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On désigne
sous les noms d'Edentés ou de Xenarthres, et quelquefois
sous le nom latin de Bruta, un ordre ou plutôt un super-ordre
des Mammifères placentaires qui comprend
des animaux de formes et d'habitudes très diverses, mais présentant
en commun les caractères suivants : Mammifères terrestres
homodontes, c.-à-d. à dents toutes
semblables, sans racine et sans revêtement d'émail, n'ayant
jamais d'incisives aussi bien en haut qu'en bas; pattes
terminées par des doigts libres dont la
dernière phalange est enveloppée
d'un ongle généralement très
épais et très fort, plus semblable à un sabot
qu'à un ongle véritable. Ce dernier caractère place,
du moins de ce seul point de vue morphologique, les Edentés entre
les Onguiculés et les Ongulés.
L'absence des incisives, qui leur a valu le nom d'Edentés, est constante,
bien que chez certains Tatous (Dasypus sexcinctus) la première paire
de dents de la mâchoire supérieure,
d'ailleurs semblable aux autres, soit implantée dans l'os intermaxilaire
qui porte habituellement les incisives. De même, il n'y a pas de
canines, bien que dans le genre Cholaepus la première paire de dents
en haut et en bas soit forte et pointue comme une canine. Toutes les dents,
considérées par conséquent comme des molaires,
ont une constitution uniforme : elles sont sans racine, ouvertes par leur
base et à pulpe persistante : l'émail manque toujours (sauf
dans quelques formes fossiles), mais il y a une
couche épaisse de cément qui recouvre l'ivoire ou dentine
et pénètre même quelquefois entre les prismes dont
est formiée la dent (Oryctérope). Les Edentés sont
pour la plupart Monophyodontes (sauf les genres Tatusia et Orycteropus),
c.-à-d. qu'il n'y a pas de dents de remplacement et que la dentition
dite de lait n'existe pas. Même chez ceux qui présentent deux
dentitions, le remplacement se fait suivant un mode plus semblable à
celui des Reptiles qu'à celui des Mammifères
supérieurs. Dans plusieurs types (Myrme. cophaga, Manis), les dents
font complètement défaut.
Les Edentés se distinguent des autres
Mammifères
placentaires par diverses particularités anatomiques. Leur cerveau
est assez variable, mais généralement lisse ou couvert de
circonvolutions
peu compliquées, indiquant une intelligence très faible.
Tous ont l'apophyse coracoïde de l'omoplate
très développée et sont pourvus d'une clavicule,
bien que les ongles énormes dont la
dernière phalange est enveloppée comme d'un dé ne
leur permettent guère de se servir du membre antérieur en
guise de main. Ce ne sont donc pas de véritables Onguiculés,
bien qu'on les place généralement dans ce groupe. Le bassin,
d'une forme particulière, comprend un nombre de vertèbres
plus considérable que celui des autres Mammifères. Les organes
de la reproduction sont aussi très différents : chez
les Paresseux (Cholaepus), le pénis du mâle, peu visible extérieurement
même à l'époque du rut,
est très peu développé, en forme de clitoris,
et le vagin de la femelle est divisé en
deux parties latérales par une cloison médiane. Chez les
Tatous (Dasypus), le pénis est plus développé bien
que dépourvu de gland et de bulbe, et les testicules
restent en tout temps renfermés dans l'abdomen
comme chez les précédents. Le vagin est simple. Enfin chez
les Pangolins (Manis), le pénis est bien développé
et les testicules descendent dans le canal inguinal. Le vagin est simple
et l'utérus bicorne, comme chez les autres
Mammifères placentaires. La forme des membranes foetales parait
très variable suivant les genres : chez les Bradypes (Cholaepus)
le placenta est décidu, discoïde ou formant plusieurs lobes
réunis en forme de cloche; chez les Pangolins (Manis), cet organe
est diffus comme chez la plupart des Ongulés;
enfin, chez les Oryctéropes, le placenta
est zonaire comme chez les Carnivores. Les
téguments
ont une organisation très variable suivant les groupes : couverts
de poils généralement grossiers, secs et durs chez les Paresseux
(Bradypidae), les Fourmiliers (Myrmecophagidae) et les Oryctéropes
(Orycteropidae), ils sont revêtus d'écailles
imbriquées, formées par la soudure des poils,
chez les Pangolins (Manidae), et de plaques ossifiées, disposées
par bandes articulées et en forme de damier, chez les Tatous (Dasypidae).
Les moeurs et le régime ne sont
pas moins variables; les Paresseux et les petites espèces de Fourmiliers
vivent sur les arbres; tous les autres ont des
habitudes presque exclusivement terrestres. Les Paresseux se nourrissent
exclusivement de matières végétales; les Tatous sont
omnivores,
se nourrissant indifféremment de fruits,
de racines et de matières animales en
décomposition, notamment de cadavres;
enfin, les Fourmiliers, les Pangolins et les Oryctéropes sont insectivores,
faisant leur nourriture à peu près exclusive des fourmis,
qui abondent dans leur patrie d'origine.
La distribution géographique des
Edentés est fort remarquable. On peut dire, d'une façon générale,
que tous habitent, à l'époque actuelle, l'hémisphère
austral. Les Bradypidae, Myrmecophagidae et Dasypidae, c.-à-d. le
plus grand nombre d'entre eux, sont propres à la région néotropicale
(Amérique centrale et méridionale); les Manidae et les Orycteropidae
habitent, sur l'ancien continent, la région orientale (Asie méridionale,
Malaisie et Afrique au Sud du Sahara). Les Edentés placentaires
font défaut à la région australienne, mais y sont
représentés par les Monotrèmes,
qui sont de véritables Edentés aplacentaires.
Paléontologie.
Le groupe des Edentés est un groupe
en voie d'extinction et qui a été représenté,
à l'époque tertiaire, par des formes beaucoup plus nombreuses
et variées dont plusieurs étaient de taille colossale. Tels
sont les Megatheridae (Gravigrades), qui, par leurs caractères,
se rattachent au type des Bradypes, et les Glyptodontidae qui appartiennent
à celui des Tatous.
Le nombre des espèces connues à
l'état fossile est bien supérieur
à celui des espèces encore vivantes. Ainsi qu'on devait s'y
attendre, d'après la distribution géographique actuelle de
cet ordre, c'est dans l'Amérique du Sud
que se montrent les premiers Edentés. Déjà dans l'éocène
le plus ancien de la Patagonie, Ameghino signale
le genre Dasypus ou un genre voisin, et une espèce indéterminée
du groupe des Mégathères. Bientôt après, dans
le Santacruzien, ou éocène inférieur, les Edentés
sont représentés par des types nombreux appartenant aux Megatheridae,
aux Glyptodontidae, aux Dasypodidae et, ce qui est plus intéressant,
aux Orycteropidae (genre Scotoeops) actuellement confinés sur l'ancien
continent. Des groupes désignés par Ameghino sous le nom
de Pleiodonta (Entelops) et de Peltatoïdea (Stegotherium) n'ont déjà
plus de représentants à l'époque suivante (patagonien
on oligocène), et les Orycteropidae ont déjà émigre
vers d'autres contrées. Mais les Mégathères et les
Glyptodontes n'atteignent leur entier développement qu'aux époques
miocène et pliocène dans l'Amérique du Sud. Plusieurs
de leurs espèces avaient une taille comparable à celle des
Rhinocéros
et des Eléphants, et ces Edentés
gigantesques ont été contemporains de l'homme primitif américain
et ne se sont éteintes que vers le milieu de la période pléistocène.
Sur l'ancien continent, les Edentés n'apparaissent qu'assez tard
dans le miocène. En Europe, on trouve des Mammifères
fossiles de grande taille qui se rapprochent beaucoup, notamment par la
forme de leurs membres, des Edentés; mais les fossiles découverts
semblent prouver que ces Mammifères éteints, désignés
sous les noms d'Ancylotherium, Macrotherium, etc., n'étaient pas
de véritables Edentés par leur denture et appartenaient en
réalité à un typé d'Ongulés très
modifiés, intermédiaire aux Ongulés et aux Edentés.
Ceci nous met sur la voie de l'origine des Edentés que l'on doit
considérer comme dérivant des Ongulés,et ayant perdu
leurs dents par défaut d'usage, cette spécialisation ayant
eu lieu de très bonne heure (dès l'époque éocène).
Flower a proposé de subdiviser les
Edentés (Edentae ou Bruta) en quatre sous-ordres comme l'indique
le tableau suivant qui tient compte à la fois des formes fossiles
et des formes actuelles (NB : les Tubulidentés sont aujourd'hui
classés parmi les Ongulés) :
-
Pilosa |
Bradypodidae
[Paresseux]
Megatheridae
Myrmecophagidae
[Fourmiliers] |
Loricata |
Dasypodidae
[Tatous]
Glyptodontidae |
Squamata |
Manidae |
Tubulidentata |
Orycteropidae |
De son côté, FI. Ameghino,
après avoir étudié les formes fossiles sud-américaines,
a classés les Edentés (Bruta) de la manière suivante
:
-
Pleiodonta |
Entelopsidae |
Anicanodonta |
a. - Vermilinguia
: Orycteropidae, Phororhacosidae.
b. -
Gravigrada : Megatheridae, Orthotheridae,
Megalonycidae, Lestodontidae, Scelidotheridae, Mylodontidae. |
Hicanodonta |
a. - Glyptodontia
: Glyptodontidae, Hoplophoridae, Daedicuridae.
b. - Dasypoda
: Chlamydotheridae, Praopidae, Dasypidae.
c. - Peltatoïdea
: Stegotheridae. |
Enfin Cope, dans un mémoire sur
les Edentés nord-américains, qui descendent tous, de la façon
la plus évidente, des Édentés sud-américains
par suite d'une migration vers le Nord, divise les Edentés de la
façon suivante :
-
Nomarthra |
Articulation
des vertèbres dorsales avec les vertèbres lombaires normale
: Orycteropidae, Manidae. |
Xenarthra |
Articulation
des vertèbres dorsales avec les vertèbres lombaires se faisant
par l'épisphène et les zygantrapophyses (Flower) qui portent
des surfaces articulaires : Bradypodidae,
Megatheridae, Myrmecophagidae, Dasypodidae, Glyptodontidae. |
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