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Pierre-Eugène
Marcelin
Berthelot est un chimiste et homme d'État français,
l'un des esprits les plus féconds et les plus variés de son
temps, né à Paris le 25 octobre
1827, dans une maison située place de Grève (Place de l'Hôtel-de-Ville
actuelle), mort le 18 mars 1907. Fils d'un médecin, il fit ses études
au lycée Henri IV et il montra dès lors une aptitude remarquable
aux études les plus variées, scientifiques, historiques et
philosophiques. Il obtint le prix d'honneur de philosophie
au concours général de 1846. Il se consacra ensuite à
l'étude des sciences, qu'il poursuivit
sans passer par aucune école, en prenant ses divers grades, jusqu'à
celui de docteur ès sciences (avril 1854).
II fut nommé en janvier 1851, préparateur du cours de chimie de Balard au Collège de France; fonction modeste qu'il exerça pendant neuf ans, jusqu'au jour où il devint professeur de chimie organique à l'École supérieure de pharmacie (2 décembre 1859). En 1861, l'Académie des sciences lui décerna le prix Jecker pour ses recherches sur la reproduction artificielle des composés organiques par la synthèse organique. Deux ans après, les principaux professeurs du Collège de France et chimistes de l'Académie des sciences, sur l'initiative bienveillante de Balard, demandèrent au gouvernement la création d'une chaire de chimie organique au Collège de France, afin de permettre à Berthelot d'y développer ses idées. Duruy, alors ministre de l'instruction publique, accueillit cette demande et la chaire fut créée définitivement le 8 août 1865. Berthelot l'a occupée ensuite sans interruption et il y a exposé ses découvertes sur la synthèse, puis sur la mécanique chimique et la thermochimie. Berthelot fut élu membre de l'Académie de médecine (section de physique et de chimie) en février 1863, membre de l'Académie des sciences (section de physique) le 3 mars 1873; membre de la Société d'agriculture de France en 1883; membre des Sociétés philomatique (1855), de biologie (1855), chimique de Paris (1858); membre des principales Académies et Sociétés scientifiques étrangères, telles que la Société Royale de Londres, la Société de physique de Genève, la Société des Naturalistes de Moscou, les Académies de Saint-Pétersbourg, Stockholm, Dublin, Copenhague, Munich, Turin, Amsterdam, Hongrie, Boston, Lisbonne, etc. Décoré de la légion d'honneur le 13 août 1861, officier le 14 août 1867, commandeur le 11 janvier 1879, grand officier le 30 avril 1886. Il fut nommé inspecteur général de l'Enseignement supérieur le 6 avril 1876, puis président de la Section des sciences physiques de l'École des Hautes-Etudes; membre du Conseil supérieur des Beaux Arts (25 octobre 1876); membre du Conseil supérieur de l'instruction publique (élu par le Collège de France); membre de la Section permanente et vice-président de ce même Conseil. Dès 1867, il avait concouru par ses conseils à la fondation de l'école des Hautes-Etudes, ensuite, il a dirigé en partie la réorganisation de l'enseignement supérieur, surtout dans l'ordre des sciences, présidé à la création des maîtrises de conférence dans les Facultés, à celle des bourses de l'enseignement supérieur, à la fondation et à l'agrandissement des laboratoires de tout genre, à la reconstruction des Facultés et à la direction nouvelle donnée à leurs enseignements, qui sont aujourd'hui affectés à la culture scientifique des élèves, au lieu des exercices de simple vulgarisation, dans lesquels ces enseignements tendaient à dégénérer. Pendant le siège de Paris, Berthelot a donné son concours à la défense de Paris, en présidant et dirigeant le Comité scientifique de défense (à partir du 2 septembre 1870); il s'est occupé de la fabrication des canons, de la nitroglycérine, de la dynamite et des poudres de guerre, ainsi que des tentatives faites pour rétablir les correspondances entre Paris investi et la province. Il a été nommé par le ministre de la guerre, sur présentation faite par l'Académie des sciences, membre du Comité consultatif des poudres et salpêtres (18 décembre 1876), puis président de la Commission des substances explosives (14 juin 1878). En raison des services qu'il avait rendus pendant le siège, il obtint à Paris aux élections générales de février 1871, 30 913 voix, sans s'être porté candidat. En juillet 1881, il a été élu par le Sénat sénateur inamovible. En cette qualité, il a concouru aux lois qui ont modifié la Caisse des écoles, de façon à fournir les ressources nécessaires à la reconstruction des laboratoires et bâtiments d'enseignement supérieur. Il a présidé la Commission qui a préparé et fait voter par cette assemblée la loi relative à a réorganisation et à la laïcité de l'enseignement primaire (octobre 1886), et il a été vice-président de la Commission chargée d'élaborer les lois relatives au recrutement de l'armée (1888) : il y a défendu les intérêts de la haute culture intellectuelle et scientifique et prononcé sur ce point au Sénat un discours fort remarqué. Il a été ministre de l'Instruction publique, du 11 décembre 1886 au 30 mai 1887, dans le cabinet présidé par Goblet. Les discours qu'il a prononcés en cette qualité ont été caractérisés par un esprit philosophique élevé, joint à une humeur bienveillante et à un sentiment républicain hautement affiché. On a remarqué surtout les discours sur l'état et les progrès de l'instruction publique en France, sur la censure, sur les nécessités historiques de la séparation progressive entre la société laïque et les organisations religieuses, sur le caractère de l'enseignement supérieur dans les colonies, ainsi que le discours prononcé aux funérailles de P. Bert, à Auxerre. Il a voyagé dans divers pays de l'Europe, Allemagne, Angleterre, Italie, Danemark, Suède, etc., assisté à l'inauguration du Canal de Suez en novembre 1869 et visité à cette occasion toute l'Égypte. En avril 1887, il a fait un voyage officiel en Algérie, où il a inauguré les écoles d'enseignement supérieur à Alger et exécuté sur place une étude spéciale des écoles françaises et locales de la Kabylie. L'oeuvre scientifique de Berthelot est immense. Il a exposé ses découvertes dans des mémoires dont le nombre s'élève à 500 ou 600, publiés sans interruption de 1850 à 1888 dans les Comptes Rendus de l'Académie des sciences et dans les Annales de Physique et de Chimie : nous en résumerons tout à l'heure les doctrines générales et les découvertes spéciales les plus importantes. Voici la liste de ses ouvrages proprement dits : Chimie organique fondée sur la synthèse (Paris, 1860, 2 vol, in-8); ce livre a ouvert une voie nouvelle à cette discipline.Dans ces traités, l'auteur a inauguré une méthode d'enseignement et de classification de la chimie organique, distribuée par fonctions chimiques et procédant à partir des éléments par synthèse progressive; méthode toute nouvelle en 1860. Elle a assigné à cette science son origine rationnelle, ses cadres et ses limites, jusque-là presque indéterminés. Essai de Mécanique chimique fondée sur la thermochimie (1879, 2 vol, in-8), ouvrage non moins capital que la Chimie organique, fondée sur la synthèse; il a été le point de départ d'une grand évolution d'idées en chimie.Les doctrines et les découvertes de Berthelot se groupent autour de deux idées fondamentales: la synthèse organique et l'étude des lois de la mécanique chimique qui président à cette synthèse, aussi bien qu'à l'ensemble des transformations. Jusqu'à lui, c.-à-d. pendant la première moitié du XIXe siècle, la chimie organique avait suivi une marche essentiellement analytique. Elle s'efforçait d'isoler les principes immédiats contenus dans les êtres vivants et elle les soumettait à une série de décompositions et de transformations, destinées à aboutir en définitive aux éléments et aux composés binaires, tels que l'eau et l'acide carbonique. D'après Berzélius (1848) : « dans la nature vivante, les éléments paraissent obéir à des lois tout autres que dans la nature inorganique. Cette théorie est tellement cachée que nous n'avons aucun espoir de la découvrir ».De même, Gerhardt écrivait en 1850 que « le chimiste fait tout l'opposé de la nature vivante; il détruit, opère par analyse; la force vitale seule opère par synthèse; elle reconstruit l'édifice abattu par les forces chimiques ».La formation des composés organiques au sein des êtres vivants était réputée dépendre « de l'action mystérieuse de la force vitale, action opposée, en lutte continuelle avec celles que nous sommes habitués à regarder comme la cause des phénomènes chimiques ordinaires ».Tel est l'état dans lequel Berthelot a trouvé la chimie organique au début de ses recherches. Il l'a complètement changé par ses découvertes; en réalisant par expérience et à l'aide des seules forces physiques et chimiques, à savoir la chaleur, l'électricité, les actions réciproques entre les corps simples; en réalisant, disons-nous, la formation de toutes pièces des composés organiques fondamentaux, tels que les carbures d'hydrogène et les alcools, lesquels servent ensuite à fabriquer tous les autres. Il a réalisé cette formation par des méthodes générales, applicables à la production non seulement des composés naturels, mais d'un nombre infini de composés artificiels, engendrés en vertu des mêmes lois et dont l'existence a démontré toute la fécondité des nouveaux principes. Indiquons les plus intéressantes
de ces synthèses. La plus importante de toutes et la plus inattendue,
c'est la combinaison directe du carbone avec l'hydrogène, pour constituer
un premier carbure d'hydrogène, l'acétylène,
formé à atomes égaux. Cette combinaison s'effectue
dans les conditions les plus brillantes, sous l'influence de l'arc électrique.
Avec l'acétylène, Berthelot a formé ensuite, par des
combinaisons progressives et illimitées, toujours opérées
directement, les autres carbures d'hydrogène. Par exemple, par hydrogénation,
il a formé le gaz oléfiant et le gaz des marais, c.-à-d.
les générateurs des alcools, des acides et de toute la série
grasse; par synthèse pyrogénée, il a formé
la benzine, la naphtaline, l'anthracène, générateurs
de la série aromatique, des principales matières colorantes,
des parfums, et bientôt sans doute des alcalis thérapeutiques.
La méthode universelle pour réduire et saturer d'hydrogène
les composés organiques a donné à ces travaux toute
leur extension. D'autre part, l'oxydation de l'acétylène
lui a fourni les acides acétique, oxalique, glycollique; la combinaison
directe de l'acétylène avec l'azote a produit l'acide cyanhydrique,
générateur de toute la série cyanique, etc.
Les carbures d'hydrogène une fois constitués, Berthelot a montré comment on les transforme en alcools. toujours à l'aide de méthodes générales. C'est ainsi qu'il a réalisé la synthèse de l'alcool ordinaire (1854) et celle de l'alcool méthylique (1855), types de toutes les formations analogues. Les carbures et les alcools une fois obtenus, il suffit de les combiner à l'oxygène, aux éléments de l'eau, à l'ammoniaque, aux acides, etc., pour réaliser les autres formations organiques : cela par des méthodes dont quelques-unes étaient déjà connues et dont les autres se sont développées depuis. Entre les découvertes faites dans cet ordre par Berthelot, signalons surtout la synthèse des corps gras naturels (1854), c.-à-d. d'une classe entière de composés qui jouent un rôle essentiel dans l'organisme des êtres vivants. Il a découvert en même temps la fonction des alcools polyatomiques, glycérine, mannite, glucose et autres principes sucrés, fonction d'une extrême généralité et qui domine toute la chimie organique. La synthèse des corps gras et celle des combinaisons des sucres ont été effectuées par des méthodes directes et alors toutes nouvelles, par le seul contact des composants, et en faisant intervenir le concours du temps, jusque-là négligé dans les études de chimie organique. Enfin Berthelot a introduit à cette occasion la méthode des vases clos, qui s'est répandue ensuite dans tous les laboratoires. C'est aussi à cette occasion que, généralisant les résultats de ses recherches, il a exécuté de 1856 à 1862 ses premiers travaux sur les affinités, par l'étude méthodique de la formation des éthers, de la vitesse des réactions et des lois des équilibres chimiques; préludant ainsi aux travaux de mécanique chimique, dont il a été l'un des premiers promoteurs. En même temps qu'il entrait dans cette voie nouvelle, il abordait l'étude de la formation des principes organiques par les végétaux, étude essentielle qu'il poursuivra jusqu'à la fin de sa vie de chercheur. On se bornera à signaler parmi les découvertes qu'il a déjà faites dans cet ordre, celle de la fixation de l'azote libre sur les matières organiques, sous l'influence de l'électricité à basse tension, et celle de la fixation directe de ce même élément sur la terre végétale, par l'action des microbes; ce qui met en lumière l'une des sources fondamentales de la fertilité indéfinie des sols naturels. Nous arrivons enfin au second ordre de travaux de Berthelot, ceux qui concernent la thermochimie et la mécanique chimique. Ces recherches n'ont cessé de l'occuper à partir de l'année 1865. Tous les phénomènes chimiques se ramènent au fond aux mouvements et aux actions réciproques des dernières particules des corps, atomes ou molécules, et aux énergies mises en jeu dans ces actions. Or ces énergies trouvent leur mesure dans la chaleur dégagée ou absorbée au moment des transformations, la chaleur elle-même étant équivalente au travail mécanique; les travaux des forces chimiques sont ainsi ramenés à une même définition et à une même unité, commune à toutes les forces naturelles. De là résulte une science nouvelle, plus abstraite et plus générale que la description individuelle des propriétés, de la fabrication et des transformations des espèces chimiques; car elle se propose de rechercher les causes de ces transformations et d'en découvrir les lois. Berthelot a consacré à ces études vingt années de sa vie. Il en a renouvelé ou créé les méthodes, constitué les appareils (calorimètres, thermomètres, chambres à réaction, bombe calorimétrique, etc.), sous la forme la plus précise, et défini les lois générales, qu'il a ramenées à trois principes fondamentaux : 1° le principe des travaux moléculaires, d'après lequel la quantité de chaleur dégagée dans une réaction quelconque mesure la somme des travaux physiques et chimiques accomplis dans cette réaction ce principe fournit la mesure des affinités chimiques;Berthelot a abouti à ce principe - que lui contesteront ses successeurs - par la discussion expérimentale des phénomènes généraux de la chimie; ce qui a exigé de sa part la détermination de plusieurs milliers de données numériques et l'exécution d'un nombre presque infini d'expériences, faites sur la combinaison des éléments et sur les actions réciproques des corps simples et composés. Tels sont : la détermination de la chaleur de formation des composés oxygénés, hydrogénés et carbonés de l'azote, détermination ou il a déployé des ressources d'invention extraordinaires; l'étude générale de la formation des précipités; celle de la chaleur de transformation des corps isomères, tant simples que composés, sujet dans l'importance est très grande en chimie; l'étude de l'état des sels dans leurs dissolutions et celle du partage des acides et des bases; la mesure (souvent très dangereuse) de la chaleur de format on des composés nitriques (nitroglycérine, poudre-coton, éthers nitriques, nitrobenzine, acide picrique, diazobenzol, fulminate de mercure); celle des composés formés par substitution; celle des, composés oxygénés du chlore; les recherches avant pour objet de rapporter la chaleur de formation des composés à l'état solide et à l'état gazeux; les fonctions multiples des acides et spécialement des phosphates; la chaleur de formation des éthers et des amides, celle des hydrates acides et basiques; la définition thermique des acides faibles; l'examen des réactions endothermiques et exothermiques et l'explication de la formation des composés explosifs, constitués par absorption de chaleur et renfermant une réserve d'énergie; enfin la mesure de la chaleur de combustion des principaux composés organiques, gazeux, solides et liquides, etc. Par l'ensemble de ces travaux, les énergies chimiques sont ramenées selon lui aux lois de la mécanique rationnelle, qui dominent toutes les actions naturelles. La figure même de la science chimique et la forme de ses enseignements se trouvent par là changées. Ainsi se produit une évolution nouvelle, dans laquelle les découvertes et les idées de Berthelot jouent un rôle capital; évolution qui tend en tout cas à faire sortir la chimie de l'ordre des sciences purement descriptives, pour en ramener les méthodes et les problèmes à ceux des sciences physiques et rationnelles. Disons en terminant que Berthelot a formé
dans son laboratoire de nombreux chimistes, parmi lesquels on peut citer
: de Luca, mort professeur à l'Université de Naples;
Buignet, Jungfieisch, Bourgoin, Bouchardat, Prunier, Villiers, tous devenus
professeurs à l'École supérieure de pharmacie; Barbier,
de Forcrand, Joannis, Ogier, Guntz, Sabatier,
André, Fabre, Recoura, Petit, etc., professeurs ou maîtres
de conférences dans les Facultés des sciences; Vieille, ingénieur
des poudres et salpêtres; Péan de Saint-Gilles, de Fleurien,
Lougninine, Chroutschoff, Calderon, Werner, Hammerl, etc., savants de divers
pays européens, associés aux travaux du maître et qui
ont publié des travaux importants pour leur propre compte; sans
préjudice des nombreux auditeurs qui ont puisé des idées
nouvelles dans ses cours originaux, professés à partir de
1864 au Collège de France. (Ed. Bourgoin).
Assertion entrevue sans doute auparavant, mais bien plus solidement établie désormais; et assertion qui dominera désormais toute spéculation sur l'essence de la matière et sur la nature de la vie. D'autre part, un caractère des plus frappants distingue l'oeuvre scientifique de Berthelot : ses découvertes ne sont liées à aucun symbolisme particulier. La chose est d'autant plus digne d'intérêt que la plupart des chimistes de son temps attachent une extrême importance aux questions de notation, à la notation atomique, par exemple. Pour Berthelot, qui est rétif aux thèses de la théorie atomique moderne, ce qui importe surtout, ce sont les lois scientifiques, les relations générales et déterminées des phénomènes, lesquelles sont indépendantes des conventions de langage et conservent dans toute notation exacte le même caractère de nécessité. Vue d'un réel intérêt philosophique, si l'on se rappelle à quel point cette question des signes et des langages a préoccupé les philosophes du XVIIIe siècle. L'histoire de l'alchimie constitue un chapitre des plus précis et non des moins curieux ajouté à l'histoire de l'esprit humain. Enfin dans sa lettre à Renan, Berthelot a professé avec beaucoup de vigueur et d'ampleur, sur la grande question des rapports de la métaphysique et de la science, un positivisme tout personnel, entièrement indépendant des formules de Comte. Son idée dominante, c'est que « la science idéale » se constitue, à chaque époque, en utilisant d'abord, en complétant ensuite à ses risques et périls, par le raisonnement et l'hypothèse, les données de la science contemporaine. Ce que les sciences ont découvert ou cru découvrir, la métaphysique le prend pour évident; bien plus, elle le démontre comme nécessaire a priori, quoiqu'elle ne l'ait pas soupçonné auparavant et qu'elle doive peut-être l'abandonner bientôt, si le progrès des sciences vient à déplacer les points de vue. Est-ce à dire que tout système soit nécessairement vain? Non. Les grands efforts de la raison pour embrasser d'ensemble et pour coordonner la totalité du savoir seront toujours un très noble emploi de l'intelligence; les savants eux-mêmes peuvent prendre intérêt, y trouver même des indications pour leurs recherches. Mais c'est à condition que les auteurs de ces vastes constructions ne s'en fassent pas accroire, ne prétendent pas faire la loi aux sciences, lui ouvrir les voies et surtout lui dicter ses méthodes. C'est la métaphysique qui, en fait, est subordonnée à la science : ses spéculations valent selon le fonds de vérité positive qu'elles contiennent et selon l'esprit scientifique qui les inspire. Berthelot n'a pas eu, semble-t-il, l'occasion de se prononcer sur le côté moral des questions philosophiques ; mais, comme homme d'État et dans l'action qu'il a exercée sur le développement de l'instruction publique, il a assez montré qu'à ses yeux la philosophie, pas plus que la science, ne doit être un simple jeu de l'esprit. Passionné pour la liberté et pénétré des besoins d'une vieille société qui veut se régénérer par des institutions libres, il a cru qu'il appartenait à la philosophie, appuyée sur la science, de jouer un rôle pratique dans cette oeuvre décisive de son temps, la formation d'un nouvel esprit public par la culture. (H. Marion).
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