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Laurent de Médicis, dit le Magnifique (Lorenzo il Magnifico, en italien) est né le 1er janvier 1448, et succéda en 1469 à son père Pierre dans le gouvernement de la république de Florence. Cosme l'Ancien son aïeul, et Pierre son père (Les Médicis), avaient également pris soin de le former pour les lettres et pour les affaires; ils l'avaient entouré, ainsi que Julien son frère, né cinq ans après lui, des maîtres les plus distingués, des plus grands littérateurs et des premiers philosophes du siècle. Gentile d'Urbin, Christophe Landini, Argyropoulos et Marcile Ficin furent ses instituteurs; Politien et Pic de la Mirandole ses condisciples; et Laurent, qui s'attacha comme eux à l'étude de la philosophie platonicienne et de la littérature grecque et latine, mérita aussi de se faire un nom par la poésie italienne, dans laquelle il montra une grâce et une facilité qui paraissaient refusées à son siècle. Il entreprit plusieurs voyages pour observer les moeurs et les lois des peuples étrangers, et pour obtenir l'amitié ou juger le caractère des princes qui pouvaient avoir des rapports avec sa république. Il visita en 1466 la cour du pape Paul II; ensuite il parcourut les Etats de Bologne, Venise, Ferrare et Milan. Peu de temps après, il rendit visite au roi Ferdinand de Naples, et les relations qu'il forma dans ces divers voyages ne lui furent pas inutiles dans la suite. Le 4 juin 1469, il épousa Clarice, fille de Jacob Orsini un des plus puissants barons de Rome. C'est la maison que les Français nomment des Ursins. A la mort de son père, Laurent n'était âgé que de vingt et un ans , et la jalousie excitée contre sa famille, la faiblesse de Pierre et les vices de ses amis pouvaient faire craindre la chute d'un jeune homme appelé à gouverner un peuple turbulent et des nobles ambitieux; mais dès les premiers jours de son administration, il assura son empire sur tous les coeurs par le pouvoir entraînant de son éloquence, la noblesse, la franchise et le charme de ses manières, et la générosité sans bornes qui lui attira le surnom de Magnifique. Ses ennemis, par une entreprise mal concertée sur Prato, affermirent encore plus son pouvoir. Dès lors la liberté de Florence se perdit doucement et sans résistance. Cosme avait été entouré d'hommes d'Etat qui l'égalaient en talents et en ambition, et qu'il devait conduire à ses vues par la persuasion et l'adresse; mais depuis longtemps il n'y avait plus de carrière ouverte à Florence pour les caractères indépendants, et après la mort au l'exil des anciens chefs de la république, il ne s'en était plus présenté pour marcher sur leurs traces. Laurent ne rencontrait personne qui essayât de s'opposer à ses volontés, et la corruption générale des moeurs, fruit d'un vain luxe et d'une paix oisive, favorisait encore le pouvoir des Médicis. Cette corruption fut augmentée par le séjour que Galéas Sforza, duc de Milan, vint faire à Florence en 1471 avec sa femme et toute sa cour. Laurent de Médicis (1448-1449), par Vasari. Laurent de Médicis déploya pour les recevoir toute sa magnificence; les fêtes auxquelles le peuple fut invité, mais bien plus encore le mauvais exemple des princes, eurent sur les Florentins l'influence la plus funeste. La révolte de Volterra, en 1472, donna l'occasion à Laurent de Médicis de déployer aussi ses talents militaires. Il reprit cette ville avec l'aide du comte d'Urbino; mais il ne put la préserver du pillage de ses propres soldats, en sorte que cette victoire fut une plaie pour la république. Cependant Sixte IV, qui siégeait alors par le tache pontifical, n'avait point pardonné aux Médicis la protection qu'ils avaient accordée contre lui aux Vitelli, seigneurs de Città de Castello; Il chercha de toutes parts à leur susciter des ennemis, et en effet il engagea le roi Ferdinand de Naples à s'allier avec lui contre eux. L'Italie entière parut bientôt divisée en deux ligues : d'une part Florence, Venise et le duc de Milan; de l'autre le pape, le roi de Naples, le comte d'Urbino, les Siennois et plusieurs seigneurs de la Romagne. Parmi ceux-ci, l'ennemi le plus acharné des Médicis était le neveu du pape, Jérôme Riario, à qui son oncle avait acheté la souveraineté d'Imola. La guerre n'avait pas encore éclaté; mais le pape ne laissait échaper aucune occasion de nuire aux Médicis. Il choisit François Salviati pour archevêque de Pise, parce qu'il le reconnut pour l'ennemi le plus ardent de Laurent. Il combla de faveurs les Pazzi, famille riche et puissante de Florence, qui avait éprouvé plusieurs injustices par le crédit de Laurent, et dont le chef, François, ne pouvant supporter le joug imposé à sa Cité, vivait presque toujours a Rome. Ce qui restait encore d'amis de la liberté et tous les citoyens jaloux du pouvoir usurpé par les Médicis étaient réunis aux Pazzi et aux Salviati. Ceux-ci encouragèrent tous les mécontents à délivrer la république de la tyrannie des deux frères Médicis; mais cette conjuration ayant éclaté dans l'église cathédra!e de Florence le 26 avril 1478, pendant la célébration de la messe. Julien seul fut tué, tandis que Laurent, légèrement blessé, eut le temps de tirer son poignard et de désarmer son adversaire avec une présence d'esprit admirable. Les Pazzi et l'archevêque furent mis à mort; un grand nombre de leurs associés périrent avec eux, et Bernard Bandini, qui après avoir tué Julien, avait réussi à s'enfuir à Constantinople, fut renvoyé à Laurent par Mehemet II, et exécuté à son tour le 29 décembre 1479. Le roi de Naples et ses alliés, voyant que les conjurés n'avaient pu parvenir à se défaire des deux Médicis, recoururent aux armes. Sixte IV fit avancer son armée du côté de Pérouse, en même temps qu'il frappa la république et son chef d'une sentence d'excommunication pour avoir fait pendre un archevêque. Les Vénitiens refusèrent des secours à Laurent de Médicis; la maison Sforza, occupée par des troubles domestiques et par la révolte de Gênes, ne put pas lui donner d'assistance. Les troupes florentines, commandées par Robert Malatesti, défirent celles de l'Eglise près du lac de Pérouse en 1479; mais bientôt après, le duc Alfonse de Calabre remporta une grande victoire sur les Florentins à Poggibonzi et répandit l'alarme à Florence. Laurent de Médicis, ne voyant pas d'autre moyen pour sauver son autorité et l'indépendance de la république, prit le parti d'aller lui-même à Naples pour essayer si, par son éloquence, il pourrait détacher Ferdinand du pape et l'amener à une paix séparée. Il partit secrètement de Florence au mois de décembre 1479 et se rendit auprès du roi de Naples, quoique ce prince cruel et perfide pût d'autant moins inspirer de confiance qu'il venait de violer toutes les lois de l'hospitalité en faisant périr Jacob Piccinino, qu'il avait appelé à sa cour. Mais Laurent acquit sur lui une telle influence par la noblesse de ses manières, la profondeur de son esprit et son éloquence persuasive, qu'en trois mois il changea entièrement ses dispositions et ses alliances, et qu'il repartit pour la Toscane assuré de son amitié. Dans le même temps, Laurent de Médicis élevait dans sa maison son neveu Jules, fils naturel de son frère Julien, qui devait à son tour porter la tiare sous le nom de Clément VII, mais dont le règne funeste devait être marqué par le sac de Rome et par la subversion des libertés florentines. Le reste de l'administration de Laurent de Médicis ne fut plus signalé par aucun grand événement mais la haute sagesse de ce citoyen de Florence le fit regarder comme l'arbitre de l'Italie et le conseil des rois. Aucun homme n'avait encore reçu plus de marques de la considération universelle; aucun ne la méritait mieux par la multiplicité de ses talents. Sa carrière politique avait été brillante; ses progrès dans la littérature et la philosophie confondaient ceux qui, consacrant tout leur temps à l'étude, ne pouvaient encore l'atteindre. Son goût pour les arts l'avait entouré d'une école nombreuse de peintres et de sculpteurs, au service desquels il abandonna ses jardins près de Saint-Marc, qu'il consacrait à l'étude de l'Antiquité. Il y avait rassemblé tout ce qu'il avait pu recueillir de monuments des arts, et c'est là que se formèrent Michel Ange, Granacci et Torregiani. Le premier habita quatre ans le palais de Médicis et fut constamment admis à sa table. Laurent, par ses poésies, rappela dans la langue italienne l'élégance et la grâce qu'elle semblait perdre depuis un siècle. Quelques-unes ce ses pièces religieuses paraîtront peut-être trop enthousiastes, quelques pièces badines trop licencieuses; mais dans toutes on reconnaît le talent d'un grand poète, et cet homme d'Etat serait encore placé au premier rang s'il n'avait été que littérateur. Laurent de Médicis, par Girolamo Macchietti. Laurent de Médicis eut trois fils et quatre filles : Pierre II, né le 18 février 1471; Jean, né le 11 décembre 1475, et Julien, né en 1478. De ses quatre filles, il maria l'aînée, Madeleine, à Français Cibo, fils du pape Innocent VIII; Lucrèce à Jacob Salviati, et Contesina à Pierre Ridolfi. La quatrième, Louise, était promise à son parent Jean de Médicis, mais elle mourut avant le mariage. Ange Politien, le plus célèbre littérateur de ce siècle, avait été spécialement chargé de l'éducation de ces enfants. Leur mère, Clarisse Orsini (ou des Ursins), était morte au mois d'août 1488. Pendant les dernières années de sa vie, Laurent de Médicis fut souvent censuré avec beaucoup de sévérité sur ses moeurs, son luxe ou son pouvoir usurpé, par Jérôme Savonarole, moine fanatique, qui prétendait rendre à Florence sa pureté de moeurs et sa liberté antique. Si Laurent, d'après les exhortations du moine, ne changea pas de conduite, du moins il ne punit jamais la hardiesse de ses discours. Il l'appela même auprès de lui dans les derniers moments de sa vie et reçut sa bénédiction. Ce fut au printemps de l'année 1492 que Laurent fut atteint d'une maladie qui devait être mortelle, et qui paraît avoir été une suite de la goutte héréditaire dans sa famille. Il était fait transporter à sa maison de campagne de Carreggi, et c'est là qu'il mourut, le 8 avril 1492, entre les bras de Politien et de Pic de la Mirandole, ses deux plus chers amis. La taille et les traits de Laurent de Médicis indiquaient en lui plus de force que d'élégance; sa vue était très faible, sa voix dure et désagréable, le sens de l'odorat lui manquait entièrement. Cependant son charisme rayonnait au travers de ce corps disgracié et donnait de la dignité à sa figure, de même que le pouvoir de son éloquence triomphait des vices de son organe. Il se distinguait dans tous les exercices chevaleresques par son adresse et la force de son corps; la promptitude de son esprit se manifestait par la finesse et la vivacité de ses reparties, et sa gaieté animée inspirait de la confiance dans la bonhomie de son caractère. (Simonde Sismondi). |
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