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Mariano Fortuny (Mariano José María Bernardo Fortuny y Marsal) est un peintre espagnol, né à Reus le 11 juin 1838, mort à Rome le 24 novembre 1874. Après avoir étudié les premiers principes du dessin auprès d'un peintre amateur et avoir été admis à suivre les cours de l'école des beaux-arts de Barcelone, il obtint au concours, en 1857, une bourse de pensionnaire à Rome. Son premier envoi fut un Saint Ermite pénitent, exposé à Barcelone en 1859. En 1860, il fut chargé par la députation provinciale de suivre la guerre du Maroc et de peindre une toile de 15 m représentant la Prise des campements de Muley et Abbas par l'armée espagnole. Pour exécuter cette vaste composition, qu'il ne fit d'ailleurs qu'ébaucher, et dont il n'a laissé que des esquisses et des études, Fortuny consulta à Versailles la Prise de la Smalah, d'Horace Vernet. Mal à l'aise pour rendre son sujet, il retourna au Maroc; mais au lieu d'utiliser pour l'achèvement de sa commande ses nouvelles et nombreuses études africaines, il revint à Rome où il s'occupa presque entièrement de laver de superbes et chaudes aquarelles, de graver à l'eau-forte, et de peindre des sujets pittoresques tels que ses Fêtes de Kabyles et de Nègres; des Bateleurs kabyles (1861); les Barocchi, le Jardin de la villa Borghèse; l'Odalisque; Il Contino; des Collectionneurs visitant un musée d'antiquités (musée de Barcelone); Coutumes marocaines; Une Mauresque, etc., dont la plupart figurèrent sucessivement aux expositions de Barcelone et de Madrid. C'est de 1866 que date réellement la célébrité de Fortuny. Venu à Paris, il y connut Meissonier, Gérôme, Rico, Zamacois, et leurs conseils lui furent précieux. Après avoir épousé la fille de Federico de Madrazo, il retourna à son atelier de Rome où il reçut la visite de Henri Regnault, alors pensionnaire, qui vivement frappé de l'exécution de ses aquarelles et de ses peintures écrivait à son ami Duparc : « J'ai passé hier la journée chez Fortuny et cela m'a cassé bras et jambes. Il est étonnant ce gaillard-là! Il a des merveilles chez lui ; c'est notre maître à tous. »Et ailleurs encore à propos des études que Fortuny lui montrait : « Elles sont prodigieuses de couleur et de hardiesse de peinture. Ah! qu'il est peintre ce garçon-là! J'ai vu aussi des eaux-fortes ravissantes de lui. »Au printemps de 1868, Fortuny commençait à Madrid son tableau : le Mariage à la Vicaria. Il copiait en même temps au musée du Prado Velazquez et Goya. C'est à l'occasion de l'exposition chez Goupil du Mariage à la Vicaria (1870) que se produisit la vogue inouïe dont furent tout de suite l'objet en France, en Angleterre et en Amérique, les ouvrages de l'artiste; son tableau traité d'abord, comme exécution, avec largeur et hardiesse, ayant quelque chose de la touche de Goya, fut repris postérieurement et achevé dans une sorte de préciosité de facture qui en énerva les primitives qualités. On sait ce qu'est la scène représentée : c'est, au XVIIIe siècle, un cortège de mariage dans une sacristie espagnole ou italienne, d'une architecture pittoresque. Les tons chatoyants et pleins d'éclat des costumes des personnages forment un piquant contraste avec le caractère de l'édifice. Les physionomies des jeunes époux, des invités, des prêtres, des sacristains sont bien observées et rendues avec esprit. Avec ses défauts et ses qualités, ce tableau peut être considéré comme donnant une idée complète du talent de Fortuny. Le Mariage à la Vicaria, de Mariano Fortuny (1870). La Réception d'un modèle à l'Académie est une autre toile importante dans son oeuvre; elle fut achevée en 1870; c'est également le XVIIIe siècle que l'artiste a choisi pour époque ; pour intérieur, il a peint une salle d'une grande richesse, telle qu'en conservent quelques vieux palais à Rome, avec des colonnes de marbre et de porphyre, des glaces de Venise, des bras de lumière, des bronzes, des consoles dorées, des étoffes somptueuses; sur une table drapée, le modèle féminin, éclairé en plein, offre sa gracieuse nudité aux regards des académiciens, vêtus d'habits pimpants de style Louis XV. Telle est cette composition, où les tendances de l'artiste à ne subordonner aucun détail, aucun accessoire à la chose principale : la représentation de la, figure humaine, se montrent ouvertement. Point de sacrifices, point de sous-entendus ni de clair-obscur; tout est mis en valeur et peint en pleine lumière avec une même stupéfiante intensité. Comme adresse de la main, c'est vraiment prestigieux; mais, en art, la virtuosité du métier n'est pas le dernier mot. Là, évidemment, étaient le péril et l'écueil pour les triomphantes pratiques de Fortuny. Des études faites à Grenade et le plus souvent d'après l'Alhambra occupèrent ensuite l'artiste. De cette époque datent : la Halte des voyageurs, l'Arquebusier ivre, le Jardin, Une Bassecour à l'Alhambra, la Salle des Abencérages, Une Fantasia arabe à Grenade (1870 à 1872) ; il ébaucha en même temps deux toiles plus importantes qu'il termina en 1873: le Jardin des Arcadiens et les Académiciens de Saint-Luc. Il commença également un tableau plus petit avec le portrait de ses deux enfants, une quantité d'esquisses et d'études détachées, et des aquarelles. Au commencement de novembre 1874, il quittait non sans regrets Portici pour Rome et peu de jours après, il était enlevé presque subitement par un accès de paludisme. Une foule énorme accompagna son convoi, et les artistes, appartenant à toutes les nationalités, se disputèrent l'honneur de porter son cercueil depuis son atelier de la Via flaminia jusqu'au Campo Varano. Fantasia arabe, par Mariano Fortuny (1867). L'influence de Fortuny a été considérable sur les peintres italiens et espagnols, ses contemporains; on le vit bien lors de l'Exposition universelle de 1878, où, à côté des tableaux du jeune maître, parurent ceux de ses nombreux imitateurs. Il avait presque créé une école, exclusivement objective, il est vrai, et où le procédé `subtil, la technique adroite, la recherche des colorations vibrantes, le souci constant du rendu et l'exubérance du détail accessoire dominent et l'emportent de beaucoup sur l'idée. Chez Fortuny, l'intérêt du sujet est absolument nul ou s'efface devant les virtuosités de la pratique. Peu ou pas du tout de composition, pas de style, pas de caractère dans ses tableaux; mais en revanche une dextérité de main inouïe, guidée par une acuité de vision extraordinaire; c'est une séduction, un charme pour les yeux, qu'un tel art, mais qui ne parle et ne parlera jamais ni à l'esprit, ni au coeur. (Paul Lefort). |
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