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Houssaye

Arsène Housset, dit A. Houssaye, est un écrivain français, né à Bruyères (Aisne) le 28 mars 1815  et mort à Paris le 26 février 1896.

A vingt et un ans, il débutait dans la carrière littéraire par deux romans, la Couronne de bluets et la Pécheresse. Il ne tarda pas à se mettre en vue, devint l'ami de Jules Janin et de Théophile Gautier et le collaborateur de Jules Sandeau. Apte aux besognes les plus diverses, on le vit aborder successivement tous les genres : le roman, la critique d'art, l'histoire, la poésie, le théâtre. Sa Galerie de portraits du XVIIIe siècle (1844); son Histoire de la peinture flamande et hollandaise (1846) furent très remarqués. Cela ne l'empêchait pas de prendre part au mouvement réformiste qui précéda la révolution de 1848; il présida le fameux banquet des étudiants et se présenta à la députation dans le département de l'Aisne. Ce fut son concurrent, Odilon Barrot, qui l'emporta. 

Au mois de novembre 1849, il fut appelé à la direction de la Comédie-Française. Dans ses nouvelles fonctions, Arsène Houssaye fit preuve d'une grande habileté et d'une activité extraordinaire. C'est à lui que Victor Hugo, Musset, Alexandre Dumas, Ponsard, Augier, Sandeau et tant d'autres durent de voir représenter leurs oeuvres sur cette scène. Il composa lui-même pour Rachel une cantate intitulée l'Empire, c'est la paix. En 1856, Arsène Houssaye donna sa démission de directeur de la Comédie-Française et fut nommé inspecteur général des musées de province. Il a raconté plus tard dans ses Confessions cette partie de sa vie. 

Enrichi par les bénéfices que lui valut sa direction de la Comédie-Française et par diverses spéculations, Arsène Houssaye essaya un instant de rentrer dans la vie politique par la fondation de la Gazette de Paris (octobre 1871). Mais, quoiqu'il se fût donné d'illustres collaborateurs, il dut bientôt renoncer à la publication de son journal, faute de lecteurs. De même, il ne fit que passer à la direction du Théâtre-Lyrique (1875). Il éprouva un nouvel échec en briguant la succession de Patin à l'Académie française. Enfin, un peu plus tard, il a fondé la Revue de Paris et de Saint-Pétersbourg, qui ne paraît pas avoir eu le succès qu'il en attendait.

Les oeuvres d'Arsène Houssaye sont très nombreuses, mais d'inégale valeur. Parmi ses romans, on peut citer : les Onze Maîtresses délaissées (1840, 2 volumes); la Vertu de Rosine (1844); Romans, contes et voyages (1846); les Trois Soeurs (1847); la Pantoufle de Cendrillon; le Voyage à ma fenêtre (1851); les Filles d'Eve (1852); Sous la Régence et sous la Terreur (1852); le Repentir de Marion (1854); le Violon de Franjolé (1856); le Chien perdu et la Femme fusillée (1872); Lucie, histoire d'une fille perdue (1873); Tragique Aventure de bal masqué (1873); la Belle Rafaella (1875); les Mille et une Nuits parisiennes (1876, 4 volumes). 

En collaboration avec Jules Sandeau, Arsène Houssaye a publié : Mme de Vandeuil (1842); Mlle de Kerouare (1842); Milla (1842); Marie (1843); Mlle Mariani (1859); Mlle de La Vallière et Mme de Montespan; Mlle Cléopâtre (1864); Blanche et Marguerite (1864); le Roman de la duchesse (1865); les Légendes de la jeunesse (1865); les Aventures galantes de Margot (1866); Notre-Dame-de-Thermidor (1866); Nos Grandes Dames (1868, 4 volume); les Parisiennes

Ses poésies, réunies sous le titre d'Oeuvres poétiques, avec une préface de Théodore de Banville, avaient, d'abord été publiées en différents recueils, tels que : les Sentiers perdus (1841); la Poésie dans les bois (1845); Poèmes antiques (1855); la Symphonie de vingt ans (1867); Cent et un Sonnets (1873). 

Au théâtre, Arsène Houssaye a donné : les Caprices de la marquise, un acte (1844); la Comédie à la fenêtre, un acte (1852); le Duel à la Tour (1856); les Comédiennes, pièce reçue, mais non jouée, aux Variétés (1857); Mademoiselle de Trente-six Vertus, drame en cinq actes et six tableaux, représenté sans succès à l'Ambigu; Roméo et Juliette, comédie (1873).

Comme critique, il a publié : Histoire du quarante et unième fauteuil de l'Académie française (1845); le Roi Voltaire (1856); Histoire de l'art français (1860); Rousseau et Mme de Warens (1864); Van Ostade, sa vie et son oeuvre (1874); Jacques Callot, sa vie et son oeuvre (1875). 

Collaborateur intermittent de la Revue des Deux Mondes, de la Revue de Paris et de l'Artiste, dont il fut longtemps directeur, on lui attribue aussi divers ouvrages parus sous les pseudonymes d'Alfred Mousse, Pierre Dax, etc. (Ch. Le Goffic).

Henri Houssaye est un historien et critique français, fils du précédent, né à Paris le 24 février 1848, mort en 1911;  membre de l'Académie française à partir de 1894.

Il fit ses études au lycée Napoléon, puis sous la direction particulière d'un ami de son père, le poète Philoxène Boyer, et se destina d'abord à la peinture. Il y renonça bientôt pour les lettres et publia, à l'âge de dix-neuf ans une Histoire d'Apelles, étude sur l'art grec; l'Armée dans la Grèce antique et la Grèce à l'Exposition universelle (1867), qui fixèrent l'attention. Il partit l'année suivante pour le pays qui lui avait inspiré ses premiers essais et en remporta, avec un mémoire sur une Peinture antique inédite (1869), les matériaux de différents ouvrages d'érudition, dont le plus important est l'Histoire d'Alcibiade et de la République athénienne depuis la mort de Périclès jusqu'à l'avènement des trente tyrans (1873, 2 volumes), auquel l'Académie française décerna, en 1874, le prix triennal fondé par Thiers. Dans le même ordre de travaux, on peut encore citer de Henri Houssaye : Mémoire sur le nombre des citoyens d'Athènes au Ve siècle (1882); la Loi agraire à Sparte (1884); Aspasie, Cléopâtre, Théodora (1890). Lors de la guerre de 1870, il prit part, en qualité d'officier de la garde mobile parisienne, aux combats de Bagneux, de Choisy-le-Roi, à la bataille de Champigny. 

Outre ses études relatives à l'histoire et à l'art grec, on a de Henri Houssaye le Premier Siège de Paris en 52 av. J.-C. (1876), réimprimé avec d'autres mémoires sous le titre d'Athènes, Rome, Paris (1878); l'Art français depuis dix ans, recueil de ses Salons à la Revue des Deux Mondes (1882); les hommes et les Idées, recueil de ses articles au Journal des Débats (1886), et surtout les belles études d'histoire contemporaine intitulées 1814, Histoire de la campagne de France et de la chute de l'Empire (1888) et 1815 (1893) la Charge, tableau de bataille (1894). . Ces derniers livres ont établi d'une façon définitive la réputation de l'auteur. 

Sobriété et pathétique du récit, grandeur de l'impression obtenue, mise en oeuvre de documents de premier ordre et pour la plupart inédits, c'est le moins que la critique y ait reconnu, tant à l'étranger qu'en France. Henri Houssaye y apparaît comme un des plus remarquables historiens de la période impériale. Son livre intitulé : 1814, Histoire de la campagne de France et la chute de l'Empire (1888), suivi des deux volumes de 1815, dont la seconde partie porte en sous-titre : Waterloo (1893-1899), a renouvelé le sujet par la précision du récit, la sûreté des documents.

Il a fait partie, à différentes reprises, des comités de la Société des gens de lettres, des Beaux-Arts, de l'Association pour le progrès des études grecques. Il a collaboré sous son nom à la Revue des Deux Mondes et au Journal des Débats et, sous celui de Georges Werner, à la Presse, à l'Artiste, à la Revue du XIXe siècle, etc. (Ch. Le Goffic / G.-F.).
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Napoléon à la Malmaison (1815).

 « L'empereur était encore à la Malmaison. A son arrivée, dans l'après-midi du 25 juin, il y avait été reçu par la princesse Hortense, qui avait quitté Paris la veille afin de tout mettre en ordre dans ce château inhabité depuis la mort de
Joséphine. La petite suite de Napoléon s'installa dans les chambres, trop nombreuses pour elle, du premier étage. Il y avait le grand-maréchal Bertrand, les généraux Gourgaud et Montholon, le chambellan de Las Cases, les officiers d'ordonnance Planat, de Résigny, Saint-Yon, les quelques fidèles qui s'étaient offerts à former dans l'exil la Maison de l'empereur.

Le service d'honneur et de sûreté était assuré par trois cents grenadiers et chasseurs du dépôt de la vieille garde établi à Rueil et par un piquet de dragons de la garde.

Dès le premier jour, les visiteurs affluèrent  : les princes Joseph, Lucien et Jérôme, le duc de Bassano, Lavallette, le duc de Rovigo, qui avait pris la résolution de s'expatrier avec l'empereur, les généraux de Piré, de la Bédoyère, Caffarelli, Chartran. Napoléon reçut aussi le banquier Jacques Laffitte; il le retint assez longtemps, et, tout en causant familièrement, il dit ces paroles qui éclairent l'histoire : - Ce n'est pas à moi, précisément, que les puissances font la guerre : c'est à la Révolution. Elles n'ont jamais vu en moi que le représentant, l'homme de la Révolution. Napoléon était profondément triste, mais non abattu. Il exprima à chacun sa ferme résolution de partir pour Rochefort dès que l'ordre d'appareiller aurait été envoyé aux frégates qui devaient le conduire en Amérique.

Avant ces visites, à son arrivée même à la Malmaison, l'empereur avait dicté une proclamation ou plutôt un adieu à l'armée : « - Soldats, je suivrai vos pas quoique absent. Je connais tous les corps, et aucun d'eux ne remportera un avantage signalé sur l'ennemi, que je ne rende justice au courage qu'il aura déployé. Vous et moi, nous avons été calomniés. Des hommes indignes d'apprécier nos travaux ont vu dans les marques d'attachement que vous m'avez données un zèle dont j'étais seul l'objet. Que vos succès futurs leur apprennent que c'était la patrie par-dessus tout que vous serviez en m'obéissant... Sauvez l'honneur, l'indépendance des Français. Napoléon vous reconnaîtra aux coups que vous allez porter. » Cette proclamation, qui ne pouvait qu'enflammer les soldats contre l'envahisseur, fut envoyée au chef du gouvernement provisoire pour être communiquée aux troupes et imprimée dans le Moniteur. Fouché tremblait de rappeler à l'armée même le nom de Napoléon. Comme si elle l'avait oublié! Il enfouit la pièce dans un tiroir.

Sur le soir, le général Beker arriva à la Malmaison. Il avait pour mission ostensible de veiller sur Napoléon et pour mission secrète de le surveiller. Il fut reçu dans la jolie bibliothèque, toute revêtue de hautes vitrines de cèdre, incrustées d'ornements de bronze doré, qui servait de cabinet de travail à l'empereur. Beker était confus et peiné de sa mission. Il ne  l'avait acceptée qu'à contre-coeur, et ce n'est pas sans trouble qu'il présenta respectueusement à l'empereur la lettre de service de Davout : « - Sire, dit-il, voici un ordre qui me charge, au nom du gouvernement provisoire, du commandement de votre garde pour veiller à la sûreté de votre personne. » L'empereur ne se méprit pas sur l'attention que Fouché et Davout portaient à sa sûreté. Il en eut une révolte qu'il maîtrisa vite. Il dit avec hauteur : « - Je regarde cet acte comme une affaire de forme, et non comme une mesure de surveillance. Il était inutile de m'y assujettir, puisque je n'ai pas l'intention d'enfreindre mes engagements. »

Beker était ému jusqu'aux larmes : « - Sire, c'est uniquement pour vous protéger que j'ai accepté cette mission. Si elle ne devait pas obtenir l'assentiment et l'entière approbation de Votre Majesté, je me retirerais à l'instant même. » L'émotion sincère de Beker toucha l'empereur. Adoucissant sa voix, il lui dit avec bonté : « - Rassurez-vous, général, je suis bien aise de vous voir près de moi. Si l'on m'avait laissé le choix d'un officier, je vous aurais désigné de préférence, car je connais depuis longtemps votre loyauté. » Il l'entraîna dans le parc par la porte vitrée qui y donnait directement et commença de le questionner sur l'opinion de Paris, les espérances du gouvernement, les nouvelles de l'armée, les négociations. Au cours de cet entretien qui dura deux heures, Beker dit que l'empereur aurait mieux fait de rester à la tête de l'armée; qu'il aurait gagné trois mois; qu'en abdiquant conditionnellement en faveur de son fils, il aurait fort embarrassé son beau-père, l'empereur d'Autriche. L'empereur coupa court à ces niaiseries : « -Vous ne connaissez pas ces gens-là! » Puis il exposa les raisons très légitimes de son retour à Paris. « - Mais, conclut-il, il n'y a plus d'énergie. Tout est usé, démoralisé. Comment compter sur un peuple que la perte d'une seule bataille met à la discrétion de l'ennemi ? » L'empereur ne pouvait se faire à cette idée que la Chambre l'eut renversé parce qu'il avait perdu une bataille. Plus tard, il disait encore à Montholon : « - Si j'avais été l'homme du choix des Anglais, comme je l'étais du choix des Français, j'aurais pu perdre dix batailles de Waterloo sans perdre une seule voix dans les Chambres. »

Bien que la nuit fût venue depuis longtemps, Napoléon continuait sa promenade dans le parc, sous le ciel profond, scintillant d'étoiles. Ses paroles embrassaient le présent et l'avenir. Il semblait moins affecté de sa position que Beker ne l'était lui-même et paraissait avoir oublié son empire. Quand il parlait de lui, c'était pour causer de sa retraite projetée en Amérique, des moyens de gagner les États-Unis, des prétentions que les Alliés devaient avoir sur sa personne. « - Il me tarde, disait-il, de quitter la France pour échapper à cette catastrophe dont l'odieux retomberait sur la nation. » En rentrant au château, ses derniers mots furent : «  - Qu'on me donne les deux frégates que j'ai demandées, et je pars à l'instant pour Rochefort. Encore faut-il que je me rende convenablement à ma destination sans tomber aux mains de mes ennemis. »

L'empereur, inoccupé et sans espoir, passa la journée du lendemain dans la rêverie et le souvenir. La Malmaison était encore telle qu'il l'avait habitée pendant le Consulat. C'était la même distribution des appartements, le même décor néo-grec, les mêmes meubles, les mêmes statues, les mêmes tableaux, et dans le parc, les vastes pelouses, les corbeilles de fleurs, les arbres exotiques, les taillis de sureaux et de lilas, les futaies d'ormes, d'acacias et de hêtres, les sources nombreuses, les petites rivières, l'impression de fraîcheur et de calme. L'empereur retrouvait les sites et les intérieurs qui lui étaient familiers, l'allée de tilleuls, l'étang aux cygnes, le temple antique, la salle du conseil avec des trophées d'armes peints en trompe-l'eeil, le salon décoré de scènes d'Ossian par Gérard et par Girodet, son cabinet de travail où tout était religieusement conservé dans l'état où il l'avait laissé, cartes déployées, livres ouverts, enfin sa petite chambre, attenante à celle de Joséphine. Chaque point de vue, chaque lieu, chaque objet le reportait à ses belles années de Consulat où les éclatantes faveurs de la Fortune séduite lui donnaient la croyance qu'il l'avait pour jamais asservie.

En 1815, aux mois d'avril et de mai, l'empereur était venu plusieurs fois à la Malmaison avec la princesse Hortense. Mais il était encore dans la lutte et dans l'espérance; les souvenirs avaient moins d'action sur son esprit. Maintenant, ils le reprenaient tout entier. Il s'absorbait dans ses douces et mélancoliques évocations, oublieux du présent, revivant le passé. Tantôt il restait silencieux, ranimant et suivant dans sa pensée des ressouvenirs lointains. Tantôt il rappelait à Hortense, à Mme Caffarelli, à Bassano, avec une certaine volubilité, des scènes et des incidents domestiques qui s'étaient passés à la Malmaison. La vue d'une allée, d'une pointure, d'un guéridon, du moindre objet lui en donnait l'occasion en ravivant sa mémoire. Il redisait des paroles de Joséphine, répétait des plaisanteries de Lannes, de Rapp, de Junot, de Bessières, contait des épisodes des fêtes de nuit et des parties de barres. Pendant une promenade dans le parc, avec Hortense, il s'arrêta devant un massif de rosiers en pleine floraison, et dit, comme se parlant à lui-même : « - Cette pauvre Joséphine, je ne puis m'accoutumer à habiter ici sans elle. Il me semble toujours la voir sortir d'une allée et cueillir une de ses fleurs qu'elle aimait tant... C'était bien la femme la plus remplie de grâce que j'aie jamais vue!-» 

(H. Houssaye, 1815).
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