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Avant
l'arrivée des Européens, il n'existe aucune preuve d'une population
indigène permanente sur les îles Chagos, qui forment aujourd'hui le Territoire
britannique de l'océan Indien. Ces atolls isolés étaient inhabités,
bien que des navigateurs malais, arabes et austronésiens aient probablement
traversé cette région. Les îles Chagos, dont Diego Garcia, furent explorées
par les Portugais au début du XVIe siècle.
Diego Garcia a été mentionnée pour la première fois sur une carte en
1512 par des marins portugais.
Les Français furent
les premiers à coloniser les îles Chagos dans le cadre de leurs possessions
à l'île Maurice
et à La Réunion.
À partir de la fin du XVIIIe siècle,
Diego Garcia et d'autres îles furent utilisées comme des plantations
de noix de coco et pour la production d'huile de coco. Les colons français
y installèrent des esclaves venus d'Afrique, principalement de Madagascar
et du Mozambique,
pour travailler dans les plantations.
Après les guerres
napoléoniennes, la France céda l'île
Maurice et ses dépendances (y compris les Chagos) à la Grande-Bretagne,
par le Traité de Paris (1814). Les îles Chagos furent alors intégrées
au territoire de l'île Maurice, qui devint une colonie britannique.
Sous domination britannique, les plantations de noix de coco continuèrent
à être exploitées, et une petite communauté d'ouvriers, composée
de descendants d'esclaves affranchis et de travailleurs sous contrat,
s'établit sur Diego Garcia et d'autres îles. Ces habitants, appelés
Chagossiens ou Îlois, vivaient de manière isolée, suivant un mode de
vie rural.
Les îles Chagos
restèrent sous-développées et éloignées des grandes routes commerciales.
Leur principal intérêt résidait dans leur position stratégique au coeur
de l'océan Indien. Avec la montée en puissance des rivalités de la
guerre
froide après la Seconde Guerre
mondiale, l'intérêt stratégique des îles augmenta. Diego Garcia,
avec sa vaste lagune et son emplacement central, fut identifié par les
Britanniques et les Américains comme un emplacement idéal pour une base
militaire. Jusqu'en 1965, l'archipel des Chagos resta une dépendance de
la colonie britannique de l'île Maurice, bien qu'il fût administré
de manière distante.
En 1965, peu avant
que l'île Maurice n'obtienne son indépendance (1968), les Britanniques
détachèrent les îles Chagos de l'administration mauricienne pour former
le Territoire britannique de l'océan Indien. Cette décision fut prise
sous pression des États-Unis, qui souhaitaient utiliser Diego Garcia comme
une base militaire stratégique. En échange de cette cession, Maurice
reçut 3 millions de livres sterling, mais cet accord fut ensuite contesté
par les autorités mauriciennes, qui déclarèrent qu'il avait été conclu
sous pression. Les Seychelles
récupérèrent les îles qui leur avaient été cédées (Aldabra, Farquhar
et Desroches) lorsqu'elles obtinrent leur indépendance en 1976, mais
les Chagos restèrent sous contrôle britannique.
Une des décisions
les plus controversées liées à la création du TBOI fut l'expulsion
des habitants des îles Chagos, principalement de Diego Garcia, où une
base militaire devait être construite. Entre 1967 et 1973, les Chagossiens,
descendants des esclaves et des travailleurs
sous contrat, furent progressivement déplacés vers Maurice et les Seychelles.
Certains furent aussi réinstallés au Royaume-Uni. Les expulsions se déroulèrent
de manière brutale : des familles furent séparées, et beaucoup furent
forcées d'abandonner leurs biens. Les Chagossiens se retrouvèrent souvent
dans des conditions précaires, sans compensation adéquate ni soutien
pour reconstruire leur vie.
En 1971, les États-Unis
commencèrent la construction d'une importante base navale et aérienne
sur l'île de Diego Garcia, dans le cadre d'un bail accordé par le
Royaume-Uni. La base joua un rôle crucial en tant que point d'appui
pour les opérations militaires américaines, notamment au Moyen-Orient
et en Asie du Sud. Elle fut utilisée lors de la guerre du Golfe (1991),
des interventions en Afghanistan (2001)
et en Irak (2003). Diego Garcia reste aujourd'hui un des sites militaires
les plus importants des États-Unis hors de leur territoire.
Depuis leur expulsion,
les Chagossiens et Maurice ont mené de multiples batailles juridiques
et politiques pour contester la légitimité de la séparation des îles
Chagos et l'expulsion des habitants. Les Chagossiens ont intenté plusieurs
procès pour réclamer le droit de revenir dans leurs îles. En 2000, la
Haute Cour de Londres leur accorda ce droit,
mais cette décision fut annulée en 2008 après un appel du gouvernement
britannique. Certains Chagossiens ont reçu des compensations financières
dans les années 1980, mais beaucoup considèrent ces montants insuffisants.
Des organisations des droits humains,
comme Amnesty International, ont dénoncé les expulsions comme une violation
des droits fondamentaux.
Maurice a toujours
soutenu que les îles Chagos faisaient partie intégrante de son territoire.
En 2019, la Cour internationale de justice (CIJ) a rendu un avis consultatif
déclarant que le détachement des Chagos de Maurice en 1965 était illégal.
La même année, l'Assemblée générale des Nations
Unies a adopté une résolution demandant au Royaume-Uni de restituer
l'archipel à Maurice. En 2021, une carte officielle de l'ONU a reconnu
les Chagos comme appartenant à Maurice. Malgré les avis internationaux,
le Royaume-Uni continue de considérer le TBOI comme un territoire britannique.
En 2016, les États-Unis et le Royaume-Uni ont renouvelé leur accord pour
maintenir la base militaire de Diego Garcia jusqu'en 2036. En 2022, le
Royaume-Uni a accepté d'engager des discussions avec Maurice sur l'avenir
des Chagos, mais aucune solution définitive n'a encore été trouvée.
Une partie des descendants des exilés vit aujourd'hui au Royaume-Uni,
principalement à Crawley (Angleterre), où ils continuent de défendre
leur cause. |
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