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La
découverte de la matière
L'histoire de la physique au XIXe siècle |
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Jalons |
Les progrès
de la physique au XIXe
siècle sont si nombreux et si remarquables que nous ne
pouvons, dans un historique aussi court que celui-ci, que rappeler les
découvertes les plus saillantes.
Les propriétés des gaz ont été étudiées avec la plus grande précision. Non seulement la loi de Mariotte a été examinée sous de très fortes et sans de très faibles pressions, et l'on a reconnu qu'elle n'était qu'une loi approchée, mais on, a introduit la notion du point critique. Faraday, au commencement du XIXe siècle, avait réussi à liquifier un certain nombre de gaz, montrant ainsi l'analogie des gaz et des vapeurs; mais certains autres avaient résisté même à des pressions dépassant un millier d'atmosphères. Des expériences de Cagniard de Latour ont montré qu'un liquide pouvait se vaporiser entièrement dans un espace à peine plus grand que son volume; celles d'Andrews ont montré qu'au-dessus d'une température, appelée température critique, un gaz ne pouvait être liquéfié quelle que fut la pression; il fallait donc faire agir simultanément la pression et le froid pour avoir raison des gaz permanents. Cailletet réussit à liquéfier tous les gaz par l'application éléggante d'un principe connu : le froid produit par la détente brusque d'un gaz comprime (1877), et à l'aide d'un appareil très simple; quelques jours après, Pictet arrivait à un résultat analogue à l'aide d'un matériel puissant. La pompe sans espace nuisible de Cailletet vint ensuite permettre de produire facilement l'éthylène liquide et par suite d'obtenir des froids plus intenses que ceux que l'on savait d'abord produire; aussi, les méthodes frigorifiques se perfectionnant, on put avoir tous les gaz à l'état liquide stable sous la pression atmosphérique; le gaz le plus résistant, l'hydrogène, bout à - 238,2 °C. En 1897, Dewar a construit un appareil de laboratoire permettant la facile liquéfaction de l'air. Avec la machine de Linde (1898) et une force de trois chevaux-vapeur, on peut obtenir un litre d'air liquide par heure. On peut garder assez longtemps ces liquides à l'air libre à condition de le placer dans un vase de verre à doubles parois; entre ces parois on a fait un vide aussi parfait que possible. On a proposé, sous le nom de théorie cinétique des gaz, une théorie permettant d'expliquer les phénomènes que présentent ces gaz : loi de Mariotte, diffusion, expériences de Crookes sur la matière radiante, etc. Les gaz y sont représentés comme formés de molécules sans actions réciproques sensibles, animées d'un rapide mouvement de translation; la pression qu'exercent les gaz sur les vases résulte de la série des chocs que ces molécules font éprouver aux parois. Les principales recherches d'acoustique se rapportent à la mesure plus exacte de la hauteur des sons, soit avec la sirène de Cagnard de Latour ou autres instruments analogues (Roue de Savart, etc.), soit aux vibrations des tuyaux sonores, des cordes, des verges et des plaques qui ont été l'objet de recherches expérimentales et théoriques; la théorie des instruments à vent et à cordes en est résultée; la théorie physiologique de la musique d'Helmholtz a jeté un jour nouveau sur ces questions. Les vibrations des corps ont aussi été étudiées par l'inscription du phénomène même, suit par le déplacement d'une tache lumineuse comme dans les expériences si élégantes de Lissajous, soit par te déplacement d'un style léger sur une surface recouverte de noir de fumée, soit encore par l'inscription à l'aide d'un style sur une plaque ou un cylindre de cire. Cette étude des vibrations, commencée pour déterminer leur hauteur, puis pour étudier leurs timbres, a fini avec le phonautographe de Scott par l'étude de la voix humaine. De l'étude de la voix à sa production il n'y avait qu'un pas; il a été franchi d'abord par Faber avec sa machine parlante qui reproduisait les sons par des procédés mécaniques imitant les mouvements de la bouche, puis par Edison à l'aide de son phonographe, qui se compose d'un style qui inscrit sur un cylindre les vibrations que produisent des paroles articulées devant une plaque flexible et qui peut ensuite, quand on refait parcourir au style toutes les sinuosités qu'il a tracées, faire reproduire à la plaque ses diverses vibrations successives; ces vibrations se communiquent à l'air, et l'on entend les paroles primitives. La vitesse du son, déjà mesurée au siècle précédent, a fait l'objet de déterminations nouvelles et plus précises. Citons le nombre obtenu par Violle : 331,10 m/s à °C à un décimètre par seconde près. En chaleur, les méthodes expérimentales se sont perfectionnées; on possède actuellement des thermomètres sensibles et précis; les méthodes calorimétriques, fondées maintenant à peu près uniquement sur les mélanges (calorimètre Bunsen excepté), donnent des résultats très bons. Avec ces instruments on a des déterminations très précises, Les lois de la formation des vapeurs, la mesure de leurs tensions aux diverses températures, ont été l'objet d'un grand nombre de travaux. On a déterminé de même les chaleurs latentes de fusion et de volatilisation d'un grand nombre de corps, ainsi que leurs chaleurs spécifiques. Ces derniers ont donné lieu à la loi remarquable de Dulong et Petit : la chaleur spéciflque d'un corps simple multipliée par son poids atomique est un nombre constant. Depuis, et surtout pendant vers la fin du siècle, en étudiant diverses propriétés des solutions, on a trouvé des lois analogues on interviennent les poids moléculaires des corps dissous et des dissolvants et diverses constantes physiques comme l'abaissement des points de congélation, l'abaissement relatif de tension de vapeur, etc. Ces lois, relatives à la cryoscopie et à la tonométrie, sont dues à Raoult, elles rendent de précieux services aux chimistes. La chaleur rayonnante a perfectionné ses méthodes; on a réussi à reproduire avec, les radiations calorifiques à peu près les mêmes phénomènes qu'avec les radiations lumineuses; on a étudié leur réfraction, réflexion, diffusion, leur polarisation, etc.; on s'est servi de bolomètres très sensibles pour évaluer la quantité considérable de chaleur qu'émet par seconde le Soleil dans l'espace. En même temps se sont perfectionnées les méthodes permettant d'obtenir de grandes différences de températures, soit des températures élevées, soit des températures basses. Nous venons de parler de ces dernières; on les utilise soit dans le cryogène Cailletet, soit dans le frigorifère Vincent. Pour les hautes températures, le procédé le plus commode pour les obtenir, procédé qui a donné à Moissan un grand nombre de faits intéressants, consiste à utiliser l'arc électrique (four électrique); on obtient ainsi une température constante de 3500°, comme l'a montré Violle. La mesure des températures élevées à l'aide de pyromètres optiques ou de couples thermoélectriques a fait également de notables progrès; pour les basses températures, en emploie le thermomètre à hydrogène ou les couples thermoélectriques. Mais les résultats les plus importants auxquels a conduit l'étude de la chaleur est la théorie mécanique de la chaleur; la chaleur est un mouvement; elle peut être produite de bien des façons par des actions mécaniques, mais il y a toujours un rapport constant, L'équivalent mécanique de la chaleur, entre le nombre de kilogrammètres dépensés pour produire de la chaleur et le nombre de calories ainsi produites. Ce rapport, très important à counaître, est difficile à déterminer, aussi perfectionne-t-on constamment les méthodes qui peuvent le faire connaître. Une autre constante, également très importante pour cette théorie, le rapport des chaleurs spécifiques des gaz à pression et à volume constant, a été souvent déterminée. En 1896, Maneuvrier a trouvé pour ce rapport 1,392 pour l'air. La dilatation des corps a aussi été très exactement étudiée, soit pour déterminer les constantes qui y sont relatives, soit au point do vue d'applications diverses. Parmi les faits les plus remarquables, citons la mesure de la dilatation absolue des liquides, la contraction de l'eau entre 0°C et 4 °C; la dilatation des cristaux qui se fait inégalement dans les diverses directions pour un grand nombre de cristaux. Des mesures précises ont montré que si on taille une sphère dans un cristal, elle se transforme en ellipsoïde lorsqu'on fait varier sa température (Fizeau). Rappelons enfin, au point de vue des applications, l'énorme développement pris par les machines à vapeur, et le retentissement considérable qu'a eu cette invention sur toutes les branches de l'activité humaine. En optique, les progrès considérables. Les siècles précédents nous avaient montré les phénomènes de diffraction et d'interférences; d'autres, découverts dans le commencement du XIXe siècle (polarisation), étaient venus se joindre aux premiers. On cherchait à expliquer tous les faits constatés, soit par la théorie de l'émission, soit par celle des ondulations. Tout d'abord elles luttaient à peu près également, mais on remarqua que la théorie de l'émission conduisait à admettre que la vitesse de la lumière était plus petite dans l'air que dans l'eau, tandis que l'autre conduisait à la conclusion inverse; l'expérience allait enfin pouvoir décider; Foucault mesura ces vitesses, et la théorie des ondulations triompha. Par la suite, elle s'est prêtée facilement à l'interprétation des phénomènes les plus délicats qu'on ait découverts; elle explique facilement les interférences, les franges de diffraction, elle en calcule tous les détails elle explique les phénomènes si curieux de la polarisation rectiligne, de la polarisation circulaire ou elliptique, de la polarisation chromatique, de la polarisation rotatoire. La réfraction, la dispersion peuvent, en outre, être notées d'une façon très précise par la longueur d'onde correspondante. Cette longueur d'onde a des applications variées, tantôt elle sert à mesurer les phénomènes les plus délicats (dilatation des cristaux, Fizeau), tantôt elle sert en quelque sorte d'étalon de longueur, car c'est à elle (longueur d'onde d'une certaine raie des sels de cadmium) que l'on compare les étalons de longueur du mètre international, et c'est elle qui, dans quelques siècles, pourra attester, soit l'invariahilité, soit, au contraire, le changement de longueur des étalons. En outre, les phénomènes de la chaleur rayonnante et la présence des radiations calorifiques dans le spectre faisaient en quelque sorte profiter la théorie de la chaleur des perfectionnements de l'optique. Le physicien semblait donc arrivé, en ce qui concerne l'optique, au bout de sa carrière, n'ayant plus qu'à mesurer des constantes, la vitesse de la lumière par exemple, et à perfectionner les instruments. C'est surtout dans cette voie que se portaient les recherches : la découverte de nouveaux verres facilitait d'ailleurs la réalisation de l'achromatisme et de l'aplanétisme des lentilles. C'est en plein succès de la théorie des ondulations que Roentgen découvrit ces fameux rayons qu'il appela rayons X et que l'on nomme aussi, à juste titre, les rayons Roentgen. On sait que leur propriété principale, la plus frappante d'abord, est de traverser des substances que nos yeux nous font considérer comme opaques, et d'être arrêtés au contraire par d'autres qui pour nous sont transparentes. Ce qui a frappé le plus vivement à ce point de vue ce sont ces photographies si curieuses où le squelette apparaît parce qu'il est opaque pour ces rayons, tandis que la chair n'apparaît pas on à peine étant transparente. Mais nous connaissons déjà des rayons qui ont cette propriété : les rayons calorifiques sont arrêtés par l'alun qui est transparent et passent au contraire à travers une solution opaque d'iode dans le sulfure de carbone. Cette propriété des rayons X n'était donc pas extraordinaire en elle-même; mais ils jouissent d'autres propriétés plus singulières : les premières expériences montrèrent qu'ils ne se réfractent pas, qu'ils ne se réfléchissent pas; ils ont la propriété de décharger les corps électrisés qu'ils rencontrent; ils produisent parfois sur la peau des brûlures très longues à guérir; ils produisent des phénomènes de fluorescence remarquables qui permettent de voir directement, sans l'intermédiaire d'une photographie, les os de son propre squelette, ou les objets enfermés dans une caisse (lorgnette Seguy), etc. Les expériences menées à la toute fin du XIXe siècle indiquent l'existence de plusieurs sortes de rayons X se différenciant par leur inégale absorption par une même substance. La théorie des rayons X n'existe pas encore en ce siècle : on propose au mieux une théorie analogue à celle de l'émission; toutefois la théorie des ondulations semble encore préférable, mais on est obligé d'admettre des longueurs d'onde très courtes qui font penser qu'il y a une lacune considérable entre les derniers rayons violets et même ultra-violets et les rayons X, s'ils sont de même nature que les rayons lumineux. On croit, à cette époque, qu'il existe également une lacune entre les plus courtes des ondes radios et les plus longues des ondes infrarouges. En 1802, Wollaston, observant un spectre solaire, y remarqua quelques raies noires auxquelles, d'ailleurs, il n'attribua pas d'importance, mais, en 1817, Fraunhofer observa le même phénomène, et, s'aidant d'une lunette; il aperçut un très grand nombre de raies noires très déliées : il en compta plus de 600. Herschel, en 1822, remarqua que les flammes des gaz colorés donnaient un spectre formé seulement de quelques lignes brillantes. Brewster (1832) expliqua par une même théorie la présence des raies noires du spectre solaire et des raies brillantes des flammes colorées; on put, de plus, connaître les corps simples qui se trouvent dans le Soleil et avoir une idée de la constitution de cet astre; l'analyse spectrale enfin était créée et l'on sait qu'elle conduisit presque aussitôt Bunsen et Kirchhoff (1859) à la découverte de corps nouveaux. Depuis, de nombreux éléments ont été découverts de même, comme, par exemple, le gallium, par Lecoq de Boisbaudran, et l'hélium (1895) dont la présence avait été signalée dans le Soleil avant d'être découvert sur la Terre. Abordons maintenant un tout autre sujet : on connaissait, au XVIIIe siècle, l'action de la lumière sur le chlorure d'argent (Scheele), mais la photographie date du XIXe siècle; cette technlogie débute avec Niepce (1813-1829) et Daguerre (daguerréotype publié en 1839), qui obtiennent les premières images photographiques. Du temps de Daguerre, le temps de pose atteignait souvent 15 minutes; la découverte des plaques au collodion humide augmenta beaucoup la rapidité de l'opération; celle du gélatine-bromure permettant d'opérer dans les conditions beaucoup plus commodes et en une fraction de seconde. La reproduction des couleurs a été longtemps cherchée; en 1847, Becquerel obtint de remarquables épreuves, qu'on ne sait pas encore fixer malheureusement et qui, par conséquent, doivent être gardées à l'abri de la lumière et observées seulement à un demi-jour. En 1891, Lippmann, par un procédé différent, qui est une élégante application des phénomènes d'interférences, réussit à reproduire avec une fidélité remarquable les couleurs du spectre. Rappelons, en outre, que la découverte du stéréoscope (Wheastone, Brewster) permet de voir les objets avec leur relief véritable. De plus, l'invention du cinématographe les fait voir avec leurs mouvements. Les progrès de l'électricité et du magnétisme ne sont pas moindres pendant le XIXe siècle. L'électricité dynamique naît avec le XIXe siècle; les découvertes qu'elle amène sont considérables : découvertes chimiques des métaux alcalins, découverte de l'induction, de l'électromagnétisme; ces deux phénomènes nouveaux ont des conséquences d'une portée incalculable; l'induction donne naissance aux bobines d'induction, mais surtout aux machines dynamos qui nous fournissent l'électricité nécessaire aux applications si nombreuses d'éclairage, de production de force motrice, d'électrolyse, etc. L'électrochimie est de date relativement tardive; elle consistait surtout dans un premier temps dans la galvanoplastie, ensuite son domaine s'étend à diverses opérations métallurgiques, au tannage, à l'épuration des alcools, à l'assainissement des égouts, etc. Quant à l'électromagnétisme, ses applications ne sont pas moins utiles, il suffit, pour en montrer l'importance, de citer les télégraphes, les moteurs et machines magnétoélectriques, le téléphone. Parmi les découvertes de la fin du siècle, signalons l"effet Zeeman (1896) une flamme jaune de sodium présente deux raies jaunes brillantes à l'analyse spectrale; si l'on place la flamme entre les deux pôles d'un électro-aimant, au moment où l'on envoie un courant dans celui-ci, on voit les deux raies jaunes s'élargir, en même temps on constate que les bords de ces raies élargies sont polarisées circulairement. Mais il est une autre série de phénomènes très intéressants, dont l'observation première est due à Hertz et qui a conduit à des notions très remarquables sur les rapports de l'électricité et de la lumière : c'est le phénomène des oscillations électriques. On y a vu pour la première fois de véritables rayons électriques (qu'on appellera plus tard électromagnétiques) se propager en ligne droite, se réfléchir, se réfracter; on a pu mesurer leurs longueurs d'ondes dont les plus courtes, 6 mm, sont encore beaucoup plus considérables que les longueurs d'onde de la lumière rouge. Ces premières expériences ont conduit à des expériences de télégraphie sans fil, qui ont réussi sur plusieurs centaines de mètres de parcours. De plus, la théorie électromagnétique de la lumière de Maxwell prévoit que le rapport entre l'unité électromagnétique et l'unité électrostatique d'électricité doit être égal à la vitesse de la lumière. Thomson a trouvé 300 400 km/s; plus tard Pellat a trouvé 300 700 km/s, tandis que les expériences de Cornu ont donné pour la vitesse de la lumière 300 300 km/s, nombres très concordants. Ces deux ordres de phénomènes, l'existence de véritables rayons électriques et le rapport des unités électriques avec la vitesse de la lumière, montrent la tendance des physiciens de la seconde moitié du XIXe s. à représenter par les vibrations de l'éther les phénomènes calorifiques, lumineux, électriques ou magnétiques. On croit alors que lorsque l'attraction universelle serait rattachée à ce système, comme certains essais pouvaient permettre de l'imaginer, la physique ne serait plus que l'étude des vibrations : vibrations des molécules des corps eu acoustique, vibrations de l'éther qui les entoure pour les autres parties de cette science; ainsi commençait à se réaliser pour la physique cette synthèse générale de tous les faits dans une même théorie. Il restait, croiyait-on quelques échelons à franchir encore, mais déjà on s'imaginait apercevoir le but. C'était sans compter sur la double révolution qu'allait connaître la physique au début du XXe siècle, avec la découverte du monde quantique, d'une part, et la publication de la théorie de la relativité d'Einstein (1905). Cette-dernière, remaniant les concepts d'espace et de temps, mettra fin entre autre à l'illusion de l'éther comme milieu de propagation des ondes. (A. Joannis). |
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