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Clément
I (Romain [Saint]), pape, un des hommes dont on parle le plus dans
la primitive Eglise et sur lesquels, en réalité,
on sait le moins; le premier successeur de saint
Pierre, selon Tertullien; le second, selon
saint Augustin et saint
Jérôme; le troisième, selon saint Irénée;
mort dans son lit, selon saint Jérôme, Irénée
et Eusèbe; mort martyr, selon Rufin, d'après
des Acta martyrum que tout le monde aujourd'hui tient pour inauthentiques,
l'auteur supposé enfin d'une foule d'oeuvres, dont la fabrication
se continuait encore au IVe siècle,
et dont la critique a si bien réduit le nombre petit à petit,
qu'en général on ne lui en attribue plus qu'une, la première
Épître aux Corinthiens.
Là s'arrête tout ce que l'on
peut dire de certain à son sujet. Il a existé à un
moment quelconque du Ier siècle
un pape de ce nom, qui a laissé une très grande réputation;
voilà qui est sûr, mais, passé cela, rien ne l'est.
Les principales oeuvres qu'on a attribuées à Clément,
outre l'Épître susnommée,
sont une seconde Épître aux Corinthiens; les Reconnaissances,
les Homélies clémentines, les Constitutions apostoliques,
les Epîtres décrétales, le Résumé des
actes de Pierre et de Paul et enfin deux Épîtres aux
Vierges. Celles de toutes ces oeuvres que les modernes lui ont maintenues
le plus longtemps sont la seconde Epître aux Corinthiens et
les deux Epîtres aux Vierges. Mais sur cette seconde Epître
aux Corinthiens, on a fini par se rendre au témoignage des Pères
qui, jusqu'au crédule saint Epiphane, vers 400, ne lui attribuent
ou ne mentionnent même que l'autre. La lutte a été
plus longue encore sur les Epîtres aux Vierges, quoique nous
n'en possédions même pas la texte grec, mais simplement une
traduction latine, faite elle-même
sur une traduction syriaque, avec aveu d'additions et de corrections. Mais
on a fini par reconnaître l'impossibilité de maintenir à
un auteur du Ier siècle des lettres qui parlent hautement à
Rome de l'Evangile selon saint Jean,
à peine écrit en l'an 100, et qui se servent couramment du
mot de Nouveau Testament,
dont on n'a commencé à faire usage qu'à la fin du
second siècle.
Il n'y a donc absolument que la première
Epître aux Corinthiens dont on puisse, à propos du
nom de Clément, se risquer à parler. L'Eglise latine attache
à cette Epître une très grande importance, parce
qu'elle croit y trouver une preuve que la suprématie de l'évêque
de Rome était acceptée dès cette époque par
les Eglises chrétiennes. Cette Epître est, en effet,
une réponse à une, lettre de l'Eglise de Corinthe
qui, divisée depuis plusieurs années en deux partis contraires
à propos d'élections, s'était adressée à
l'Eglise de Rome pour vider le différend. Mais cette lettre, qui
ne porte (nous l'avons dit) aucune indication d'auteur, fût-elle
de l'évêque Clément, cela ne prouverait rien encore
en faveur de la thèse ultramontaine, car l'auteur n'y parle qu'au
nom collectif de l'Eglise de Rome et jamais au sien, et nulle part non
plus il ne réclame pour cette Eglise un privilège ou une
autorité quelconques. Le langage de l'Epître est celui
d'une Egise amie s'adressant à une Eglise amie. De plus elle parle
de l'Eglise de Jérusalem comme privilégiée
entre toutes les Eglises (ch. XII). Le Christ,
reconnu peut-être comme antérieur au monde, y est quelquefois
appelé Seigneur, mais jamais Dieu.
L'Epître peut servir à
établir par des citations nominales l'existence alors de l'Epître
de Paul aux Romains et de la première aux Corinthiens.
Quant aux citations anonymes qu'on a voulu y trouver de l'Epître
aux Hébreux,
elles sont suspectes, car on les retrouve toutes, et souvent plus exactes,
dans les Proverbes
et dans les Psaumes.
L'auteur, d'autre part, ne parle jamais d'évangiles écrits,
bien qu'il ait des rapports d'idées avec quelques passages de Marc,
de Luc et de Mathieu. (V. Courdaveaux). |
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