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François Pierre
Guillaume Guizot est un homme d'État et écrivain
français, né à Nîmes en 1787 d'une
famille protestante. Son père, avocat distingué, ayant péri sur l'échafaud
révolutionnaire en 1794, sa mère le conduisit à Genève,
où il fit ses études. Venu à Paris en 1805, pour faire son droit, il
s'occupa de littérature, et publia en 1809 un nouveau Dictionnaire
des Synonymes français. En 1812, il épousa Mlle Pauline Meulan (ci-dessous),
qui le seconda dans quelques-uns de ses travaux, par exemple les Vies
des poètes français du siècle de Louis XIV
(1813), la traduction de l'Histoire de la décadence et de la chute
de l'Empire romain de Gibbon (1812 et suiv.). Il la perdit en 1827,
et épousa l'année suivante Mlle Elisa Dillon, qu'il perdit en 1833, et
dont il avait eu une fille (Mme Cornélis de Witt) et un fils (Guillaume
Guizot). Il devint en 1813 suppléant, puis titulaire de la chaire d'histoire
moderne à la Sorbonne, et, à la chute du premier
Empire, entra dans la vie politique comme secrétaire général du
ministre de l'intérieur, l'abbé de Montesquiou, et comme membre du Comité
de censure; suivit Louis XVIII Ã Gand pendant
les Cent jours; se posa sous la seconde Restauration
comme royaliste constitutionnel, et fut, avec Royer-Collard,
l'un des principaux représentants de l'école doctrinaire. Il publia diverses
brochures politiques (du Gouvernement représentatif, 1816; des
Moyens de gouvernement et d'opposition dans l'état actuel de la France,
1821; de la Peine de mort en matière politique, 1822, etc.) Après
avoir été, sous les ministres Barbé-Marhois et Decazes, secrétaire
général du ministère de la justice, maître des requêtes, conseiller
d'État, directeur général de l'administration départementale et communale,
il perdit ses places politiques au moment de la réaction qui suivit l'assassinat
du duc de Berry (ministère de Villèle, décembre
1821), et remonta dans sa chaire de la Sorbonne; le libéralisme d'opinions
qu'il professait, et dont témoigne la reproduction d'une partie de ses
leçons faite sous le titre d'Histoire du gouvernement représentatif,
1822, fit fermer son cours en 1825.
Le ministère Martignac rendit à Guizot
sa place au conseil d'État à côté de Villemain
et Cousin. C'est alors qu'il publia ses plus importants
travaux historiques et littéraires : Édition des Oeuvres de Rollin,
1821; révision de la Traduction de Shakespeare
de Letourneur, 1821; Essai sur l'histoire de France, 1823; Collection
des Mémoires relatifs à la révolution d'Angleterre, 26 vol. in-8,
1823 et suiv.; Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France;
31 vol. in-8, 1823 et suiv.; Histoire de la Révolution d'Angleterre
depuis Charles Ier
jusqu'Ã Charles II, 2 vol. in-8,
1827; Histoire de la Civilisation en Europe et de la Civilisation en
France, 5 vol. in-8, 1828-1830. En même temps il collaborait à divers
recueils (le Globe, etc.), dirigeait l'Encyclopédie
progressive et fondait la Revue française (1828). Envoyé en
janvier 1830 à la Chambre des députés par les électeurs de Lisieux,
qui depuis lui renouvelèrent leur mandat, Guizot combattit vivement le
ministère Polignac; signa l'adresse des 221; rédigea, le 27 juillet,
la protestation des députés contre les ordonnances, et, le lendemain,
la proclamation par laquelle la Chambre appelait le duc d'Orléans à la
lieutenance générale du royaume; devint ministre de l'intérieur dans
le premier cabinet formé par le roi Louis-Philippe;
s'efforça, d'accord avec le duc de Broglie et le comte Molé, de faire
prévaloir la politique du parti constitutionnel ou du juste
milieu contre le parti légitimiste et le parti républicain
ou démocratique; essaya vainement de satisfaire la gauche par des projets
de lois libéraux, comme celui qui déférait au jury les délits de presse
et les délits politiques, mais aima mieux quitter le ministère que de
faire partie d'un cabinet tendances plus avancées, présidé par Laffitte
(novembre 1830). Il appuya de sa parole et de son autorité le ministère
Casimir Périer (mars 1831-mai 1832) et entra, comme ministre de l'instruction
publique, dans le cabinet du 11 octobre 1832, où il était le collègue
du maréchal Soult,
du duc de Broglie et de Thiers, et où il marqua
la trace de son passage par le rétablissement de l'Académie
des sciences morales et politiques au sein de l'institut et par l'organisation
de l'instruction primaire (loi du 28 juin 1833).
Après la dissolution du ministère (22
février 1836) et quelques mois de retraite et de silence, Guizot rentra
comme ministre de l'instruction publique dans le premier ministère Molé
(6 octobre 1836) : il ne fit pas partie du second ministère Molé (15
avril 1837), lui fit une vive opposition, et le renversa (31 mars 1839)
en s'unissant avec Thiers, Berryer, Odilon Barrot
dans une coalition qui lui a été fort reprochée. Sous le ministère
Soult il fut appelé à l'ambassade de Londres (9 février 1840), poste
où il fut maintenu par le ministère Thiers (1er
mars 1840), mais où il se trouva en dissentiment d'opinions avec le président
du Conseil, et ne put empêcher le traité du 14 juillet signé sans la
France par l'Angleterre,
la Russie, l'Autriche
et la Prusse. Le 29 octobre 1840, il entra
comme ministre des affaires étrangères dans un cabinet qui dura huit
ans, mais fut le dernier de la royauté de Juillet, et que signalèrent
particulièrement :
1° au dehors, la convention des
Détroits (13 juillet 1841), qui fit rentrer la France dans le concert
européen; le maintien de la paix au prix de concessions fort exploitées
par l'opposition (droit de visite, indemnité Pritchard, etc.) et nonobstant
l'occupation des îles Marquises 1842) et les mariages espagnols (1846);
2° au dedans, la loi de la régence, la
lutte contre les légitimistes, dont les députés sont " flétris" dans
l'Adresse de 1844 pour leur pèlerinage à Belgrave Square; et la résistance
aux propositions de réforme électorale plusieurs fois reprises en vain
dans la Chambre des députés.
L'agitation créée par les Banquets
réformistes ayant amené des troubles qui aboutirent à la révolution
du 24 février, Guizot dut quitter le ministère le 23, passa en Angleterre,
et demeura jusqu'à sa mort (septembre 1874) presque entièrement étranger
à la politique active, tout entier à ses études et aux affaires, soit
de la communion protestante à laquelle il appartenait, soit des trois
Académies dont il faisait partie (Académie française, des sciences morales
et politiques, des inscriptions et belles-lettres). Dans cette dernière
période de sa vie il publia : de la Démocratie en France (1849),
Pourquoi la Révolution d'Angleterre a-t-elle réussi (1850); Nos
mécomptes et nos espérances (1855); Eglise et la société chrétienne
(1861); Méditations et études morales (1851); Mémoires pour
servir à l'histoire de mon temps, 7 vol. in-8 (1858-64); Discours
académiques (1861); Histoire parlementaire de France (4 vol.,
1863); Méditations sur l'essence de la religion chrétienne (1864);
Histoire de France racontée à mes petits-enfants (5 vol. in-8,
1869 et suiv. Le 5e est de Mme de Witt).
A ces divers ouvrages il faut enjoindre un autre qu'il publia pendant son
dernier ministère : Vie, correspondance et écrits de Washington
(6 vol. in-8, 1839-40). Guizot laissa un grand nom comme publiciste,
comme professeur et comme orateur parlementaire; et, s'il a été très
contesté comme homme d'Etat, son caractère privé a toujours été entouré
de respect. (Bouillet).
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La France,
foyer de civilisation
« Il ne faut flatter
personne, pas même son pays, cependant je crois qu'on peut dire, sans
flatterie, que la France a été le centre, le foyer de la civilisation
de l'Europe. Il serait excessif de prétendre qu'elle ait marché toujours,
dans toutes les directions, à la tête des nations. Elle a été devancée,
à diverses époques, dans les arts par l'Italie; sous le point de vue
des institutions politiques, par l'Angleterre. Peut-être sous d'autres
points de vue, Ã certains moments, trouverait-on d'autres pays de l'Europe
qui lui ont été supérieurs; mais il est impossible de méconnaître
que, toutes les fois que la France s'est vue devancée dans la carrière
de la civilisation, elle a repris une nouvelle vigueur, s'est élancée
et s'est retrouvée bientôt au niveau ou en avant de tous. Et non seulement
telle a été la destinée particulière de la France, mais les idées,
les institutions civilisantes, si je puis ainsi parler, qui ont pris naissance
dans d'autres territoires, quand elles ont voulu se transplanter, devenir
fécondes et générales, agir au profit commun de la civilisation européenne,
on les a vues, en quelque sorte, obligées de subir en France une nouvelle
préparation; et c'est de la France, comme d'une seconde patrie, qu'elles
se sont élancées à la conquête de l'Europe. Il n'est presque aucune
grande idée, aucun grand principe de civilisation qui, pour se répandre
partout, n'ait passé d'abord par la France.
C'est qu'il y a dans
le génie français quelque chose de sociable, de sympathique, quelque
chose qui se propage avec plus de facilité et d'énergie que le génie
de tout autre peuple : soit notre langue, soit le tour de notre esprit,
de nos moeurs, nos idées sont plus populaires, se présentent plus clairement
aux masses, y pénètrent plus facilement; en un mot, la clarté, la sociabilité,
la sympathie, sont le caractère particulier de la France, de sa civilisation,
et ces qualités la rendaient éminemment propre à marcher à la tête
de la civilisation européenne. »
(F.
Guizot).
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