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L'attraction
est une figure de grammaire qui consiste à
employer, soit une lettre à la place d'une autre, lorsqu'elle a
plus d'affinité avec celle qui la suit, comme l'm au lieu
de l'n devant une autre m (emmener pour en-mener,
etc.); soit une syntaxe non conforme à
l'analogie générale de la langue, mais justifiée par
l'étroite affinité qui existe entre un membre de phrase
et celui qui le précède, par exemple, entre une phrase relative
et celle qui renferme l'antécédent;
pourvu que celui-ci soit immédiatement rapproché du relatif.
Attraction
des lettres entre elles.
Cette attraction se borne en français
à un petit nombre de cas; ainsi le b, le
p, l'm, font changer n
qui précède en m : embrasser, emmagasiner, empierrer.
Certaines lettres ont été
attirées par la prononciation; ainsi Il entre deux voyelles ont
souvent le son-mouillé; mais l'usage
a introduit d'assez bonne heure l'i qui les précède
aujourd'hui : faillir, merveille, sont pour fallir, mervelle,
où Il sonnaient primitivement comme dans billet, billot.
Le b et le d ont été
aussi, contrairement à l'étymologie, attirés dans
certains mots d'origine latine où
la langue les fait nécessairement entendre: ainsi combler,
altération du latin cumulare; devrait s'écrire étymologiquement
com-ler; de même, de tremulare est venu trem-ler,
trembler; le d de l'adjectif tendre a une origine
analogue (tenerum, ten-rum, ten-re).
Quant à l'e qui précède,
en français et en espagnol, les
mots d'origine latine ou italienne commençant
par sp, sc, sq, st; c'est encore l'euphonie qui l'a attiré
: espérance (speranza); espérer (sperare),
écu (scutum), étain (stannum),
épée (spada; ces trois derniers mots s'écrivirent
d'abord escu, estain, espée.
Les Espagnols disent : espectaculo,
esqueleto, comme les méridionaux français disent
: espectacle, esquelette. Le contraire a lieu chez les Italiens,
qui ont supprimé l'e initial de plusieurs mots latins, par
exemple celui de oestimatus, et ils disent stimato.
L'attraction des lettres est un fait beaucoup
plus fréquent dans le grec ancien
que dans la langue latine et dans les langues qui s'en sont formées
: cette attraction amène souvent une assimilation complète.
Attraction
syntaxique.
Les attractions qui ont lieu dans la syntaxe
sont plus importantes. Elles n'ont pas toutes le même caractère.
Mais la plupart de celles qui ont lieu en français se retrouvent
dans le latin et dans le grec. En vertu de l'attraction, les règles
d'accord les plus élémentaires semblent violées. Ainsi,
dans les énumérations, le verbe s'accorde
quelquefois avec le dernier substantif, surtout si
les conjonctions et, ni, sont supprimées, si ce substantif est le
mot le plus saillant, celui qui frappe davantage l'esprit et fixe principalement
l'attention, ou bien si; par inversion, le verbe est en tête de la
phrase, et suivi immédiatement d'un substantif sujet au singulier.
Les exemples en sont fréquents chez
Bossuet; ils le sont bien davantage dans les
langues anciennes. Souvent un mot féminin, au singulier, renfermant
une idée collective, attire au pluriel masculin un adjectif
ou un pronom qui se trouve dans la phrase ou le
membre de phrase qui suit. Quelquefois un attribut
attire au pluriel un verbe dont le sujet réel ou apparent est au
singulier :
Sa
maladie sont des vapeurs (Mm. de Sévigné),
La
nourriture ordinaire de l'écureuil sont des fruits (Buffon);
Ce
que je vous dis là ne sont pas des chansons;
Ce
sont souvent les ridicules qui corrigent les hommes. "
C'est en vertu d'une attraction que, dans
le style indirect; nous employons l'imparfait
de l'indicatif et le conditionnel présent,
lorsque le premier verbe est à un temps passé :
Il
lui demandait, il lui demanda comment il se portait (au moment où
la question était adressée); - Je lui avais dit que je viendrais
avec vous.
La négation explétive ne, dans
le 2e terme d'une comparaison de supériorité
ou d'infériorité, et après les verbes exprimant une
idée de négation, d'obstacle, de crainte; est le résultat
d'une attraction :
Je
crains qu'il ne vienne; - qui empêche qu'il ne vienne.
Enfin certaines alliances de mots se font
en vertu d'une attraction; par exemple, lorsque Boileau dit : De mérite
et d'honneurs revêtu. Le mot revêtu ne convient pas au
mot mérite; mais comme les honneurs dont le marquis est revêtu
sont la récompense et comme la marque de son mérite, la première
idée a entraîné la seconde, et elles se sont confondues
dans la pensée et dans l'expression du poète.
Dans ces sortes de figures, qui se trouvent
dans toutes les langues; il faut avoir soin,
comme l'a fait ici Boileau, de placer autant que possible l'un à
côté dé l'autre les deux mots dont l'alliance est naturelle,
sans quoi le style serait dur et choquant. (P.). |
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