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Gilbert de la
Porrée, Porretanus, théologien scolastique,
né à Poitiers, mort en 1154.
Il avait reçu les leçons de Bernard de Chartres (l'Ecole
de Chartres) et de Radulphe de Laon; il
était chancelier de l'église de Chartres, lorsqu'il fut appelé
à Paris pour y enseigner la théologie. En 1142, il fut nommé
évêque de Chartres. Dans ses invectives contre la scolastique,
Gauthier de Saint-Victor range ses oeuvres parmi les labyrinthes.
Réaliste-aristotélicien,
Gilbert enseignait que les universaux (genus,
species, differentia,
proprium, accidens)
ont une existence réelle en dehors de
l'intelligence qui les conçoit; mais
qu'ils ne révèlent cette réalité
que dans les choses individuelles auxquelles ils prêtent forme et
figure (universalia in re). C'est au moyen des universaux que ces
choses deviennent des êtres individuels, car l'individualité
n'est que la résultante de ses diverses qualités.
En conséquence, il séparait
la divinité, en tant qu'idée de genre, de l'idée
de Dieu,
parce que la divinité ou la nature divine ne se réalise que
dans les individus. La divinité, c'est
l'universel, par lequel le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont
faits Dieu; de même que l'humanité est ce qui fait de l'individu
humain un humain. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont un, par
rapport à la divinité qui leur est inhérente ; mais
on ne peut pas dire qu'un seul Dieu est à la fois Père, Fils
et Saint-Esprit, ni que la nature divine ou la divinité est devenue
chair. En d'autres termes : la divinité est une essence réelle,
elle est ce par quoi Dieu est ce qu'il est; mais elle n'est pas Dieu. Dieu
est la forme de la divinité; c'est en lui que la divinité
s'individualise. Les trois personnes de la Trinité ne sont une que
par la divinité qui leur est commune. En elles-mêmes, elles
sont distinctes de la divinité, et chacune n'est ce qu'elle est,
que parce qu'il existe trois propriétés générales
dont elles sont les formes individuelles.
Gilbert exposa cette doctrine
dans un commentaire sur un Traité de la Trinité
attribué à Boèce. En 1147,
deux prêtres de son diocèse la dénoncèrent à
un concile tenu à Paris, comme infectée de trithéisme.
L'année suivante, l'accusation fut reprise devant le concile de
Reims et soutenue par saint Bernard;
mais le lamentable échec de la croisade,
dont il avait si hautement prédit le succès, avait désastreusement
atteint son prestige. Auparavant toute accusation d'hérésie
soutenue part entraînait la condamnation de l'accusé; cette
fois, il ne put obtenir du concile de Reims et du pape Eugène III,
qui y assistait, qu'une déclaration générale interdisant
toute distinction entre Dieu et la divinité. Aucune condamnation
ne fut prononcée personnellement contre Gilbert et sa doctrine.
Il reçut du pape des témoignages de bienveillance et conserva
son évêché et sa considération.
Son système théologique et
philosophique est formulé dans son traité De VI principiis.
Il reste aussi de lui un Commentaire sur l'Apocalypse.
( E. H. Vollet). |
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