| La peinture que l'on est convenu d'appeler « décorative » est celle qui comprend la série des oeuvres relatives à la décoration des habitations et des édifices. Cette appellation, comme beaucoup d'autres dans la terminologie artistique, est relativement récente. Les artistes d'autrefois, instruits dans la pratique générale et dans la science tout entière du dessin, ignoraient les catégories entre lesquelles s'est partagée, plus tard, la peinture : histoire, genre, paysage et marine, etc. Il est vrai que, la peinture n'eut primitivement d'autre rôle que d'accompagner et de souligner les motifs d'architecture ou de sculpture. Elle était décorative par essence. - Antiquité et Moyen Âge En Egypte, la peinture, comme la sculpture, est intimement liée à l'oeuvre de l'architecture elle représente, pour ainsi dire, le troisième moment dans la construction d'un édifice : la première phase appartenait au constructeur, la seconde était dévolue au sculpteur, et le peintre donnait à l'ensemble la dernière parure et l'aspect définitif. Ornements d'architecture, statues et bas-reliefs, tout était soumis à la loi générale de la polychromie; pour les détails de la décoration, l'artiste égyptien les empruntait à la flore aquatique du Nil, et les tiges et les fruits du lotus encadraient sur les corniches et les panneaux des temples et des palais, sur les parois des tombeaux, de vastes compositions racontant les exploits militaires des Pharaons, ou les vicissitudes de l'âme après la mort. De même les artistes mésopotamiens appelèrent la peinture à leur aide pour parer d'un décor brillant les demeures royales, et pour achever les productions de la sculpture : la nudité de la brique employée dans la construction des palais d'Assyrie se dissimulait sous un riche revêtement de bas-reliefs, de gypse peint ou de terres émaillées. Les admirables frises des Lions et des Archers, trouvées à Suse, dans la Perse antique, par Dieulafoy, sont des monuments achevés de cette peinture décorative émaillée que les contemporains des rois achéménides avaient portée à un rare degré de perfection. Dans les centres helléniques, on voit encore la polychromie jouer un rôle important : témoin les premiers bas-reliefs grecs, revêtus de couleurs comme l'étaient ceux de l'Orient, témoin aussi les frontons du Parthénon, qui offrent des traces évidentes d'enluminure. Les plus anciennes compositions décoratives de l'art antique proviennent de la civilisation gréco-italienne qui se développait dans les villes de la Campanie : à Pompéi, à Herculanum, la peinture couvrait toutes les parois des temples, des basiliques et des demeures particulières, Le musée de Naples a conservé plusieurs de ces panneaux; d'autres ont été laissés en place. Ils représentent des sujets de mythologie ou d'histoire, et une suite très variée d'oiseaux, de poissons, de fruits, de vases, des instruments de musique, des vues, des arabesques, des ornements de fantaisie mêlés à des fragments d'architecture. Au surplus, la peinture décorative chez les Romains nous était déjà connue bien avant la découverte des cités vésuviennes, par des morceaux de premier ordre, tels que les gracieux motifs qui ornent les voûtes des thermes de Titus et de plusieurs autres monuments de Rome. Les fouilles du mont Palatin ont rendu à la lumière de curieuses peintures qui tapissaient les chambres d'antiques demeures datant de la fin de la République. Pour les premiers siècles de l'Empire, Rome nous offre encore l'abondante collection des peinture des catacombes : la décoration chrétienne, à son début, emprunte le style, les procédés et jusqu'aux sujets de l'art païen ceux-ci sont appropriés aux croyances nouvelles, et le Faune au Chevreau, par exemple, se transforme en Bon Pasteur. Lorsque l'établissement officiel du christianisme par Constantin permit aux pieux décorateurs de la primitive Eglise d'émerger de l'obscurité des catacombes, ils appliquèrent leurs travaux aux nombreux édifices dédiés à la nouvelle religion. Mais avant que l'art chrétien eût le temps d'atteindre son plein développement et d'acquérir une forme distincte, des commotions civiles et les invasions barbares l'arrêtèrent en Italie; à la disparition des fresques suppléent les mosaïques, qui résistent plus longtemps à la décadence. Au VIe siècle, Constantinople devint le centre principal de l'art chrétien. Et mosaïques et miniatures sont également, chez les Byzantins, ce que l'art décoratif présente de plus intéressant, au point de vue surtout de l'ornementation : sur des fonds d'or ou de pourpre se détachent des animaux, des oiseaux ou de fines arabesques, qui dénotent un goût très délicat. Pendant les VIIIe et IXe siècle, l'influence des iconoclastes découragea l'art grec. Cependant, Constantinople resta la capitale artistique jusqu'au XIIIe siècle, et le style byzantin, raide, conventionnel et sans expression, fut le style dominant. Les moines du mont Athos et des couvents grecs continuent à décorer leurs églises de peintures, à l'aspect hiératique, au style conventionnel : ouvrages de pur métier, où se voit le peu d'importance accordé au dessin. Peinture du tympan de la Maison Municipale de Prague (salle de concerts Smétana). Photo : © Angel Latorre, 2008. Temps modernes L'Italie. La prise de Constantinople par les Vénitiens en 1204 est regardée comme ayant donné la première impulsion à la Renaissance des arts en Italie et dans l'Occident. Beaucoup de peintres byzantins passèrent en Italie et en Allemagne, apportant avec eux leurs méthodes et leurs types de formes et de couleurs, qu'adoptèrent les Italiens. C'est dans la première partie du XVIe siècle que l'art atteignit son apogée. Les premiers pas avaient été lents, et l'on ne peut dire que la peinture se soit affranchie d'une façon notable des entraves byzantines avant le XIVe siècle. C'est à Cimahue de Florence (mort vers 1302) qu'on attribue généralement la renaissance de la peinture en Italie. Les écoles toscanes, qui comprennent celles de Sienne, de Pise et de Florence, se fondirent toutes, au XVe siècle, dans cette dernière, dont Giotto di Bondone avait été le créateur au siècle précédent. Giotto rejette la couleur sombre que ses prédécesseurs avaient gardée de leurs modèles byzantins, et introduisit des effets plus naturels. Les compositions consacrées à la vie de saint François, dans l'église supérieure d'Assise, ou encore la décoration de la chapelle de l'Arena, à Padoue figurent parmi ses plus remarquables réalisations. Au XVe siècle la peinture fit des progrès considérables, et Florence, sous l'administration des Médicis, devint un des foyers artistiques les plus splendides qu'il y eut jamais. Pietro della Francesca et Paolo Uccello développèrent la science de la perspective et Masolino da Panicale celle du clair-obscur. Les oeuvres de Lorenzo Ghiberti, sculpteur des fameuses portes de San Giovanni, à Florence, donnèrent une nouvelle vigueur aux principes d'imitation établis par Giotto. Mais c'est à Mosaccio, qui méprisa les types conventionnels de la forme humaine et étudia directement la nature, qu'appartient le mérite d'avoir fondé la grande époque de peinture pendant ce siècle. Avec Léonard de Vinci, maître accompli dans un grand nombre d'arts, commence une autre époque, où les conceptions plastiques de Masaccio se combinent avec une composition plus vigoureuse et plus dramatique, et des notions plus nettes de la couleur locale et du clair-obscur, comme le montre la fameuse Cène, du couvent de Santa Maria delle Grazie, à Milan. Les maîtres florentins de cette période sont Fra Bartolommeo di San Marco, Andrea del Sarto, tous les deux maîtres sans rivaux, et Michel-Ange Buonarotti, grand peintre, grand sculpteur et grand architecte. A l'école romaine appartint Pietro Perugino (le Pérugin) qui compte parmi ses nombreux disciples Raphaël (Raffaelle Sanzio d'Urbino), dont la renommée éclipsa celle de tous les autres. Il fit aussi des élèves, dont les meilleurs furent Jules Romain (Giulio Romano) et le Caravage (Caravaggio). Parmi les autres écoles d'Italie, on remarque celle de Bologne, dont l'époque la plus brillante commença vers 1585 avec l'ouverture de sa célèbre école fondée par les Carrache, qui compta, parmi ses élèves le Dominiquin (Domenichino), le Guide (Guide Reni) et le Guerchin (Guercini); celle de Parme, avec le Corrège (Correggio) et celle de Naples. Signalons encore pour mémoire l'école de Padoue, intimement liée à celle de Venise. La peinture semble avoir fait peu de progrès à Venise avant le temps de Giotto, et pendant le XIVe siècle, il ne se produisit aucune oeuvre importante. Le style byzantin, que les peintres vénitiens imitaient exclusivement, resta en vigueur plus d'un siècle après que les florentins y avaient renoncé; mais avec le XVIe siècle s'ouvrit une époque nouvelle dans l'histoire de l'école vénitienne, grâce surtout à Giorgione et Titien, élèves de Bellini, qui furent des premiers en Italie à remplacer la détrempe par la peinture à l'huile. Dans la dernière moitié de ce siècle florissaient le Tintoret et Paul Véronèse. C'est encore à l'école vénitienne qu'appartient le dernier grand peintre décorateur de l'Italie : Gianbattista Tiepolo, qui vivait au XVIIIe siècle. L'Espagne. La peinture décorative espagnole ne remonte guère plus haut que le XVIIIe siècle. Avant cette époque, l'Espagne fut à peu près exclusivement tributaire de l'Italie et de la Flandre; un séjour de Van Eyck et de Rogier Van der Weyden avait influé sur ses artistes, et, d'autre part, à l'époque de la Renaissance, tous les peintres de l'Espagne faisaient le voyage d'Italie pour entrer dans les écoles de Raphaël et de Michel-Ange. On retrouve bien quelques traces - mais elles sont à peine visibles - des fresques exécutées par Luis de Vargas dans la cathédrale de Séville; puis, un autre peintre, Eugenio Coxès, prit une part sérieuse dans la décoration du Pardo et des couvents de Madrid et de Tolède. Mais Antonio del Castillo est un des premiers précurseurs qui accuse nettement, dans ses oeuvres, le caractère particulier que va prendre la peinture décorative en Espagne. Il s'affirme avec plus d'énergie encore, et de franchise dans Francesco Herrera, dit le Vieux; ce maître, cultiva surtout la fresque, qui convenait bien à sa manière hardie et ferme; la vaste coupole de l'église de San Buenaventura lui doit sa décoration. Ni Velazquez, qui fut son élève, ni Murillo, ni Ribera ne s'étant appliqués à la décoration monumentale, on ne trouve plus à citer que le nom de Claude Coello, qui a laissé dans plusieurs monuments un grand nombre de fresques, assez médiocres, et celui de Goya, dont le tempérament fougueux et la vigoureuse originalité se plurent aux vastes compositions décoratives; ses cartons de tapisserie représentent des scènes empruntées aux moeurs nationales, et les immenses fresques de San Antonio della Florida donnent une curieuse idée de son talent, plein de sincérité et d'audace. L'Allemagne. Les débuts de la décoration germanique nous échappent, et il ne subsiste plus rien des oeuvres élaborées par ordre de Charlemagne sous la coupole du dôme d'Aix-la-Chapelle. Quelques vestiges de fresques, que possèdent les églises de Saint-Gédéon et de Sainte-Ursule, et la décoration peinte de la voûte de l'église Saint-Michel, à Hildesheim, nous reportent au commencement du XIIIe siècle. A cette époque et dans les temps qui suivirent, toute la peinture des églises allemandes rentre, comme celle de la France, dans un système général de décoration architecturale. Puis, l'Allemagne s'associa, à sa manière, au développement réaliste que les frères Van Eyck avaient donné à la peinture; le grand triptyque du dôme de Cologne, par Stephan Lochner, est un document d'un puissant intérêt. Mais il était réservé à Albrecht Dürer et à Hans Holbein de réaliser, dans leurs oeuvres décoratives, la plus haute expression de l'idéal germanique : le premier, avec plus de poésie, plus d'intensité de sentiment; le second, avec plus d'habileté et plus de goût. Voyez les peintures murales de Dürer à l'hôtel de ville de Nuremberg, et les fresques de Holbein, dont les débris sont à Bâle, ainsi que les vastes compositions qu'il peignit à la détrempe pour les marchands allemands de Londres. L'école allemande perdit ses meilleures qualités d'originalité dans la seconde moitié du XVIe siècle en se mettant à la remorque de l'art italien et ne les retrouva pas, un siècle et demi plus tard, avec les froides banalités de Raphaël Mengs. Mais une renaissance s'est produite au XIXe siècle siècle, sous l'influence de l'Académie de Dusseldorf et de l'Académie de Munich, et la peinture décorative a trouvé dans les récits de la mythologie germanique une source d'inspiration nouvelle. Il faut citer, principalement, les fresques de Pierre Cornelius à la Glyptothèque de Munich. Flandre et Pays-Bas. On sait quelle importance eurent dans les Pays-Bas, et ailleurs, les perfectionnements introduits dans l'art de la peinture par les frères Van Eyck. Leur élève Rogier van der Weyden avait exécuté un nombre considérable de cartons de tapisserie pour les métiers d'Arras. Mais l'élément ultramontain, avec Jean Gossaert de Maubeuge, puis avec Bernard van Orley, envahit la décoration. Van Orley avait travaillé au Vatican; on lui doit la composition des douze tapisseries connues sous le nom de Chasses de Maximilien. François de Vriendt imite Michel-Ange, les peintres flamands ne jurent que par les Italiens. Mais Rubens parut, et l'art des Pays-Bas fut rendu à lui-même. Non que Rubens, au point de vue décoratif, ne doive rien à Véronèse, qu'il avait longuement étudié. II n'en est pas moins vrai que ses grandes entreprises décoratives sont toutes marquées à l'empreinte de son goût personnel. La plus importante est la suite des tableaux destinée au palais du Luxembourg et où il peignit la vie de la reine Marie de Médicis. Ce furent ensuite l'histoire de Decius et de nombreux cartons d'histoire sacrée et profane; et la décoration de la grande église des Jésuites, et celle de la grande salle des banquets de White Hall, à Londres, pour le roi Jacques Ier. Héritier de sa manière, Jacob Jordaens a laissé une des plus belles pages de l'art flamand, dans le Triomphe du prince Frédéric de Nassau, exécuté pour servir de plafond dans un des palais du stathouder. Par contre, les grands peintres de la Hollande ne semblent pas s'être jamais préoccupés de la décoration proprement dite. L'Angleterre. Les plus anciennes peintures décoratives que l'on connaisse sont exécutées d'après les traditions byzantines : elles furent remplacées par des compositions portant le caractère architectural de l'art ogival. Les églises et les couvents de la Grande-Bretagne abondaient en fresques représentant des scènes de l'Ancien Testament et du Nouveau Testament. A l'avènement de la Renaissance, les rois Henri VII et Henri VIII attirèrent à Londres des peintres tels que Holbein. Sous Charles II, un Napolitain, Antoine Verris, décore les plafonds du palais d'Hampton Court. Des artistes français se réfugient à Londres pour échapper aux persécutions; ce sont : les protestants Jacques Rousseau, Louis Chiron, Nicolas Heude, Daniel Marot. Louis Laguerre, élève de Lebrun, exécute de nombreux ouvrages à Burleigh House, à Buckingham House, à Petworth et à Marlborough House. Le véritable fondateur de l'école anglaise, William Hogarth, demeure étranger à toute conception décorative, et ce ne fut que, par exception, que Joshua Reynolds exécuta, pour la bibliothèque de l'un des collèges d'Oxford, des cartons de vitraux. Les vastes compositions sont rares dans la peinture britannique, et ni les scènes bibliques de John Martin, ni les Bataille de Waferloo et de Trafalgar, que Daniel Maclise peignit dans les nouvelles salles du Parlement, ni les allégories monotones et compassées de Thomas Stothard et de James Barry n'ont eu de quoi réformer à cet égard, au cours du XIXe siècle, l'esthétique en Angleterre. La France. Les plus anciens exemples de peinture monumentale remontent en France au XIe siècle, et l'on trouve à partir du XVe siècle de nombreuses réalisations intéressantes (fresques de l'ancienne librairie de la cathédrale du Puy, peintures de la cathédrale d'Albi, etc.). Mais le véritable essor de la peinture décorative n'a lieu qu'à l'arrivée en France du Primatice et d'autres artistes italiens, venus sur l'invitation de François Ier. Quelques décennies plus tard, Marie de Médicis fit appel à Jean Mosnier, Nicolas Duchesne ou encore à Pierre Paul Rubens. Philippe de Champaigne, et dont les sujets religieux reflètent la doctrine sévère de l'abbaye de Port-Royal. L'école française fut encore représentée aux XVIe et XVIIe siècles par des artistes tels que les deux Jean Cousin. Vint ensuite Charles Lebrun, décorateur pompeux dont les chefs-d'oeuvre sont les plafonds de la galerie d'Apollon au Louvre et de la galerie des glaces à Versailles. Jacques Blanchard, Louis Boullongne, Sébastien Bourdon, Laurent de La Hire, François Perrier, Dufresnoy, Charles Errard, Nicolas Loir, et les Coypel, sont les autres noms à signaler à l'époque du règne de Louis XIV. Ajoutons encore Jean Jouvenet, qui conserva les bonnes traditions, au moment où Pierre Mignard, successeur de Lebrun, tombait dans le maniérisme qui marque la période de déclin de l'école française pendant la seconde moitié du XVIIe siècle. A cette époque de mignardise (XVIIe et XVIIIe siècles) vécurent Largillière, Rigaud, Fragonard, Watteau, Boucher, Carle Van Loo, Oudry, Huet, etc. Louis David subissant, l'influence des idées révolutionnaires, rompit avec le passé et chercha le beau dans l'imitation de l'antique. La peinture décorative s'éclipsa presque complètement. On doit cependant à Gros, élève de David, la composition de la coupole de l'église Saints-Geneviève (Panthéon). Vers le même temps, Prud'hon, qui travaillait à la réforme de l'école française, se chargea de la décoration de la salle du Centaure (Louvre), le plafond de l'ancienne salle de Diane, etc. Au XIXe siècle, on doit encore nommer Horace Vernet (mort en 1863), fils de Carle, qui a été le plus fameux de tous les peintres de batailles, ou encore son gendre, Paul Delaroche, n'eut pas de rival comme peintre d'histoire. Hippolyte Flandrin, Léon Coignet, Robert Fleury, Eugène Delacroix marquèrent également la peinture décorative du temps. A la génération suivante, on citera seulement les noms de Paul Baudry, Chaplin, Bonnat, Puvis de Chavannes, etc. (Gaston Cougny) | |