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On
distingue généralement, dans la grammaire d'une langue, trois
parties : l'étude des sons (phonétique), l'étude des
formes (morphologie), la syntaxe; et l'on entend par syntaxe la manière
dont les mots, une fois constitués, sont combinés pour exprimer
les pensées. La première de ces parties a un domaine nettement
circonscrit; mais il n'en est pas de même pour les deux autres, et
il y a entre elles une sorte de terrain neutre sur lequel elles doivent
nécessairement se confondre. La forme d'un mot peut, il est vrai,
être considérée indépendamment de sa signification,
bien qu'une étude de ce genre, purement extérieure, n'ait
pas une grande portée; mais il est souvent difficile de séparer
la fonction d'une forme dans la phrase de la signification
du mot employé : les formes verbales, par exemple, peuvent varier
dans deux propositions de même
nature suivant l'espèce d'action signifiée par le verbe.
La syntaxe comprend
donc, au moins en partie, l'étude de la signification des mots,
de leurs espèces et de leurs formes. En outre, la combinaison des
mots et de leurs formes pour l'expression des pensées
ne peut pas être l'unique objet de la syntaxe; la pensée revêt
mille nuances diverses que celui qui parle doit pouvoir faire saisir, à
l'aide des mots, à celui qui écoute, et l'expression de ces
nuances, quoique due en principe à la forme des mots et à
leur signification particulière, serait souvent impossible si les
mots n'étaient pas susceptibles d'occuper différentes places
dans la phrase, en d'autres termes si l'on ne
pouvait, par une disposition appropriée, modifier dans le détail
l'expression d'une pensée dont le sens général est
déjà obtenu par le choix des mots et de leurs formes. Ceci
rentrait, pour les Anciens, plus spécialement dans l'étude
de la rhétorique; on a créé, dans les temps modernes,
le mot stylistique, terme peu précis et qui désigne très
imparfaitement l'étude dont nous parlons; on s'est servi également
du mot construction, qui a l'inconvénient de signifier aussi bien
l'ordre des mots que les règles
de l'accord grammatical, et qui d'ailleurs
est l'équivalent du mot syntaxe.
On conçoit
néanmoins que la syntaxe, puisque c'est le terme consacré
par l'usage, doit avoir pour objet la manière dont les mots expriment
la pensée, non seulement par leurs formes, mais aussi par leur disposition.
La syntaxe d'une langue, pour être complète,
devrait donc comprendre les parties suivantes :
1° la
théorie de la signification des
mots, dans leurs formes et dans leurs espèces;
2° la théorie
de la disposition des mots et des propositions;
3° la théorie
de l'emploi des formes des mots.
Mais on a longtemps
tardé à se faire une idée plus juste de ce que doit
être la syntaxe; jusqu'au XIXe siècle,
à de rares exceptions près, on laissait de côté
ce qui touche à la signification,
on ne s'occupait que par occasion de la forme extérieure des propositions,
par exemple lorsqu'il s'agissait des formes négative et interrogative,
et la syntaxe consistait presque exclusivement dans l'ensemble des règles
destinées à faire connaître l'emploi des formes des
mots. C'est à cette partie de la syntaxe que se rapporte ce qui
suit.
Les rapports qui
unissent les mots entre eux, appelés rapports grammaticaux,
sont au nombre de trois : d'énonciation, de qualification et de
détermination; et l'association des termes unis par l'un de ces
rapports est l'objet de règles, différentes selon les langues,
que l'on a réunies en deux groupes sous les titres généraux
de syntaxe d'accord (ou de concordance) et syntaxe de régime (ou
de dépendance). La première traite de l'union du sujet
avec l'attribut, du terme qualifié
avec le qualificatif; la seconde, de l'union du déterminant avec
le terme déterminé; et c'est par l'observance de ces règles
que l'on exprime dans le discours l'union des mots établie dans
la pensée. Mais cette subdivision, si elle répond par elle-même
à quelque chose de précis, est encore insuffisante pour comprendre
tous les faits qui sont du domaine de la syntaxe et dont elle doit donner
l'explication; dans ce cadre rentrent bien en effet tous les principes
qui règlent les relations des mots entre eux, comme celles du verbe
avec le sujet, du substantif avec l'adjectif,
du verbe avec ses compléments; mais il y a autre chose que l'expression
des rapports grammaticaux, c.-à-d. que l'emploi des mots dans leurs
relations mutuelles. Les formes employées dépendent encore
de la signification que l'usage leur a attribuée, comme cela est,
par exemple, pour les temps et les modes
du verbe, et la syntaxe devait également constater cet usage.
On a donc divisé
la syntaxe, avec raison, suivant les diverses parties du discours
généralement admises, sans se préoccuper des répétitions
inévitables, et les ouvrages techniques traitent de la syntaxe du
substantif, de la syntaxe du verbe,
etc., de même qu'ils distinguent, dans ces divisions d'ensemble,
la syntaxe particulière des cas, celle des modes,
et ainsi de suite. Il ne saurait entrer dans notre plan d'examiner dans
le détail les règles de la syntaxe; il y a à cet égard
trop de diversité, même pour celles qui sont communes à
un grand nombre de Iangues, et qui sembleraient
a priori devoir être partout identiques. Pour ne donner qu'un seul
exemple, en français (comme en
grec et en latin),
l'adjectif a généralement une
forme différente suivant qu'il se rapporte à un substantif
masculin on féminin (ou neutre); en allemand,
au contraire, cette forme n'est différente que dans le cas de l'adjectif
épithète; elle est unique pour
l'adjectif attribut; et en anglais l'adjectif
est dans tous les cas invariable. Ce sont les grammaires et l'usage qui
enseignent la syntaxe.
Il y a plusieurs
manières de concevoir la syntaxe d'une langue. La plus simple, et
en même temps la plus pratique, consiste à considérer
les mots dans les textes des écrivains et dans les expressions de
l'usage, à déterminer quelles formes de la pensée
ils représentent, à dégager et à réduire
en formules les règles obtenues par cet examen. Une autre méthode,
plus philosophique, mais aussi plus dangereuse, en ce qu'elle se laisse
trop souvent fausser par l'esprit de système
et par la construction de théories a priori,
consiste à analyser les diverses formes de la pensée, et
à rechercher par quelles combinaisons une langue les exprime avec
le matériel dont elle dispose. Enfin, la syntaxe étant une
partie de la grammaire, la grammaire comparée et la grammaire historique
comprennent également une partie syntactique, qui dans l'une met
en comparaison la syntaxe de plusieurs langues, et dans l'autre étudie
les variations de la syntaxe d'une même langue aux diverses périodes
de son développement. (Mondry Beaudouin). |
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