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On donnait le nom de saltation, chez les anciens Romains, à l'art qui comprenait la danse, la pantomime, l'action théâtrale et l'action oratoire. Chez les Grecs, aussi bien que chez les Romains, la danse ressemblait fort peu à ce qu'on appelle du même nom chez les modernes; elle s'y liait à la gymnastique et à la mimique. Et ici il faut entendre par mimique tous les mouvements du corps, de même que les gestes et les attitudes propres à exprimer des idées ou des sentiments, ou encore une suite d'événements, comme dans les ballets modernes. Les mots mimique et saltation s'employaient même pour indiquer l'attitude du corps sans mouvement. Apulée a dit, par exemple, saltare solis oculis. Nous trouvons la danse chez les Grecs dès les temps les plus reculés. Dans les poèmes homériques, la danse et la musique sont au nombre des divertissements que prenaient les prétendants de Pénélope, et, à la cour d'Alcinoüs, Ulysse assiste à un spectacle de danses qui l'émerveillent par la rapidité des mouvements. De tout temps, les habiles danseurs furent hautement estimés par les Grecs; on leur donnait des couronnes d'or, on érigeait des statues en leur honneur et l'on célébrait leur mémoire par des inscriptions. La vive imagination des Grecs et leur goût pour la mimique se manifestèrent dans une très grande variété de danses, et nous connaissons les noms de deux cents. A l'origine, la danse fut liée intimement aux cérémonies religieuses, et elle tenait une place importante dans toutes les fêtes publiques, si nombreuses en Grèce. Les danses religieuses, si l'on en excepte celle des dionysiaques et celle des corybantes, étaient d'une grande simplicité et se réduisaient à de gracieux mouvements du corps, avec des allées et venues autour de l'autel. Dans les dionysiaques, les danseurs représentaient par la mimique les aventures de Bacchus; la danse des corybantes s'exécutait avec le glaive et le bouclier que l'on frappait l'un contre l'autre, et dans tous les mouvements elle demandait une sorte de fureur extravagante. En même temps que le poème dithyrambique devint la tragédie, la danse religieuse monta sur le théâtre avec les choeurs. La danse fut mêlée aux exercices gymnastiques, surtout dans les Etats doriques, et on a dit qu'elle contribua à donner aux soldats doriens cette rapidité, cette harmonie des mouvements qui les distinguaient dans la guerre. La plus célèbre des danses gymnastiques ou guerrières fut la pyrrhique, dont l'origine est reportée aux âges mythiques. Platon la décrit comme représentant par des mouvements rapides du corps le jet des traits et des flèches et l'attaque de l'ennemi. Chez les Doriens, elle était un véritable exercice guerrier; dans les autres Etats, elle n'était qu'un divertissement mimique; Xénophon nous raconte même l'avoir vu danser par des femmes. Jules César l'introduisit à Rome dans les jeux publics; elle y fut vivement goûtée et reparut l'ans les mérites circonstances sous Caligula, Néron et Hadrien. Outre la pyrrhique et les danses guerrières dont les Spartiates usaient dans le gymnase, il y avait d'autres danses que l'on exécutait en portant des armes; mais elles n'étaient pas pratiquées en vue de se préparer à la guerre. Parmi les danses qui ne tenaient pas aux cérémonies religieuses ou n'avaient pas pour but l'imitation des exercices guerriers, un grand nombre portaient jusqu'à la licence la grâce et la mollesse des mouvements. D'autres tenaient du tour de force, comme celles des kybistétères, ou demandaient une adresse particulière, comme celles des funambules, ou danseurs de corde. Autant qu'il est permis d'en juger par des peintures antiques découvertes dans les fouilles, cet art de danser sur la corde fut poussé chez les Romains aussi loin qu'il a pu l'être de notre temps. A Rome, de même qu'en Grèce, les danses furent d'abord mêlées aux rites religieux et pratiquées, suivant le poète Servius, dans cette pensée qu'aucune partie du corps ne devait être soustraite le l'influence de la religion. C'était par des personnages appartenant aux familles patriciennes qu'était exécutée la danse des saliens. Denys d'Halicarnasse mentionne une danse avec armes aux grands jeux (magni ludi), que, suivant son parti pris de chercher aux anciens usages romains une origine grecque, il appelle la pyrrhique. Festus parle d'une autre danse romaine fort ancienne, d'un genre guerrier, appelée bellicrepa saltatio, et que l'on disait avoir été instituée par Romulus, après l'enlèvement des Sabines. Si l'on en excepte les danses religieuses, dans lesquelles paraissaient les plus nobles matrones et des fils de sénateurs, les citoyens romains regardaient comme déshonorant de prendre part à une danse. Cicéron reproche à Caton d'avoir appelé Murena danseur (saltator) et ajoute : " Personne presque ne danse, à moins d'être ivre ou fou. "La danse qui fut portée à Rome au plus haut point de perfection fut la danse mimique des pantomimes. On sait que ces acteurs ne parlaient pas sur la scène, et que tout leur jeu consistait en gestes, mouvements et attitudes. Tous leurs mouvements étaient rythmés comme dans un ballet, et pour cette raison leur art était appelé saltation (saltatio). Quand on parlait d'un pantomime représentant, par exemple, Niobé ou Léda, on disait qu'il dansait Niobé, qu'il dansait Léda (saltare Niobem, saltare Ledam). Nous n'avons pas à nous occuper ici de la grande popularité que les pantomimes acquirent sous les empereurs, à partir d'Auguste. Leur mode d'action rentre seul dans notre sujet. Remarquons d'abord qu'ils étaient masqués, et que par conséquent ils n'avaient pas à compter sur l'expression de leur visage pour l'effet à produire. Toutes les autres parties de leur corps, spécialement les bras et les mains, concouraient à l'action; de là les expressions : manus loquacissimae, digiti clamosi. Malgré leurs masques, à ce que prétendent les anciens, ils rendaient les pensées, les sentiments, les passions aussi correctement, aussi intelligiblement qu'on aurait pu le faire eu parlant ou en écrivant. Il faut remarquer combien leur jeu était facilité par cette circonstance qu'ils représentaient seulement des personnages mythologiques, connus de chaque spectateur. En outre, certains de leurs gestes et de leurs mouvements avaient une signification conventionnelle, qui n'était ignorée de personne. Leurs costumes, comme ceux des danseurs dans un ballet, étaient disposés de manière à faire ressortir le plus avantageusement possible la beauté des formes humaines, quoiqu'ils variassent suivant les divers caractères représentés. Au temps d'Auguste, il n'y avait jamais sur la scène qu'un pantomime à la fois, et il représentait à tour de rôle les divers personnages du drame, qu'ils fussent des personnages d'homme ou de femme. Cette coutume subsista jusqu'à la fin du IIe siècle de notre ère. Alors seulement plusieurs pantomimes parurent ensemble sur la scène dans un même drame. Durant la première période de l'Empire, les femmes ne parurent jamais au théâtre connue pantomimes; mais plus tard elles en devinrent le principal élément et se montrèrent au public dans un un état de nudité presque complète. Aussi Tertullien parle-t-il des spectacles de pantomimes comme d'une école de tous les vices. Du reste, si l'art mimique ou l'art de la saltation fut poussé très loin par des pantomimes tels que Bathylle, Pylade et Hylas, il ne paraît pas que les pantomimes femmes s'en soient beaucoup préoccupés. La danse et la mimique ayant chez les anciens, comme on l'a vu, une union intime qui en faisait, pour ainsi dire, un même art, il est tout simple qu'on ait désigné cet art par le seul mot de saltation, bien que la signification intrinsèque de ce mot semble ne convenir qu'à la danse. Après avoir désigné la mimique dans la danse et dans la pantomime, le mot saltalion a désigné aussi, par une analogie facile à comprendre, la mimique dans tout le théâtre et dans l'art oratoire, c'est-à-dire l'action chez les comédiens et l'action chez les orateurs. (PL). |
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