Pastourelle de Jean de Brienne « Je vis au bord d'un bois Une pastoure à mon goût. La fillette aux cheveux blonds Etait bien protégée contre le froid. La voyant seule, je quittai mon chemin Et me dirigeai vers elle. Aé! La jeune fille n'avait d'autre compagnon Que son chien et son bâton. A cause du froid, elle s'était enveloppée dans sa chape, Assise derrière un buisson. Sur sa flûte elle chantait Garinet et Robeçon. Aé! Dès que je la vis J'allai vers elle, je descendis [de cheval] Et lui dis : « Pastourelle, mon amie, Je me rends à vous de bon coeur : Faisons-nous un pavillon de feuillage Et nous nous aimerons gentiment. » Aé ! « Seigneur, retirez-vous arrière, Car j'ai déjà entendu pareil discours. Je ne suis pas abandonnée A tous ceux qui disent « Viens ici! » Ce n'est pas pour votre selle dorée Que Garinet y perdra rien. » Aé ! « Pastourelle, s'il te plaît, Tu seras dame d'un château. Défuble cette chape grise Et revêts ce manteau de vair. Tu ressembleras à la rose Qui vient de s'épanouir. » Aé! « Seigneur, voilà une grande promesse; Mais bien folle est qui accepte ainsi D'un homme étranger Manteau de vair ou parure, Si elle ne se rend à sa prière Et ne lui accorde ce qu'il désire. » Aé! « Pastourelle, je le jure, Parce que je te trouve belle, Je ferai de toi, si tu veux, une dame élégante, noble et fière. Laisse l'amour des garçons Et confie-toi à moi. » Aé! «, Seigneur, paix, je vous en prie : Je n'ai pas le coeur si bas; Et j'aime mieux l'humble joie qui m'appartient, Prise sous la feuillée avec mon ami, Qu'être dame dans une belle chambre, Et qu'on ne fasse pas cas de moi. » Aé!. » (Jean de Brienne, Pastourelle). |