| La peinture à l'aquarelle est un des modes de peinture dans lesquels on emploie des couleurs délayées à l'eau (en latin aqua). On peint sur papier, sur carton, sur ivoire, et même sur le bois, après l'avoir passé à l'eau amidonnée et alumineuse. Les tablettes de couleurs se vendent toutes préparées; solubles dans l'eau, on s'en sert comme de l'encre de Chine. Les pinceaux sont faits en poil de blaireau. L'aquarelle n'est pas applicable à des ouvrages de grande dimension, et, comme on ne peut guère retoucher, elle n'est pas appelée à produire des tons bien vigoureux : elle est principalement réservée aux tableaux de genre, aux fleurs, aux paysages, et là on arrive à une grande fraîcheur et à une finesse de ton admirable. Autrefois, pour obtenir les lumières, on laissait, paraître le blanc du papier; de nos jours, on a trouvé le moyen d'enlever les clairs et de donner de la transparence aux tons par l'emploi de la gomme arabique comme vernis. Notons bien, au passage, qu'une aquarelle n'est pas, comme on est souvent disposé à le croire, juste une peinture exécutée avec des couleurs mélangées dans l'eau. Une partie seulement de ces peintures sont des aquarelles. Si les tons ont été posés par couches successives et empâtés comme dans la peinture à l'huile, c'est une gouache; c'est une détrempe si de la colle a été ajoutée à l'eau. Dans ces deux cas, au reste, les couleurs employées sont opaques, et le fond sur lequel on travaille, quelque obscur qu'il puisse être, disparaissant en entier, ne compte pour rien dans le coloris de l'oeuvre. Tout autres sont les conditions de l'aquarelle pure. Le papier est blanc, lisse comme un marbre poli ou grenu comme une muraille, et c'est précisément en jouant à travers la transparence des tons dans toute l'étendue de la gamme, qu'il donne à ces tons l'éclat, la variété, la douceur gamme, ou la force nécessaires. En d'autres termes, les couleurs étant toutes transparentes, la diversité des teintes résulte de la blancheur du papier, modifiée en raison de la quantité de couleur dont l'eau sera chargée. Remarquons encore ceci : les clairs sont réservés, puisque le papier lui-même les fournit, et non placés au pinceau, après coup. D'où l'obligation de procéder avec beaucoup de méthode, de prévoyance et d'adresse. Au demeurant; l'aquarelle est un mode de peinture charmant, qui donne souvent des résultats exquis. Son utilité n'est pas douteuse non plus. Qu'il s'agisse, par exemple, de fixer promptement une impression passagère de la nature, de jeter à grands traits les lignes et l'effet d'une composition à peine entrevue par la pensée, elle n'a pas son égale. Ajoutons que la peinture à l'eau résiste mieux que l'autre à l'action du temps. Voyez au Louvre les tableaux des anciennes écoles. Certes personne ne se flatte qu'un seul soit tel aujourd'hui qu'il était en sortant du chevalet du maître. Loin de là, devenus obscurs, déjà dévastés par les dévernissages, les rentoilages, les craquelures et les repeints, leur disparition totale serait l'affaire de quelques siècles sans le travail des restaurateurs. Au contraire, les miniatures des plus vieux missels, des plus anciens antiphonaires, qui n'ont pas, sans doute, toujours été l'objet de précautions bien attentives, conservent encore brillant et intact leur coloris. Elles n'ont rien perdu de leur primitive vivacité. En un mot, c'est à les croire assurées, à moins de catastrophe, d'une existence éternelle. Quant à l'aquarelle dans sa forme actuelle, c.-à-d. réalisant les contrastes de coloration les plus variés et les plus brillants, luttant avec la peinture à l'huile, elle est de date assez récente. Sans doute les miniaturistes du Moyen âge peignirent à l'eau; mais ils firent des gouaches, sauf dans les commencements, où l'on enluminait tout bonnement de teintes plates des dessins faits à la plume. Sans doute, aussi, les cartons bien connus de Jules Romain ont été exécutés à l'aquarelle; cependant c'est là un exemple à peu près isolé. Enfin, si les maîtres qui ont suivi la Renaissance ont souvent essayé leurs compositions au lavis, ce mode de peinture monochrome ne tient à l'aquarelle disposant de toutes les nuances de la palette que par la base du procédé commun aux deux genres, et au XVIIIe siècle, comme au temps des premiers enlumineurs, l'aquarelliste se borna le plus souvent à coucher des teintes égales, changeant suivant la nature des objets, sur des dessins passés au trait à l'encre de Chine. A vrai dire, jusque sous l'Empire, même jusque sous la Restauration, l'aquarelle à plusieurs tons modelés ne fut guère pratiquée que par les peintres de fleurs et par les peintres naturalistes dont le froid idéal, fait d'exactitude, répudiait d'avance toute ingérence d'initiative imprévue, toute ressource pittoresque. Géricault et Bonnington furent des premiers à populariser la véritable aquarelle en France. Mais déjà des artistes anglais avaient eu l'idée d'élargir le domaine de ce mode de peinture, de perfectionner la fabrication des couleurs. Ils y avaient réussi. Promptement ils étaient parvenus à donner à leurs aquarelles la richesse, l'intensité, la chaleur et l'énergie de ton des peintures à l'huile les mieux colorées. Et parce que l'exposition annuelle de Somerset House n'admettait pas d'aquarelles ils avaient fondé la Society of painters in water colours, qui ouvrit des exposions d'où les peintures à l'huile furent à leur tour absolument bannies. La Société date de 1804; elle décida l'exclusion des tableaux à l'huile en 1823. Notre intention n'est pas de dresser ici la liste de tous les artistes britanniques qui ont peint avec succès à l'aquarelle. Nous citerons cependant Turner, l'un des plus actifs propagateurs du genre, Prout, Dewint, Stephanolf, Cristall, Fielding, Wright. L'exposition universelle de 1855 fit connaître à Paris, et apprécier comme ils méritaient de l'être, Corboul, H. Waren, J.-F. Lewis, Cattermole, Hunt, Haag, Haghe. Les expositions de 1867 et 1878 en ont révélé d'autres, Gilbert, Paton, Walker, Herkomer, Pinwell, Burne-Jones, Walter-Crane, pour en nommer quelques-uns seulement. Pendant ce temps, en France, le goût de l'aquarelle se développait, se généralisait. Presque tous les artistes en renom s'y adonnèrent, sinon exclusivement, au moins à titre de délassement de travaux plus sérieux : Delaroche, Delacroix, Roqueplan, Isabey, Bellangé, Louis Boulanger, Charlet, Marilhat, Raffet, Th. Rousseau. Parfois Decamps, à la suite d'efforts patients et particuliers, arriva à des résultats que personne, nulle part, n'avait su encore atteindre. Citons simplement Jules Jacquemart, Louis Leloir, Meissonier, de Neuville, Detaille, Vibert, Harpignies, Français, E. Lamy, Worms, G. Jacquet, Mme Lemaire, Baron, etc. Henri Regnault a laissé des aquarelles superbes. Il s'inspirait de Fortuny, qui en a fait d'admirables et dont plus d'un peintre d'Italie et d'Espagne s'applique à imiter la manière, à singer l'esprit. On doit à Bellay père et fils, et à Tourny, de fort belles copies, à l'aquarelle, de chefs-d'oeuvre de grands maîtres. En Belgique nous rencontrons aussi des aquarellistes d'un réel mérite, Madou, Leys, Francia, Van Moer, de Brackeleer, Hamman; aux Pays-Bas, Weiss, Seubruck, Bosboom; en Allemagne, G. Scheurhzer, J. Ostermayer, H. Schramm, Krüger; en Autriche, Fr. Steinle, R. Alt, et Pasini surtout, dont le succès fut très grand à Paris, au Salon de 1870. (Olivier Merson).
| En bibliothèque - Langlois de Longueville, Manuel du Peintre au lavis et à l'aquarelle, Paris, 1828. | | |