| En Italie, à la fin du Moyen-âge, à côté de la comédie érudite, jouée dans les palais, la comédie des rues se maintenait toujours : c'est la comédie improvisée, ou comédie de l'art. La célèbre commedia dell'arte, que l'on rattache aux atellanes et dont on a prétendu retrouver les types principaux dans les fresques de Pompéi et d'Herculanum, ne devint un art savant qu'à partir du XVe siècle; elle eut une influence marquée sur le théâtre moderne. C'est une comédie improvisée pour le dialogue d'après un canevas arrêté; les acteurs, se conformant au cadre général, changeaient, selon le temps et le lieu, le détail du dialogue et variaient les incidents de la pièce. D'ailleurs, en même temps que la parole, l'action se modifiait sans cesse, variée par l'abondance et la nouveauté des jeux de scène : en général, les acteurs étaient de véritables gymnastes capables d'exécuter des tours de force et d'adresse : les quatre types principaux sont ceux que nous nommons Pantalon (La pantalonnade), le docteur, le capitan, et les valets ou Lannis, fourbes ou poltrons, intrigants ou imbéciles; puis on ajoutait les types d'amoureux, les Horace, les Isabelle, et les suivantes, Francisquine ou Zerbinette. On laissait à l'acteur toute latitude et sa verve, ses lazzis, son talent mimique faisaient presque complètement le succès de la commedia dell'arte. Chaque acteur adoptait un rôle en rapport avec son physique et ses dispositions particulières, et peu à peu enrichissait son répertoire de tous les traits, de toutes les facéties qui lui venaient à l'esprit. « Les comédiens de Barbieri étudient beaucoup et se munissent la mémoire d'une grande provision de choses : sentences, concetti, déclarations d'amour, reproches, désespoirs et délires, afin de les avoir tout prêts à l'occasion; leurs études sont en rapport avec les moeurs et les habitudes des personnages qu'ils représentent. » Les acteurs faisaient quelquefois imprimer leurs tirades : ainsi Fr. Andreini publia les rodomontades qu'ilavait inventées dans ses rôles de capitan. Souvent on se servait comme de canevas d'une pièce écrite. C'est ainsi que sur le plan de l'Emilia de Luigi Groto par exemple et sur celui des pièces de Molière les acteurs brodèrent un dialogué de fantaisie. Enfin la commedia dell'arte, après être longtemps restée à l'état de canevas, finit par être écrite, soit par l'auteur du scenario, soit par un autre; c'est à la fin du XVIe siècle, après Ruzzante, que l'on commence à trouver son répertoire écrit. A ce moment sa réputation, étendue par la Renaissance, passa les monts. En 1576 Henri III appela à Paris dans la salle du Petit-Bourbon la troupe des Gelosi (jaloux de plaire) dirigée par Flaminio Scala dit Flavio, qui comptait parmi ses acteurs le célèbre Fr. Andreini et sa femme Isabelle; en 1584 les Gelosi furent remplacés par les Confidenti dirigés par Cocodrillo, mais la première troupe fut rappelée par Henri IV en 1600. Vers 1614 elle fut définitivement remplacée par les Comici Fedeli appelés par Marie de Médicis. Après 1624 un des acteurs, Nicolo Barbieri dit Bertrame, forma une nouvelle troupe qui s'établit à Paris. Mais c'est en Italie que la commedia dell'arte continuait à briller de tout son éclat au XVIIe siècle : de grands acteurs, Fiorelli dit Scaramouche et Dominique l'Arlequin, la soutenaient de leur talent : presque tout le théâtre de Molière, réduit à son canevas, passa alors dans le répertoire mobile de la comédie improvisée. Après cette glorieuse période, la commedia dell'arte, supplantée par la comédie écrite de Goldoni et Gozzi disparut presque complètement. Il importe de dire quelques mots des principaux masques de la commedia dell'arte. On y trouvait des types venus de chaque province, et les acteurs qui les représentaient en parlaient le dialecte. C'est ainsi que Bergame a donné Arlequin et Brighella; Venise, Pantalon et Zacometo ; Milan, Scapin et Beltram; Naples, Pulcinella (Polichinelle, l'ancien Macchus, personnage osque), Tartaglia, Scaramouche, le Capitan et le Bascogliese; Florence, Stantorello; Rome, Cassandre et Marco Pepe; Bologne, le docteur et Narcisin; la Sicile, Peppe-Nappa (l'équivalent de Pierrot, le pâle amant de la lune); la Calabre, Giangurgolo (c'est le personnage du Capitan, l'ancien Miles gloriosus de Plaute) et Coviello (l'un des plus humbles mais aussi des plus amusants : c'était un danseur qui se disloquait; on trouve dans les Petits Danseurs de Callot le détail de ses poses et de ses désarticulations). | |