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La
colonisation et les guerres
Du temps de la domination
espagnole (1580-1640)
les Paulistas, qui ont été les pionniers du Brésil
au centre et au Sud de l'Empire, s'étaient avancés très
loin dans l'intérieur des terres, à la recherche de l'or
et pour la chasse des Indiens qu'ils réduisaient en esclavage
pour approvisionner les plantations de la côte. Ils fondèrent
ainsi les premiers établissements de Minas Geraes, de Goyaz, du
Piauhy (alors dépendant du Maranhão), de Matto Grosso, de
Santa Catharina et du Nord de Rio Grande do Sul. Ils chassèrent
les jésuites espagnols établis
à I'Est du Paranà, reculant ainsi les limites du Brésil.
En 1630-1631,
dirigés par Raposo Tavares, ils s'emparèrent de la province
espagnole de Guaira, entre l'Iguassü, le Paranà et le Paranapanema
et forcèrent les jésuites et les Espagnols
à abandonner leurs « réductions » et les deux
villes de Ciudad Real et de Villa Rica et à se réfugier avec
leurs Indiens auprès de leurs confrères, entre le Paranà
et l'Uruguay
et dans la province de Tape (Rio Grande do Sul). Les Paulistas les poursuivirent
en 1636
jusque dans cette retraite et leur firent évacuer les missions du
bassin du Jacuhy. Vainqueurs à Caaro (Martyres), à Caasapaguazu,
à Caasapamini, à San Nicolas, ils chassèrent les Espagnols
des bassins du Piratinim, de l'Ibicuhy et de tout le pays à l'Est
de l'Uruguay (1638).
Cependant les jésuites espagnols revinrent (1687-1709)
et fondèrent sept nouvelles réductions à l'Est de
l'Uruguay dans le territoire dont le Brésil n'a achevé la
conquête qu'en 1801.
On vit alors les
Paulistas pousser leurs courses jusque dans la partie septentrionale du
Paraguay ,
à Santa Cruz de la Sierra et dans la Cordillère du Pérou ;
en 1676, un de leurs chefs, Pedroso Xavier prit et détruisit Villa
Rica (sur le Jejuy, Paraguay : celle qui était sur l'Ivahy ayant
été détruite en 1631).
Entre les Paulistas et les jésuites,
une longue lutte s'engagea à cause des Indiens dont ces derniers
défendaient la liberté, mais qu'ils étaient accusés
d'exploiter à leur profit : à Rio, on essaya de faire sauter
avec de la poudre la chambre du premier prélat de cette ville, Lourenço
de Mendoça (1632),
qui défendait la liberté des Indiens; à São
Paulo, les habitants s'emparèrent de tous les Indiens qui travaillaient
dans le collège des jésuites (1633)
et expulsèrent ces religieux (1640)
de la ville. Les bulles du pape et les ordres du roi obtenus par Montoya,
Dias Taño, et L. de Mendoça, condamnant l'esclavage, n'étaient
pas exécutés. En 1641,
les Paulistas voulurent se séparer du Portugal
et nommer roi Amador Bueno; celui-ci refusa et fit acclamer le roi Jean
IV, déjà reconnu dans toute la partie du Brésil non
occupée par les Hollandais. En 1653,
les jésuites purent rentrer à São Paulo. En 1661,
les habitants du Maranhão et de Parà chassèrent aussi
les jésuites. L'animosité dura jusqu'à l'expulsion
des jésuites par Pombal en 1759.
En 1755
(6 juin), 1758
(8 mai), le même ministre obtint du roi Joseph Ier deux lois qui
mirent fin à l'esclavage des Indiens, en rendant exécutoire
dans tout le Brésil la loi du 1er
avril 1680.
A l'époque
de la conquête du Pérou
par Pizarro, Francisco
de Orellana avait découvert et audacieusement descendu tout
le cours de l'Amazone. Maîtres du pays, les Espagnols,
désirant établir par ce fleuve une communication avec Lima,
le firent explorer par une expédition partie de Parà, que
commandait Pedro Teixeira (1637-1639).
Après la libération du Portugal ,
la colonisation, qui ne se portait plus aux Indes, se développa
plus rapidement au Brésil; la date de la fondation des évêchés
marque à peu près les étapes du progrès : l'évêché
de Bahia fut érigé en archevêché en 1676;
Rio de Janeiro et
Pernambuco devinrent des évêchés la même année,
Maranhão en 1677,
Parà en 1719,
São Paulo et Minas (à Marianna) en 1745;
Goyaz et Matto Grosso devinrent des prélatures en 1745.
En 1640,
lorsque le Portugal recouvra son indépendance, le Brésil
était partagé en deux grands gouvernements, dits Etats :
au Nord du rio Grande do Norte était l'Etat du Maranhão,
créé en 1624
et composé du Parà, du Maranhão et du Ceará
(ce dernier territoire a été annexé au gouvernement
de Pernambuco en 1663);
au Sud était l'Etat du Brésil, capitale Bahia, qui s'étendait
depuis le Rio Grande do Norte en 1646,
et depuis le Ceará en 1663,
jusqu'à Santa Catharina, et qui comprenait les gouvernements de
Pernambuco, de Bahia et de Rio de Janeiro; ce dernier fut érigé
en vice-royauté en 1640.
Une partie des côtes était alors aux mains des Hollandais
qui ont été, comme nous l'avons vu, chassés du pays
en 1654.
Aux XVIIe
siècle, la colonisation portugaise
s'était portée principalement vers Bahia
et Pernambuco; depuis 1680,
le gouvernement s'occupa de la diriger vers le Sud; au XVIIIe
siècle, la découverte des
mines amena beaucoup d'émigrants à Rio.
En 1754,
l'Etat de Maranhã fut réuni à celui du Brésil
et le pays commença à être subdivisé par la
création de nouvelles capitaineries : Parahyba (1684),
Rio Grande do Norte (1701),
Minas (1709),
São Paulo (1740),
Piauhy (1718),
Santa Catharina (1738),
Goyaz (1744),
Matto Grosso (1748),
Rio Negro (1755),
Rio Grande do Sul (1760),
Ceará (1799),
Espirito Santo (1800),
Alagoas (1817),
Sergipe (1821).
Après de l'indépendance
du Brésil, deux provinces seulement, celle d'Amazonas (1850),
formée de l'ancienne capitainerie du Rio Negro qui avait été
incorporée au Parà en 1822,
et celle du Paranà (1853), ont été créées.
Pendant l'occupation hollandaise, des métis (marrons) s'étaient
rendus indépendants dans le district de Palmarès (Alagoas)
; ils avaient résisté aux Hollandais
et ils ne furent complètement soumis par les colons qu'en 1697.
En 1680,
la colonie du Sacramento (la Colonia), avait été fondée
par D. Manuel Loba, gouverneur de Rio, sur la rive gauche de la Plata,
très loin de la partie peuplée du Brésil dont l'établissement
le plus méridional était alors Laguna (Santa Catharina) :
elle a été la source de nombreuses querelles avec l'Espagne
à qui elle resta par le traité de Saint-lldefonse (1777).
Durant cette période, les guerres européennes entravèrent
le progrès de la colonie. En avril 1697,
les Français de la Guyane ,
conduits par Ferrolles, détruisirent les forts portugais de Desterro
et du Tohéré et s'emparèrent de celui de Macapa que
les troupes du Parà reprirent la même année. En 1708,
des conflits éclatèrent à Minas Geraes entre les Paulistas
et les Portugais européens que
les premiers désignaient par le nom d'Emboabas; ils furent apaisés
à l'arrivée ,du gouverneur Antoine d'Albuquerque. Vers la
même époque il y eut des troubles à Bahia et une guerre
civile éclata entre les habitants d'Olinda et ceux de Recife
(1710-1711).
Rio de Janeiro avait
environ 12 000 habitants vers le commencement du XVIIIe
siècle. Pendant la guerre de la
succession d'Espagne ,
le Français Duclere essaya d'y pénétrer
et fut fait prisonnier (1710).
L'année suivante (1711),
Duguay-Trouin s'en empara; la ville se racheta du pillage et la population
déposa le gouverneur qui n'avait pas su la défendre. La Colonia
do Sacramento avait été prise par les Espagnols de Buenos
Aires
l'année même de sa fondation (1680),
puis rendue au Portugal ;
elle fut assiégée peu de temps après par les Espagnols,
évacuée par ordre du roi du Portugal après une longue
défense du général Veiga Cabral (1705)
et rendue au Portugal par le traité de paix. La guerre ayant éclaté
de nouveau en 1735,
la Colonia, défendue par le général Vasconcellos,
résista victorieusement à deux ans de siège; le général
portugais Paes occupa et fortifia le Rio Grande do Sul (1737).
La limite fixée par le traité de Tordesillas (1494)
n'ayant été respectée ni par le Portugal au Brésil,
ni par l'Espagne aux Philippines ,
on régla enfin le litige par le traité de Madrid,
négocié par le brésilien Alexandre de Gusmão
(1750);
le Portugal céda la Colonia en échange du territoire des
Missions jésuitiques établies sur la rive gauche de l'Uruguay .
Les jésuites
ayant excité les Indiens à résister, il fallut recourir
à la guerre (1754-1756) pour soumettre ces derniers. Les Guaranis
de l'Uruguay furent vaincus à la bataille de Caybaté par
l'armée de Buenos Aires
et du Brésil, commandée par Andonalgui et Gomes Freire d'Andrada,
comte de Bobadella. C'est alors que Pombal prononça
l'expulsion des jésuites (1759).
Les commissaires n'ayant pu s'entendre pour la délimitation de la
frontière, le traité fut rompu; les Espagnols,
sous Ceballos, bloquèrent la Colonia (1761
-1762),
qui dut capituler, et s'emparèrent des deux rives du rio Grande
do Sul. Malgré les stipulations du traité
de Paris (1763),
ils ne rendirent que la Colonia, et les Brésiliens, sous la direction
de Sà e Faria, reprirent la rive Nord du rio Grande (1767).
La guerre éclata encore une fois en 1772.
Quatre ans après, l'armée brésilienne, commandée
par le général Böhm, s'empara des forts de la rive Sud
du rio Grande, de celui de Santa Thecla et de tout le territoire que les
Espagnols détenaient depuis 1762.
Pour venger ces défaites, l'Espagne envoya contre le Brésil
le général Ceballos avec une flotte nombreuse et une armée
gui s'emparèrent de l'île Sainte-Catherine et de la Colonia
(1777).
Par le traité de Saint lldefonse (1777),
l'Espagne garda la Colonia, rendit l'île Sainte-Catherine et renonça
à ses prétentions sur la partie orientale du rio Grande do
Sul, ainsi que sur tous les territoires occupés par les Brésiliens
à l'occident de la ligne fixée par le traité de Tordesillas.
En 1763,
Rio de Janeiro devint la capitale coloniale da Brésil au lieu de
Bahia .
La découverte des mines avait alors déplacé le courant
d'immigration qui, après s'être d'abord porté vers
le Nord, se dirigea ensuite vers Minas, Rio et São Paulo. Plusieurs
vice-rois, le comte de Bobadella (1733-1763),
le marquis de Lavradio (1769-1779),
Vasconcellos e Sousa (1779-1790)
favorisèrent ce mouvement de colonisation, ainsi que la recherche
et l'exploitation des mines d'or, l'agriculture et les études littéraires.
C'est du temps de Lavradio que la culture du café fut introduite
à Rio. Le Brésil se développait et comptait déjà
à cette époque des hommes distingués qui figuraient
honorablement parmi les littérateurs et savants du Portugal .
En 1789,
une conspiration ayant pour but l'indépendance fut découverte
à Minas Geraes. Les chefs du mouvement projeté, parmi lesquels
étaient les poètes Gonzaga et Alvarenga Peixoto, furent exilés
en Afrique. Une seule exécution eut lieu, celle d'un sous lieutenant,
Silva Xavier, le Tiradentes, dont le nom devint, par ce fait, populaire
au Brésil. En 1801,
une invasion des Espagnols du Paraguay
dans le Matto Grosso fut repoussée à Nova Coimbra et un corps
de volontaires brésiliens commandés par Pedroso et Canto
s'empara des Missions espagnoles de la rive gauche de l'Uruguay
jusqu'au Quarahim, pendant que l'armée régulière faisait
la conquête de la ligne du Jagnarão.
Le
royaume du Brésil
En 1807,
dom João (Jean), prince régent, au nom de sa mère
Maria I, ne pouvant résister à l'invasion française,
se réfugia avec toute la famille royale à Rio de Janeiro
(7 mars 1808),
qui devint capitale d'Etat. Ainsi fut réalisé par la force
des circonstances le projet qu'avaient conçu dom Luiz da Cunha en
1736,
le marquis de Pombal en 1761,
de transporter en Amérique
le siège du gouvernement portugais. Dans le manifeste du 1er
mai 1808
adressé aux puissances étrangères, le régent
disait qu'il « levait la voix du sein du nouvel empire qu'il était
venu créer ». Le Brésil cessa dès lors de subir
les rigueurs du régime colonial. Le prince régent, suivant
le conseil de l'économiste brésilien Silva Lisboa, vicomte
de Cayrù, ouvrit les principaux ports du pays aux pays amis (28
janvier 1808,
décret de Bahia ,
signé avant l'arrivée du régent à Rio), admit
les étrangers à la propriété foncière
et accorda (16 juin 1815)
au Brésil le titre de royaume. La monarchie prit celui de Royaume-Uni
du Portugal ,
du Brésil et des Algarves. Il créa une imprimerie royale
(il y avait eu une imprimerie au Brésil au XVIIIe
siècle, mais la métropole
avait interdit l'exercice de cette industrie), il créa des écoles
supérieures et attira des artistes français.
En 1809,
des troupes brésiliennes, sous le commandement de Marques d'Elvas,
et quelques bâtiments de guerre portugais, partis du port de Parà
et ralliés en route par une corvette anglaise, prirent Cayenne
et la Guyane française
que le Brésil rendit à la France
en 1817.
Les troubles de
la Bande orientale attirèrent au Sud les Brésiliens et les
Portugais (1811-1812
et 1815-1820)
qui, la seconde fois, après les victoires de l'armée du général
Curado à São Borja, à Ibiraocahi, à Carumbé
(1816)
et à Catalan (1817)
et celle d'une division de l'armée de Lecor à India Muerta,
entrèrent à Montevideo le 20 janvier 1817
et complétèrent leur triomphe par les victoires de Chagas
Santos à San Carlos (1818),
de Ribeiro (Bento Manoel) à Queguay et à Arroyo Grande, d'Abreu
à ltacoruby (1819)
et du comte de Tigueira à Taquarembé (1820).
C'est après cette dernière défaite que le général
Artigas, jusque-là chef de la confédération de l'Uruguay ,
vit son autorité méconnue dans l'Entre-Rios et le Corrientes,
et se réfugia au Paraguay .
La Bande Orientale s'unit par fédération au royaume da Brésil
sous le nom d'Etat cisplatin (1821).
A l'intérieur,
une révolution séparatiste éclata à Pernambuco
(1817);
elle ne rencontra pas un grand nombre de partisans et fut promptement réprimée
par une petite armée envoyée de Bahia .
(Rio Branco). |
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