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![]() | Jean-Baptiste Camille Corot est un peintre paysagiste, qui appartint un temps au groupe de peintres de l'école de Barbizon![]() ![]() Le jeune Corot avait un ami, à peu près du même âge que lui, qui était peintre et venait de remporter le grand prix de Rome pour le paysage historique. Il s'appelait Michallon (Michalon). II le prit pour guide et pour maître. A cette époque, on était en plein règne du paysage historique. Michallon était de ceux qui ne voyaient la nature et ne s'attachaient à la représenter qu'à travers cette sorte de voile décoré du nom d' « idéal académique », croyant lui donner de la noblesse en la défigurant, en émondant les arbres, en arrachant la belle mousse des rochers, en disposant les verdures avec une symétrie savante et ridicule. Il donna néanmoins de bons conseils à Corot qui n'eut pas le temps de subir fortement cette influence, car Michallon mourut en 1824, à vingt-six ans. Il n'y avait que deux années que son ami suivait ses leçons. Corot entra alors dans l'atelier de Victor Bertin, qui avait la vogue pour le paysage, avec Watelet. Il y resta six mois et partit pour l'Italie ![]() Le Pont de Narni, par Camille Corot (1826). Jusqu'à ce moment Corot avait été regardé un peu comme un amateur par ses camarades de Rome, élèves de la villa Médicis « Pendant quinze ans et plus, a dit Charles Blanc, Corot rechercha le style par le dessin, par les grandes lignes, résolument écrites, par une sobriété voulue dans les détails.-»Les premières oeuvres de Corot parurent en France ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() - ![]() La Forêt de Fontainebleau, par Camille Corot (1833). Corot sentait bien l'intensité de vie et de vibration que l'école nouvelle mettait dans le paysage. Mais il ne pouvait renoncer au charme de la mythologie « Ce paysage est d'un aspect délicieux, et cause le même plaisir que la lecture d'une belle idylle antique.-»Néanmoins Corot n'en avait pas fini avec les résistances du jury, car, au Salon de 1842, sur cinq toiles qu'il avait envoyées, on lui en refusait quatre. C'est à cette époque (1843), au retour d'un dernier et rapide voyage qu'il fit en Italie ![]() « Vingt ans passés loin de l'Italie, dans un pays sans éclat, ont changé l'accent du peintre à l'avantage de son originalité native.-»Il disait lui-même : « Je me suis laissé encotonner par le ciel cotonneux de Paris.-»Et de fait, après avoir, en quittant l'Italie ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() « Surprendre la nature dans sa vie, a dit Jean Rousseau, l'exprimer au vol, au milieu de l'éternel mouvement des choses, et pour cela se borner aux accents décisifs, insister sur ceux-là, sacrifier le reste, n'est-ce pas, et ne sera-ce pas désormais toute son esthétique?-»Corot, pour obtenir et traduire les suaves impressions qui se trouvent dans ses tableaux, ne s'inquiétait guère d'en varier beaucoup le pittoresque, et ne recherchait guère la bizarrerie ni l'imprévu des sites. Ce ne sont pas les accidents extraordinaires de terrains qu'il aime, ni les cieux bouleversés par la tempête, ni l'orage furieux, ni les horizons déchirés par des lueurs violentes et brutales. Chez lui c'est presque toujours la même scène extérieure qui sert de thème à des variations incessamment nouvelles, toujours plus fines, plus délicates que les précédentes. Ainsi qu'on l'a dit déjà, quelques bouquets gracieux de bouleaux légers et de trembles frémissants comme des plumes, enveloppés d'un ciel discret, quelques rougeurs éparses de toits en tuiles, quelques blancheurs confuses de vagues murailles, entr'aperçues dans les trous du feuillage, quelques silhouettes colorées et fugitives de bûcheronnes ou de promeneuses marchant dans la rosée pâle du printemps, lui suffisent à composer une de ces idylles enchanteresses dont la séduction est certaine et le souvenir impérissable. - ![]() Les Maisons de Cabassud, à Ville d'Avray, par Camille Corot (ca. 1840). Cependant, malgré le succès qui s'imposait, Corot gardait des détracteurs dont les objections ne portaient plus sur sa façon personnelle de rendre les beautés de la nature, mais s'arrêtaient aux indécisions de son dessin, à ce qu'on appelait son « exécution lâchée » et les négligences de son coloris effacé ou brouillé. Un des coryphées de la peinture académique, Ch. Timbal, se faisait l'écho de ses critiques en disant : « Lorsque le temps aura passé son doigt malicieux sur ces silhouettes déjà si molles, lorsque ce voile qu'il jette avec une égale insouciance sur les plus belles couvres et sur les plus faibles, obscurcira ces couleurs, brouillées au hasard du pinceau sur une ébauche fatiguée, que restera-t-il de ces aubes et de ces crépuscules, et de ce charme encore vainqueur aujourd'hui de tant de reproches?-»Le temps jusqu'ici s'est chargé de répondre et les toiles de Corot, loin d'avoir perdu l'exquise saveur du premier moment, n'ont fait que grandir la gloire du maître. On peut se demander, comme le faisait Th. Thoré au Salon de 1847, comment ces paysages de Corot « assez singulièrement peints », produisent l'émotion puissante qu'ils excitent. On répliquera par l'explication que donnait le même Th. Thoré : « Il me semble que la peinture un peu mystique de M. Corot agit sur le spectateur à peu près comme la musique sur le dilettante, par un moyen indirect et inexplicable. Comment se fait-il qu'une phrase musicale de Beethoven, un son vague et fugitif, provoque inévitablement une certaine idée et non point une autre?-»Voilà l'exacte définition qui convient au talent de Corot et qui fait comprendre le trouble, l'émotion qu'il dégage. Le peintre a donné une note qui est unique dans l'histoire de l'art. Il ne procède d'aucune école et n'a laissé aucun élève, parce qu'il n'a inventé ni une formule ni une méthode d'exécution. Mais il a vu dans la nature et a su exprimer ce que nul n'avait vu avant lui. Il ne particularise pas le paysage, il n'en fait par le portrait comme Théodore Rousseau; il ne lui prête pas une allure shakespearienne comme Jules Dupré, ou philosophique comme Millet. Il le synthétise, le compose, et, sous ce rapport, l'artiste se rattache à l'ancienne école historique. Mais il est dominé, en le composant, par un respect si profond des réalités qui l'enivrent, il pénètre si bien dans le mécanisme, pour ainsi dire, de la vie de la nature, il transpose avec une telle justesse les tonalités que perçoit son regard et qui, posées sur la toile, traduisent à miracle le mouvement même des nuages qui passent, des vapeurs impondérables qui s'exhalent de la terre, des souffles invisibles qui courent dans les arbres et sur les eaux, qu'on croit entendre dans ses tableaux le frémissement sourd des êtres et des choses. Aucun genre de peinture ne donne au même degré que la sienne la sensation de la vérité puissante et captivante. - ![]() Dante et Virgile, par Camille Corot (1859). Corot, mis enfin hors de pair, vit affluer chez lui les acheteurs, et sans qu'il se soucia beaucoup de gagner de l'argent, uniquement parce qu'il aimait à peindre, il se condamna à une production incessante. C'est cette facilité qu'il mettait à apposer souvent sa signature sur des ébauches qui fit éclore plus tard de nombreuses contrefaçons de ses A l'exposition universelle de 1855, il ne fit qu'un envoi peu important; mais, au Salon de 1857, il eut sept tableaux dont l'un, l'Incendie de Sodome, arracha à Gustave Planche un cri d'admiration, puis la Nymphe jouant avec un amour, et le Concert, coin de nature clair et ensoleillé au milieu duquel des figures de femmes coquettement drapées semblent s'enivrer de l'harmonie des instruments à corde qu'elles font vibrer. Les chefs-d'oeuvre se succèdent. Voici Dante et Virgile, Macbeth (1859), la Danse des nymphes (1861), qui est une pure merveille de grâce lumineuse, Souvenir du lac Nemi (1865), le Matin, le Soir (1866), morceaux admirables, puis les tableaux de l'Exposition de 1867 qui consacrent définitivement sa renommée et lui valent la croix d'officier de la Légion d'honneur. C'est le point culminant de la carrière de Corot qui continue à produire avec une sorte de fièvre. « Si je ne pouvais plus peindre, disait-il, faire mes petites branchettes dans le ciel, avec de l'air pour laisser passer les hirondelles, il me semble que sous peu je tomberais raide mort.-»Après la guerre de 1870, il continua encore à exposer. Nous citerons sa Pastorale (1873), sa Dame antique (1875), etc. Au salon de 1874, on songea à conférer à Corot la médaille d'honneur, récompense bien due à ce génie trop longtemps méconnu. Mais ce fut un autre qui l'obtint. En dépit des admirations, l'art de Corot n'était pas encore accepté sans réserve par les derniers fervents du genre académique. Une manifestation fut organisée par les amis du peintre pour répondre à ce déni de justice, et une médaille d'or lui fut offerte par souscription la 29 décembre 1874. Corot mourut quelques mois après, en prononçant ces suprêmes paroles dans le délire de l'agonie : « Vois-tu comme c'est beau! Je n'ai jamais vu d'aussi admirables paysages.-»Un monument lui a été élevé à Ville-d'Avray, orné d'un médaillon dû au sculpteur Geoffroy-Decharme qui a su faire revivre la physionomie souriante et bonhomme de son ami, avec ses cheveux en broussailles, ses veux clairs et francs, sa bouche un peu moqueuse, animée d'une expression d'ineffable bonté, son air de paysan simple et rayonnant qui, à la fin de sa vie, alors que la richesse était venue en même temps que la renommée, eut la générosité sublime et tendre comme le génie. (Victor Champier). |
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