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La découverte de la matière L'histoire de la physique au XVIIIe siècle |
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Jalons | Les lois de la pesanteur avaient été découvertes au siècle précédent, mais il était difficile de les démontrer et de mesurer la constante qui intervient dans ces phénomènes, c.-à-d. l'accélération. Atwood y parvint (1784) par une disposition spéciale, qui permet de ralentir le mouvement à observer autant qu'on le désire, et de connaître par quel facteur on doit multiplier les résultats obtenus, pour les rapporter aux phénomènes de la chute libre. A cette époque aussi (Maskelyne, 1774) remontent les premiers essais pour déterminer la densité de la Terre. Parmi les progrès les plus notables de l'hydrostatique, à cette époque, il faut citer les expériences de Canton (1762), celles d'Abich et celles de Hubert (1779), qui montrèrent clairement et mesurèrent la compressibilité des liquides que l'on considérait généralement à cette époque comme incompressibles, depuis les expériences des académiciens de Florence et de Nollet. Les observations barométriques devenant plus nombreuses, on put rechercher la cause des variations constatées. Elles furent attribuées aux vents par de Mairan (1715). On remarqua aussi qu'elles sont très régulières à l'équateur, très variables au contraire quand on se rapproche des latitudes plus élevées. L'aéronautique date du XVIIIe siècle. Les rêves des inventeurs anciens pour s'élever dans les airs ne pouvaient avoir comme point de départ que le vol des oiseaux, tant que l'existence de l'air comme matière pesante était méconnue. Mais après les expériences du siècle précédent, l'air ayant été reconnu pesant, on devait penser, en lui appliquant le principe d'Archimède pour les liquides, qu'il exerçait une poussée sur les corps qui y sont plongés. Aussi trouve-t-on, dès 1670 (Lana), des projets de sphères vides d'air soutenant des voyageurs dans l'air. Mais des sphères assez résistantes pour soutenir la pression atmosphérique et plus légères que le poids de l'air déplacé étaient d'une construction irréalisable et, malgré l'intéressante dissertation sur la navigation aérienne que publia le P. Galien, la question n'avait pas fait un pas lorsque, quelques mois après sa mort, les frères Montgolfier (5 juin 1783) élevèrent dans les airs un gros ballon en toile couverte de papier, d'une hauteur de 35 pieds, « après l'avoir rempli d'une vapeur qu'ils savaient faire ». C'était tout simplement de l'air chaud obtenu en brûlant un mélange de paille et de laine : le ballon s'élève à 1000 toises en dix minutes et redescend 4 km plus loin. L'expérience fut recommencée à Versailles devant Louis XVI, et la montgolfière emporta des animaux qui ne périrent pas. Deux mois après, Pilâtre de Rozier se confiait à un ballon et tentait la première ascension. Les propriétés des vapeurs commencèrent à être mieux connues; nous voyons apparaître les premiers hygromètres qui permettent de mesurer le degré de saturation de l'air : hygromètre de de Saussure (1775), hygromètre à condensation de Leroy. Rappelons enfin que l'ammoniac fut liquéfié par Van Marum; c'était le premier exemple de liquéfaction des gaz. La propagation du son n'est pas instantanée; l'observation la plus superficielle des phénomènes journaliers nous l'atteste; cependant, les premières expériences pour mesurer la vitesse du son remontent à Gassendi et au P. Mersenne. Les premières expériences précises remontent à 1738, époque où les membres de l'Académie des sciences de Paris constatèrent qu'elle est de 333 m par seconde à la température de 0 °C. Ils étudièrent en outre l'influence de la direction et de la vitesse du vent. En ce qui concerne la chaleur, plusieurs phénomènes capitaux ont été reconnus pendant cette période; nous avons laissé au siècle précédent les physiciens embarrassés pour la construction de thermomètres comparables. On avait constaté qu'un seul point de repère était insuffisant. Newton en 1701 construit un thermomètre en employant jusqu'à six points fixes (glace fondante, température du corps humain, fusion de la cire, ébullition de l'eau, fusion d'un certain alliage, fusion du plomb). Cette fois, il y en avait trop. En 1714, Fahrenheit réussit à fabriquer des thermomètres comparables en employant seulement deux points fixes peu commodes; il adopta ensuite ceux d'Amontons, glace fondante et eau bouillante, mais employa une échelle compliquée (32° pour la glace fondante et 212° pour l'eau bouillante). Réaumur (1730) adopta les mêmes points fixes, mais il appela 0° et 80° les températures correspondantes à ces points; Celsius, au contraire (1742), proposa le thermomètre centigrade (auj. gradué en degrés Celsius ou °C) actuellement de beaucoup le plus employé. Une fois mis en possession d'un appareil précis et constant, on put aborder quantitativement les problèmes de chaleur. On remarqua d'abord que le point d'ébullition de l'eau dépend de sa pureté (de Luc), qu'elle dépend de l'altitude : au sommet du Canigou, Le Monnier observa que l'ébullition de l'eau se produisait 9 °C plus bas qu'au pied de cette montagne. On étudia aussi la façon dont les corps se dilatent sous l'influence de la chaleur. Les phénomènes de la fusion et de l'ébullition étaient alors incompréhensibles; on remarquait que pendant la durée de ces phénomènes la température ne varie pas et l'on se demandait ce que devenait la chaleur qu'on fournissait au corps; rappelons qu'à cette époque on discutait encore la question de savoir si la chaleur était pesante et on expérimentait à ce sujet : témoin les expériences de Fordyce, qui crut trouver pour la chaleur un poids négatif. Black, en 1762, remarque que pour faire fondre un certain poids de glace primitivement à 0 °C et pour l'amener à 7 °C, il faut l'exposer 21 fois plus longtemps à une certaine source de chaleur que pour amener le même poids d'eau de 0 °C à 7 °C, de sorte qu'on fournit à cette glace, d'après l'expression de Black, 21 X 7 ou 147 degrés, tandis qu'on ne fournit à l'eau à 0° que 7 degrés. La glace, rien que pour fondre, absorbe donc 140 degrés de température que le thermomètre n'indique pas. C'est cette chaleur que Black caractérisa sous le nom de chaleur latente. Si, dans ce qui précède, nous changeons le mot degrés en calories, l'explication de Black devient tout à fait correcte; on ne peut pas en effet exprimer les quantités de chaleur en degrés, qui ne sont que les caractéristiques des états caloriques des corps, mais en une unité de même nature, la calorie. Black constata de même l'existence d'une chaleur latente de vaporisation. Pour Black, les corps absorbent de la chaleur parce qu'ils se combinent au calorique (un des fluides impondérables dont on fait l'hypothèse à l'époque). Pour Crawford, le calorique est contenu à l'intérieur des corps, et c'est parce que les corps augmentent beaucoup de volume en se vaporisant qu'ils peuvent absorber tant de chaleur. Lavoisier remarque que cette explication, plausible pour l'ébullition, ne l'est pas pour la fusion; il regarde plutôt ces phénomènes comme résultant d'une dissolution des corps par le calorique. A cette question de chaleur latente se trouve intimement liée celle des chaleurs spécifiques; elle fut élucidée vers la même époque. Black remarqua qu'en mélangeant des poids ou des volumes égaux de corps différents, portés à des températures différentes, on obtenait une température qui, le plus souvent, n'était pas la moyenne arithmétique des températures primitives. Ainsi une livre d'huile à 60°, mêlée d'une livre d'eau à 0°, donne un mélange qui marque 20°; l'huile de baleine a perdu 40 degrés, l'eau n'en a perdu que 20. Black en conclut (1763) que les corps absorbent des quantités de chaleur différentes pour que leur température s'élève d'un même nombre de degrés. Wilcke donna à cette chaleur particulière aux corps le nom de chaleur spécifique (1772). La question en étant arrivée à ce point, la calorimétrie prit naissance; de même qu'au siècle précédent on avait commencé à mesurer les degrés, c.-à-d. les états calorifiques des corps, de même on commença à mesurer les quantités de chaleur correspondant aux divers phénomènes thermiques. Le premier calorimètre à glace a été imaginé par Laplace et Lavoisier. On savait peu de chose à cette époque sur la chaleur rayonnante: on avait vu les rayons lumineux, concentrés par les miroirs, enflammer des corps et par conséquent la lumière être accompagnée par la chaleur. Lambert (1779) signala le premier l'existence de rayons calorifiques non lumineux. Mais ces questions furent surtout étudiées plus tard. En optique, Scheele découvre une nouvelle propriété des rayons lumineux; ils peuvent décomposer le chlorure d'argent, et ce sont surtout les rayons violets du spectre qui produisent ce phénomène (1781). Plus tard, Wollaston montre que ce phénomène s'étend au delà du violet, là où nous ne voyons pas de lumière, et que cet espace, l'ultra-violet, où se produisent des actions chimiques, est au moins aussi étendu que le spectre visible. On cherche à mesurer la lumière à peu près en même temps que la chaleur, mais avec moins de succès. Aussi voyons-nous apparaître en 1700 un petit Traité de photométrie de François Marie : on mesurait l'intensité d'une lumière donnée en déterminant le nombre de verres qu'il fallait placer sur son trajet pour l'atténuer jusqu'à un certain point. Bouguer comparait deux lumières en les plaçant à des distances telles qu'elles éclairassent un petit écran avec la même clarté, mais son procédé laissait à désirer, parce qu'il faisait passer les rayons lumineux provenant d'une des sources à travers une lentille; le verre de celle-ci absorbait une certaine quantité de la lumière à mesurer. Lambert s'occupa ensuite des mêmes questions. Une découverte importante vint permettre d'apporter aux instruments d'optique un perfectionnement considérable. Un physicien suédois, Klingenstierna, montra en 1755 que les divers corps possèdent des dispersions différentes, c.-à-d. que le rapport qui existe entre les indices de réfraction du rouge dans deux verres différents n'est pas le même que le rapport entre les indices de réfraction du violet dans les mêmes verres; il en résultait ce fait capital, immédiatement compris par Dollond, qu'on pouvait construire des instruments d'optique, en associant des verres convenablement choisis de façon à faire disparaître presque complètement ces irisations que l'on observait avec les lentilles ordinaires. Ce fut lui qui construisit les premières lunettes achromatiques. C'était là un progrès très considérable. C'est aussi à cette époque que furent imaginés le microscope solaire (Lieberkuhn, 1748) et l'héliostat (Gravesande). L'électricité fait de nouveaux progrès; non seulement les machines d'électricité statique se perfectionnent, et l'on découvre de nouvelles propriétés à ce fluide électrique, dont les théories imaginées alors admettent l'existence, mais encore, à la fin du siècle, Galvani fait ses expériences mémorables et engage avec Volta cette discussion qui conduisit ce dernier physicien à imaginer en 1800 la pile qui porte son nom et qui devait être le point de départ de l'électricité dynamique. Parmi les phénomènes nouveaux qui furent observés, on peut citer les travaux de Gray (1729) qui montrèrent que, parmi les corps, les uns ne conduisent pas l'électricité, tandis que d'autres la conduisent; ce sont ces derniers, que l'on appela conducteurs, que l'on qualifiait au siècle précédent de non électriques. Dufay répéta les expériences de Gray et remarqua combien l'humidité de l'air facilitait la déperdition de l'électricité. Il observa en outre que le verre frotté acquiert une électricité différente de celle que donne la résine quand on la frotte, car les corps électrisés que le verre attire, la résine les repousse, et inversement. De là les noms d'électricité résineuse et d'électricité vitrée. Dufay observe aussi que les électricités de même espèce se repoussent et que les électricités de même nom s'attirent. En même temps,les machines électriques se perfectionnent (Mollet, Hausen, Winckler, machines à disque de verre, 1766), les étincelles qu'elles donnent deviennent plus visibles; on montre qu'elles peuvent enflammer l'éther (le solvant), la poudre; une expérience entre autres semble merveilleuse : l'inflammation de l'éther à l'aide d'une, étincelle partie de la main d'une personne électrisée. Mais bientôt (1746) une découverte plus étonnante, celle de la condensation électrique (Musschenbroeck), permettait d'augmenter considérablement les effets des étincelles. Les premières expériences, décrites avec exagération, ne furent répétées qu'avec crainte: l'expérience de Leyde produisait, en effet, de violentes commotions, et en assemblant en batteries plusieurs bouteilles de Leyde on obtenait des décharges capables de tuer des animaux de forte taille. Aussi les étincelles électriques si peu visibles, que Wall comparait dès 1708 à l'éclair, furent-elles beaucoup plus facilement assimilées à la foudre après ces expériences. Franklin vint compléter la comparaison : avec son cerf-volant électrique dont la ficelle était légèrement conductrice, il obtint de violentes étincelles entre la terre et l'extrémité de la corde de son cerf-volant, maintenue par une substance isolante, quand des nuages orageux se trouvaient au-dessus de sa tête. Franklin, à la suite de cette expérience, avait pensé se préserver du tonnerre en l'attirant par des barres de fer conductrices, mais il ne réalisa pas son projet, et ce fut Dalibard qui l'exécuta à Marly (10 mai 1752). Franklin reprit ensuite cette étude: le paratonnerre était inventé. En même temps que les découvertes se succédaient, les théories prenaient naissance. Watson, dès le début, émet cette idée que, lorsqu'une personne appuie ses mains sur le globe de soufre de la machine électrique, il n'y a pas production, à proprement parler, d'électricité, mais simplement déplacement, car ce que la machine a en plus, la personne l'a en moins, de là les noms d'électricités positive et négative. Les lois des attractions et répulsions électriques furent étudiées avec soin par Coulomb qui montra que ces actions étaient inversement proportionnelles au carré de la distance. Parmi les instruments nouveaux, on voit figurer l'électrophore de Volta, les électromètres de Dufay et de Volta et un appareil plutôt théorique que pratique de télégraphie (?) consistant en 24 fils isolés portant chacun à l'une de leurs extrémités deux balles de sureau suspendues à des fils légers. Chaque fil représentait une lettre. En touchant l'un des fils à l'autre extrémité avec un corps électrisé, on voyait les pendules correspondants diverger à l'autre et par suite signaler la lettre correspondante au bureau récepteur. Les faits nouveaux du magnétisme pour ce siècle se rapportent aux boussoles de déclinaison (La Hire), à la mesure de l'intensité du magnétisme que Graham détermina en 1723 en examinant les oscillations de sa boussole d'inclinaison, de même que l'on peut trouver l'intensité de la pesanteur par l'observation du pendule. Les premières boussoles d'inclinaison étant peu sensibles, on crut d'abord que l'intensité magnétique était constante à la surface de la terre. Plus tard, avec des instruments plus précis, Lamanon put observer des différences. Enfin, vers la fin de ce siècle, Coulomb retrouva pour les actions magnétiques les lois qu'il avait formulées à propos de l'électricité. Les attractions et répulsions magnétiques sont en raison directe des masses et en raison inverse du carré des distances. Comme ce rapide examen le montre, l'oeuvre du XVIIIe siècle fut des plus remarquables: on connaît les gaz, on sait les manier; la constitution de l'air n'est plus un mystère, l'humain a pris possession de l'océan aérien; les notions de degrés de température et de quantité de chaleur ont fait leur apparition; les phénomènes de la fusion et de la volatilisation sont étudiés quantitativement. Les instruments d'optique se sont perfectionnés grâce à l'achromatisme, la photochimie commence; l'électricité statique produit des effets nouveaux et d'une puissance inconnue jusqu'alors, l'électricité atmosphérique est étudiée, l'électricité dynamique est née avec la dernière année du siècle, elle va faire du siècle suivant le siècle de l'électricité. (A. Joannis). |
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