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Vénus
A la recherche d'un satellite
Planète aux mille pièges, Vénus allait encore dérouter les astronomes quand ils se sont posé la question de savoir si elle possédait une lune. Après tout, la Terre ou Mars, si similaires, possédaient des satellites. Elle en aurait plutôt deux qu'un, répondaient au temps de la régence les astronomes qui se souvenaient de leur mythologie. Pour savoir, les astronomes se sont mis à la recherche de la prétendue lune de Vénus dès le milieu du XVIIe siècle, et l'on a cru à plusieurs reprises l'avoir enfin détectée. A la fin du XIXe siècle, on optera finalement pour l'explication la plus vraisemblable : Vénus n'a pas de satellite naturel, et ce que l'on a parfois pris pour cela n'était qu'illusion d'optique.
Cela a commencé avec Fontana, l'un des plus habiles astronomes de son époque, qui annonça sa découverte d'un satellite de Vénus le 15 novembre 1645. Quoique l'observation de Fontana fût précise et certaine, les astronomes, pendant vingt-sept ans, cherchèrent sans résultat le petit astre qui, aux dire de Fontana, s'était montré tout auprès et au-dessus de Vénus. Dominique Cassini, dont l'habileté et la circonspection n'ont pas besoin d'être rappelées, aperçut, en 1672, un point lumineux d'un diamètre apparent égal au quart environ de celui de Vénus et distant de la planète d'un diamètre seulement de celle-ci. Les astronomes, encouragés par l'annonce de Cassini, cherchèrent sans doute à renouveler l'observation; leurs efforts furent inutiles, et c'est quatorze années plus tard seulement, le 27 août 1686, que Cassini retrouva un point lumineux analogue au précédent, égal eu diamètre au quart de Vénus, et situé, comme distance, aux trois cinquièmes environ de ce diamètre.

Un demi-siècle s'écoula, après cette observation de Cassini, sans qu'aucun astronome signale le compagnon de Vénus. Le 3 novembre 1740, Schort aperçut, à 10' environ de la planète, un astre d'un diamètre un peu inférieur au tiers de celle-ci, et qui semblait l'accompagner dans le ciel. L'observation ne put être renouvelée les jours suivants. Après l'observation de Schort, nous en trouvons une d'André Meier à Greifswalde en 1759; quatre de Montaigne à Limoges, le 3, le 7 et le 11 mai 1761; sept, enfin, de Rodkier et de Horrebow, à Copenhague, et de Montbarron, à Auxerre, les 3, 4, 10, 11, 15, 28 et 29 mars 1764

Les astronomes que nous venons de citer, sans être de premier ordre, sont dignes de confiance. Schort était, en même temps qu'excellent observateur, le plus habile opticien de son temps; on lui doit d'excellentes déterminations micrométriques de Jupiter et la mesure de son aplatissement. Très habitué à l'emploi des instruments qu'il construisait lui-même, il semblait à beaucoup difficile de le supposer dupe d'une illusion. Montaigne découvrit deux comètes, en 1772 et en 1774; observateur zélé du ciel, il avait l'habitude des instruments. Horrebow, élevé dans l'Observatoire de Copenhague, dont son père, avant lui, était le directeur, a laissé la réputation d'un astronome consciencieux et habile. Schort, dans son récent ouvrage allemand sur « le satellite de Vénus », assure que André Meier a prouvé sa capacité par plusieurs bons travaux; mais il n'en cite aucun, et ce nom ne figure pas dans la Bibliographie astronomique de Lalande. Rodkier et Montbarron, enfin, ont été de simples amateurs de la science astronomique, mais leurs observations acquièrent un grand prix par leur accord avec celles d'Horrebow, qui sont à peu près simultanées.
On s'est demandé si ces apparitions singulières ne devaient pas être attribuées au passage d'Uranus, alors inconnu des astronomes, dans le voisinage de Vénus. Le docteur Koch, de Dantzig, qui a laissé d'excellents travaux d'astronomie stellaire, a trouvé qu'Uranus, le 4 mars 1764, jour de l'observation de Rodkier, était distant de Vénus de 16' seulement.

Le Père Hell a cru, en 1757, apercevoir près de Vénus un point brillant dans le ciel; mais un examen plus attentif lui en fit découvrir l'origine dans la lumière réfléchie par son oeil même et renvoyée de nouveau par l'oculaire du télescope; un déplacement de l'image accompagnait en effet chaque mouvement de son oeil : l'astre supposé un instant n'avait donc aucune réalité. Schort et Cassini ne mentionnent pas, il est vrai, l'épreuve du déplacement de l'oeil faite par Hell, mais il paraissait difficile d'admettre que d'aussi habiles observateurs aient pu, pendant plus d'une heure, se laisser prendre à une illusion aussi grossière. 

Le Père Hell, tout en signalant la cause possible, suivant lui, des observations prétendues du satellite, engageait cependant, en 1761, tous les observateurs du passage de Vénus à chercher soigneusement la trace du satellite sur le disque solaire. L'insuccès des recherches le confirma dans son soupçon, et il le communiqua à Lacaille en le priant de garder sa lettre pour lui seul; mais, en 1762, après la mort de Lacaille, il reçut d'une main inconnue la traduction en langue française de sa propre lettre, accompagnée d'une réfutation de Montaigne. Il publia alors, dans les Éphémérides de Vienne pour 1766, une dissertation (De satellite Veneris), dans laquelle il s'efforça d'expliquer toutes les apparitions par des illusions d'optique.

Le passage de Vénus, en 1769, n'ayant montré le prétendu satellite à aucun observateur, les astronomes paraissaient adopter l'interprétation de Hell, lorsque Lambert, reprenant la question et acceptant comme exactes les observations de 1764, en déduisit la position et la grandeur de l'orbite à cette époque, renseignement précieux qui aurait dû stimuler de nouvelles recherches. Les calculs de Lambert, quoique reposant sur des observations douteuses, parurent complets et précis.

L'existence de ce satellite était alors considérée comme si vraisemblable, que le roi Frédéric II, de Prusse, fort enthousiasmé des philosophes français, proposa de lui donner le nom de d'Alembert. L'illustre géomètre s'en défendit fort par une lettre spirituelle où l'on remarque le remerciement suivant : 
« Votre Majesté me fait trop d'honneur de vouloir baptiser en mon nom cette nouvelle planète. Je ne suis ni assez grand pour devenir au ciel le satellite de Vénus, ni assez bien portant pour l'être sur la Terre; et je me trouve fort bien du peu de place que je tiens en ce bas monde pour en ambitionner une au firmament. »
L'astronome Lambert appliqua particulièrement ses calculs à l'époque de l'observation de Cassini, de Schort et de Fontana. La théorie lui montra que, pendant les passages de 1761 et 1769, le satellite, n'a pu paraître sur le disque solaire, étant au-dessus en 1761 et au-dessous en 1769. Il peut arriver, au contraire, que le satellite se projette sur le Soleil quand la planète reste en dehors. Le 8 juin 1753, par exemple, selon les tables de Lambert, l'orbite du satellite coupait le disque solaire; mais la position occupée ne le plaçait pas dans la partie commune. Le 1er juin 1777, Lambert annonçait un passage du satellite sur le Soleil non seulement possible, mais réel, et, s'il ne se produit pas, dit-il, les tables auront besoin fortes corrections. «J'annonce ce passage, ajoute-t-il, tout au moins comme possible. Les astronomes qui observent souvent le disque du Soleil trouveront sans doute qu'il y a convenance à choisir ce jour, dans l'espoir d'y trouver une observation plus fructueuse et plus agréable que de coutume.» 
Cet appel ne donna aucun résultat. 
L'excentricité de l'orbite calculée par Lambert est de 0,195, un peu moindre que celle de Mercure. L'inclinaison de l'orbite sur celle de la planète, 64°, dépasse de bien loin toutes les inclinaisons connues.

La plus grande distance de Vénus au satellite sous-tendrait un angle de 19' à la distance qui sépare la Terre du Soleil, et l'on pourrait, par conséquent, lorsque Vénus se rapproche de nous le plus possible, si la position du satellite est favorable, l'apercevoir à une distance de 42'. Une des observations de Montaigne le plaçait à 25'.

La dimension du satellite et celle de la planète, estimait-on par ailleurs, devait être à peu près dans le même rapport que celui de la Lune à la Terre. On sait, en effet, que le diamètre de Vénus est presque égal à celui de la Terre, et que celui de la Lune est de 0,27, comparé au diamètre de notre planète; celui du satellite de Vénus serait de 0,28.

L'insuccès du 1er juin 1777 découragea sans doute les astronomes; on n'a plus revu ni cherché le satellite de Vénus, et les traités d'astronomie, à partir de cette époque, n'en font mention que pour prémunir les observateurs contre une illusion semblable à celle de Hell. Exception faite, peut-être de ce dernier témoignage :
En 1900, un astronome de Moscou, W. Ostrooukov, remarqua près de Vénus un corps lumineux et présuma l'existence d'un satellite. Il ne s'agissait, vérification faite, que d'un reflet produit dans sa lunette par le vif éclat de la planète.

Certains, cependant, considérant la crédibilité d'observateurs tels que Schort, Cassini, Horrebow et Montaigne, ont tenté trois explications :

1°) La première était que le satellite existait réellement, mais serait très petit et ne pourrait être observé qu'en des circonstances rares, à des époques d'élongations exceptionnelles. Cette hypothèse était cependant considérée comme très improbable.

2°) La seconde explication était celle des fausses images qui se produisent dans les instruments, provenant soit de la réflexion de l'oeil, soit d'un ajustement défectueux dans les lentilles de l'oculaire et de certains effets d'optique dus au jeu des rayons lumineux dans l'instrument lui-même. 
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Des instruments joueurs de tours

Le 30 mars 1881, Denning, observant Vénus, remarqua que deux croissants étaient visibles dans le champ de la lunette : l'un large et pâle, presque au centre du champ,. et l'autre petit et brillant, un peu à l'ouest du premier; ce dernier était la véritable image de la planète. Les deux croissants étaient tournés du même côté et leur phase était la même : l'un semblait la reproduction exacte de l'autre. Denning estima que le diamètre du plus petit était à peu près le 1/6 du diamètre de l'autre.

Il fit tourner l'oculaire sans produire aucun déplacement dans la position relative des deux images, puis il le retira. Regardant alors dans l'intérieur du tube, il découvrit l'explication du phénomène. Les rayons du Soleil entrant par l'ouverture principale de la lunette venaient tomber en partie sur le petit tube mobile qui porte l'oculaire et y formaient du côté de l'Ouest un petit croissant brillant, lequel, faiblement réfléchi et renversé par l'oculaire, devenait l'origine de l'image...

Autre exemple : dans le grand équatorial de Washington, l'un des oculaires montrait constamment à Newcomb un petit satellite à côté d'Uranus et de Neptune, lorsque l'image de I'une ou l'autre planète était arrivé juste au centre du champ... mais ce satellite disparaissait aussitôt qu'on remuait la lunette!

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3°) La troisième explication consistait à considérer ces observations comme celles d'astéroïdes qui seraient trouvées fortuitement sur le champ des instruments.
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