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Les Centaures sont représentés sur un grand nombre de monuments antiques. Mais l'alliance des formes de l'humain et de celles du cheval n'est pas, comme on l'a cru longtemps, une création d'origine purement grecque. Sur une stèle mésopotamienne du XIIe siècle av. J.-C., qui vient confirmer un texte de Bérose (Frag. hist. graec., Müller, éd. Didot, II, fr. I), on voit un Centaure ailé tirant de l'arc (Perrot et Chipiez, Histoire de l'Art, III, fig. 412). Une figurine chypriote (ibid., fig. 411), paraît aussi antérieure aux plus anciennes représentations de Centaures trouvées en Grèce. Le Centaure existait donc dans l'art oriental. Mais chez les Grecs seulement cette double conception de la force brutale mise au service d'âmes passionnées et sensuelles, et parfois aussi, bien que plus rarement, de la force physique unie à la force d'esprit et à la sagesse, a reçu tout le développement qu'elle comportait. On voyait des Centaures dans la plupart des métopes de la frise extérieure du Parthénon, ainsi que de celle du temple d'Apollon à Bassae, dans le Péloponnèse, et du temple de Zeus à Olympie, etc. Peu de sujets ont aussi souvent tenté le ciseau des sculpteurs que les aventures de ces êtres étranges à la forme puissante. Aussi pouvons-nous suivre les progrès du type à travers toutes les périodes de l'art, depuis l'énergie archaïque jusqu'aux raffinements tardifs. Dans les plus anciennes représentations, le Centaure se compose d'un corps humain auquel viennent se greffer par derrière une croupe et deux jambes de cheval. Tel il se rencontrait sur le fameux coffre de Cypselus, tel on le voit souvent sur les vases à peinture noire. Puis, une heureuse modification ne laisse subsister de la forme humaine que le buste, rattaché avec un art extrême à un corps de cheval. Mais notons que sur la stèle mésopotamienne mentionnée plus haut, les jambes antérieures sont déjà celles du cheval, et que le type du Centaure à jambes humaines persiste à côté de la forme plus récente sur les vases du meilleur style. La lutte d'Héraclès et des Centaures, surtout le combat des Centaures et des Lapithes fournissent au sculpteur des groupes de combattants dont la monotomie, variée par la diversité des poses, convient merveilleusement aux conditions où doit se graduer un fronton, se dérouler une frise, s'isoler une métope. C'est ainsi que nous les voyons traités en un style gauche et presque barbare sur la frise du temple d'Assos en Mysie, représentant des luttes de Centaures (aujourd'hui au musée du Louvre), sévère et vigoureux dans le fronton est du temple de Zeus à Olympie (Berlin), plus libre avec quelque trace encore d'archaïsme dans les métopes du Parthénon (British Museum, Louvre), plein de vie sur la frise du Theseion (Athènes), de mouvement, avec un peu de recherche déjà, sur la frise de Phigalie (British Museum). C'est là surtout qu'il faut chercher le type purement hellénique du Centaure, avec sa brutalité nerveuse. Le Centaure et l'Amour (musée du Louvre).
Souvent on les représente jouant d'un instrument de musique. Zeuxis, de son côté, avait peint une famille de Centaures, et Lucien vante la grâce d'une Centauresse allaitant son enfant; mais on admirait surtout l'art avec lequel il avait traité le passage des formes humaines à celles du cheval. Les peintres de vases nous montrent le Centaure chasseur, portant sur l'épaule une branche d'arbres d'où pend le gibier qu'il a tué. Souvent aussi ils s'inspirent de légendes telles que l'enlèvement de Déjanire par le centaure Nessus et la visite d'Apollon chez Pholos. A mesure que l'art se raffine, le type des Centaures perd le caractère robuste que lui prêtaient les vieux maîtres. On les fait sujets de genre. Tels sont les Centaures en marbre noir découverts en 1736 par le cardinal Furietti à la villa d'Hadrien, et conservés au musée du Capitole, à Rome. Ils portent la signature d'Aristeas et Pappias, nés à Aphrodisias, en Carie. L'une des statues représente un Centaure encore jeune, à la physionomie de satyre; l'autre, un vieux Centaure qui, les mains liées derrière le dos par un Amour, se tord dans une vive souffrance. Dans les bas-reliefs funéraires des Romains, le Centaure est souvent un simple motif de décoration. Par exemple, le portrait du défunt apparaît dans un médaillon soutenu par deux Centaures. Il y a enfin, dans les peintures de Pompéi et d'Herculanum, divers groupes de Centaures. Les décorateurs pompéiens, sans plus de souci de la tradition mythologique, plient le personnage des Centaures aux mille caprices de leur fantaisie. Sur les médailles, on voit souvent des Centaures attelés au char de quelque dieu ou demi-dieu. Métope du Parthénon (British Museum). Le type du Centaure ne disparaît pas avec l'avènement du christianisme. Nous le retrouvons avec un symbolisme nouveau. Dans une curieuse fresque du XIIe siècle de l'église du Saint-Sépulcre à Barletta (Salazzo, Monuments dell' Italia meridionale, part. II, pl. II), le Diable vient, sous la forme d'un Centaure, tenter saint Antoine. D'autres peintres des écoles de la fin Moyen âge et du début de la Renaissance, tels que Giotto et Orcagna ont fait figurer des Centaures dans des compositions chrétiennes. L'art moderne s'est inspiré rarement d'une conception qui avait tant séduit l'Antiquité. Signalons seulement l'Héraclès terrassant le Centaure Nessus, par Jean de Bologne, à Florence, Loggia dei Lanzi; l'Enlèvement de Déjanire par le Centaure Nessus, l'une des bonnes oeuvres du Guide; et l'Education d'Achille par le Centaure Chiron, oeuvre de Regnault, au musée de Lyon. (André Baudrillart). Minerve (Athéna) et le Centaure, par Botticelli. |
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