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Waterloo

Waterloo est un Village de Belgique (dans le Brabant, près de Nivelles) qui a donné son nom à la dernière campagne et défaite suprême de Napoléon Ier  (14-18 juin 1815).

Campagne et bataille de Waterloo. 
Après le retour de l'île d'Elbe, Napoléon avait été mis au ban de l'Europe par le congrès de Vienne (Les Cent-Jours). La coalition (Angleterre, Autriche, Prusse, Allemagne, Russie, Espagne, Piémont) pouvait disposer contre la France de 750 000 hommes environ, sans compter 300 000 de réserve et 35 000 Suisses (neutres seulement en apparence). Au milieu de juin, les Français n'avaient de disponibles que 240 000 soldats, dont 40 000 fournis par la garde nationale mobilisée. Au point de vue militaire, la défensive s'imposait (entretien de Carnot avec Napoléon, 11 juin). Mais le funeste empereur avait besoin d'un « coup d'éclat »; il craignait que l'invasion du territoire ne réveillât le sentiment révolutionnaire; il voulait pouvoir parler en maître au Corps législatif. Il réunit 124 000 hommes sur la frontière du Nord, afin d'attaquer Wellington et Blücher, qui en avaient 220 000, mais dispersés; Wellington, dont le quartier général était à Bruxelles, gardait ses communications et avec la mer, et avec Blücher, qui était à 16 lieues de lui, à Namur, et allongeait ses cantonnements entre Liège et Charleroi

Ce déploiement excessif présentait une chance à l'offensive de Napoléon, à la condition que lui-même gardât toujours sous la main toute son armée. Les corps des Français, d'abord répartis entre Metz, Paris et Arras, furent concentrés dès le 14 juin derrière la forêt de Beaumont entre la Sambre et la Meuse. Cette armée était excellente et sentait bien qu'il s'agissait de l'indépendance nationale : mais elle se défiait non sans motif de quelques-uns de ses chefs. Elle ne pouvait avoir oublié les récentes « capucinades » de Soult, devenu chef d'étatmajor en remplacement de l' «-émigré » Berthier, Le 15, comme l'armée commençait à passer la Sambre à Charleroi, afin de s'emparer de la route de Namur à Bruxelles, le général Bourmont, qui commandait une division d'avant-garde, déserta et passa à l'ennemi : Blücher était d'ailleurs informé déjà du mouvement de l'empereur et se concentrait à Sombreffe; de notre côté, le retard accidentel du corps de Gérard et du corps de Vandamme (auquel Soult n'avait pas envoyé à temps l'ordre de marche) n'empêcha pas Napoléon de gagner du terrain sur l'avant-garde prussienne, commandée par Ziethen, qui s'arrêta vers Fleurus, à 7 heures du soir. Au lieu de poursuivre vers Sombreffe, Napoléon s'en fut coucher à Charleroi, laissant au maréchal Ney le commandement (improvisé) de l'aile gauche, qui avait passé la Sambre à Marchiennes. Ney prit rapidement la route de Charleroi à Bruxelles, livra un petit combat à Frasnes, et se voyant trop en avant du gros de l'armée, au lieu d'occuper les Quatre-Bras, se rendit à Charleroi demander des instructions qui lui furent promises pour le lendemain.

Le 16, vers 8 heures, Napoléon dicta ses ordres à Ney et à Grouchy, récemment nommé maréchal et auquel il confiait son aile droite, bien qu'il n'eût jamais commandé en chef : Ney eut à se porter sur Genappes, Grouchy sur Sombreffe et Gembloux. Napoléon comptait écarter facilement les corps prussiens, et, pendant la nuit, rejoindre sa gauche et opérer contre les Anglais. Mais si les Anglais étaient encore très dispersés, il n'en était plus de même des Prussiens. Blücher avait réuni en avant de Sombreffe trois de ses quatre corps. Malgré un ordre de Wellington à ses troupes de jonction de se replier sur Nivelles, le général hollandais Perponcher occupa les Quatre-Bras et éclaira son chef sur la vraie situation : Wellington accourut de sa personne à Sombreffe, afin (très probablement) de dissuader Blücher d'accepter la bataille, parce qu'il n'était pas sûr de pouvoir la soutenir ce jour-là. L'empereur ne fit commencer le feu, par Grouchy, qu'à 2 heures et demie; Ney reçut l'ordre d'attaquer de son côté et de se rabattre sur la droite des Prussiens. 

Les Français avaient 68000 hommes, 208 canons, contre 86000 hommes et 225 canons. L'empereur comptait sur Ney, qui effectivement détacha dans la direction du champ de bataille de Lignyi-Fleurus-Saint-Amand un de ses deux corps, celui de Drouet d'Erlon : mais ce général reçut des ordres contradictoires et flotta entre Ligny et les Quatre-Bras, sans appuyer ni le maréchal, ni l'empereur. Celui-ci l'emporta cependant, par l'occupation décisive du plateau de Bussy, mais au prix de grandes pertes. La nuit tombait quand survint Lobau avec 10 000 hommes de troupes fraîches, sans compter d'Erlon qui était intact. Pourtant l'empereur ne poursuivit pas Blücher, dans l'ignorance où il se trouvait du sort de Ney. Celui-ci, à 3 lieues de là, n'avait pu prendre l'offensive qu'à 2 heures, contre une division hollandaise portée aux Quatre-Bras : le prince d'Orange, fils du roi des Pays-Bas, allait être écrasé quand Wellington survint, avec une division anglaise et une allemande; une nouvelle division anglaise joignit bientôt. Le maréchal, qui n'avait sous la main que le corps de Reille (20000 hommes contre 30000) fit appel à d'Erlon; mais celuici venait de recevoir de l'empereur l'ordre de se rabattre sur les Prussiens. Ney avait, il est vrai, une magnifique réserve de cavalerie à Frasnes, mais il avait cru devoir la réserver à l'empereur. Il dut se borner, vu son infériorité numérique, à empêcher les Anglais de rejoindre Blücher à Fleurus : il y réussit, mais dut opérer sa retraite, en bon ordre, sur Frasnes, où d'Erlon le rejoignit.
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Bataille de Waterloo.
Bataille de Waterloo : dernier carré de la garde,
par Nicolas Charlet.

Le 17 juin à midi, après une revue qui semble inutile, Napoléon ordonne à Ney d'attaquer de nouveau les Quatre-Bras, pendant qu'à la droite, Grouchy opérerait contre les Prussiens. Mais ceux-ci, loin de s'éloigner de Wellington par les routes de Namur ou de Liège, tentaient de le rejoindre par celle de Wavres : Grouchy reçut l'ordre de se porter sur Gembloux. Cependant Wellington n'avait pas attendu une seconde attaque de Ney aux Quatre-Bras; il avait battu en retraite vers 10 heures. Il laissa harceler son arrière-garde à Genappes et à Planchenois et ne fit tête que sur le plateau du mont Saint-Jean, en avant de la forêt de Soignes, au Sud de Bruxelles, dans une position longuement étudiée et préparée par lui pour une action suprême, son front couvert par le chemin creux d'Ohain, ses avant-postes logés dans un château (Hougoumont), dans des fermes solidement bâties (La Belle-Alliance) et entourées de parcs et de haies (La Haie-Sainte). La réserve anglaise était dissimulée sur le revers Nord du plateau. Le village de Waterloo et trois routes le reliaient à sa base d'opération, Bruxelles. L'armée française établit son bivouac en contre-bas, dans une plaine détrempée par l'orage. 

Wellington savait, par le chef d'état-major de Blücher, Gneisenau, que toute l'armée prussienne, y compris le corps intact de Bülow (30000 hommes), viendrait le rejoindre dans la journée du 18. Grouchy, entièrement dépourvu d'initiative, ne reçut l'ordre de marcher sur Wavres qu'à 10 heures du matin : il attendait toujours à Gembloux, avec ses 33 000 hommes! De son côté, Napoléon n'attaqua les Anglais qu'à 11 heures et demie du matin, afin de laisser au sol le temps de sécher. Il fit une fausse attaque sur Hougoumont, en avant de la droite ennemie, comptant porter tout son effort sur le centre et la gauche. Mais vers 1 heure arrivèrent les Prussiens de Bülow, dont Grouchy avait perdu le contact. Napoléon attaqua alors la ferme de la Haie-Sainte (gauche de Wellington) et le centre anglais. L'aile droite du dispositif français (d'Erlon) franchit le ravin d'Ohain, mais non sans désordre : l'infanterie est bousculée par les dragons anglais que les cuirassiers français (Michaud) et lanciers chargent à leur tour; l'attaque contre le centre n'avait pas moins échoué, de même que celle contre la Haie-Sainte, où le canon fit défaut. Ney perdit 5000 hommes; il avait inutilement demandé des renforts en troupes de ligne à l'empereur, obligé de contenir Bülow avec les 20000 hommes de Lobau. 

Vers 3 heures, autour d'Hougoumont, la lutte reprend et se poursuit sans résultat. Cependant le centre se reforme et s'empare de la Haie-Sainte et de Papelotte. Mais à l'extrême droite, il faut renforcer Lobau d'une division de la jeune garde. Les colonnes de Blücher arrivent de plus en plus serrées du côté d'Ohain et de Saint-Lambert. Une troisième fois, Napoléon cherche à déloger les Anglais du plateau. Ney, avec les cuirassiers de Michaud, atteint la crête, arrive jusqu'à la seconde ligne anglaise; mais cette réserve, formée en carrés, le force à redescendre. Les cuirassiers de Kellermann, la grosse cavalerie de la garde (10000 chevaux), donnent inutilement, faute d'infanterie, à deux reprises. Bülow, Blücher, resserrent le cercle par l'occupation d'Ohain, Papelotte, Planchenois; la réserve (division Friant) toute un quatrième assaut, elle est refoulée par le nombre. De tous côtés, Anglais et Prussiens lancent alors toute leur cavalerie; Hougoumont, la Haie-Sainte, Planchenois sont évacués; la retraite se change en déroute, malgré le dévouement de Cambronne.

La campagne de Waterloo, qui entraîna la chute de l'Empire et débarrassa l'Europe d'un tyran égocentrique qui s'était fait empereur, a donné lieu à des discussions du plus haut intérêt, à la suite des accusations dont Napoléon a chargé la plupart de ses lieutenants, et surtout d'Erlon et Grouchy. Pour élucider la question des responsabilités militaires, il est nécessaire d'être dégagé de tout esprit de parti, et la chose est difficile. Le colonel Charras, victime du 2 Décembre 1851, a fait ressortir les fautes commises par Napoléon, et son injustice à l'égard de ses subordonnés; Henri Houssaye, avec une science profonde et d'un style vif, a défendu la thèse de Sainte-Hélène, sans en admettre toutefois les violences et les déclamations. Le général Wolseley a glorifié Wellington; le colonel Patry voit dans Blücher le véritable vainqueur de Waterloo. Il est impossible d'entrer ici dans une telle discussion. Ce que tout le monde doit admettre, c'est l'entière responsabilité politique de Napoléon qui, même victorieux, savait bien que la France ne pouvait tenir contre un million d'envahisseurs et qui avait voulu « un coup d'éclat ». (H. Monin).

Plan de la bataille de Waterloo.
Plan de la Bataille de Waterloo (juin 1815).
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La charge des cuirassiers

« Napoléon donna l'ordre aux cuirassiers de Milhaud d'enlever le plateau de Mont-Saint-Jean [entre le village de ce nom et celui de Waterloo occupé par l'ar mée anglaise sous le commandement du duc de Wellington].

Ils étaient trois mille cinq cents. Ils faisaient un front d'un quart de lieue. C'étaient des hommes géants sur des chevaux colosses. Ils étaient vingt-six escadrons. Ils portaient le casque sans crins et la cuirasse de fer battu, avec des pistolets d'arçon dans les fontes et le long sabre-épée. Le matin toute l'armée les avait admirés, quand, à neuf heures, les clairons sonnant, toutes les musiques chantant : Veillons au salut de l'Empire, ils étaient venus, colonne épaisse, une de leurs batteries à leur flanc, l'autre à leur centre, se déployer sur deux rangs entre la chaussée de Genappe et Frischemont, et prendre leur place de bataille dans cette puissante deuxième ligne, si savamment composée par Napoléon, laquelle, ayant à son extrémité de gauche les cuirassiers de Kellermann et à son extrémité de droite les cuirassiers de Milhaud, avait, pour ainsi dire, deux ailes de fer.

L'aide de camp Bernard leur porta l'ordre de I'empereur. Ney tira son épée et prit la tête. Les escadrons énormes s'ébranlèrent.

Alors on vit un spectacle formidable.

Toute cette cavalerie, sabres levés, étendards et trompettes au vent, formée en colonne par division, descendit d'un même mouvement et comme un seul homme, avec la précision d'un bélier de bronze qui ouvre une brèche, la colline de la Belle-Alliance, s'enfonça dans le fond redoutable où tant d'hommes déjà étaient tombés, y disparut dans la fumée, puis, sortant de cette ombre, reparut de l'autre côté du vallon, toujours compacte et serrée, montant au grand trot, à travers un nuage de mitraille crevant sur elle, l'épouvantable pente de boue du plateau de Mont-Saint-Jean. Ils montaient graves, menaçants, imperturbables; dans les intervalles de la mousqueterie et de l'artillerie, on entendait ce piétinement colossal. Etant deux divisions, ils étaient deux colonnes; la division Wathier avait la droite, la division Delort avait la gauche. On croyait voir de loin s'allonger vers la crête du plateau deux immenses couleuvres d'acier. Cela traversa la bataille comme un  prodige.

Rien de semblable ne s'était vu depuis la prise de la grande redoute de la Moskowa par la grosse cavalerie; Murat y manquait, mais Ney s'y retrouvait. II semblait que cette
masse était devenue monstre et n'eût qu'ue âme. Chaque escadron ondulait et se gonflait comme un anneau du polype. On les apercevait à travers une vaste fumée déchirée çà et là. Pêle-mêle de casques, de cris, de sabres, bondissement orageux des croupes des chevaux dans le canon et la fanfare, tumulte discipliné et terrible; là-dessus les cuirasses, comme les écailles sur l'hydre.

Derrière la crête du plateau, à l'ombre de la batterie masquée, l'infanterie anglaise, formée en treize carrés, deux bataillons par carré, et sur deux lignes, sept sur la première, six sur la seconde, la crosse à l'épaule, couchant en joue ce qui allait venir, calme, muette, immobile, attendait. Elle ne voyait pas les cuirassiers et les cuirassiers ne la voyaient pas. Elle écoutait monter cette marée d'hommes. Elle entendait le grossissement du bruit des trois mille chevaux, le frappement alternatif et symétrique des sabots au grand trot, le froissement des cuirasses, le cliquetis des sabres, et une sorte de grand souffle farouche. Il y eut un silence redoutable, puis, subitement, une longue file de bras levés grandissant des sabres apparut au-dessus de la crête, et les casques, et les trompettes, et les étendards, et trois mille têtes à moustaches grises criant : Vive l'Empereur! toute cette cavalerie déboucha sur le plateau, et ce fut comme l'entrée d'un tremblement de terre.

[...] 

Toutes les faces des carrés anglais furent attaquées à la fois. Un tournoiement frénétique les enveloppa. Cette froide infanterie demeura impassible. Le premier rang, genou en terre, recevait les cuirassiers sur les baïonnettes; le second rang les fusillait; derrière le second rang, les canonniers chargeaient les pièces, le front du carré s'ouvrait, laissait passer une éruption de mitraille et se refermait. Les cuirassiers répondaient par l'écrasement. Leurs grands chevaux se cabraient, enjambaient les rangs, sautaient par dessus les baïonnettes et tombaient gigantesques, au milieu de ces quatre murs vivants. Les boulets faisaient des trouées dans les cuirassiers, les cuirassiers faisaient des brèches dans les carrés. Des files d'hommes disparaissaient broyées sous les chevaux. Les baïonnettes s'enfonçaient dans les ventres de ces centaures. De là une difformité de blessures qu'on n'a pas vue peut-être ailleurs. Les carrés, rongés par cette cavalerie forcenée, se rétrécissaient sans broncher. Inépuisables en mitraille, ils faisaient explosion au milieu des assaillants. La figure de ce combat était monstrueuse. Ces carrés n'étaient plus des bataillons, c'étaient des cratères; ces cuirassiers n'étaient plus une cavalerie, c'était une tempête. Chaque carré était un volcan attaqué par un nuage; la lave combattait la foudre.

[...]

Il y eut douze assauts. Ney eut quatre chevaux tués sous lui. La moitié des cuirassiers resta sur le plateau. Cette lutte dura deux heures... Wellington, aux trois quarts vaincu, admirait héroïquement. II disait à demi voix : Sublime! (Splendid! mot textuel) » 

(Victor Hugo, Les Misérables, partie II, livre I, § IX et X).

 
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Dictionnaire Villes et monuments
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