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L'histoire de Porto Rico
Avant l'arrivée des Européens, l'île de Porto Rico était habitée par les Tainos, une population amérindienne qui faisait partie du groupe Arawak. Les Tainos vivaient de l'agriculture, de la pêche et de la cueillette. Ils avaient une organisation sociale hiérarchisée avec un chef (cacique) à la tête de chaque village. L'île s'appelait Borikén (ou Boriquén) dans leur langue, un nom encore utilisé par de nombreux Porto-Ricains aujourd'hui pour désigner l'île et ses habitants. On trouve encore fréquemment dans l'île d'énormes colliers de pierres taillées, dernières traces de cette population qui fut complètement détruite en peu d'années par les conquérants blancs. Le 15 novembre 1493, lors de son deuxième voyage, Christophe Colomb atteint l'île et la revendique pour le compte de l'Espagne. L'île est rapidement colonisée par les Espagnols, qui l'appellent San Juan Bautista en l'honneur de Saint Jean-Baptiste. Le nom de la capitale actuelle, San Juan, en est un vestige, tandis que Porto Rico (littéralement "port riche") est devenu le nom de l'île.

En 1508, Juan Ponce de LeĂłn devient le premier gouverneur de Porto Rico et commence la colonisation effective de l'Ă®le. La colonisation entraĂ®ne la rĂ©duction dramatique de la population indigène en raison des maladies, des guerres et des travaux forcĂ©s. L'esclavage des Tainos devient courant, avant d'ĂŞtre progressivement remplacĂ© par l'importation d'esclaves africains Ă  partir du XVIe siècle pour les plantations de canne Ă  sucre et autres activitĂ©s Ă©conomiques. Grâce Ă  sa position stratĂ©gique dans la mer des CaraĂŻbes, Porto Rico devient un carrefour dans les routes commerciales et militaires espagnoles.  L'Ă®le fut pillĂ©e par Francis Drake en 1595 et 1598, et par les Hollandais en 1615. Des forteresses comme le Castillo San Felipe del Morro et le Castillo San CristĂłbal sont construites pour dĂ©fendre l'Ă®le contre les attaques des pirates et des puissances europĂ©ennes rivales. Elle rĂ©sista ainsi aux attaques des corsaires français et anglais en 1702, 1742 et 1797. 

Au XVIIIe siècle, l'importance économique de Porto Rico pour l'Espagne diminue en raison de la concurrence d'autres colonies comme Cuba. Cependant, des réformes sont mises en place au XIXe siècle pour relancer l'économie de l'île. Les réformes libérales de la Constitution de Cadix de 1812 octroient des droits politiques limités aux habitants, mais celles-ci sont révoquées par la suite. Au début du XIXe siècle, l'île reçut beaucoup d'émigrés chassés de Haïti, de Saint-Domingue et du Venezuela par les guerres de l'indépendance. Sa prospérité date de cette époque. Vers la même époque, une conscience nationale émerge, et plusieurs tentatives de révoltes contre la domination espagnole sont entreprises. L'une des plus importantes est le Grito de Lares en 1868, une révolte avortée contre la domination espagnole. Bien qu'elle ait échoué, cette insurrection marque le début d'une quête d'autonomie et de liberté qui continuera dans les décennies suivantes. En 1873, l'Espagne abolit l'esclavage à Porto Rico. Vers la fin du siècle, les idées d'autonomie gagnent du terrain, et en 1897, l'Espagne accorde une Charte d'autonomie à Porto Rico, permettant la création d'un gouvernement local avec un certain degré de liberté politique.

A la suite de la guerre hispano-américaine, Porto Rico passe sous contrôle des États-Unis par le traité de Paris, le 11 décembre 1898. Ce traité met fin à plus de 400 ans de domination espagnole sur l'île. Porto Rico devient alors un territoire non incorporé des États-Unis, c'est-à-dire qu'il est sous la juridiction américaine, mais n'a pas les mêmes droits qu'un État américain. En 1900, les États-Unis adoptent la Loi Foraker, qui établit un gouvernement civil sur l'île avec un gouverneur nommé par le président des États-Unis. Cependant, les Porto-Ricains n'ont toujours pas de représentation au Congrès américain et n'ont pas le droit de vote à l'élection présidentielle. En 1917, la Loi Jones-Shafroth accorde la citoyenneté américaine aux Porto-Ricains, ce qui les oblige notamment à servir dans l'armée américaine. Cette décision survient peu avant l'entrée des États-Unis dans la Première Guerre mondiale, où de nombreux Porto-Ricains sont enrôlés. Cependant, Porto Rico n'acquiert toujours pas de représentation politique au niveau fédéral et reste un territoire avec un statut ambigu.

Durant les années 1920 et 1930, Porto Rico traverse une période difficile économiquement, marquée par une grande pauvreté, une dépendance aux exportations de sucre et des tensions politiques croissantes. Des mouvements nationalistes émergent, dont le Partido Nacionalista Puertorriqueño, dirigé par Pedro Albizu Campos, qui milite pour l'indépendance complète de l'île. En 1937, une manifestation pour l'indépendance à Ponce tourne au massacre, lorsque la police ouvre le feu sur les manifestants, tuant 19 personnes. Cet événement, connu sous le nom de massacre de Ponce, radicalise une partie du mouvement indépendantiste.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Porto Rico joue un rôle stratégique important en tant que base militaire américaine dans les Caraïbes. L'île sert de plateforme pour les opérations militaires dans la région. Cette période voit également une croissance économique grâce aux investissements américains dans l'infrastructure et l'industrie, mais la question du statut politique reste non résolue. Sous l'influence de leaders comme Luis Muñoz Marín, leader du Partido Popular Democrático (PPD), la politique de Porto Rico commence aussi à évoluer. Muñoz Marín milite pour une plus grande autonomie tout en restant associé aux États-Unis. En 1947, une loi américaine permet aux Porto-Ricains d'élire leur propre gouverneur pour la première fois, et en 1948, Muñoz Marín devient le premier gouverneur élu de Porto Rico.

En 1950, le Congrès américain adopte la loi publique 600, qui permet aux Porto-Ricains de rédiger leur propre constitution tout en restant un territoire non incorporé des États-Unis. En 1952, Porto Rico adopte cette Constitution et devient un Commonwealth (ou "État libre associé"), un statut politique unique qui confère à l'île une certaine autonomie interne tout en la laissant sous la souveraineté américaine. Sous ce nouveau statut, Porto Rico dispose ainsi d'un gouvernement local élu, d'une législature bicamérale et de l'autorité pour gérer ses affaires internes. Cependant, les relations internationales, la défense et la politique monétaire restent sous le contrôle des États-Unis. Les Porto-Ricains sont citoyens américains maiscontinuent de ne pas pouvoir voter à l'élection présidentielle. Ils n'ont qu'un représentant non votant au Congrès américain.

Le premier gouverneur Ă©lu de Porto Rico, Luis Muñoz MarĂ­n, en fonction de 1949 Ă  1965, lance un programme de dĂ©veloppement Ă©conomique appelĂ© OperaciĂłn Manos a la Obra (OpĂ©ration main-d'oeuvre), qui vise Ă  industrialiser l'Ă®le et Ă  rĂ©duire sa dĂ©pendance Ă  l'agriculture, notamment la culture de la canne Ă  sucre. Cette initiative attire des investissements Ă©trangers, en particulier des États-Unis, en offrant des incitations fiscales aux entreprises. L'industrialisation rapide de l'Ă®le, surtout dans le secteur manufacturier, entraĂ®ne une croissance Ă©conomique significative et une urbanisation croissante. Cependant, cette industrialisation crĂ©e Ă©galement des dĂ©sĂ©quilibres Ă©conomiques, notamment en augmentant le chĂ´mage dans les zones rurales. 

La question de l'indépendance de Porto Rico reste un sujet de débat. Les nationalistes, menés par des figures comme Pedro Albizu Campos, continuent à militer pour l'indépendance de l'île. En 1950, des partisans nationalistes organisent plusieurs révoltes contre le gouvernement américain, dont une tentative d'assassinat du président Harry Truman et une attaque du Congrès américain en 1954. Ces actions violentes entraînent une répression du mouvement nationaliste. En parallèle, la majorité des Porto-Ricains soutient le statut de Commonwealth, considéré comme un compromis entre indépendance et état fédéré. Sous la direction de Muñoz Marín et de son Partido Popular Democrático (PPD), l'île reste liée aux États-Unis tout en bénéficiant de plus d'autonomie locale.

Malgré le succès initial de l'industrialisation, Porto Rico commence à rencontrer des difficultés économiques à partir des années 1970. La fin de certaines exemptions fiscales pour les entreprises américaines, combinée à une concurrence internationale accrue, entraîne la fermeture de nombreuses usines et une augmentation du chômage. Face à la crise économique, des centaines de milliers de Porto-Ricains émigrent vers les États-Unis, principalement vers les villes de la côte est comme New York et Chicago. Cette migration massive devient un phénomène caractéristique de Porto Rico dans la seconde moitié du XXe siècle, formant une importante diaspora qui joue un rôle culturel crucial.

Depuis les années 1990, plusieurs référendums sont organisés pour déterminer si Porto Rico devrait rester un Commonwealth, devenir un État américain à part entière, ou opter pour l'indépendance.

• 1993. - Un référendum voit une majorité de Porto-Ricains voter pour maintenir le statut de Commonwealth, mais avec une majorité étroite.

• 1998. - Un référendum présente plusieurs options, mais les résultats sont peu concluants, avec une majorité d'électeurs choisissant la case « aucune des réponses ci-dessus ».

• 2012. - Ce référendum montre pour la première fois une majorité (54 %) de Porto-Ricains exprimant leur désaccord avec le statut actuel de Commonwealth, et 61 % votent en faveur de devenir un État américain.

• 2017. -  Cet autre rĂ©fĂ©rendum voit 97 % des Ă©lecteurs choisir l'Ă©tat fĂ©dĂ©rĂ©, mais avec une très faible participation (23 %), ce qui remet en question la lĂ©gitimitĂ© du rĂ©sultat.
    
•  2020. - Un rĂ©fĂ©rendum montre Ă  nouveau une majoritĂ© (52,5 %) en faveur de la transformation de Porto Rico en État fĂ©dĂ©rĂ©.

Malgré ces résultats, le Congrès américain n'a jusqu'à présent pris aucune mesure pour modifier le statut de l'île.

Au cours des dernières décennies, Porto Rico fait face à de graves difficultés économiques. La récession économique sur l'île a entraîné une perte nette de population depuis environ 2005, car un grand nombre de résidents ont déménagé sur le continent américain. La tendance s'est accélérée depuis 2010; en 2014, Porto Rico a connu une perte nette de population de 64 000 habitants, soit plus du double de la perte nette de 26 000 en 2010. La fin en 2006 des exonérations fiscales offertes aux entreprises américaines provoque une récession prolongée. Le gouvernement accumule une dette massive qui atteint environ 70 milliards de dollars. En 2015, Porto Rico déclare son incapacité à rembourser sa dette, ce qui mène à la création d'un conseil de surveillance financière par le Congrès américain en 2016 (via la Loi Promesa), qui supervise la gestion financière de l'île.

L'ouragan Maria a frappé Porto Rico le 20 septembre 2017, causant des dommages catastrophiques, notamment la destruction du réseau électrique qui avait été paralysé par l'ouragan Irma seulement deux semaines plus tôt. Des milliers de personnes restent sans électricité pendant plusieurs mois. Ce fut la pire tempête à frapper l'île en huit décennies, et les dégâts sont estimés à des dizaines de milliards de dollars. La réponse du gouvernement fédéral américain face à cette crise est critiquée. De nombreux Porto-Ricains estiment que l'aide apportée était insuffisante. L'impact de Maria exacerbe les problèmes économiques de l'île et accélère l'émigration.

En 2019, une série de manifestations éclate à Porto Rico après la divulgation de conversations controversées entre le gouverneur Ricardo Rosselló et ses collaborateurs, révélant des commentaires insultants et des allégations de corruption. Ces manifestations massives forcent Rosselló à démissionner en août 2019. En 2020, Pedro Pierluisi, du Partido Nuevo Progresista (PNP), est élu gouverneur de Porto Rico. Il soutient le mouvement pour que l'île devienne un État américain à part entière. L'avenir de Porto Rico reste incertain, avec une société divisée entre ceux qui veulent que l'île devienne un État fédéré, ceux qui préfèrent maintenir le statut de Commonwealth, et une petite fraction qui milite pour l'indépendance.

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