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Le cadastre
(du bas latin capitastrum, contenance) est un système d'opérations
qui a pour but de déterminer la quantité et la qualité
des biens-fonds d'un pays, pour arriver à l'assiette et à
la répartition de l'impôt foncier. L'empereur Auguste
fit faire par les géomètres Zénodoxe, Théodote
et Polyclète un cadastre de l'Empire
romain, et leurs travaux, coordonnés à Rome
par Balbus, servirent de base pour établir les règlements
agraires.
On continua de faire, tous les dix ans,
un cens ou recensement, qui, après les invasions
du Ve siècle, servit en Gaule
aux rois wisigoths, bourguignons
et francs, pour faire des partages de terres
conquises et percevoir des tributs. Chilpéric
Ier, roi
de Neustrie, et Childebert
II, roi d'Austrasie, rectifièrent
le cadastre de leurs États. Une opération de ce genre, entreprise
sous Charlemagne, fut très imparfaite.
Dans les siècles suivants, les églises
et les abbayes firent dresser des états
de leurs domaines, qu'on appela Polyptiques ou Pouillés.
Les seigneurs féodaux firent faire des
descriptions particulières de leurs terres, qu'on appela terriers.
Le terrier le plus systématique est celui que Guillaume
le Conquérant fit dresser après la conquête de
l'Angleterre, sous le nom de Domesday-book.
En France,
certaines provinces, pour répartir également les tailles,
dressèrent le cadastre de leurs propriétés foncières;
telles furent la Guyenne, la Bourgogne,
l'Alsace, la Flandre,
l'Artois, la Bretagne,
le Dauphiné, le Quercy,
l'Agenois, le Languedoc, le Condomois,
la généralité de Montauban.
Le livre terrier du Dauphiné s'appelait Péréquaire,
celui du Languedoc Compoix. Charles VII
eut l'idée d'un recensement général; mais cette idée
ne reçut d'exécution qu'en Provence,
où le cadastre se nomma Affouagement.
Les opérations du cadastre furent
reprises par Colbert sous Louis
XIV, sans amener encore de résultat. Par déclaration
du 21 novembre 1763, Louis XV ordonna qu'il fût procédé
à la confection d'un cadastre général; ce projet n'eut
pas de suite.
Quand l'Assemblée
constituante de 1789 eut aboli tous les impôts sur la propriété
territoriale et leur eut substitué un impôt foncier qui devait
être réparti avec égalité sur toutes les parties
du territoire, elle décida qu'il serait dressé un cadastre
ou relevé général des propriétés imposables,
avec évaluation du revenu. Le principe fut décrété
le 1er décembre 1790; la loi du
21 août 1791 chargea les administrations départementales d'ordonner
les opérations, et celle du 16 septembre de la même année
en régla le mode. Le cadastre fut encore l'objet de différents
votes de la Convention, le
21 mars elle 30 novembre 1793, le 27 janvier 1794 et le 22 octobre 1795.
Cependant, le travail ne se fit pas; et, malgré les continuelles
réclamations des contribuables, l'impôt foncier fut perçu
d'après les évaluations provisoires faites par le comité
des impositions.
Le 22 janvier 1801, les Consuls ordonnèrent
de procéder au cadastre, mais en prenant pour base la déclaration
des propriétaires (sans faire arpenter les terres). Ces déclarations
ne donnèrent que des résultats faux. On se décida
alors à arpenter 1800 communes disséminées sur tout
le territoire de la France et à prendre cet arpentage pour base
de l'évaluation des autres propriétés (20 octobre
1803). Ce mode étant encore insuffisant, on se décida à
procéder géométriquement. Cette opération,
ordonnée par la loi du 15 septembre 1807, fut terminée en
1840. Auparavant, il existait des propriétés qui ne payaient
que le 10e, le 20e,
le 50e, et même moins de leur revenu
réel, tandis que d'autres, étaient imposées au quart,
au tiers, et même à moitié.
Mesurer une étendue de plus de 460,000
kilomètres carrés, plus de 100 millions de parcelles ou propriétés
séparées; confectionner pour chaque commune un plan en feuilles
d'atlas, où sont rapportées ces 100 millions de parcelles;
les classer toutes d'après le degré de fertilité du
sol; évaluer le produit imposable de chacune d'elles; réunir
ensuite, sous le nom de chaque propriétaire, les parcelles éparses
qui lui appartiennent; déterminer par la réunion de leurs
produits son revenu total; faire de ce revenu un allivrement qui sera désormais
la base immuable de son imposition, ce qui doit l'affranchir de toutes
les influences dont il avait eu si longtemps à se plaindre; enfin,
se tenir au courant de toutes les mutations qui surviennent incessamment
dans la propriété, tel fut désormais l'objet du cadastre.
La loi du 7 août 1850 autorisa, sur
la demande du Conseil municipal approuvée par le Conseil général,
la révision du cadastre dans toute commune cadastrée depuis
30 ans au moins. (B.). |
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