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Les Tsiganes

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Les Tsiganes, également connus, selon les pays, sous les noms de Roms, Gitans, Manouches ou encore Sinti, sont un groupe de populations nomades ou semi-nomades qui partagent des origines communes et des traits culturels similaires. Leur histoire est  marquée par de nombreux déplacements et migrations à travers le monde, particulièrement en Europe. Historiquement, les Tsiganes ont souvent été marginalisés et persécutés. Ils ont fait face à de nombreuses discriminations, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale, où beaucoup ont été déportés et exterminés dans les camps nazis. Aujourd'hui, ils continuent de faire face à des préjugés et à des conditions de vie souvent précaires. Leurs modes de vie nomades ou semi-nomades peuvent entraîner des conflits avec les populations sédentaires et les autorités locales.

Les principaux groupes de Tsiganes

• Roms. - Ils constituent le groupe le plus important et le plus diversifié parmi les populations tsiganes. Ils sont majoritairement présents en Europe de l'Est, en Europe centrale et dans les Balkans, mais on les trouve également dans d'autres parties du monde, y compris en Europe de l'Ouest, en Amérique et en Australie. Les Roms parlent principalement le romani, une langue indo-aryenne dérivée du sanscrit, mais ils utilisent aussi les langues des pays dans lesquels ils résident (roumain, hongrois, bulgare, serbe, etc.). La culture rom est marquée par une riche tradition orale, incluant des contes, des chansons et des poèmes. La musique et la danse jouent un rôle central dans leur culture. La musique rom a influencé de nombreux genres, à commencer par la musique folklorique et populaire dans les Balkans et en Europe centrale.

• Gitans. - Les Gitans, ou Kalés, sont principalement présents en Espagne et en France, bien qu'on puisse également les trouver dans d'autres pays d'Europe occidentale. Ils sont souvent associés à la culture andalouse et au flamenco en Espagne. Les Gitans parlent souvent le caló, un dialecte romani influencé par l'espagnol. Cependant, beaucoup de Gitans parlent aujourd'hui uniquement l'espagnol ou le français. La culture gitane est particulièrement célèbre pour son influence sur le flamenco, un genre musical et de danse emblématique de l'Espagne. Les Gitans ont une forte tradition artistique et sont réputés pour leurs compétences en danse, en musique et en chant. En France, la culture gitane a également influencé la musique manouche.

• Manouches. - Principalement présents en France et en Allemagne. On les trouve également en Belgique, aux Pays-Bas, en Suisse et en Italie. Le terme "Manouche" est souvent utilisé en France pour désigner ce groupe spécifique. Les Manouches parlent souvent le "manouche", une variante du romani influencée par les langues locales (français, allemand, italien, etc.). Ils peuvent aussi parler couramment la langue du pays où ils résident. La culture manouche est fortement influencée par une tradition nomade, même si certains se sont sédentarisés. Ils sont connus pour leur contribution à la musique, notamment à travers le jazz manouche. Django Reinhardt, un des guitaristes de jazz les plus célèbres, était Manouche. La musique manouche est caractérisée par des rythmes rapides, une improvisation complexe et une virtuosité technique.

• Sinti. - Principalement présents en Allemagne, en Italie, en France et aux Pays-Bas. Le terme "Sinti" est couramment utilisé en Allemagne et dans les pays germanophones pour désigner ce groupe. Les Sinti parlent souvent le sinti, une variante du romani avec des influences des langues locales (allemand, italien, néerlandais, etc.). Comme les Manouches, ils peuvent également parler la langue du pays où ils résident. La culture des Sinti partage de nombreuses similitudes avec celle des Manouches, notamment en ce qui concerne le mode de vie nomade et la musique. Les Sinti ont également une riche tradition musicale et sont réputés 

pour leur contribution au jazz, en particulier au jazz manouche. Leur musique a des caractéristiques similaires à celles des Manouches, avec une forte emphase sur l'improvisation et la virtuosité.

• Kale (Kalé ou Calé). Ils sont principalement présents en Espagne (où ils sont confondus avec les Gitans), au Portugal et en Finlande. Les Kale d'Espagne et du Portugal parlent le caló, un dialecte romani fortement influencé par l'espagnol et le portugais. Les Kale de Finlande parlent le kaale, une variante du romani finlandais. Les Kale d'Espagne sont étroitement associés à la culture flamenca. En Finlande, les Kale ont une culture distincte avec des traditions propres, notamment en ce qui concerne les vêtements et les coutumes familiales.

• Romanichels (ou Romnichals). - Ils  sont principalement présents en Grande-Bretagne et en Irlande, mais on les trouve également en Amérique du Nord et en Australie. Les Romanichels parlent le romani anglo-romanichel, une variante du romani influencée par l'anglais. Cependant, beaucoup parlent maintenant principalement l'anglais. Ils ont une culture riche en traditions nomades, bien que beaucoup soient maintenant sédentarisés. Ils sont connus pour leurs compétences en artisanat, en particulier en ferblanterie et en confection de paniers.

• Dom. - Ils sont présents au Moyen-Orient, en Turquie, en Égypte et en Afrique du Nord. Leur migration est antérieure à celle des autres groupes tsiganes qui sont arrivés en Europe. Les Dom parlent le domari, une langue indo-aryenne similaire au romani. Ils ont des traditions et des modes de vie variés en fonction des régions où ils vivent et sont souvent engagés dans des métiers tels que la musique, la danse et la ferronnerie.

• Lom (ou Lomavren). Ils sont principalement présents en Arménie, en Géorgie et en Turquie. Ils sont également connus sous le nom de Boshas en Arménie. Les Lom parlent le lomavren, une langue indo-aryenne avec des influences arméniennes. Ils ont des traditions culturelles spécifiques qui les distinguent des autres groupes tsiganes. Ils sont souvent impliqués dans des métiers artisanaux et artistiques.

• Kalderash. - Principalement présents en Roumanie, en Hongrie, en Russie et dans les Balkans. Ils sont connus pour leurs compétences en métallurgie, en particulier en étamage et en fabrication de chaudrons. Leur nom vient du mot "kalderari" qui signifie "chaudronnier" en roumain.

• Lovari. - Principalement présents en Hongrie, en Roumanie, en République tchèque et en Slovaquie. Ils sont connus pour leur travail dans le commerce de chevaux et plus récemment dans la vente de voitures d'occasion. Ils ont des traditions distinctes en matière de mariage et de relations familiales.

L'histoire des Tsiganes avant le 1500 

Origines ethniques et linguistiques.
Les ancêtres des Tsiganes viennent des régions du nord de l'Inde, notamment du Rajasthan, du Gujarat et du Punjab. Leur langue, le romani, est une langue indo-européenne qui a conservé de nombreux éléments des langues parlées dans ces régions. Les premières traces écrites de groupes qui pourraient être les ancêtres des Tsiganes apparaissent dans les textes indiens, où ils sont souvent mentionnés comme des groupes nomades ou semi-nomades.

Routes migratoires.
Les migrations des ancêtres des Tsiganes commencent probablement entre le IXe et le XIe siècle. Les raisons exactes de leur départ de l'Inde sont inconnues, mais elles pourraient inclure des conflits, des conditions climatiques ou des opportunités économiques. Ils traversent le Moyen-Orient, et leur passage par des territoires tels que l'Empire byzantin est documenté  : les documents byzantins leurs donnent différents noms, tels que Atsingani ou Zingari. Ils sont habituellement décrits comme des groupes de voyageurs ou de musiciens. Les Tsiganes arrivent en Anatolie (actuelle Turquie) au cours du XIIIe siècle. Leur arrivée en Europe se produit au début du XVe siècle, mais leur présence est précédée de plusieurs siècles de migration et d'intégration dans des régions intermédiaires.

Culture et mode de vie avant le XVe siècle.
Les Tsiganes sont principalement des groupes nomades ou semi-nomades, avec des modes de vie induits par leurs déplacements constants. Ils se livrent à diverses activités économiques, comme la métallurgie, le commerce, la musique et la danse. Ils ont des structures sociales distinctes, souvent basées sur des clans ou des groupes familiaux. Les traditions orales jouent un rôle important dans la préservation de leur histoire et de leur culture.

En plus des langues des pays où ils vivent (français, espagnol, roumain, etc.), les Tsiganes parlent plusieurs langues qui leurs sont propres, dont certaines dérivent du sanscrit indien. Ainsi en est-il du romani, qui est la langue la plus commune parmi eux, et qui s'est enrichie progressivement des nombreux emprunts aux langues des régions traversées. Leur culture est riche et variée, marquée par une forte tradition orale, la musique, la danse et l'artisanat. La musique tsigane a eu une influence notable sur plusieurs genres musicaux européens, notamment le flamenco en Espagne, la musique tsigane en Hongrie et la musique manouche en France.

L'arrivée des Tsiganes en Europe.
Les Tsiganes commencent à arriver en Europe au début du XVe siècle. Les premières mentions documentées datent de 1417 en France, où des groupes de Tsiganes sont signalés dans les villes du sud. Ils apparaissent également dans d'autres parties de l'Europe centrale et orientale. Initialement, les Tsiganes sont perçus comme des voyageurs exotiques et mystérieux. Ils sont souvent associés à des récits de pèlerins ou d'ermites, ce qui contribue à une perception ambivalente.

Au début, les Tsiganes sont accueillis avec une certaine curiosité et un mélange de fascination et de méfiance. Leur mode de vie nomade, leurs vêtements colorés et leurs traditions distinctives captent l'attention. Les Tsiganes sont souvent perçus comme des "étrangers" ou des "exotiques", ce qui leur permet de vivre relativement librement.

Les lois anti-Tsiganes du XVIe au XIXe siècle 

XVIe siècle.
À mesure que leur présence devient plus connue, les autorités européennes commencent à introduire des lois spécifiques contre les Tsiganes. Ces lois reflètent une combinaison de méfiance, de préjugés et de désir de contrôler leur mode de vie nomade. 

En Angleterre, en 1530, la loi sur les Vagabonds est mise en place, incluant des mesures contre les Tsiganes. Ils sont considérés comme des vagabonds et sont soumis à des peines sévères. En Espagne, les Tsiganes sont victimes de décrets répressifs, notamment le Loi de 1499 qui interdit leur présence dans le pays et les oblige à se sédentariser ou à quitter le pays. En France, le roi François Ier émet des ordonnances en 1539 pour interdire le séjour des Tsiganes et les forcer à s'installer ou à partir.

Les lois anti-tsiganes entraînent des expulsions massives. Les Tsiganes sont chassés des villes et leurs groupes sont dispersés. Les autorités locales mettent en place des mesures de répression et d'expulsion pour maintenir l'ordre social. 

Les Tsiganes commencent aussi à être stigmatisés et associés à des stéréotypes négatifs, tels que la criminalité et la sorcellerie. Ces stéréotypes alimentent la discrimination et les politiques répressives. 

XVIIe siècle.
Au XVIIe siècle, les lois anti-tsiganes se durcissent à travers l'Europe. Les autorités tentent de contrôler ou d'éliminer le mode de vie nomade des Tsiganes, en les forçant à se sédentariser ou en les expulsant.

En Angleterre, l'Act for the Punishment of Vagabonds de 1598 est renforcé dans les décennies suivantes, criminalisant les Tsiganes en tant que vagabonds. En 1625, un nouveau décret ordonne l'expulsion des Tsiganes du pays. En France, Louis XIV émet en 1661 des ordonnances contre les Tsiganes, les obligeant à se sédentariser ou à être expulsés. Les mesures incluent des peines sévères pour ceux qui ne se conforment pas. En Allemagne, de nombreuses régions allemandes adoptent des lois similaires, qui interdisent aux Tsiganes de circuler librement et les contraignent à des travaux forcés ou à des peines sévères.

Comme au siècle précédent, les Tsiganes subissent des expulsions massives de diverses régions européennes. Ils sont souvent pourchassés et les autorités locales mettent en place des patrouilles pour les capturer et les expulser. Les communautés Tsiganes qui ne se conforment pas aux ordres sont régulièrement persécutées. 

XVIIIe siècle.
Le XVIIIe siècle voit encore une intensification des politiques anti-tsiganes en Europe. Les autorités adoptent des mesures plus sévères pour forcer les Tsiganes à se sédentariser et à se conformer aux normes sociales établies. Cette pression conduit à des efforts de conversion religieuse et à des tentatives d'assimilation culturelle. 

En Espagne, les lois contre les Tsiganes sont renforcées avec des décrets tels que ceux de 1721, qui imposent des sanctions sévères et cherchent à éradiquer leur mode de vie nomade. En Prusse, Frédéric II de Prusse ordonne la saisie des biens des Tsiganes et leur intégration forcée dans la société, souvent par des moyens coercitifs.

XIXe siècle.
Au XIXe siècle, les pressions pour que les Tsiganes se sédentarisent augmentent encore dans toute l'Europe. Les autorités mettent en place des politiques visant à intégrer les Tsiganes dans la société dominante, souvent par la force.

De nombreux États allemands et l'Empire Austro-Hongrois imposent des mesures répressives. Les Tsiganes souvent soumis à des politiques d'assimilation forcée et de sédentarisation. La France adopte des lois visant à forcer les Tsiganes à se sédentariser, comme la Loi du 15 novembre 1836 qui oblige les Tsiganes à s’enregistrer auprès des autorités locales et à abandonner leur mode de vie nomade. Les violations de ces lois entraînent  des amendes ou des emprisonnements. Le régime espagnol impose des politiques d'assimilation et de sédentarisation, avec des mesures qui visent à supprimer les traditions Tsiganes.

La résistance tsigane.
Malgré la répression, les Tsiganes continuent de mener un mode de vie nomade ou semi-nomade dans les régions où ils sont tolérés.Leurs migrations continuent à travers l'Europe, en particulier vers l'est où les conditions sont parfois plus favorables. Ils s'adaptent souvent en modifiant leur mode de vie pour éviter la confrontation avec les autorités. Ils exercent des professions telles que la métallurgie, la musique et la danse, qui sont souvent valorisées par les communautés locales mais aussi suspectées par les autorités. 

XXe Siècle
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Tsiganes sont ciblés par les régimes fascistes, notamment le régime nazi en Allemagne. Ils sont victimes de l'Holocauste, avec des milliers d'entre eux exterminés dans les camps de concentration. Ce génocide est connu sous le nom de Porajmos ou Ravie. Après la Seconde Guerre mondiale, les Tsiganes commencent à voir une reconnaissance accrue de leurs droits en Europe. Cependant, ils continuent de faire face à des préjugés et à des conditions de vie précaires. Dans certains pays européens, des réformes législatives sont mises en place pour améliorer les conditions de vie des Tsiganes. Les efforts incluent des programmes pour l'intégration sociale et des initiatives visant à améliorer l'éducation et les opportunités économiques.

Le mouvement pour les droits des Tsiganes gagne en visibilité avec la création de la première Organisation Internationale des Tsiganes en 1971, lors du premier Congrès Rom à Londres. Ce congrès marque le début d'une plus grande reconnaissance internationale des droits des Tsiganes. Les Tsiganes adoptent des symboles culturels communs, tels que le drapeau rom et l'hymne Gelem, Gelem, pour renforcer leur identité collective et leur visibilité politique.

Slovaquie : un village rom.
Un village rom en Slovaquie. - L'Europe est une des régions les plus prospères du monde. Cela n'empêche pas certaines de ses populations d'êtres maintenues à l'écart du développement.
Image : The World Factbook.

XXIe Siècle
Les Tsiganes continuent de faire face à une discrimination systémique et à des difficultés économiques dans de nombreux pays européens. Les taux de pauvreté, de chômage et de mauvaise santé restent élevés parmi les communautés Tsiganes. Les Tsiganes rencontrent aussi des obstacles importants à l'accès à une éducation de qualité et à des opportunités d'emploi. Les taux d'abandon scolaire sont souvent plus élevés parmi les enfants tsiganes.

L'Union européenne a mis en place des stratégies et des programmes pour améliorer la situation des Tsiganes. Le Cadre européen pour les stratégies nationales d'intégration des Roms, adopté en 2011, vise ainsi à promouvoir l'égalité des chances et à combattre la discrimination. Bien que des progrès aient été réalisés en matière de reconnaissance des droits et de politiques d'intégration, des défis importants subsistent, notamment en ce qui concerne la mise en oeuvre effective des politiques et la lutte contre les préjugés profondément enracinés.

Les Tsiganes continuent de préserver et de promouvoir leur culture unique. La richesse culturelle des Tsiganes est de plus en plus reconnue et célébrée dans diverses parties du monde. Les organisations de défense des droits des Tsiganes jouent un rôle crucial dans la lutte pour l'égalité et la justice sociale. Elles oeuvrent pour une meilleure représentation politique et une amélioration des conditions de vie des Tsiganes.

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