745, 9 vol. in-fol., avec de bonnes remarques. L'édition de L.
Dindorf, Leipsig, 1828-32, 6 vol. in-8, contient de nouv. fragments découv.
par le savant Angel. Mai. Il existe une trad. franç. par Terrasson,
Paris, 1737, 7 vol. in-12.
En
bibliothèque - Diodore de Sicile,
Mythologie des Grecs, Les Belles Lettres, 1997; Naissance des
dieux et des hommes, Les Belles lettres, 1991.
En
librairie - Diodore de Sicile,
Bibliothèque historique, Les Belles Lettres, une dizaine de
volumes disponibles. |
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Diodore de Tarse,
évêque de Tarse, théologien grec, né à
Antioche, mort en 394. Sa vie fut d'abord
très agitée. L'empereur Julien avait
fait d'Antioche le centre de la réaction anti-chrétienne;
plus tard, l'empereur Valens y persécuta
aven la plus extrême rigueur les partisans de la foi nicéenne
(Nicée).
Maintes fois, Diodore édifia, au péril de sa vie, les fidèles
dispersés dans les montagnes de la vallée de l'Oronte et
traqués par des détachements de soldats. En 372, il dut se
réfugier jusqu'en Arménie. Six ans plus tard, quand les troubles
cessèrent, son ami Mélétins, évêque d'Antioche,
le nomma évêque de Tarse; en cette qualité, il assista
an concile oecuménique de Constantinople
(381) et fut considéré jusqu'à sa mort comme une des
colonnes de l'orthodoxie.
Aussi bien sa vie est une des plus pures;
son ascétisme l'exposait aux railleries
des païens. Comme-penseur, il n'est ni original, ni profond; mais
sa dialectique est incisive et son intelligence
claire. Il est un des initiateurs de l'exégèse dite d'Antioche,
ainsi que le montre l'appendice qu'il ajoute à son commentaire sur
les proverbes de Salomon
: Quelle est la différence entre la théorie et l'allégorie?
Cette dernière sacrifie le sens historique du texte à la
signification quelconque que l'on vent donner aux mots, c'est la méthode
alexandrine; la théorie ou contemplation du texte cherche par l'étude
des mots la pensée que l'auteur a voulu
énoncer. Cette tendance historique et réaliste de l'esprit
de Diodore, alliée à son opposition contre l'apollinarisme,
le portèrent à relever, dans ses traités dogmatiques,
la nature humaine de la personne du Christ. Selon lui, le Christ divin
a demeuré dans l'homme Jésus
comme en un temple; il insiste sur la distinction des deux natures, la
divine et l'humaine; il veut éviter ainsi à la fois ce qu'il
considère comme l'erreur d'Arius (Arianisme)
et celle d'Apollinaire. Un demi-siècle après, l'animosité
de l'alexandrin Cyrille contre Nestorius,
un disciple de l'école d'Antioche, entraîna la condamnation
de celui-ci et celle de ses maîtres, Théodore
de Mopsueste et Diodore de Tarse. Les nestoriens les exaltèrent
d'autant plus; aujourd'hui encore, Diodore et son disciple Théodore
sont honorés parmi eux comme leurs plus grands docteurs.
II importe de mentionner encore que Diodore
a introduit dans la théologie chrétienne l'argument cosmologique
pour l'existence de Dieu
tiré d'Aristote, et qu'il a inauguré
et propagé dans l'Église grecque la psalmodie alternative
du culte syriaque. Les écrits de Diodore, au nombre de soixante
environ, sont énumérés par Suidas;
ils sont tous perdus. (F.-H. Kruger). |
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Diodore Cronos,
philosophe grec, de l'école de Mégare,
un des plus célèbres dialecticiens
de l'Antiquité. Son argumentation, autant que nous pouvons la reconstituer,
portait sur trois points principaux : le mouvement, le possible, les propositions
hypothétiques. Il prouvait l'impossibilité du mouvement en
considérant qu'un corps ne peut se mouvoir ni dans l'espace
où il est, car il le remplit tout entier, ni dans celui où
il n'est pas, car on ne peut rien faire ni rien subir là où
l'on n'est pas. Rien n'est possible, soutenait
Diodore contre Aristote, que ce qui doit nécessairement
arriver, en d'autres termes rien n'est possible dans le sens usuel du mot;
il n'y a aucune contingence, pas plus dans
le futur que dans le présent ou dans le passé; en d'autres
termes encore, il n'y a dans le monde aucune place pour la liberté.
Pour justifier cette thèse, Diodore avait inventé un argument
appelé le kyrieyôn (?), le plus beau sophisme
que l'Antiquité ait connu, et qu'Épictète,
longtemps après, admirait encore :
Rien d'impossible disait-il, ne
peut résulter du possible (pas plus que
de l'être ne peut sortir le non-être).
Or, il est impossible qu'un événement passé soit autre
qu'il n'est. Mais si un événement, à un moment quelconque,
eût été possible, de ce possible il serait résulté
quelque chose, d'impossible; il n'était donc pas possible. Il est
donc absolument impossible que quelque chose arrive, hormis ce qui arrive
réellement.
Un autre célèbre dialecticien
de l'Antiquité, Chrysippe, fit tous
ses efforts pour résoudre ce sophisme, et de son propre aveu, il
n'y parvint pas. Chrysippe essaya aussi de combattre la théorie
de Diodore en affirmant la possibilité des futurs afin de faire
une place à la liberté. Diodore soutint enfin contre Philon
que les propositions hypothétiques, qui tiennent une si grande place
dans la logique stoïcienne, ne sont vraies
que si la proposition finale n'a jamais pu
et ne pourra jamais être fausse. Sous ses apparences
sophistiques, et avec une subtilité qui fait penser à Zénon
d'Élée,
un de ses prédécesseurs, Diodore Cronus a posé et
discuté avec profondeur quelques-uns des plus graves problèmes
de la philosophie. Les renseignements que
nous avons sur lui sont trop peu nombreux pour nous permettre de porter
un jugement équitable sur son oeuvre. (V. Br.). |