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La Prusse des XVIe et XVIIIe siècles |
Aperçu | Le Moyen Âge | Les XVIIe et XVIIIe siècles | Le XIXe siècle |
La Prusse, État souverain La réunion de la Prusse au Brandebourg, à la mort d'Albert-Frédéric, le 28 août 1618, avait donné naissance à un nouvel État prussien. L'autorité ducale était alors bien minime, l'aristocratie profitant de chaque changement de prince pour se faire accorder de nouveaux droits et restreindre ceux du seigneur; celui-ci avait grand-peine à obtenir du roi de Pologne l'investiture. Georges-Guillaume (1619-1640) et Frédéric-Guillaume (1640-1688) l'attendirent longtemps et la payèrent fort cher. A partir de son fils, la Prusse joue un rôle grandissant dans l'histoire générale de l'Europe. Nous nous contenterons ici de résumer les faits essentiels et les incidents particuliers à la Prusse proprement dite. La Prusse eut beaucoup à souffrir de la grande guerre de la Pologne et de la Suède; elle fut dévastée par les belligérants, surtout les Polonais, les Tartares, les Moscovites. Mais de cette guerre, Frédéric-Guillaume, par sa politique machiavélique, sut tirer l'indépendance de la Prusse. Défait par le roi de Suède Charles X, il signa le traité de Koenigsberg (17 janvier 1650), qui substituait la suzeraineté de la Suède à celle de la Pologne et lui promettait l'évêché d'Ermeland. Quatre mois après, il extorqua au roi Charles X, menacé par le soulèvement de la Pologne, le traité de Marienburg (25 juin 1656), qui lui promettait quatre palatinats de Pologne (Poznan, Kalisz, etc.), puis le traité de Labiau (20 novembre 1656), aux termes duquel le roi de Suède renonçait à la suzeraineté et reconnaissait Frédéric-Guillaume et ses héritiers mâles en qualité de ducs souverains de Prusse. Après quoi, il continua de trahir son allié et s'entendit avec le roi de Pologne, lequel, par le traité de Wehlau (19 septembre 1657), reconnut à son tour le duché de Prusse comme État souverain. Au congrès d'Oliva ces stipulations furent confirmées (3 mai 1660). Après avoir ainsi créé en Europe un nouvel État souverain et fourni à la dynastie des Hohenzollern la base de sa grandeur future, l'électeur-duc s'occupa d'assurer en Prusse une autorité réelle, semblable à celle que les rois de France, d'Espagne ou d'Angleterre exerçaient dans leurs États centralisés. Il brisa l'opposition des nobles et des villes par l'emprisonnement de Rhode (1662) et l'exécution de Kalkstein (1671). Une invasion des Suédois en Prusse fut repoussée avec tant d'énergie que les assaillants pourchassés sur la glace de Koenigsberg (Kaliningrad) à Riga périrent presque tous (1678-1679). Rappelons enfin que c'est le grand électeur qui a organisé l'administration prussienne, instrument de la puissance nouvelle qui surgissait en Europe. Dès cette époque, l'État brandebourgeois-prussien était le second d'Allemagne, redoutable à la France, vainqueur de la Suède. Le souverain qui avait fait de ces principautés féodales amalgamées par hasard un État moderne, comparable par son organisation administrative, financière, militaire aux plus grands royaumes d'Europe, qui, non content de développer l'agriculture et l'industrie avec le concours des Huguenots français, tentait l'ébauche d'un empire colonial, mérite à tous égards le renom de fondateur de la Prusse moderne. Le Royaume de Prusse Son successeur Frédéric III (1688-1713) lui procura le titre royal. C'était un prince vaniteux, à idées courtes, dissipateur; mais ses défauts le servirent en l'amenant à concentrer ses efforts sur l'obtention de la couronne. Il la paya cher, du concours gratuit de son armée aux guerres impériales contre la France, contre la Turquie. Au moment où s'ouvrait la succession d'Espagne, l'empereur se décida, pour s'assurer l'aide de Frédéric, à ériger le duché souverain de Prusse en royaume (16 novembre 1700). Le nouveau roi, qui s'intitula Frédéric Ier, prit la couronne à Koenigsberg le 18 janvier 1701, et son titre lui fut reconnu par les puissances européennes au traité d'Utrecht (1713). Ainsi la dignité du souverain prussien affirmait sa force et légitimait ses ambitions. Enregistrons encore le développement intellectuel favorisé par la fondation de l'Université de Halle (1694), des Académies berlinoises des beaux-arts (1699) et des sciences (1700), la pompe architecturale des édifices bâtis par Schlüter, le luxe de la cour royale. On y dépensa le trésor amassé par le grand électeur et il fallut vendre des domaines, inventer des impôts; mais, en ce temps du «-roi-soleil-», les dépenses de représentation n'étaient pas inutiles. On peut reprocher à Frédéric ler d'avoir délaissé les ministres de son père pour des aventuriers sans scrupules; mais il ne faut pas oublier qu'il acquit Quedlinburg, Nordhausen, Tecklenburg, et de la succession de Guillaume d'Orange, tira Lingen, Meurs, Neuchâtel (1702). Notons enfin la grande peste de 1709-1711, qui fit périr dans le duché de Prusse 236000 personnes, le tiers des habitants. Frédéric-Guillaume Ier (1713-1740) réagit brutalement contre la politique paternelle et établit définitivement la double assise de l'État prussien, armée puissante, administration laborieuse et docile. De la guerre de succession d'Espagne il n'obtint que la Haute-Gueldre en échange de la principauté d'Orange (1713); la grande guerre du Nord lui acquit les bouches de l'Oder, Stettin, la Poméranie au Sud de la Peene, en tout 5000 km² (1720). Réduisant au minimum les dépenses de la cour, étant lui-même son ministre de la guerre et des finances, il consacra ses efforts à organiser une forte armée, soldée à l'aide de ses seuls ressources, comprenant que c'était la condition d'une politique autonome. Jusqu'alors, même le grand électeur était trop faible pour jouer d'autre rôle que celui d'auxiliaire d'une grande puissance dans les affaires générales de l'Europe. Grâce à son adresse et à une fourberie dénuée de tous scrupules, il avait su, comme sur les Alpes la maison de Savoie, en tirer de notables avantages territoriaux et se hausser au rang de prince souverain. Frédéric Ier avait obtenu sa place parmi les têtes couronnées, pas considérable vers une politique indépendante, nationale. La Prusse et l'Autriche de 1618 à 1772. (Cliquez sur la carte pour l'agrandir). Avec Frédéric-Guillaume se constitue vraiment la nation prussienne; il n'est, vraiment que le premier fonctionnaire de son État et inculque à sa famille comme à ses employés civils et militaires la rigoureuse discipline qui finira par les amener à l'hégémonie. L'armée qu'il aimait jusqu'à la manie devint vraiment nationale; ce ne fut plus le colonel qui paya la solde, décida l'uniforme et le règlement, ce fut le roi; la moitié des recrues furent levées dans le pays divisé en cantons, dont chacun pourvut au recrutement d'un régiment (1733); comme il était trop petit encore pour alimenter une grosse armée, l'autre moitié du contingent fut formée de mercenaires. La discipline était draconienne, le service très dur; si bien que pour la marche comme pour le tir, les soldats prussiens devinrent les meilleurs d'Europe. Dès 1720, l'armée comp tait 50000 hommes; en 1740, elle se montait à 83000 dont 18000 cavaliers, chiffre énorme pour un État de 2 240 000 habitants. Les officiers étaient peu payés, mais ils l'étaient ponctuellement, et hautement honorés. Ils devinrent le premier corps de l'État réservé d'ailleurs à la noblesse; les princes du sang et le roi lui-même prirent place dans la hiérarchie militaire. La Prusse au rang de grande puissance Frédéric ll le Grand (1740-1786) mit en oeuvre avec génie l'instrument forgé par son père; ce fut lui qui plaça la Prusse au rang des grandes puissances. A l'intérieur, il conserva les institutions de Frédéric-Guillaume et les compléta en faisant une large place à la vie intellectuelle et en appliquant les principes de tolérance religieuse; à ce double point de vue, il était le disciple des philosophes français. L'état brandebourgeois-prussien n'avait à son avènement que 118 000 km² et à peine 2 millions et demi d'habitants. Il en porta l'étendue à 195 000 km² peuplés de près de 6 millions de personnes. Fidèle à l'idée directrice des Hohenzollern de rechercher dans des guerres des résultats réels sous forme d'accroissements territoriaux qui augmentaient à la fois la puissance financière et militaire de l'État, il sut en même temps procurer aux armes prussiennes une gloire incomparable dont le souvenir demeura un des éléments essentiels de la puissance ultérieure de la Prusse. Il débuta par la conquête de la Silésie (1740), réalisée au traité de Berlin (28 juillet 1742), confirmée par celui de Dresde (25 décembre 1745). Dans la guerre de Sept Ans il résista à l'attaque combinée des trois grandes puissances continentales, Autriche, France, Russie, et s'en tira sans rien perdre. L'effet moral fut immense; la Prusse avait donné la mesure de sa force et, malgré les dommages essuyés au cours de ces années, elle ne tarda pas à en tirer profit. Les pertes furent réparées; de nouveaux colons appelés, l'industrie favorisée, des canaux creusés. Le partage de la Pologne, que Frédéric Il imposa à la Russie, lui valut la Prusse occidentale et le district de la Netze, 35500 km² 900 000 habitants, soudant les deux grandes fractions de l'État prussien (Prusse et Brandebourg) en un ensemble territorial homogène. Puis le roi empêche l'Autriche de s'arrondir par l'annexion de la Bavière (1778-1779) et se place à la tête de la confédération des princes allemands contre l'empereur (1785), affirmant ainsi l'intention de se substituer à la maison de Habsbourg comme chef de l'Allemagne. Il disposait d'une armée permanente de 200000 hommes, d'un revenu de 22 millions, d'un trésor de 55 millions de thalers. Le mouvement intellectuel commençait à se dessiner, sous l'impulsion de l'Académie de Berlin. Autant que la force militaire, ce qui caractérise la Prusse du XVIIIe siècle, c'est la sévère discipline qui règne du haut en bas de l'État obéissance passive des sujets et de chaque fonctionnaire à son chef hiérarchique. Mais le progrès social était enrayé par le maintien dans les villes du régime trop étroit des corporations et par celui du servage dans les campagnes. Une monarchie aussi absolue ne pouvait donner de bons résultats qu'avec un souverain de premier ordre. Frédéric-Guillaume II (1786-1797) commence la décadence; il engloutit en dépenses de luxe des sommes considérables, laisse le gouvernement à son cabinet composé de favoris, supprime la liberté religieuse et intellectuelle (1788), gaspille sa puissance militaire dans la campagne des Pays-Bas (1787) et dans celle de Valmy (1792), et finit par louer son armée aux puissances navales (traité de La Haye, 19 avril 1794) et, ses finances épuisées, signe avec la France victorieuse le traité de Bâle (5 avril 1795) qui assure la neutralité de l'Allemagne du Nord. La préoccupation maîtresse de Frédéric-Guillaume II avait été le partage de la Pologne où il gagna en effet de vastes territoires; le 23 janvier 1793, Dantzig (Gdansk), Thorn, la Grande-Pologne (Prusse méridionale), soit 7000 km², et 4,1 million d'habitants; puis, le 24 octobre 1795, la Mazovie, Varsovie et Bialystok, 47000 km² 1 million d'habitants. En 1791, il avait hérité d'Anspach et Bayreuth. Il laissa la Prusse avec 300 000 km², et 8700000 habitants, mais endettée de 47 millions de thalers, l'armée affaiblie, l'administration en désarroi. (A.-M. B. ). |
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