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pour le passage de Vénus sur le Soleil | ||
Chappe d'Auteroche |
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Chappe termine ses observations par celle qui fut l'objet de son voyage, c'est-à-dire le passage de Vénus sur le disque du Soleil. L'académicien devait observer ce phénomène à Tobolsk, en Sibérie, pendant que d'autres astronomes l'observaient en, d'autres lieux de la Terre fort éloignés de la Sibérie. La différence des temps du passage observés par ces divers astronomes donne la distance de Vénus à la Terre. Or, comme on connaît d'ailleurs le rapport entre la distance de Vénus au Soleil, et celle de la Terre, au Soleil, il est aisé de voir que, la distance de Vénus à la Terre étant connue, on aura celle de la Terre au Soleil; élément important dans l'astronomie. Le compte rendu que donne Chappe dans son ouvrage de ses observations reprend le texte du rapport qu'il avait lu à l'assemblée de l'Académie, le 8 janvier 1742. Celui-ci comence par une description de son équipement. « Mon observatoire, quoiqu'en bois, était construit avec de grosses poutres, qui le rendaient des plus solides; le pavé était de briques posées sur le terrain immédiatement. Dès le 11 mai, j'y plaçai mon quart-de-cercle et deux pendules, dont l'une est de Julien Le Roi; le quart-de-cercle a trois pieds de rayon, et une lunette de même longueur, à laquelle est adapté un micromètre. Les deux pendules étaient enfermées séparément dans des boîtes de six pieds de haut; de façon cependant qu'on voyait les aiguilles par le moyen d'un verre placé à l'ordinaire vis-à-vis du cadran. »Après avoir rendu compte des mesures qu'il a prises pour s'assurer de la justesse de ses instruments et de l'exactitude de son observation - il vérifie notamment la position de la lunette du quart-de-cercle en observant Mizar [Grande Ourse] et Caph [Cassiopée]- l'abbé Chappe dit que sa lunette de dix-neuf pieds, avec un oculaire d'un pouce, neuf lignes de foyer, équivalait à une excellente lunette de trente-cinq pieds qui aurait un oculaire de trois pouces de foyer. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Les éclipses de la Lune et du Soleil. Quelques jours avant l'événement pour lequel il avait son voyage, Chappe va pouvoir observer deux autres événements célestes relativement rares : une éclipse de Lune et une autre de Soleil. L'éclipse de Lune eut lieu le 18 mai. « J'ai fait cette observation avec une lunette de six pieds, à laquelle j'avais adapté un micromètre pour déterminer les doigst de l'éclipse. la pendule dont je me suis servi, et la seule dont je ferai usage par la suite est celle de Julien Le Roi. »Bien que le ciel fut couvert une partie de la nuit, Chappe peut faire les observations consignées dans le tableau suivant : -
Le 30 mai, Chappe observe le Soleil et note la présence de plusieurs taches, dont il prend les dimensions. Il les observera encore tout au long des semaines suivantes, du moins temps que les nuages le lui permettent. Taches observées sur le Soleil en juin 1761. L'éclipse du Soleil a lieu, quant à elle le 3 juin. Chappe va l'observer avec sa lunette de dix pieds, à laquelle il avait adapté un micromètre. Mais comme préfigurer des péripéties qui allaient accompagner l'observation du passage de Vénus, la météo sibérienne comme à son habitude s'en mêle : « Dans la nuit du 2 au 3, le ciel fut presque toujours couvert, il tomba de la neige et de la grêle jusqu'à 4 heures du matin; le thermomètre de M. de Réaumur était d'un degré au-dessous de zéro, et le vent au Nord; à 4 h 42, j'aperçus à travers les nuages l'éclipse commencée d'un doigt environ; le ciel se couvrit ensuite de nouveau, et je ne pus observer que la fin avec exactitude.»
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Passage de Vénus sur le Soleil, le 6 juin Comme on l'a déjà dit, pendant la nuit qui précéda son importante observation, le ciel se couvrit et s'éclaircit tour à tour, laissant l'académicien dans une continuelle agitation entre la crainte et l'espérance. A six heures du matin, les nuages dérobèrent le Soleil à sa lunette : il reparaissait par intervalles, mais courts; comme pour se jouer d'un mortel qui voulait saisir sa distance. Voyons maintenant, le récit détaillé de cette observation, faite avec un oculaire de 1 pouce et 9 lignes de foyer monté sur sa lunette de dix-neuf pieds [a] : « A six heures, quarante-quatre minutes, dix-huit secondes, j'aperçus, dit-il, Vénus déjà entrée sur le Soleil; mais elle disparut presque aussitôt, avec l'espérance cependant que les nuages se dissiperaient bientôt, et me procureraient un ciel serein pour toute la suite de mes observations. »-
Chappe poursuit avec quelques remarques sur l'usage qu'il a fait de sa pendule et estime que ces résultats doivent être exacts au quart de seconde près. Il en vient ensuite à l'observation la plus étonnante qu'il a pu faire. | [a] Son objectif avait été réalisé par le fameux Campani, et elle avait été apportée en France par le cardinal de Luynes. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
« L'anneau, dit l'astronome, me paraît avoir sa principale cause dans le rapport du diamètre de Vénus à celui du Soleil: celui de cette planète étant beaucoup plus petit, devait avoir plus d'un hémisphère éclairé par le Soleil [b]. Le disque de Vénus n'était point parfaitement rond dans sa partie orientale où parut l'anneau. Ce qui me fit soupçonner que son diamètre était même plus petit dans ce sens. La lumière de cet anneau était d'un jaune très foncé, auprès du corps de la planète, elle devenait ensuite plus brillante vers la partie la plus éloignée du corps obscurs de Vénus, à 6 h 59' 41" 1/4; la limite la plus obscure de cet anneau me parut toucher le disque du Soleil; je crus même pendant quelque temps que c'était le moment de l'immersion totale : dans cette incertitude, je ne voulus pas quitter la lunette, mais j'écrivis immédiatement l'observation, et prêtai de nouveau la plus grande attention à la partie de l'anneau qui n'était pas encore entrée à 7h 0' 30" 1/4.En guise de conclusion Telle est l'observation qui a coûté tant de fatigues à Chappe. Ce n'est qu'un fait, qu'un moment, qu'un point dans l'histoire des temps et des cieux; mais c'est un de ces moments et de ces points décisifs qui doivent faire époque dans l'astronomie, étendre et perfectionner la sublime théorie des mouvements célestes. Un jour peut-être on partira de cette observation pour déterminer la distance du Soleil, qui jusqu'ici s'est dérobée aux calculs de la géométrie, pour mesurer la grandeur réelle de cet astre, pour peser son influence sur le système dont il est le centre et le mobile. Encore cent ou mille siècles, et les astronomes sauront le chemin des cieux, comme les couriers de cabines connaissent celui des capitales d'Europe; mais ils les verront sans doute avec d'autres yeux. Car un simple calculateur resemble à un messager qui voyage avec beaucoup de fatigue, sans rien voir dans les pays qu'il traverse, ni rien savoir des secrets qu'il apporte. Le même phénomène qu'il avait vu en Sibérie, il voulut le revoir dans la Californie, huit ans après. De la zone glaciale, il passe à l'équateur, impatient de connaître les deux hémisphères, les régions les plus opposées par le climat; il fait presque le tour de la Terre, visite les conquêtes des Russes et des Espagnols, qui peuvent se rencontrer et se joindre un jour par deux routes opposées, et va chercher la lumière chez les peuples les plus enfoncés dans les ténèbres de l'ignorance. Son observation était fixée au 6 juin 1770 : il l'a faite, et il est mort le 1er août de la même année. La cendre de ce philosophe repose dans une terre sauvage, au delà des mers; mais il a laissé les monuments de ses travaux à la mémoire de son courage, et la gloire de ses exemples. | [b] Il s'avère que ce rapport a si peu influé dans le phénomène, qu'il a fallu recourir à d'autres causes pour en donner une explication satisfaisante. [c] Ou plutôt, cette lumière qui restait, n'était autre chose que cette fausse lumière qui accompagne ordinairement l'image des corps lumineux dans les lunettes. Elle dut disparaître sitôt que Vénus eut atteint le vrai bord du Soleil. |
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