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La maison d'Estrées,
originaire du Boulonnais, est une famille
noble de France, qui a pris son nom de la
petite ville d'Estrées en Cauchie, près de Béthune,
et a formé, un grand nombre de branches. La généalogie
suivie remonte à 1437. Cette maison a produit :
• Jean, vicomte de Soissons, seigneur de Coeuvres (auj. Coeuvres-et-Valsery, dans l'Aisne), premier baronet sénéchal de Boulonnais, né en 1486, mort en 1571, maître et capitaine général de l'artillerie en 1550, dont Brantôme vante le courage et qui réforma l'artillerie. • Son fils Antoine, maître de l'artillerie en 1596, chevalier du Saint-Esprit, gouverneur de l'lle-de-France, célèbre surtout parce qu'il fut le père de Gabrielle d'Estrées (V. ci-dessous); il était marié à Françoise Babou de La Bourdaisière, une des sept soeurs belles et spirituelles qu'on appelait les « Sept Péchés mortels »; • Son fils, François-Annibal (1573-5 mai 1670), marquis de Coeuvres, ambassadeur, à Turin et à Mantoue (1614), à Rome (1621), en Suisse (1626), maréchal de France, sous Louis XIII, en 1626, à la suite de sa belle défense de Mantoue; il prit Trèves en 1632; ambassadeur à Rome en 1636, il décida l'élection de Grégoire XV; il fit fonction de connétable au sacre de Louis XIV (1654). Il avait été fait chevalier du Saint-Esprit en 1632 et avait reçu un brevet de duc, en 1648; il fut fait pair en 1661; il ,avait exercé sur le gouvernement une grande influence pendant la Fronde. II a laissé des Mémoires sur la régence de Marie de Médicis (1610-1617), publiés à Paris en 1666 et réimprimés dans les grandes collections de mémoires. • Son fils, François-Annibal II, né en 1623, mort le 30 janvier 1687, marquis de Coeuvres, puis duc d'Estrées, gouverneur de l'lle-de-France, lieutenant général en 1667, fut nommé ambassadeur à Rome en 1672; il y demeura jusqu'à sa mort et eut à traiter les questions les plus délicates (déclaration de 1682, affaire de la Régale, question des franchises); il se ruina par le faste qu'il déploya pendant son ambassade. • Son fils, François-Annibal III, comte de Nanteuil, marquis de Coeuvres, puis duc d'Estrées, né le 30 décembre 1648, mort le 11 septembre 1698, chevalier du Saint-Esprit en 1688, refusa l'ambassade de Rome qu'on lui offrait à la mort de son père. • Son fils, Louis Armand, duc d'Estrées, né le 3 septembre 1682, mourut le 16 juillet 1723 sans postérité. • Jean, fils du second duc, fut évêque-duc de Laon en avril 1681. • César, troisième fils du premier duc, cardinal d'Estrées, né le 12 février 1628, mort le 18 décembre 1714, fut évêque-duc de Laon dès 1653; sa beauté n'était pas moins célèbre que son esprit et ses talents diplomatiques. Il fut nommé membre de l'Académie française en 1657, sans qu'il ait jamais rien écrit. Il négocia avec le nonce, lors des querelles da jansénisme, la paix de l'Eglise ou paix de Clément IX; il s'occupa ensuite de marier Mlle d'Aumale et Mlle de Nemours, l'une au roi du Portugal, l'autre au duc de Savoie; chargé d'une mission spéciale à Rome en 1671, il en rapporta le chapeau de cardinal, obtenu sur la nomination du Portugal; il fut « protecteur » de cette couronne à la cour de Rome. Il fut envoyé en 1678 à Munich, pour traiter le mariage du dauphin. II prit part aussi à plusieurs conclaves; à partir de 1682, il résida le plus souvent à Rome, chargé de traiter, d'accord avec son frère, les affaires du roi; il se montra l'un des plus hardis défenseurs des prérogatives royales. Louis XIV le chargea en 1702 d'aller voir à Milan Philippe V qu'il accompagna en Espagne; il avait été jusque-là l'ami intime de la princesse des Ursins; il se brouilla avec elle pendant son séjour en Espagne et soutint contre elle, la reine et les grands, une lutte qui soumit Philippe V aux scènes les plus violentes; Louis XIV avait exhorté son petit-fils à se soumettre aveuglément au cardinal en qui il voyait l'homme le plus capable qu'il eût dans son royaume! D'Estrées prétendit gouverner absolument et lire toute la correspondance de Philippe V; il fut rappelé en 1703. Ayant renoncé à l'évêché de Laon en 1681, il avait reçu le titre d'évêque d'Albanie, il fut aussi camerlingue du sacré collège et abbé de Saint-Germain-des-Prés. Il fut fait commandeur des ordres en 1688. Ses Négociations avec Rome de 1617 à 1697 sont conservées en manuscrits à la Bibliothèque nationale. • Jean, comte d'Estrées, frère du second duc et du cardinal, né le 3 novembre 1624, mort le 19 mars 1707; il servit avec beaucoup de distinction dans l'armée de Flandre (1644-1659), et fut nommé lieutenant général en 1655; Colbert, désireux de donner de l'éclat au corps des officiers de marine en y appelant des gentilshommes de grandes familles, y fit entrer le comte d'Estrées en 1668; il fut embarqué d'abord sur un des vaisseaux de l'escadre qui alla à Lisbonne en 1668 porter des présents à la reine du Portugal; naturellement, il n'avait aucune des qualités pratiques de l'officier de marine et il ne paraît pas qu'il se soit beaucoup mis en peine de les acquérir; mais il arriva souvent à cette époque que des officiers de l'armée fussent introduits dans la marine sans qu'on leur demandât autre chose que de montrer leurs qualités guerrières dans les combats navals, de suivre les conseils des marins expérimentés pour tout ce qui concernait les détails du métier nautique; malheureusement, d'Estrées, sur ce dernier point, nétait pas très docile; il repoussait volontiers les avis des experts manoeuvriers tels que Duquesne et faisait fi des dualités des plus habiles marins. En revanche, il se distingua par les mêmes qualités qui l'avaient fait remarquer dans l'armée de terre et finit par acquérir une certaine habileté dans les combats navals, suppléant à ce qui lui manquait du côté de l'instruction technique. Investi dès le mois de novembre 1649 de la dignité de vice-amiral de Ponant, qui n'avait rien de commun avec les grades, il conduisit avec succès une campagne contre les Barbaresques (1670); il dirigea les opérations navales pendant la guerre de Hollande, s'empara de Cayenne (1676) et commanda avec succès l'expédition de Tobago (1677) contre l'amiral hollandais Binks. Il reçut en 1686 le titre tout honorifique de vice-roi d'Amérique. Il avait été fait maréchal de France le 24 mars 1681 et chevalier des ordres du roi en 1688. Les affaires de Cayenne et de Tobago lui furent très glorieuses, mais on l'accusa d'avoir, par ignorance, fait échouer ses vaisseaux sur les rochers d'Aves (1678). Il céda sa charge de vice-amiral à son fils Victor-Marie. • Victor Marie d'Estrées, fils du précédent, connu sous le nom de marquis, puis de maréchal de Coeuvres, est né le 30 novembre 1660, et est mort le 27 décembre 1737. Entré au régiment de Picardie comme enseigne de la compagnie colonelle le 26 janvier 1678, Coeuvres servit d'abord en Allemagne sous Créqui et assista à l'affaire du pont de Rheinfeld et à l'assaut de Kehl. Il rentra dans la marine à la fin de la campagne, fut nommé capitaine de vaisseau et alla servir en Amérique (1679-1680). Après avoir accompagné le maréchal d'Estrées, son père, dans l'expédition contre Alger (1681-1682), il prit part au siège de Luxembourg (1684). Mais ayant obtenu, le 12 décembre de la même année, la survivance de la charge de vice-amiral de France de son père, il revint à la marine pour ne plus la quitter. Il assiste, en 1685, au bombardement de Tripoli et est nommé chef d'escadre à la fin de la campagne. Il prend part ensuite au bombardement d'Alger (1688), est nommé lieutenant général des armées navales (1689) et se trouve, avec Tourville, à la bataille du cap Beveziers (1690). En 1691, il commande l'escadre du Levant, prend Villefranche et Nice, bombarde Oneille, Barcelone et Alicante. En 1692, il va en Italie « pour engager les princes de cette contrée à ne point accorder les contributions et les quartiers d'hiver que demandaient les Impériaux ». Après avoir assiégé Roses par mer (1693), il sert sur les côtes de Catalogne (1694), puis sur celles de Provence (1695) et commande celle dernière province sous Grignan (1696). Sa flotte contribue à la prise de Barcelone par Vendôme (1697) et la paix de Ryswick le trouve à Cadix (1698). Nommé commandant de l'escadre et des galères de la Méditerranée au début de la guerre de la succession d'Espagne (23 avril 1701), il fut presque aussitôt après fait lieutenant général des mers pour le roi d'Espagne (19 mai 1701) et conduisit Philippe V à Naples (1702). Créé successivement maréchal de France (14 janvier 1703), grand d'Espagne de 1re classe (14 août 1703) et chevalier des ordres du roi (2 février 1705), il assista à la bataille de Malaga (1704) et, après la mort de son père le 19 mai 1717, prit le nom de maréchal d'Estrées. Nommé conseiller au conseil de régence et président du conseil de la marine en 1713, il fut fait ministre d'État en novembre 1733 et le resta jusqu'à sa mort. Il était entré à l'Académie française le 23 mars 1715. Il était en outre lieutenant général des comté et évêché de Nantes, gouverneur particulier de la ville et du château de Nantes et de la tour de Pillemil, capitaine des chasses du comté de Nantes et vice-roi d'Amérique. • Jean, dit l'abbé d'Estrées, frère du précédent, né en 1666, mort le 3 mars 1718, fut nommé ambassadeur au Portugal en février 1692 et resta à Lisbonne jusqu'en juillet 1697 il fit de sa résidence surtout un poste d'observation des affaires d'Espagne; en 1702, il suivit son oncle la cardinal à Madrid; il le remplaça en août 1703 et poursuivit la lutte commencée par le cardinal contre la princesse des Ursins; il réussit à la faire éloigner, mais il y perdit lui-même la faveur de Philippe V et dut presque aussitôt rentrer en France (1704). Il fut pourvu de l'abbaye de Saint-Claude et nommé chevalier du Saint-Esprit en janvier 1705; c'est le premier exemple d'un ecclésiastique revêtu des ordres du roi sans être évêque. En 1711, il fut nommé, sans titres littéraires, membre de l'Académie française. Sa correspondance diplomatique est particulièrement intéressante. Il fut nommé archevêque de Cambrai en 1716, mais mourut avant d'être sacré. • Louis-Charles-César Le Tellier, connu sous le nom de chevalier de Louvois, puis de marquis de Courtanvaux et de comte d'Estrées, plus tard duc d'Estrées, né le 2 juillet 1695, mort à Paris le 2 janvier 1771. Il était fils du marquis de Courtanvaux, fils aîné de Louvois, et de Marie-Catherine d'Estrées, soeur du maréchal Victor-Marie et de l'abbé d'Estrées. Il servit contre l'Espagne sous les ordres du maréchal de Berwick en 1719, et fut nommé maréchal de camp en 1735; il releva le nom de d'Estrées à la mort de son oncle (1737) décédé sans postérité, fit avec distinction la campagne de Bohème (1745) et fut nommé lieutenant général (1744). Il se fit remarquer encore à Fontenoy et à Raucoux (1746); il fut quelques mois ambassadeur à Vienne (1756) après l'alliance franco-autrichienne, et, au commencement de la guerre de Sept ans, fut chargé de commander l'armée française qui opérait dans le Hanovre et nommé maréchal (24 février 1757). Il battit à Hastenbeck le duc de Cumberland et fit la conquête du Hanovre; il tomba néanmoins en disgrâce et fut rappelé. Il fut nommé ministre d'Etat en 1758; donné comme conseiller au maréchal de Soubise, il ne put empêcher ses fautes; il obtint un brevet de duc en 1763; il était chevalier des ordres et gouverneur des Trois-Evêchés. Il avait failli épouser en 1722 la fille de Stanislas Leckzinski, qui fut mariée peu de temps après à Louis XV. Le maréchal ne laissa d'enfants d'aucun de ses deux mariages avec Mlle de La Suze et avec Mlle de Puysieux. Le nom de d'Estrées s'éteignit avec lui. (L. Delavaud / L. Farges). |
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Gabrielle d'Estrées,
née en 1573, morte en 1599, surtout connue pour sa laison avec Henri
IV,était la quatrième des sept filles du marquis Antoine
d'Estrées et de Françoise Babou de La Bourdaisière.
Sa mère était d'une famille où la galanterie était
héréditaire; elle-même, ayant déjà de
beaucoup dépassé la quarantaine, avait un beau jour quitté
mari et enfants pour vivre en concubinage avec le marquis d'Allègre,
gouverneur d'Issoire.
II y avait quelques mois qu'Antoine d'Estrées
avait été fait prisonnier dans La Fère par les ligueurs,
quand Henri IV, au commencement de novembre 1590, vint camper aux environs
du château de Coeuvres, en Picardie,
sa résidence habituelle. Ce fut donc à ses filles, Diane
et Gabrielle, qu'incomba la tâche de recevoir leur souverain. La
beauté, la grâce, la simplicité de celle-ci agirent
de prime saut sur le coeur sensible, et d'ailleurs libre pour le quart
d'heure, du Béarnais qui, arrivé galant, repartit amoureux
fou. Sa flamme eut du reste le mérite de résister à
l'absence, car c'est à peine, en vingt et un mois, s'il vit - ou
plutôt entrevit - Gabrielle deux ou trois fois. Au mois d'août
1591, la tante de la jeune fille, Mme de Sourdis, qui avait découvert
la passion de Henri IV et qui désirait pour son mari le gouvernement
de Chartres, alors assiégé
par l'armée royale, l'amena au camp. Vrai ou faux, le bruit courut
aussitôt qu'elle était la maîtresse du roi.
Gabrielle d'Estrées et sa soeur ( tableau du XVIe s.) Entre temps, le marquis d'Estrées avait recouvré sa liberté. Cet homme, dont on a fait un père complaisant, intervint au contraire énergiquement pour étouffer dans l'oeuf le scandale. Rentrée à Coeuvres, Gabrielle reçut de lui l'ordre de se préparer à épouser Nicolas d'Amerval, seigneur de Liencourt. De complexion douce, elle obéit sans résistance et, quoique son seigneur et maître ne fût rien moins que séduisant, elle se serait sans doute résignée au fait accompli, comme tant d'autres victimes des mariages dits de convenance, sans une regrettable mésaventure arrivée antérieurement au pauvre mari : il était resté privé d'une partie de ses facultés à la suite d'une chute de cheval. Pour le coup, Gabrielle céda au penchant sincère qui l'entraînait vers le roi. Au mois de décembre 1592, elle le rejoignit et ne le quitta plus. Le 7 juin 1593, elle donnait le jour à un fils.Peu après, à l'instigation de Henri IV, peu soucieux de voir un jour des doutes s'élever sur sa paternité, elle soutint devant les tribunaux ecclésiastiques une action en nullité de mariage fondée sur l'incapacité conjugale de M. de Liencourt. Témoins entendus et pièces produites, la demande fut reconnue fondée, et l'enfant, qui était la cause innocente de ces pénibles débats, fut bien et dûment autorisé à porter les armes de France brisées de la barre de bâtardise. Né du caprice, l'attachement du roi pour sa maîtresse s'était vite changé en amour véritable. De 1594 à 1599, les années pour elle comptent par les marques de faveur accumulées sur sa tête, dons de domaines splendides ou octrois de titres de cour, destinés dans la pensée de son amant couronné à la rapprocher par degrés du trône, où il s'était juré de la faire asseoir à ses côtés, dès que le Saint-siège aurait consenti à l'annulation de son mariage avec Marguerite de Valois. Ce fut sur ces entrefaites qu'elle fut inopinément atteinte, pendant la semaine sainte, de convulsions violentes qui, en quelques heures, terminèrent son existence. Les progrès du mal avaient été si rapides que le roi ne put être appelé à temps au chevet de la mourante. On a cru longtemps que cette fin étrange était le résultat du poison. Encore une légende dont il faut faire son deuil! Enceinte alors de sept mois, elle mourut simplement d'une attaque d'éclampsie. (L. Marlet). |
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