| La jeunesse de Michel-Ange Michel-Ange, qui devait vivre presque un siècle, naquit au château de Caprese, dans le diocèse d'Arezzo, province du Casentin, le dimanche 6 mars 1475, de Lodovico di Leonardo Buonarroti Simoni et de Francesca Ruccellai. De son vivant même, des généalogistes faisaient descendre les Simoni des comtes de Canossa, mais cette assertion d'une noblesse inutile à Michel-Ange paraît aujourd'hui tout à fait injustifiée. Son père, né en 1444 et mort seulement en 1534 - sa mère mourut en 1497 - était à ce moment podestat de Caprese et Chiusi; les six mois de sa fonction expirés, Lodovico vint à Settignano où il possédait une petite propriété et là son fils fut mis en nourrice chez un tailleur de pierres. La famille de Michel-Ange était nombreuse : on avait placé ses frères dans le commerce des soieries; lui par faveur fut envoyé à Florence à l'école d'un certain grammairien, Francesco da Urbino. L'enfant pourtant n'avait de goût que pour le dessin, mais, quand. il osait dessiner, son père et ses oncles le battaient, ne voyant dans l'art que métier d'artisan indigne d'eux. Cependant il s'était lié d'amitié avec Granacci qui suivait les leçons de Ghirlandajo et, quand l'opposition de son père et de ses oncles fut vaincue, ce fut dans l'atelier de Ghirlandajo qu'entra Michel-Ange, le 1er avril 1488 : il y entrait pour trois ans et le maître, contrairement à tous les usages, s'engageait à payer pour ce temps 24 florins d'or à l'élève. Il y apprit l'art du dessin le plus rapidement du monde et ayant trouvé une estampe du maître graveur de Colmar, Martin Schoen, Saint Antoine battu par les démons, il la copia et de lui-même il la mit en couleur. L'influence de Ghirlandajo fut du reste très petite sur Michel-Ange; déjà il étudiait les fresques de San Spirito et y trouvait un maître autrement puissant et proche de la nature, Masaccio. Tandis qu'il le copiait, par son habileté il attirait ses premiers envieux avant d'avoir produit sa première oeuvre : Ghirlandajo lui-même s'en troublait, et d'un coup de poing le jaloux et violent Torrigiani lui faisait au nez une cassure qui devait pour la vie marquer son dur visage d'un accent plus sauvage encore. Michel-Ange étudiait aussi Donatello et Jacopo della Quercia et à leur étude il avivait sa toute jeune intelligence, mais c'était des Anciens que la plus grande révélation de l'art devait lui venir. Dans le giron des Médicis. Laurent de Médicis venait de fonder dans son palais une école de sculpture dont il avait confié la direction à un élève de Donatello, Bertoldo; il demanda des élèves à Ghirlandajo, et le peintre lui envoya Granacci et Michel-Ange. Michel-Ange entra à l'école du Magnifique en 1489 sans avoir terminé son apprentissage de peintre; il pénétra dans les jardins de Saint-Marc et, lui qui allait créer un art nouveau à l'encontre de l'art antique, il fut si surpris d'admiration devant les statues grecques collectionnées par les Médicis, qu'il se promit aussitôt d'être un sculpteur; il copia d'abord un Masque de Faune, et Laurent, dès qu'il le vit, en fut satisfait à tel point qu'il reçut l'artiste familièrement à sa table et lui fit donner 5 ducats par mois. Là Michel-Ange connut Politien, et sur ses conseils il sculpta en bas-relief le Combat des Centaures et des Lapithes, qu'on appelle le Combat des Géants, à la casa Buonarroti, à Florence, où il se trouve ainsi qu'une Madone qu'il fit vers le même temps. Mais Laurent de Médicis mourut bien vite, en 1492, et Michel-Ange s'éloigna des Médicis. Il retourna chez son père où il composa une figure d'Hercule qui appartint aux Strozzi jusqu'en 1529, fut achetée alors par Gian Battista della Palla pour le compte de François Ier et est aujourd'hui disparue; à la même époque, il put faire de longues études d'anatomie à l'hôpital de San Spirite avec l'autorisation bienveillante du prieur qu'il remercia en lui sculptant un crucifix en bois qu'on croit disparu aussi. Rappelé en 1494 par l'indolent et incapable Pierre de Médicis, Michel-Ange chercha pour lui des pierres gravées et fit une statue de neige pour son plaisir; puis dans une surexcitation nerveuse où le portait l'excès du travail, il se laissa impressionner par un chanteur qui avait vu en songe Laurent de Médicis lui prédire la chute de sa famille, ou simplement peut-être prévit-il une chute que rendait imminente l'impopularité du fils du Magnifique et, lassé d'ailleurs de sa protection, il partit pour Venise, mais n'y trouvant rien à faire, il revint à Bologne où il fut reçu et protégé par Francesco Aldovrandi, qui lui fit confier l'achèvement de la châsse de saint Dominique commencée par Nicolas de Pise, et dans laquelle il exécuta la statue de San Petro nino et la statuette d'un Ange tenant un candélabre. Puis en 1495, de retour à Florence, d'où Pierre a été chassé le 8 novembre 1494, il sculpte pour un Médicis de la branche républicaine, Lorenzo di Pier Francesco, un petit Saint Jean-Baptiste; il sculpte aussi le Cupidon endormi, qui peut être celui de l'Académie des beaux-arts de Mantoue, et sur le conseil de Lorenzo di Pier Francesco il le laisse passer pour un antique : le cardinal San Giorgio l'achète comme tel, puis détrompé il se prend d'admiration pour Michel-Ange et lui fait demander de venir à Rome. Premier séjour à Rome. Les dix années qui passent de 1495 à 1505 marquent la période heureuse et tranquille de la vie de Michel-Ange, et pendant ce temps toute la sérénité de sa vie se reflète dans son oeuvre. A vingt ans, il a la possession de son art. Il est célèbre déjà et, sorti des tracasseries de l'école, ni les hommes ni les choses ne lui sont encore fâcheux. Le 25 juin 1496, Michel-Ange arrive à Rome, dans cette Rome éternelle qu'il allait grandir en l'emplissant de sa pensée; il y resta jusqu'en 1501. On sait peu de chose sur son premier séjour à Rome : le cardinal San Giorgio qui l'avait fait venir ne s'occupa pas de lui, mais il fut protégé par Jacopo Galli, pour lequel il fit en 1497 le Cupidon agenouillé du musée de Kensington et le Bacchus ivre du Musée national de Florence. Vers le même temps il sculpta l'Adonis mourant qui est aussi au Musée national et il fit en 1498, pour le cardinal Jean de Villiers, abbé de Saint-Denis et ambassadeur de Charles VIII auprès d'Alexandre VI, la Pietà de Saint-Pierre de Rome : la Pietà, qui est le seul ouvrage signé de Michel-Ange (Michoelangelus Bonarotus Floren.), lui fut payée 450 ducats d'or. - Michel-Ange : La Piéta, à Saint-Pierre. David et les Madones. En 1501, le cardinal Piccolomini, qui allait être pape un instant sous le nom de Pie III, lui commanda quinze statues pour la bibliothèque du Dôme de Sienne : il n'y en eut sans doute que quatre exécutées, et la seule qui existe encore aujourd'hui avait été commencée par Torrigiano. La même année, rappelé par des affaires de famille, Michel-Ange revient à Florence. L'Oeuvre de la cathédrale possédait un bloc de marbre énorme qui, ébauché en 1468 par Bartolommeo di Pietro, avait déplu à la Seigneurie : Léonard consulté avait déclaré qu'on n'en pouvait plus rien faire. Michel-Ange, tenté par cet impossible, obtint dès son retour, au mois d'août 1501, la concession du bloc, et, comme il s'y était engagé, en deux ans il en fit sortir le David qui fut placé longtemps sur la Signoria devant le Palais - Vieux; dans la commission chargée de recevoir le David - qui fut payé 400 ducats - se trouvaient Léonard de Vinci, Filippino Lippi, Ghirlandajo, Pérugin et Botticelli : en le voyant, toute la ville de Florence fut dans l'enthousiasme. Les Florentins voulant dans ce temps-là ménager la bienveillance du maréchal de Gié, le gonfalonier Soderini commanda pour lui à Michel-Ange un David en bronze, mais Michel-Ange, très occupé, ne le termina qu'en 1508 et, le maréchal ayant été disgracié, les Florentins l'envoyèrent au trésorier Robertet, de la bienveillance de qui ils avaient besoin pour lors : ce David a été perdu. Le 25 avril 1503, les fabriciens de la cathédrale chargèrent Michel-Ange d'exécuter les statues des douze apôtres, mais après avoir ébauché le Saint Matthieu qui est à l'Académie de Florence, il abandonna ce travail. Vers la même époque, il composait deux bas-reliefs circulaires la Vierge avec l'Enfant Jésus et saint Jean-Baptiste, commandée par Bartolommeo Pitti, qui se trouve à Florence, et une Vierge et l'Enfant Jésus, commandée par Taddeo Taddei, aujourd'hui à Londres; il composait aussi la Madone de Bruges, commandée par des marchands flamands, les Moscheroni, qui fut placée en 1506 à Notre-Dame de Bruges et la Tête de femme du musée de Kensington. C'est encore vers ce même temps, où d'ailleurs, passionné de Dante, il semble s'être donné beaucoup à la poésie, qu'il commença à peindre et qu'il fit pour Agnolo Doni la Vierge de la tribune, appelée la Madonna de Doni et sans doute la Vierge de Manchester, mais son génie se plaisait mal à ces tableaux de chevalet pour lui trop étroits. - Le David de Michel-Ange. La Guerre de Pise n'aura pas lieu. En la même année 1503, les magistrats de Florence, voulant faire orner la salle du conseil dit Palais-Vieux, en confièrent un côté à Léonard de Vinci et l'autre à Michel-Ange. Malheureusement, cette décoration, qui eût pu être l'oeuvre d'art du monde la plus belle, ne fut pas exécutée; les cartons seuls en furent faits, et celui de Léonard perdu et celui de Michel-Ange détruit dans les troubles de 1512 : Vasari prétend que ce fut Bandinelli qui le découpa. Il représentait des épisodes de la Guerre de Pise; une gravure de quelques figures, très connues sous le nom des Grimpeurs, en avait été faite par Marc Antoine et par Agostino Veneziano et il existe une copie en grisaille du carton, au château de Hoklham en Angleterre, qui serait de San Gallo et qui a été gravé par Schiavonetti. Le carton de la Guerre de Pise, commencé au mois d'octobre 1504, fut terminé au mois d'août 1505; exposé en 1506, il excita une immense admiration et Raphaël vint l'étudier. (Étienne Bricon). | |