| Anne-Françoise-Hippolyte Salvetat, connue sous le nom de Mademoiselle Mars, est actrice, née à Paris le 9 février 1779, et morte dans la même ville le 20 mars 1847. Sa mère était une actrice de province qu'un accent méridional trop prononcé rendit impossible à la Comédie-Française, et elle était la fille naturelle de Monvel, l'une des gloires de ce théâtre. On conçoit, dans ces conditions, que l'enfant ait été, dès ses plus jeunes années, appelée à paraître en public, dans des rôles appropriés à son âge, tels que ceux de Louison du Malade imaginaire et de Clystorel du Légataire universel. Faisant partie alors de la troupe que la Montansier dirigeait à Versailles, elle la suivit lorsque celle-ci vint fonder à Paris, en 1790, le théâtre auquel elle donna son nom; elle s'y trouvait avec sa soeur, plus âgée qu'elle de quelques années (on les distinguait sous les noms de Mars aînée et Mars cadette), qui n'était pas sans talent, mais qu'elle ne devait pas tarder à éclipser. - Mademoiselle Mars (1779-1847). Quelques années après, en 1795, toutes deux faisaient partie de la colonie de la Comédie-Française qui alternait ses représentations au théâtre Feydeau avec la troupe d'opéra-comique, et c'est là que Mademoiselle Mars reçut les premiers conseils de Mademoiselle Contat, qui la prit en affection. Puis on les retrouve toutes deux au Théâtre-Français de la République, en 1798, et enfin, l'année suivante, à la Comédie-Française lors de la reconstitution définitive de celle-ci à la suite des troubles qui l'avaient disloquée pendant la période révolutionnaire. C'est alors que va commencer la carrière vraiment active puis glorieuse de Mlle Mars. Les difficultés toutefois ne lui manquèrent pas. Elle eut d'abord à lutter contre la situation de ses deux chefs d'emploi, Mlle Lange et Mézeray, qui, toutes deux fort belles, étaient loin d'être sans valeur. Un peu plus tard, elle eut affaire à Mlle Leverd, dont les débuts brillants semblaient lui susciter une rivale. Mais enfin son jeu avait pris tant d'assurance et tant d'ampleur, elle déployait une telle supériorité, non seulement dans l'emploi des ingénuités qu'elle conserva jusqu'à soixante ans, mais dans celui des grandes coquettes, qu'elle ne craignit plus aucune comparaison. Car Mademoiselle Mars était en même temps Agnès et Célimène, Victorine et Silvia, et dans tous les genres elle apportait la même perfection. Admirable dans le grand répertoire classique, jouant tour à tour Tartufe et le Misanthrope, l'Ecole des femmes et le Philosophe sans le savoir, le Jeu de l'amour et du hasard et les Fausses Confidences, la Gageure imprévue et le Mariage de Figaro, elle ne se montrait pas moins accomplie dans les ouvrages nouveaux au succès desquels elle contribuait. Sa beauté resplendissante, les grâces de sa personne, l'aisance de ses manières, son maintien pudique, sa voix enchanteresse n'étaient peut-être que les moindres de ses avantages : il semblait que son talent surpassât toutes ses autres qualités. Et, comme si ce n'était pas assez, Mademoiselle Mars apportait un tact et un goût exquis dans sa façon de s'habiller, qu'elle avait élevé à la hauteur d'un art véritable. Pendant sa longue carrière, qui se prolongea tout un demi-siècle, Mlle Mars créa une foule de rôles, dont le nombre s'élève à beaucoup plus d'une centaine. On conçoit facilement que les auteurs dussent rechercher avec ardeur la collaboration d'une telle artiste, l'appui d'une telle interprète pour assurer la réussite de leurs oeuvres. Parmi tous ceux auxquels elle prêta le concours de son inimitable talent, on peut citer surtout : la Jeunesse d'Henri V, la Manie des grandeurs, le Tasse, la Fille d'honneur, d'Alexandre Duval; le remaniement de la Suite du Menteur, le Vieux Fat, la Comédienne, le Manteau, d'Andrieux; Brueis et Palapral, les Deux Gendres, l'lntrigante, la Jeune Femme colère, d'Etienne; la Méprise, les Suites d'un bal masqué, de Mme de Bawr; l'Ecole des vieillards, la Princesse Aurélie, les Enfants d'Edouard, de Casimir Delavigne; le Mariage d'argent, Valérie, de Scribe; Henri III et sa cour, le Mari de la veuve, Mademoiselle de Belle-Isle, d'Alexandre Dumas; Clotilde, Une Aventure sous Charles IX, de Frédéric Soulié; Hernani, Angelo, de Victor Hugo; Marie, le Château de ma nièce, de Mme Ancelot; le More de Venise, d'Alfred de Vigny, Un Procès criminel, de Rosier; Chacun de son côté, de Mazères; Louise de Lignerolles, d'Ernest Legouvé, etc. Enfin, à soixante-deux ans, après une carrière noblement remplie, Mademoiselle Mars prit le parti de la retraite. Le 31 mars 1841, elle donna sa dernière représentation et fit ses adieux au public en jouant Elmire de Tartufe et Silvia du Jeu de l'amour et du hasard. On ne la vit plus qu'une seule fois, le 15 avril. suivant, dans sa représentation à bénéfice, où elle se montra dans Célimène du Misanthrope et Araminthe des Femmes savantes. Ses admirateurs ne pouvaient se faire à l'idée qu'ils ne l'applaudiraient plus; aussi la couvrirent-ils à cette occasion de bravos enthousiastes. Quant à elle, elle a laissé le souvenir d'une actrice incomparable, aussi grande, aussi achevée qu'aucune de celles qui l'avaient précédée sur la scène glorieuse de la Comédie-Française, qu'elle a illustrée à son tour. (A. Pougin). | |