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Itinéraire de Paris à Jérusalem
de Chateaubriand
Itinéraire de Paris à Jérusalem est une oeuvre de Chateaubriand parue en 1811. - L'auteur, dans cet ouvrage, a réuni les impressions d'un voyage qu'il avait entrepris (1806) en Grèce et en Judée pour rassembler les matériaux des Martyrs, qui offrent des tableaux plus achevés.

L'auteur l'a dit, lui-même, qu'en accomplissant ce voyage, il « allait chercher des images »; et depuis, la critique, ou du moins une certaine critique, a étrangement abusé de cet aveu contre lui. Mais il faut l'entendre comme il l'a lui-même entendu. Les « images, qu'il allait chercher », étaient destinées d'avance à servir de cadre ou d'illustration aux Martyrs, et ainsi, ce qu'on lui reproche comme une preuve de dilettantisme, ou d'indifférence au fond des choses, en est une au contraire de ses scrupules d'artiste. 

Ayant formé le projet de fondre ensemble et à sa manière « les deux antiquités » païenne et chrétienne, dans un poème qui servirait de démonstration à la thèse du Génie du Christianisme, il n'a pas voulu décrire la Grèce et l'Orient sans les avoir vus de ses yeux. C'est pourquoi, comme il le dit, « quand on ne trouve pas dans l'Itinéraire la description de tels ou tels lieux célèbres, il faut la chercher dans les Martyrs »; et ainsi le second de ces deux ouvrages est vraiment l'ébauche ou l'esquisse du premier. Il convient d'avoir feuilleté l'album de l'Itinéraire avant d'aborder les descriptions plus étudiées des Martyrs.

De bons juges ont d'ailleurs exprimé très nettement une préférence pour les croquis de l'Itinéraire et ne reprochent pas à Chateaubriand d'y avoir unis moins d'apprêt ou plus de sincérité littéraire que dans ses Martyrs
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Méditation sur l'Acropole

« Il faut maintenant se figurer tout cet espace tantôt nu et couvert d'une bruyère jaune, tantôt coupé par des bouquets d'oliviers, par des carrés d'orge, par des sil Ions de vignes; il faut se représenter des fûts de colonne et des bouts de ruines anciennes et modernes, sortant, du milieu de ces cultures; des murs blanchis et des clôtures de jardins traversant, les champs; il faut répandre dans la campagne des Albanaises qui tirent de l'eau ou qui lavent à des puits les robes des Turcs; des paysans qui vont et viennent, conduisant des ânes, ou portant sur leur dos des provisions à la ville; il faut supposer toutes ces montagnes dont les noms sont si beaux, toutes ces ruines si célèbres, toutes ces îles, toutes ces mers non moins fameuses, éclairées d'une lumière éclatante. J'ai vu, du haut, de l'Acropolis, le soleil se lever entre les deux cimes du mont Hymette; les corneilles qui nichent autour de la citadelle, mais qui ne franchissent jamais son sonmet, planaient au-dessous de nous; leurs ailes noires et lustrées étaient glacées de rose par les premiers reflets du jour; des colonnes de fumée bleue et légère montaient dans l'ombre, le long des flancs de l'Hymette et annonçaient, les parcs ou les chalets des abeilles; Athènes, I'Acropolis et les débris du Parthénon se coloraient de la plus belle teinte de la fleur du pêcher; les sculptures de Phidias, frappées horizontalement d'un rayon d'or, s'animaient et semblaient se mouvoir sur le marbre par la mobilité des ombres du relief; au loin, la mer et le Pirée étaient tout blancs de lumière; et la citadelle de Corinthe, renvoyant l'éclat du jour nouveau, brillait sur l'horizon du couchant, comme un rocher de pourpre et de feu.

Du lieu où nous étions placés, nous aurions pu voir, dans les beaux jours d'Athènes, les flottes sortir du Pirée pour combattre l'ennemi ou pour se rendre aux fêtes de Délos; nous aurions pu entendre éclater au théâtre de Bacchus les douleurs d'Oedipe, de Philoctète et d'Hécube; nous aurions pu ouïr les applaudissements des citoyens aux discours de Démosthène. Mais, hélas! aucun son ne frappait notre oreille. A peine quelques cris, échappés a une populace esclave, sortaient par intervalles de ces murs qui retentirent si longtemps de la voix d'un peuple libre. Je me disais, pour me consoler, ce qu'il faut se dire sans cesse : Tout passe, tout finit dans ce monde. Où sont allés les génies divins qui élevèrent le temple sur les débris duquel j'étais assis? Ce soleil, qui peut-être éclairait les derniers soupirs de la pauvre fille de Mégare, avait vu mourir la brillante Aspasie. Ce tableau de l'Attique, ce spectacle que je contemplais, avait été contemplé par des yeux fermés depuis deux mille ans. Je passerai à mon tour : d'autres hommes aussi fugitifs que moi viendront faire les mêmes réflexions sur les mêmes ruines. Notre vie et notre coeur sont entre les mains de Dieu : laissons-le donc disposer de l'une comme de l'autre.» 
 

(Chateaubriand, extrait de l'Itinéraire de Paris à Jérusalem).

Le voyage a duré du 13 juillet 1806 au 3 mai 1807. Parti de Trieste, Chateaubriand, après avoir visité Corfou, Céphalonie, Zante, aborda en Morée (Péloponnèse). Les grands souvenirs de l'Antiquité grecque revivent à chaque pas de son livre, mais il y mêle des impressions personnelles, particulièrement sur le dénuement des Grecs et la barbarie qu'il attribue aux Turcs

Après avoir contemplé l'Eurotas et l'emplacement de Sparte, il célèbre Corinthe, Mégare, Eleusis, Salamine, Athènes. Puis il traverse la mer Egée et visite Istanbul. De là, il se rend à Rhodes, à Jaffa, à Bethléem et à la mer Morte, et arrive enfin à Jérusalem, « la terre des prodiges, aux sources de la plus éclatante poésie ». Il gagne l'Égypte, puis Tunis, près de laquelle il visite les ruines de Carthage, et rentre en France en passant par l'Espagne

Les idées nobles et élevées de Chateaubriand témoignent d'une érudition étendue et d'une admiration sincère pour l'Antiquité grecque; le style, pur et naturel, est éloigné de toute recherche. (B. / F. Brunetière / V. Giraud).
 

L'arrivée en Palestine

« Le temps était si peau et l'air si doux, que tous les passagers restaient la nuit sur le pont. J'avais disputé un petit coin du gaillard d'arrière à deux pros caloyers qui ne me l'avaient cédé qu'en grommelantl. C'était là que je dormais, le 30 septembre [1806], à six heures du matin, lorsque je fus éveillé par un bruit confus de voix; j'ouvris les yeux, et j'aperçus les pèlerins qui regardaient vers la proue, du vaisseau. Je demandai ce que c'était; on me cria : Signor, il Carmelo! le Carmel! Le vent s'était levé la veille à huit heures du soir, et dans la nuit nous étions arrivés à la vue des côtes de Syrie. Comme j'étais couché tout habillé, je fus bientôt debout, m'enquérant de la montagne sacrée. Chacun s'empressait de me la montrer de la main; mais je n'apercevais rien, à cause du soleil qui commentait à se lever en face de nous. Ce moment avait quelque chose de religieux et d'auguste; tous les pèlerins, le chapelet à la main, étaient restés en silence dans la même attitude, attendant l'apparition de la terre sainte; le chef des papas priait à haute voix; on n'entendait que cette prière et le bruit de la course du vaisseau, que le vent le plus favorable poussait sur une mer brillante. De temps en temps un cri s'élevait de la proue quand on revoyait le Carmel. J'aperçus enfin moi-même cette montagne, comme une tache ronde au-dessous des rayons du soleil. Je me mis alors à genoux à la manière des Latins. Je ne sentis point cette espèce de trouble que j'éprouvai en découvrant les côtes de la Grèce : mais la vue du berceau des Israélites et de la patrie des chrétiens me remplit de crainte et de respect. J'allais descendre sur la terre des prodiges, aux sources de la plus étonnante poésie, aux lieux où, même humainement parlant, s'est passé le plus grand événement qui ait jamais changé la face du monde, je veux dire la venue du Messie; j'allais aborder à ces rives que visitèrent comme moi Godefroy de Bouillon, Raimond de Saint-Gilles, Tancrède le Brave, Hugues le Grand, Richard Coeur de lion, et ce saint Louis dont les vertus furent admirées des infidèles. Obscur pèlerin, comment oserais-je fouler un sol consacré par tant de pèlerins illustres? » 
 

(Chateaubriand, extrait de l'Itinéraire de Paris à Jérusalem).
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Dictionnaire Le monde des textes
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