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Les Fourmis |
Les Fourmis (ou super-famille des Formicoïdes) sont des Insectes appartenant à l'ordre des Hyménoptères (sous-ordre des Aculéates ou Porte-aiguillon). Par leurs moeurs presque exclusivement sociales et leur reproduction polymorphe, elles constituent un groupe qui n'a d'analogue que celui des Termites, parmi les Orthoptères-Pseudonévroptères. Sauf de très rares exceptions, chacune de leurs sociétés se compose de trois sortes d'individus : des neutres ou ouvrières toujours aptères, des mâles et des femelles ailés. Caractères généraux. Les yeux sont elliptiques, plus rarement presque circulaires ou faiblement réniformes. Les ocelles ou yeux lisses, placés en triangle sur le vertex, existent toujours chez les mâles et les femelles, mais ils manquent très souvent chez les ouvrières qui, parfois, n'en présentent qu'un seul au milieu du front. Les antennes, extrêmement mobiles, sont insérées dans des cavités articulaires, sous le rebord interne des arêtes frontales. Elles se composent d'un premier article ou scape souvent très long et d'un certain nombre d'autres plus petits, faisant coude avec le premier et dont l'ensemble constitue le funicule; celui-ci est le plus fréquemment formé de douze articles chez les mâles et de onze seulement chez les femelles et les ouvrières. Tête de Formica rufa L. très grossie. Les ailes n'existent que chez les mâles et les femelles vierges. L'abdomen est composé de sept anneaux chez les mâles, de six seulement chez les femelles et les ouvrières. Le premier ou les deux premiers, fortement rétrécis en forme de pétiole, contribuent à donner aux Fourmis leur physionomie propre et à les distinguer facilement des autres Hyménoptères. Quand le pétiole est monoarticulé, il a ordinairement l'apparence d'une lame verticale ou écaille, variable de hauteur et d'épaisseur; quand il est biarticulé, le premier article est plus ou moins cylindrique en avant, épaissi en arrière en forme de noeud, et le second affecte la figure d'une nodosité anguleuse on arrondie. Les pattes sont terminées chacune par un tarse de cinq articles, dont le premier est beaucoup plus long que les antres et dont le dernier porte à son extrémité deux crochets simples ou dentés, entre lesquels sont placées de petites pelotes membraneuses (pulvilli), hérissées de poils courts et très nombreux. Enfin, à l'extrémité de chacun des tibias est placé un éperon qui figure un véritable peigne aux deux pattes antérieures et se transforme le plus ordinairement en une simple épine ou même fait complètement défaut aux quatre pattes postérieures. Cet éperon est arqué, dirigé en bas, et sa concavité dentée vient s'opposer à une concavité en sens inverse creusée dans le tibia et garnie de cils raides en forme de brosse. C'est dans l'espace compris entre ces deux échancrures pectinée et ciliée que les Fourmis passent leurs antennes et leurs pattes pour les nettoyer ; elles s'en servent également pour lisser leurs poils et faire la toilette de leur corps.-
Chez les Fourmis, les mâles, toujours ailés (sauf dans l'Anergates atratulus Sch.l.) se reconnaissent à leur abdomen de sept segments, à leur tête petite et globuleuse, toujours pourvue d'yeux et d'ocelles ordinairement gros et saillants, à leurs antennes grêles dont le scape est souvent très court et dont le funicule est composé le plus ordinairement de douze articles, ce qui ne se présente jamais chez les femelles. Celles-ci ont aussi constamment des ailes, mais elles les perdent aussitôt après la fécondation, soit qu'elles se les coupent elles-mêmes, soit que les ouvrières les leur arrachent. Les neutres ou ouvrières sont caractérisées nettement par l'absence d'ailes et par la simplification de leur mésonotum qui est dépourvu de scutellum, de lobes latéraux et de postscutellum. De même que les femelles, elles sont pourvues, à l'extrémité de l'abdomen, de deux glandes vénénifiques sécrétant de l'acide formique. Formica rufa L.ouvrière. Certaines espèces sont armées d'un aiguillon lisse ou barbelé, et c'est dans la plaie résultant de sa piqûre qu'est déversé le venin. Chez un grand nombre d'autres, au contraire, l'aiguillon est nul ou rudimentaire; mais elles peuvent alors soit faire jaillir leur venin à distance, soit en couvrir leur ennemi en le touchant de l'extrémité de l'abdomen. Les ouvrières sont toujours en bien plus grand nombre dans une même fourmilière relativement aux mâles et aux femelles, qui ne s'y rencontrent qu'à certaines époques de l'année, si on en excepte toutefois la femelle ou les femelles fécondes. Elles présentent souvent entre elles une grande différence de taille. Il y en a de très petites à tête proportionnée à leur taille, et de très grandes munies d'une tête énorme. On donne aux premières le nom d'ouvrières major; aux secondes, celui d'ouvrières minor. Mais on trouve tous les intermédiaires entre ces deux extrêmes, et les unes et les autres n'ont pas de fonction distincte dans la colonie. Il est cependant certaines Fourmis chez lesquelles les individus de transition n'existent pas. Physiologie et biologie. Depuis les temps les plus reculés, les Fourmis ont attiré l'attention, éveillé l'intérêt de tous ceux qui s'attachent à l'étude des faits et gestes des animaux. La preuve en est dans les observations parfois exactes des auteurs et philosophes les plus anciens, qui ont admiré leur puissance de travail, leur intelligence, la faculté qu'elles ont de communiquer entre elles, leur prévoyance et leur assiduité au travail. Cicéron n'a-t-il pas dit (106 av. J.-C.) : In formica non modo sensus, sed etiam mens, ratio, memoria! Cette vérité a été corroborée par les nombreuses et consciencieuses observations dont elles ont été l'objet dans la suite des siècles, et l'on ne peut plus mettre en doute aujourd'hui que ces curieux Hyménoptères n'aient de la mémoire, ne puissent se reconnaître entre elles, échanger des communications et s'encourager au travail commun. A peu d'exceptions près, toutes les espèces de Fourmis vivent dans des habitations communes ou fourmilières, qui ont de grands rapports de ressemblance avec les termitières. Ces habitations communes, souvent à plusieurs étages, sont pourvues de galeries, de loges ou chambres d'aération, de couvoirs, de nourriceries pour les oeufs et pour les nymphes, quelquefois seulement de magasins de provisions. « Leur architecture, dit E. André (les Fourmis, 1885, p. 95), est tellement variée que chaque espèce a, pour ainsi dire, la sienne propre, et qu'un oeil exercé pourrait presque toujours nommer l'ouvrière qui a creusé telles galeries ou élevé tel édifice. Cette variété se complique encore de la fantaisie individuelle des architectes qui, bien différents en cela des Guêpes et des Abeilles, dédaignent l'équerre et le compas, la ligne droite et la mesure des angles, pour se livrer tout entiers à l'inspiration capricieuse du moment, à l'improvisation spontanée de leurs curieux labyrinthes. Pas de plan arrêté, pas de méthodes précises, pas de disposition géométrique; leurs chambres, leurs galeries, leurs couloirs s'enchevêtrent, se contournent de mile manières, et cependant l'édifice conserve toujours un cachet d'ensemble qui décèle ses constructeurs [...]. Ce qui étonne le plus, quand on connaît la manière de faire de ces petits ouvriers, ce n'est pas l'irrégularité de leur oeuvre, mais, au contraire, la disposition générale si bien appropriée aux divers services qui y seront installés. »A cette variété dans l'exécution se joint la diversité des moyens employés ou des matériaux mis en oeuvre. Telles Fourmis se creusent simplement des galeries souterraines communiquant par une ou plusieurs ouvertures à la surface du sol ou bien profitent de la présence d'une pierre plate pour établir leur domicile. Telles autres surmontent leur demeure d'un dôme maçonné ou d'un monticule formé de matériaux divers (feuilles sèches, aiguilles de Conifères, brindilles, tiges de Graminées, etc.). Il en est qui sculptent le bois ou qui fabriquent une pâte spéciale pour en modeler leurs appartements. Quelques-unes recherchent les galles creuses un l'intérieur de certaines excroissances végétales dans lesquelles elles s'installent; d'autres, enfin, se font un nid de feuilles réunies par leurs bords ou habitent les cavités naturelles des tiges, des fruits, des épines, etc. Par suite, l'ensemble de ces habitations peut être partagé en deux grandes catégories, les habitations hypogées et les habitations épigées. Dans la première catégorie viennent se ranger : d'une part, les nids composés de terre pure, tantôt simplement minés dans le sol, sans aucune construction extérieure, tantôt surmontés d'un dôme en maçonnerie de plus ou moins grandes dimensions; d'autre part, les nids minés dans le sol comme les précédents, mais surmontés d'un dôme, souvent considérable, formé de brindilles de bois, d'aiguilles de Conifères, de fragments de feuilles, de graines, de petites pierres et jusqu'à des coquilles de jeunes Colimaçons. Nid de Lasius niger L. La plus connue de ces habitations est celle du Formica rufa L., si commune dans les forêts et les grands bois et qui peut atteindre jusqu'à 1 m de hauteur et 2 m de diamètre à la base. Le Formica pratensis de G. édifie des monticules analogues, mais plus petits, qu'elle place généralement le long des haies et sur le bord des chemins. Quant à la catégorie des habitations épigées, elle comprend d'abord les nids établis dans les fentes des rochers, les interstices des murailles ou même dans l'intérieur des habitations humaines, puis les nids sculptés dans les bois coupés, dans les vieilles souches, dans le tronc, les branches ou l'écorce des arbres, sans altération de substance, enfin les nids de matière papyracée ou de débris végétaux transformés et les nids divers qui ne rentrent dans aucune des divisions précédentes. A une époque déterminée, mais variable suivant les espèces, les Fourmis mâles, très nombreuses, sortent des fourmilières en même temps que les femelles aptes à la fécondation. Les mâles s'envolent à leur suite et se réunissent à elles dans l'atmosphère. Ces essaimages ont lieu d'ordinaire par un temps chaud. Quand le mâle est très petit par rapport à la femelle, la copulation a lieu en l'air et le mâle est emporté par la femelle. Lorsque le mâle est de taille convenable, il saisit la femelle au vol, mais l'accouplement a lieu à terre. Cet accouplement ne dure souvent que quelques minutes et un autre mâle vient aussitôt féconder la même femelle. Quoi qu'il en soit, les mâles, une fois leur mission fécondatrice terminée, errent au hasard comme des êtres désormais inutiles, et ils périssent bientôt, soit naturellement, soit en devenant la proie des Oiseaux ou des Insectes carnassiers. Quant aux femelles fécondées, elles retombent sur le sol où elles ne tardent pas à s'arracher les ailes qui sont faiblement articulées. Ces femelles sont recherchées, recueillies et entraînées par les ouvrières de la fourmilière d'où elles sont sorties on bien par des ouvrières d'autres fourmilières de même espèce. Contrairement à ce qui se passe dans les ruches d'Abeilles, les fourmilières peuvent posséder plusieurs femelles fécondées qui, toutes, vivent en bonne intelligence et sont l'objet des mêmes soins de la part des ouvrières. Elles conservent, d'ailleurs, leur fécondité pendant toute leur existence, sans avoir besoin de nouvelles approches du mâle et peuvent continuer pendant huit à neuf ans, comme l'a démontré Lubbock, à fournir la communauté d'une population nombreuse et sans cesse renouvelée. Oeufs, larve et nymphe de Formica rufa L. Au moment de la ponte, les oeufs des Fourmis ressemblent à des petites graines allongées, blanchâtres ou jaunâtres et opaques. Les ouvrières les recueillent, les disposent en petits tas, et les lèchent constamment; c'est à la nutrition endosmotique produite par ces soins continuels qu'ils doivent leur accroissement. En augmentant de volume, ils deviennent translucides. Bientôt de chacun d'eux sort une petite larve, variable de forme suivant les genres, mais toujours apode, aveugle, blanche, composée de douze segments peu distincts, avec la tête plus étroite que le reste du corps et inclinée en avant. Son extrémité buccale est étroite, recourbée en arc et pointue; l'extrémité anale est arrondie et renflée. Ces larves sont incapables de se nourrir sans le secours des ouvrières, qui leur dégorgent dans la bouche les sucs nourriciers qu'elles ont mis en réserve dans leur jabot. De plus, les ouvrières les nettoient constamment et les transportent d'un endroit dans un autre du nid, suivant les heures de la journée, afin de les soustraire au froid, à l'humidité en excès, aux rayons d'un soleil trop ardent. Quand elles sont arrivées au maximum de leur croissance, ce qui a lieu après une période comprise entre un et neuf mois, elles se transforment en nymphes tantôt nues, tantôt entourées d'un cocon soyeux dans l'intérieur duquel elles subissent leur métamorphose en Insectes parfaits . Ce sont ces cocons, désignés à tort sous le nom d'oeufs de Fourmis, que l'on recueille pour nourrir les Faisans, les Perdrix, les Rossignols, etc. Les nymphes des deux sexes et celles des diverses formes d'ouvrières ne grossissent point et sont distinctes dès le début. Elles présentent toutes les formes des Insectes parfaits, mais elles sont immobiles et ne prennent aucune nourriture. Les ouvrières les lèchent, les nettoient, les transportent comme les larves. Leur éclosion se prolonge longtemps. Ce sont toujours les ouvrières qui déchirent les cocons et qui les aident à en sortir. Le plus ordinairement aussi, ce sont elles qui aident l'Insecte adulte à sortir de sa peau de nymphe et à étendre ses ailes, s'il est sexué. Dans la grande majorité des cas, les sociétés des Fourmis sont des sociétés simples, c.-à-d. composées d'individus d'une seule et même espèce. Mais il est certaines espèces dépourvues de toute industrie et incapables de remplir aucun des soins que nécessitent la construction de leur habitation, l'éducation de leurs larves, parfois même leur propre alimentation. Pour remplir les fonctions domestiques de leur intérieur, il leur faut donc des auxiliaires (nous allions dire des esclaves), et ces auxiliaires elles les conquièrent de vive force en s'emparant des nymphes et des cocons d'espèces industrieuses et en les transportant chez elles. Il en résulte que les Fourmis qui sortent de ces nymphes et de ces cocons, trompées par leurs instincts, se mettent à soigner leurs ravisseurs dans l'ignorance qu'elles sont du rapt dont elles ont été victimes. Ces singulières sociétés, dont l'histoire constitue une des parties les plus intéressantes de la biographie des Fourmis, forment ce qu'on appelle les fourmilières mixtes, c.-à-d. des fourmilières composées d'une espèce principale et d'une ou plusieurs espèces auxiliaires vivant en commun et en bonne intelligence L'espèce principale a, comme d'ordinaire, une ou plusieurs femelles fécondées, des ouvrières et, à certaines époques de l'année, des individus reproducteurs des deux sexes. L'espèce ou les espèces auxiliaires, au contraire, ne comprennent que des ouvrières dont toute l'activité se développe au profit exclusif de l'espèce principale et sans qu'elles aient aucun intérêt personnel dans la communauté. C'est ainsi, par exemple, que le Formica sanguinea Latr., qui forme parfois à lui seul des colonies simples, s'associe le plus souvent comme auxiliaires des ouvrières du F. fusca L. ou du F. rufibarbis Fabr., quelquefois aussi du F. gagates Latr. et du Lasius alienus Foerst., espèce beaucoup plus petite que lui. Mentionnons également le Strongylognathus testaceus Sch., qui a pour auxiliaires les ouvrières du Tetramorium caespitum L.; puis l'Anergates atratulus Sch., dont les colonies, composées seulement de mâles aptères et de femelles, sans ouvrières, sont toujours réunies aux ouvrières du Tetramorium caespitum L. Les Fourmis sont en relations fréquentes avec un grand nombre d'autres espèces d'animaux ' arthropodes, soit que ces espèces vivent en commensales dans les fourmilières, soit que les Fourmis aillent les chercher au dehors. Dans ce dernier cas, ce sont les Pucerons qui sont leurs privilégiés, ceux qu'elles affectionnent le plus. Ces Hémiptères, en effet, font sortir de leur corps, en arrière, un liquide sucré dont les Fourmis sont très friandes. Il en est de même du miellat sucré sécrété par les Cochenilles. C'est ainsi que s'expliquent les voyages continuels de certaines Fourmis sur les végétaux chargés de Pucerons ou de Cochenilles. Plusieurs espèces même, notamment les Lasius niger L., L. brunneus Latr., L. emarginatus Latr., les Myrmica laevinodis Nyl. et M. scabrinodis Nyl., construisent autour des tiges des plantes couvertes de Pucerons, des tuyaux ou des pavillons de terre destinés à protéger leur bétail ; elles s'y établissent avec leurs larves et se trouvent ainsi tout à fait à portée de leurs animaux domestiques. En ce qui concerne les nombreux Arthropodes qui se rencontrent dans les fourmilières et qui paraissent vivre en bonne intelligence avec les propriétaires des nids qu'ils habitent, la plus grande incertitude règne encore sur la nature de leurs rapports avec les Fourmis. Les uns ne s'y trouvent qu'accidentellement, et leur genre de vie n'est pas intimement lié à leur séjour chez ces Hyménoptères. D'autres, au contraire, y vivent constamment, ne se montrent jamais ailleurs et paraissent, de la part de leurs hôtes, l'objet de certaines attentions. Ces animaux myrmécophiles appartiennent surtout à l'ordre des Coléoptères. Ce sont principalement des Staphylinides, des Psélaphiens, des Clavigérides, des Paussides et des Scydménides. D'après Müller et Lespès, certains Staphylins, notamment les Lomechusa, seraient, de même que les Claviger aveugles, nourris par les Fourmis qui, en retour, profiteraient de la liqueur sucrée sécrétée par les petites touffes de poils dont ces Insectes sont pourvus à l'extrémité des élytres ou de l'abdomen. On trouve également dans les fourmilières bon nombre de Silphides, de Trichoptérides, d'Histérides, de Lathridiides, plusieurs Curculionides; enfin certaines larves de Cétoines, de Cryptocéphales et de Clytra. Plusieurs Hémiptères (Plinthisus minutissimus Tieb., Orthostira obscura Schoef., Myrmedonia coleoptrata Fall., Tettigometra bifoveolata Sign., etc.) sont aussi les commensaux assidus de certaines Fourmis. Il en est de même d'un Orthoptère, le Myrmecophila acervorum Panz., de quelques Hyménoptères et Diptères, d'un Thysanoure (l'Aletura formicaria Heyd.), d'un petit Crustacé blanc, voisin des Cloportes (le Platyarthrus Hoffmanseggi Arandt) et des Enyo parmi les Arachnides. Ces derniers, d'après E. Simon, se nourrissent des Fourmis parmi lesquelles ils vivent en parasites; mais, comme ils sont en général plus petits et plus faibles que leurs victimes, ils ne s'attaquent qu'aux individus blessés et incapables de se défendre. Enfin, parmi les Formicides elles-mêmes, il existe certaines espèces qui vivent en commensales ou en parasites dans les nids d'autres espèces. C'est ainsi que le Solenopsis fugax Latr. creuse souvent ses galeries dans l'épaisseur des cloisons des nids d'autres espèces plus grosses que lui et dont il dévore les larves et les nymphes. Citons encore le Tomognathus sublaevis Nyl., petite Fourmi du Danemark, trouvée dans les nids des Leptothorax acervorum Fabr. et L. muscorum Nyl., puis le Formicoxenus nitidulus Nyl., de l'Europe septentrionale et centrale, qui vit constamment et exclusivement dans les nids des Formica rufa L. et F. pratensis de Geer., avec lesquels il paraît avoir des relations amicales. Plusieurs observateurs du plus grand mérite : Swammerdam, Christ, Needham, Latreille, Huber, etc., ont affirmé que les Fourmis ne font pas de provisions et qu'elles s'engourdissent ou périssent pendant les froids. D'autre part, ces Insectes ont été considérés, depuis la plus haute antiquité, comme le symbole de la prévoyance (La Cigale et la Fourmi, de La Fontaine). Ces assertions, en apparence contradictoires, se concilient cependant facilement. Ce qui est vrai pour les Fourmis des contrées boréales ou tempérées cesse de l'être pour les Fourmis des contrées méridionales, surtout pour celles des régions tropicales. Il existe, en effet, certaines espèces qui sont réellement des Fourmis moissonneuses faisant des provisions d'hiver. Citons notamment les Aphoenogaster barbara L. et A. structor Latr. de l'Europe méridionale, dont les habitudes moissonneuses ont été étudiées avec soin par Lespès et Moggridge. Ces deux espèces amoncellent au fond de leurs nids, dans des chambres spécialement aménagées, des graines d'une foule de végétaux, surtout de céréales et de plantes potagères. Elles nuisent ainsi considérablement parfois aux semailles des champs ou des jardins. Elles se nourrissent de ces graines quand l'amidon qu'elles renferment s'est transformé en sucre par la germination. Distribution géographique. Classification. Formicides vraies. Nid de Camponotus ligniperdus Latr. C'est au groupe des Formicides vraies qu'appartiennent la Fourmi hercule (Camponotus Herculeanus L. et sa variété Ligniperdus Latr.) ainsi que la Fourmi amazone (Polyergus rufescens Latr.). La première établit ses nids dans le bois et les vieux troncs d'arbres, parfois aussi dans la terre avec dômes maçonnés et sous les pierres. La seconde, au contraire, est incapable de toute industrie. Ses mandibules étroites, arquées, sans dentelures, lui interdisent tout travail, et elle n'a d'autres préoccupations que de se procurer des auxiliaires sans lesquels il lui serait impossible de vivre. C'est pourquoi, du milieu de juin au commencement de septembre, mais surtout en juillet et en août, elle fait des expéditions presque journalières à la recherche de nids de Formica fusca L. et F. rufibarbis Fabr., qu'elle envahit et dont elle rapporte chez elle les nymphes et les larves sur le point de se transformer. Dorylides. Ponérides. Eciton. Une colonne d'Eciton en marche (d'après E. André). Elles voyagent presque constamment en colonnes serrées, dont l'approche est annoncée par les cris d'un Oiseau insectivore qu'on appelle la Grive des Fourmis. Ces colonnes suivent en général les sentiers battus; de temps en temps, un détachement se sépare du corps principal et va faire une reconnaissance dans le voisinage. Chaque crevasse est fouillée, chaque feuille morte est visitée, chaque brin d'herbe est exploré et la razzia est complète. Les Insectes, les Araignées, les Blattes, les larves de diverses espèces et jusqu'aux petits Serpents, tout est immédiatement mis en pièces. Si une colonne rencontre une habitation sur sa route, elle l'envahit aussitôt, et les habitants n'ont d'autre ressource que la fuite devant cette horde puissante et indestructible. Mais les inconvénients qui en résultent sont largement compensés par la destruction rapide et radicale des Blattes, des Scorpions, des Myriapodes, des Punaises, des Araignées, des Moustiques, des Serpents et même des petits Mammifères comme les Rats et les Souris. Aussi prétend-on que, dans certaines contrées, les invasions des Eciton sont attendues avec impatience et acceptées comme un véritable bienfait. Myrmocystus. Au Mexique, les Fourmis à miel sont bien connues sous les noms de Bucileras, de Hormigas mieleras ou Mochileras. Elles vivent en sociétés composées de mâles et de femelles ailés et d'ouvrières de deux sortes : les unes présentant l'aspect ordinaire des Fourmis; les autres au contraire ayant, par un excès d'alimentation, l'abdomen extrêmement gonflé, transparent, d'une couleur ambrée et de la grosseur d'une groseille ou d'un petit grain de raisin. Ces sortes d'ouvrières, incapables de se mouvoir, demeurent accrochées et serrées les unes contre les autres à la voûte souterraine des fourmilières. Le liquide que renferme leur abdomen vésiculeux est un sirop de sucre incristallisable dont la saveur aromatique rappelle celle du miel des Abeilles. Il provient, d'après Mac Cook, d'une liqueur sucrée dont les Fourmis se gorgent avidement et qui exsude de petites galles d'un brun rougeâtre produites par la piqûre d'un Cynips sur une espèce de chêne (Quercus unduluta). Les Mexicains sont, paraît-il, très friands de cette sorte de sirop. Ils sucent avec délices les abdomens des Bucileras et les servent même dans leurs repas comme friandises. (Ed. Lefèvre). Paléontologie.
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