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Confessions

Le nom de Confessions a été donné par Saint Augustin à l'histoire de sa vie, ou plutôt de son âme (Confessions, de Saint-Augustin), et n'a été employé dans le même sens que par J.-J. Rousseau (Les Confessions). D'autres écrivains, cependant, ont eu le dessein de se peindre, et l'ont exécuté. Nous citerons pour mémoire le nom et le livre latin de Cardan (De Vita propria), au XVIe siècle, connus seulement des érudits. Montaigne et le cardinal de Retz ont amplement raconté, l'un ses pensées et ses habitudes, l'autre ses aventures et ses fautes : mais, ni l'imagination mobile et l'amusante érudition de l'un ni la vanité politique et l'inconséquence peu édifiante de l'autre, ne répondent à l'idée qu'éveille dans l'esprit le mot de confession. Les confessions appartiennent au genre historique, comme les mémoires, qui leur ressemblent en quelques points. Il est en effet difficile, sinon impossible, à l'homme qui raconte les événements où il a joué un rôle, de ne pas faire au public des aveux et des confidences sur son propre compte. C'est ainsi que Saint-Simon s'est peint merveilleusement, sans y prétendre, dans toute la vigueur de ses préventions, de ses rancunes et de ses joies. Toutefois, dans les Mémoires historiques, l'importance des événements politiques diminue celle de l'homme, et souvent même l'efface tout à fait. Les Mémoires personnels, comme ceux de Mlle de Launay et de Marmontel, sans être des confessions, s'en rapprocheraient davantage; mais il ne faut pas attendre de l'auteur une franchise aussi entière.

Les confessions impliquent l'aveu des fautes, des erreurs et même des vices. L'Église, dans les premiers siècles, imposait aux pécheurs l'humiliation de s'accuser publiquement, pour l'instruction des fidèles plus tard, un sage adoucissement de la discipline réserva aux oreilles du prêtre des aveux qui pouvaient devenir un objet de scandale plutôt que d'édification. L'exemple de St Augustin a montré qu'on pouvait transporter la confession dans les livres, et la faire complète et touchante : mais elle n'est permise qu'à la condition d'éclairer les hommes et de les rendre meilleurs, par la dignité, la droiture et le repentir. Il n'y a de confessions que celles des personnages célèbres; les qualités et les vices communs à tous les hommes n'intéressent qu'à l'abri d'un nom illustre et d'un grand talent. Le lecteur cherche ses traits dans ceux de l'écrivain; il demande l'analyse et la peinture des sentiments qui le touchent, enfin ce qu'un des plus célèbres auteurs du XIXe siècle, en parlant de lui-même appelle une âme écrite (Lamartine, préface des Confidences). Cette expression un peu hardie a du moins le mérite de s'appliquer au premier ouvrage qui ait porté le titre de Confessions.

Bien des confessions ont suivi Les Confessions de Rousseau, parfois en reprenant le titre, mais au singulier (La Confession de Tolstoï, la Confession d'un enfant du siècle, de Musset, le plus souvent, sous des titres différents. Les Confessions du comte de ***, composées par Duclos à la même époque, ne sont qu'un médiocre roman de moeurs, oublié aujourd'hui. La Confession d'un enfant du siècle durera peut-être davantage, grâce au nom d'Alfred de Musset; mais elle mériterait plus de sévérité encore que le livre de Rousseau, si elle avait la même portée. II est bien difficile d'y faire la part du roman et de la vérité. C'est sans doute le premier qui domine, dans cette triste peinture d'une jeunesse usée par la faute de l'homme, et non par celle du siècle, d'un coeur qui se flétrit, d'une volonté qui se perd dans l'habitude du désordre, d'une âme énervée qui ne croit à rien, et qui empoisonne jusqu'à ses plaisirs. C'est le René de Chateaubriand, avec ses dégoûts incurables, mais René sensuel et dépravé.

En revenant du roman aux confessions véritables, nous ne pouvons omettre les Mémoires d'Outre-tombe, de Chateaubriand; ils sont, en plusieurs parties, des aveux et des confidences plus que des mémoires politiques. Là, comme chez Rousseau, dont Chateaubriand fut l'élève toute sa vie, ou à peu près, on retrouve une de ces âmes ardentes de poète et de politique, dominée par l'intraitable orgueil de notre époque. Le moi y joue un rôle aussi absolu et plus fatigant peut-être que dans aucun livre du même genre : impitoyable dans ses ressentiments, même en présence de la vieillesse, de l'infortune et de l'exil, Chateaubriand s'est hâté de les satisfaire dès le tombeau. Il est discret du moins dans les souvenirs privés, et respecte la délicatesse du lecteur; mais on ne saurait méconnaître dans ses Mémoires la décadence du talent à côté de l'abaissement du caractère, et, si quelques pages portent encore l'empreinte du maître, à chaque instant l'on sent les retouches fréquentes et malheureuses des différents âges; et la langue de René, devenue quelquefois barbare, témoigne des sacrifices faits à la popularité du mauvais goût.

Un illustre contemporain de Chateaubriand, dans une imitation beaucoup plus directe du livre de Rousseau, a substitué au titre de Confessions celui de Confidences, qui promet plus d'indulgence pour soi-même, et plus de réserve vis-à-vis des autres. C'est en effet le mérite et le défaut tout ensemble de cet ouvrage où Lamartine a, comme il le dit, 

"livré de son vivant les pages domestiques de sa vie obscure aux regards indifférents de quelques milliers de lecteurs."
Il se fait honneur, à bon droit, de n'avoir livré que lui-même, en racontant sa vie, 
"sans qu'aucun nom et aucune mémoire puisse souffrir une peine et un oubli de son indiscrétion." 
Il est malheureusement trop aisé à l'écrivain d'égarer ses lecteurs, puisqu'il est toujours entre le panégyrique et l'apologie de son caractère, de ses moeurs et de sa conduite, si le respect de lui-même, le sentiment délicat des bienséances et la sévérité du goût ne le retiennent sur la pente glissante des aveux, des rancunes, et de l'amour-propre. (A. Didier, 1877).
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