| Gilles de Retz ou de Rais est un maréchal de France, né en 1404, exécuté à Nantes le 26 octobre 1440. Fils aîné de Guy de Laval, qui avait hérité des biens de la dernière héritière de la vieille famille de Retz en Bretagne, et de Marie de Craon, petit-neveu de Du Guesclin, Gilles de Retz, orphelin de père à la fin d'octobre 1415, resta sous la tutelle de son aïeul maternel; il épousa le 30 novembre 1420 Catherine de Thouars, riche héritière du Poitou. Poussé par un goût très vif vers la carrière militaire, il prit parti en 1427 pour Charles VII et devint un des plus fidèles compagnons de Jeanne d'Arc; il assista au sacre du roi à Reims le 17 juillet 1429 et fut, ce même jour, nommé maréchal de France à vingt-cinq ans. Très lié avec le favori La Trémoille, il prit part, de 1432 à 1435, à diverses opérations militaires dans le Maine, mais abandonna peu à peu la vie publique et la cour pour vivre dans une retraite d'où il ne sortit que pour prendre parti pour la fausse Jeanne d'Arc (la « dame des Armoises »), lors de son apparition. Possesseur d'une des plus immenses fortunes de l'époque, il la dépensa sans compter, si bien que ses parents le firent interdire en 1437 par un arrêt du roi; dès lors, il vécut à l'écart de tous, retiré dans ses châteaux où il s'entourait d'une véritable cour; en moins de huit ans, il dévora plus de 200.000 écus de biens. On s'accorde à voir en Gilles de Retz l'une des plus belles intelligences de son siècle, mais non l'une des mieux équilibrées; tourmenté sans cesse d'une ambition démesurée de briller, ouvert, naturellement à toutes les belles choses, capable de devenir un héros s'il avait eu de la modération dans ses désirs, il se transforma vite en scélérat pour n'avoir pas eu la sagesse ni le courage de mettre un frein à ses passions. Les deux principales furent un goût très vif et très compréhensible pour les représentations théâtrales, et la passion, moins excusable, de poursuivre par tous moyens licites et illicites cet or qui était l'objet de toutes ses convoitises et le poussa aux pra tiques fallacieuses de l'alchimie et aux crimes infâmes de la magie noire. Il s'entoura de sorciers qu'il fit venir, même d'Italie, et par leurs conseils résolut de se donner au diable, afin d'obtenir de lui science, puissance et richesses ne craignant pas, pour évoquer le malin de verser le sang de jeunes enfants, pratiquant ces effrayantes superstitions avec des raffinements de cruauté ou de folie qui défient toute expression; on évalue à plus de deux cents le nombre des victimes qui, en son château de Tiffauges, périrent par son ordre, souvent de sa main, et dont on retrouva plus tard les ossements. Le duc de Bretagne avait refusé de faire exécuter l'interdiction prononcée par Charles VII contre Gilles et s'était même rendu acquéreur d'un grand nombre des biens aliénés par le prodigue mais la rumeur publique accusant Gilles de crimes abominables, le duc fut mis en demeure de faire arrêter et poursuivre judiciairement le coupable. Gilles comparut devant un tribunal composé du président de Bretagne, Pierre de l'Hospital, de l'évêque de Nantes, Jean de Malestroit et de l'inquisiteur Jean Blouyn, et fut condamné, avec ses complices Henriet et Poitou, à être brûlé. Le repentir l'ayant enfin touché, sa mort fut presque édifiante, Le 26 octobre 1440, il périt par la strangulation et le feu dans la prairie de la Madeleine, près de Nantes; son corps put être soustrait aux flammes et inhumé dans l'église des Carmes de cette ville. Sa fille, Marie, épousa l'amiral Prégent de Coëtivy. La légende s'est emparée de cet étrange personnage, et tout concourt à démontrer que Gilles de Retz est bien vraiment le type de Barbe-Bleue. (H. C.). | |
| François-Paul de Gondi, cardinal de Retz, né à Montmirail vers le 19 septembre (baptisé le 20) 1613, mort à Paris le 24 août 1679, neveu du précédent. C'est le célèbre coadjuteur des années de la Fronde. Troisième fils de Philippe-Emmanuel, comte de Joigny, général des galères de France, mort à l'Oratoire en 1662, et de Françoise-Marguerite de Silly, dame de Commercy, chevalier de Malte dès sa naissance, mais bientôt destiné à l'Eglise, il eut M. Vincent (saint Vincent de Paul) pour précepteur, fut mis ensuite au collège de Clermont (1625) et pourvu bientôt des abbayes de Buzay et de Quimperlé, d'un canonicat à Notre-Dame de Paris (31 décembre 1627) par son oncle J.-F., second cardinal de Retz, et destiné à occuper ce siège épiscopal de Paris, où avaient déjà paru trois membres de sa famille. Il n'en mena pas moins une vie plus que dissipée, mais mêlée d'études sérieuses et de projets ambitieux, qui se firent jour dans son premier écrit, la Conjuration de Fiesque (1639 ou 1636). Ce livre courut d'abord sous le manteau. Bachelier en théologie le 6 juillet 1631, licencié en 1638, docteur de Sorbonne le 19 octobre 1643, il prêcha un instant avec succès aux Carmélites, puis voyagea en Italie pour se faire oublier de Richelieu qu'il avait blessé. De retour, il conspire avec le comte de Soissons (1638), et ne songe rien moins qu'à assassiner le ministre. Louis XIII, quelques jours avant sa mort, le nomma coadjuteur de l'archevêque de Paris (13 juin 1643), les bulles lui en furent expédiées le 13 octobre et il fut sacré à Notre-Dame le 31 janvier 1644, sous le titre d'archevêque de Corinthe. La Fronde allait donner carrière à son humeur remuante et à son génie d'intrigue. Il vise d'abord à conquérir la faveur de la régente, mais ses avis ayant été dédaignés, à la journée des Barricades (26 août 1648), par Anne d'Autriche lui disant : « Allez vous reposer, vous avez bien travaillé », il soulève Paris, et la force à relâcher Broussel, mais sans obtenir pour lui-même le gouvernement de Paris qu'il ambitionnait. Aussi quand la cour se réfugia à Saint-Germain (6 janvier 1649), se fit-il arrêter par les frondeurs pour ne pas l'y suivre. Alors, pendant deux mois, il est à Paris « l'âme de la résistance », harangue le peuple, le Parlement; combat à la tête du régiment de Corinthe, levé par lui. La paix de Ruel se fait malgré lui (11 mars), il continue à intriguer, et est accusé d'avoir fait tirer sur Condé (22 décembre). En haine de celui-ci, il se rapproche alors de Mazarin, et ne s'oppose pas à l'arrestation des princes (18 janvier 1650), qui mit fin à la guerre des Importants. Il croyait ainsi obtenir le chapeau de cardinal : déçu dans ses espérances, il se retourne vers Condé, contribue à unir les deux Frondes, négocie le mariage du prince de Conti avec Mlle de Chevreuse, et force Mazarin à quitter Paris et la France (7 février 1651). Il fait plus, il soulève de nouveau Paris, qui s'oppose au départ de la reine prête à suivre son ministre (9-10 février). Mais à peine Condé, Conti et Longueville sont-ils rendus à la liberté, qu'il se brouille avec eux, fomente la discorde entre les deux Frondes, se rapproche de la reine qui lui promet le chapeau, manque d'être étouffé par les partisans de Condé (21 août), et reçoit enfin des mains du roi l'acte écrit de sa désignation au cardinalat (21 septembre). - Les diables « ... L'on s'amusa tant que la petite pointe du jour (c'était dans les plus grands jours de l'été) commençait à paraître quand l'on fut au bas de la descente des Bons-Hommes. Justement au pied le carrosse s'arrêta tout court. Comme j'étais à l'une des portières avec Mlle de Vendôme, je demandai au cocher pourquoi il s'arrêtait, et il me répondit avec une voix fort étonnée : « Voulez-vous que je passe par-dessus tous ces diables qui sont là devant moi? » Je mis la tête hors de la portière, et, comme j'ai toujours eu la vue fort basse, je ne vis rien. Mme de Choisy, qui était à l'autre portière avec M. de Turenne, fut la première qui aperçut du carrosse la cause de la frayeur du cocher : je dis du carrosse, car cinq ou six laquais qui étaient derrière criaient : "Jésus! Maria! » et tremblaient déjà de peur. M. de Turenne se jeta en bas du carrosse aux cris de Mme de Choisy. Je crus que c'étaient des voleurs. Je sautai aussitôt hors du carrosse, je pris l'épée d'un laquais, je la tirai et j'allai joindre de l'autre côté M. de Turenne, que je trouvai regardant fixement quelque chose que je ne voyais point. Je lui demandai ce qu'il regardait, et il me répondit en me poussant le bras et assez bas : « Je vous le dirai, mais il ne faut pas épouvanter ces femmes », qui, dans la vérité, hurlaient plutôt qu'elles ne criaient. Voiture commença un oremus. Vous connaissez peut-être les cris aigus de Mme de Choisy; Mlle de Vendôme disait son chapelet; Mme de Vendôme voulait se confesser à M. de Lisieux, qui lui disait : « Ma fille, n'ayez point de peur, vous êtes en la main de Dieu-». Le comte de Brinon avait entonné bien dévotement, à genoux, avec tous nos laquais, les litanies de la Vierge. Tout cela se passa, comme vous pouvez vous imaginer, en même temps et en moins de rien. M. de Turenne, qui avait une petite épée à son côté, l'avait aussi tirée, et, après avoir un peu regardé, comme je vous l'ai déjà dit, il se tourna vers moi de l'air dont il eût donné une bataille, et me dit ces paroles : « Allons voir ces gens-là! - Quelles gens? », lui répondis-je; et, dans le vrai, je croyais que tout le monde eût perdu le sens. Il me répondit : « Effectivement, je crois que ce pourrait bien être des diables-». Comme nous avions déjà fait cinq ou six pas du côté de la Savonnerie, et que nous étions par conséquent plus proches du spectacle, je commençai à entrevoir quelque chose, et ce qui m'en parut fut une longue procession de fantômes noirs, qui me donna d'abord plus d'émotion qu'elle n'en avait donné à M. de Turenne. Je fis deux ou trois sauts vers la procession; les gens du carrosse, qui croyaient que nous étions aux mains avec tous les diables, firent un grand cri, et ce ne fut pourtant pas eux qui eurent le plus de frayeur. Les pauvres augustins réformés et déchaussés, que l'on appelle les capucins noirs, qui étaient nos diables d'imagination, voyant venir à eux deux hommes qui avaient l'épée à la main, l'eurent très grande, et l'un d'eux, se détachant de la troupe, nous cria : « Messieurs, nous sommes de pauvres religieux, qui ne faisons de mal à personne, et qui venons de nous rafraîchir un peu dans la rivière pour notre santé ». Nous retournâmes au carrosse, M. de Turenne et moi, avec les éclats de rire que vous pouvez vous imaginer. » (Cardinal de Retz, Mémoires). | Pendant la guerre de l'Ormée, et les combats de Condé dans le Centre, Retz chercha à former un tiers parti avec le duc d'Orléans, sans y parvenir; il ne put pas même empêcher Mlle de Montpensier de sauver Condé au combat du faubourg Saint-Antoine (2 juillet 1652). La rentrée à Paris du roi, qui à Compiègne où Retz était venu demander la paix au nom de l'Eglise, lui remit enfin (11 septembre) le chapeau tant désiré et qu'Innocent X lui avait accordé dès le 19 février, semblait devoir couper court aux intrigues de l'ambitieux prélat. Il n'en fut rien; ce fut sa perte, le roi était résolu à en finir. Le 19 décembre 1652, il fut arrêté au Louvre, et de là conduit à Vincennes où il resta seize mois, refusant obstinément de se démettre de sa coadjutorerie. A la mort de son oncle (21 mars 1654), devenu archevêque de Paris, il consentit à se démettre de ce titre moyennant sept abbayes, mais on avait peu de confiance en lui, et il fut, pour plus de sûreté, transféré au château de Nantes (30 mars), d'où le 8 août il parvint à s'échapper. Blessé grièvement d'une chute de cheval dans sa fuite, il parvint cependant à gagner Belle-Isle, et de là Saint-Sébastien (12 septembre). Il ne se fixa pas cependant en Espagne, où il aurait été bien accueilli, mais gagna par mer l'Italie. Aussitôt arrivé à Piombino (3 novembre), il reprit le titre d'archevêque de Paris auquel il avait renoncé, et fut très bien accueilli par le pape Innocent X (Panfili) qui lui accorda le pallium (29 décembre) Moins bien vu d'Alexandre VII (Chigi), il voyagea successivement en Franche-Comté, en Allemagne, en Hollande; se rencontra à Bruxelles avec le grand Condé, travailla à la restauration des Stuarts sur le trône d'Angleterre (1660), et négocia entre Charles II et Mlle de Montpensier un mariage qui ne se réalisa pas. La mort de Mazarin (9 mars 1661) l'ayant délivré de son plus grand ennemi, il se rapprocha du roi, en 1662, et, ayant renoncé à l'archevêché de Paris, où il eut pour successeur M. de Marca (26 février 1662), il fut reçu à Fontainebleau par Louis XIV qui lui donna en compensation l'abbaye de Saint-Denis. Les dix-sept dernières années de sa vie se passèrent, tantôt à Saint-Denis ou à Saint-Mihiel, dans une retraite de lettré et de prélat assagi et bienfaisant, tantôt à Rome; il y assista aux conclaves où furent élus Clément IX (1667), Clément X (1670) et Innocent XI (1676). Il mourut chez sa nièce, la duchesse de Lesdiguières, après huit jours d'une fièvre maligne. La première édition de sa Conjuration de Fiesque parut en 1655 (Paris, in-12 de 208 pp., sans nom d'auteur); celle de ses Mémoires, après sa mort, en 1717 (Nancy, Amsterdam, 3 volumes, de 354, 359 et 389 pp.). (E. Asse).. - Considérations sur l'exercice du pouvoir monarchique en France « Il y a plus de douze cents ans que la France a des rois; mais ces rois n'ont pas toujours été absolus au point qu'ils le sont. Leur autorité n'a jamais été réglée, comme celle des rois d'Angleterre et d'Aragon, par des lois écrites. Elle a été seulement tempérée par des coutumes reçues et comme mises en dépôt, au commencement dans les mains des États généraux, et depuis dans celles des parlements. Les enregistrements des traités faits entre les couronnes et les vérifications des édits pour les levées d'argent sont des images presque effacées de ce sage milieu que nos pères avaient trouvé entre la licence des rois et le libertinage des peuples. Ce milieu a été considéré par les bons et sages princes comme un assaisonnement de leur pouvoir, très utile même pour le faire goûter aux sujets; il a été regardé par les malhabiles et par les malintentionnés comme un obstacle à leurs dérèglements et à leurs caprices. L'histoire du sire de Joinville nous fait voir clairement que saint Louis l'a connu et estimé; et les ouvrages d'Oresmieux, l'évêque de Lisieux, et du fameux Jean Juvénal des Ursins, nous convainquent que Charles V, qui a mérité le titre de Sage, n'a jamais cru que sa puissance fût au-dessus des lois et de son devoir. Louis onzième, plus artificieux que prudent, donna, sur ce chef, aussi bien que sur tous les autres, atteinte à la bonne foi. Louis XII l'eût rétablie, si l'ambition du cardinal d'Amboise, maître absolu de son esprit, ne s'y fût opposée. L'avarice insatiable du connétable de Montmorency lui donna bien plus de mouvement à étendre l'autorité de François Ier qu'à la régler. Les vastes et lointains desseins de MM. de Guise ne leur permirent pas, sous François Second, de penser à y donner des bornes. Sous Charles IX et sous Henri III, la cour fut si fatiguée des troubles que l'on y prit pour révolte tout ce qui n'était pas soumission. Henri IV, qui ne se défiait pas des lois, parce qu'il se fiait en lui-même, marqua combien il les estimait par la considération qu'il eut pour les remontrances très hardies de Miron, prévôt des marchands, touchant les rentes de l'hôtel de ville. M. de Rohan disait que Louis Treizième n'était jaloux de son autorité qu'à force de ne la pas connaître. Le maréchal d'Ancre et M. de Luynes n'étaient que des ignorants qui n'étaient pas capables de l'en informer. Le cardinal de Richelieu leur succéda, qui fit, pour ainsi parler, un fonds de toutes ces mauvaises intentions et de toutes ces ignorances des deux derniers siècles, pour s'en servir selon son intérêt. Il les déguisa en maximes utiles et nécessaires pour établir l'autorité royale; et la fortune secondant ses desseins par le désarmement du parti protestant en France, par les victoires des Suédois, par la faiblesse de l'Empire, par l'incapacité de l'Espagne, il forma, dans la plus légitime des monarchies, la plus scandaleuse et la plus dangereuse tyrannie qui ait peut-être jamais asservi un État. L'habitude, qui a eu la force, en quelques pays, d'accoutumer les hommes au feu, nous a endurcis à des choses que nos pères ont appréhendées plus que le feu même. Nous ne sentons plus la servitude, qu'ils ont détestée, moins pour leur propre intérêt que pour celui de leurs maîtres; et le cardinal de Richelieu a fait des crimes de ce qui faisait, dans le siècle passé, les vertus des Mirons, des Harlays, des Marillacs, des Pibracs et des Fayes. Ces martyrs de l'État, qui ont dissipé plus de factions par leurs bonnes et saintes maximes que l'or d'Espagne et d'Angleterre n'en a fait naître, ont été les défenseurs de la doctrine pour la conservation de laquelle le cardinal de Richelieu confina M. le président Barillon à Amboise; et c'est lui qui a commencé à punir les magistrats pour avoir avancé des vérités pour lesquelles leur serment les oblige d'exposer leurs propres vies. Les rois qui ont été sages et qui ont connu leurs véritables intérêts ont rendu les parlements dépositaires de leurs ordonnances, particulièrement pour se décharger d'une partie de l'envie et de la haine que l'exécution des plus saintes et même des plus nécessaires produit quelquefois. Ils n'ont pas cru s'abaisser en s'y liant eux-mêmes, semblables à Dieu, qui obéit toujours à ce qu'il a commandé une fois. Les ministres, qui sont presque toujours assez aveuglés par leur fortune pour ne se pas contenter de ce que ces ordonnances permettent, ne s'appliquent qu'à les renverser; et le cardinal de Richelieu, plus qu'aucun autre, y a travaillé avec autant d'imprudence que d'application. Il n'y a que Dieu qui puisse subsister par lui seul. Les monarchies les plus établies et les monarques les plus autorisés ne se soutiennent que par l'assemblage des armes et des lois; et cet assemblage est si nécessaire que les unes ne se peuvent maintenir sans les autres. Les lois désarmées tombent dans le mépris; les armes qui ne sont pas modérées par les lois tombent bientôt dans l'anarchie. La république romaine ayant été anéantie par Jules César, la puissance dévolue par la force de ses armes à ses successeurs subsista autant de temps qu'ils purent eux-mêmes conserver l'autorité des lois. Aussitôt qu'elles perdirent leur force, celle des empereurs s'évanouit; et elle s'évanouit par le moyen de ceux-mêmes qui, s'étant rendus maîtres de leur sceau et de leurs armes par la faveur qu'ils avaient auprès d'eux, convertirent en leur propre substance celle de leurs maîtres, qu'ils sucèrent, pour ainsi parler, de ces lois anéanties. L'empire romain mis à l'encan, et celui des Ottomans exposé tous les jours au cordeau, nous marquent par des caractères bien sanglants l'aveuglement de ceux qui ne font consister l'autorité que dans la force. » (Cardinal de Retz, Mémoires). | |