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L'histoire des Samoa
Les îles Samoa ont été peuplées par des Austronésiens qui sont arrivés vers 1000 avant JC en provenance d'Asie du Sud-Est. Ces premiers habitants ont établi des communautés organisées autour de chefs (matai) et ont développé une culture polynésienne distincte, marquée par des traditions orales, des arts et une architecture unique, comme les fale (maisons samoanes). Au fil des siècles, la société samoane s'est structurée en un système complexe de chefferies, où les matai, chefs de famille étendus, jouaient un rôle central dans la gouvernance locale. Le système de fa'a Samoa (la voie samoane) régissait les aspects sociaux, politiques et religieux de la vie. Les Samoans vivaient principalement de l'agriculture, de la pêche et du commerce inter-îles. La religion animiste, centrée sur le culte des ancêtres et des esprits, était également une composante importante de leur culture. 

L'archipel repéré en 1722 par Jacob Roggeveen, puis revu en 1768 par Bougainville qui lui donna le nom d'archipel des Navigateurs. Les îles furent encore reconnues, en 1787, par La Pérouse. C'est sur la côte septentrionale de Tutuila, au bord de la baie de Fungasa, que furent massacrés par les naturels le navigateur de Langle et trois autres compagnons de La Pérouse. Vinrent ensuite : Edwards, en 1791; Kotzebue, en 1824; Wilkes, en 1838. Ce sont les missionnaires qui ont fait connaître l'intérieur de ces îles; elles ont été visitées encore par d'Urville, Erskine, Pritchard, Turner et Graffe. Des missionnaires chrétiens sont arrivés dans les années 1830, convertissant la majeure partie de la population. 

Au milieu du XIXe siècle, les îles Samoa attirèrent l'attention des grandes puissances européennes, notamment l'Allemagne, la Grande-Bretagne et les États-Unis, en raison de leur position stratégique dans le Pacifique. Ces puissances commencèrent à établir des comptoirs commerciaux et à s'impliquer dans les affaires locales, souvent en soutenant différents chefs samoans dans leurs rivalités pour le pouvoir. Ce fut l'Allemagne qui furt la plus active. Une maison allemande, qui devait fusionner plus tard avec la compagnie Godefroy, s'y étant installée dès 1857. Dans les années 1850, Apia devint un centre de commerce du Pacifique et a accueilli un agent commercial américain et des consuls britanniques et allemands.  En 1872, un agent des États-Unis obtint la cession du port de Pango-Pango (Pago-Pago) : c'était la première aliénation du territoire; d'ailleurs, le Sénat américain ne ratifia pas cet acte, et, six ans après, par un traité du 17 janvier 1878, entre Samoa et les États-Unis au sujet de ce port, ceux-ci obtenaient simplement le droit d'y installer un dépôt de charbon. 

Bientôt l'Allemagne se vit attribuer le port de Saluafata, près d'Apia (24 janvier 1879), et l'Angleterre, à son tour, le 28 août, obtint également un dépôt de charbon. Les trois grandes puissances, en présence les unes des autres, firent ensemble une première atteinte à l'indépendance des Samoa par la convention du 2 septembre 1879, qui neutralisait le district d'Apia et en confiait l'administration à ses consuls respectifs, tout en laissant le roi de Samoa souverain en droit. Cette convention fut prorogée le 29 septembre 1883. 

L'Allemagne, dont le commerce avec, l'archipel était fort actif, acquit la prépondérance, en obtenant pour elle du roi Maliétoa, le 10 novembre 1884, une convention qui le faisait passer sous son protectorat. De 1884 à 1889, l'Allemagne fut maîtresse aux Samoa. En 1887, Anglais et Américains avaient protesté à Washington, mais sans résultat immédiat. Sur ces entrefaites, le roi Maliétoa, n'ayant pas obéi à son protecteur, fut déporté au Cameroun (17 septembre 1887); il eut pour successeur Tamasese. Alors commença une guerre civile entre les Samoans, résultat apparent des rivalités diplomatiques des puissances. Les partisans du roi déchu repoussent Tamasese et prennent fait et cause pour Mataafa. D'abord les marins allemands occupent Apia, mais le 18 décembre 1888 les troupes allemandes sont contraintes à se rembarquer, et, en 1889, un cyclone engloutit leurs croiseurs à Apia.

Ce fut alors que la conférence, cette fois réunie à Berlin, aboutit, en instituant un condominium (14 juin 1889), qui resta dix ans en vigueur. On y remarque : le contrôle non exclusif; la neutralisation des îles; l'élection libre du roi; la création d'une cour suprême de justice, etc. Maliétoa était rétabli dans sa souveraineté. Une seconde insurrection, fomentée par Mataafa en 1894, fut réprimée, et ce chef, à son tour, fut exilé. Maliétoa mourut le 22 août 1898, et sa succession provoqua de nouveaux troubles. La Grande-Bretagne et les États-Unis présentaient pour candidat le fils du roi défunt, Maliéta-Tana, et les Allemands avaient choisi Mataafa, l'ancien rebelle. Les deux chefs combattirent et Mataafa fut victorieux. Mais la lutte menaçait de dégénérer en un conflit armé entre les deux partis des Allemands et des Anglo-Américains, d'autant plus que ceux-ci étaient tombés dans une embuscade à Villerna. On se calma néanmoins, la surexcitation se localisa, et il fut reconnu que le régime du condominium était impossible. Le Livre Bleu déclare : 

« Les commissaires des trois puissances coprotectrices des Samoa condamnent le système du condominium. » 
La commission proposa d'abord (juillet 1899), après avoir choisi définitivement pour la royauté nominale Mataafa, que les îles fussent placées sous l'autorité d'un gouverneur européen, élu par les trois puissances, et assisté par un conseil composé de trois délégués, un pour chacune d'elles. Les trois puissances auraient droit de veto sur les actes du gouverneur et de son conseil. Mais un tel système présentait des risques tels qu'on se décida au partage. Deux conventions l'ont réalisé, la première, signée à Londres le 14 novembre 1899, la seconde, à Washington le 2 décembre. On voit apparaître, comme compensation dans ces échanges, les îles Tonga, Salomon, Bougainville, Choiseul, Isabelle (Salomon) : c'est le partage de l'Océanie. Les États-Unis acquièrent, aux Samoa, l'île de Tutouila et les îles du groupe à l'Est du 173° 20', avec l'excellent port de Pago Pago - cette possession constitue aujourd'hui les Samoa américaines; l'Allemagne obtient Upolu et Savaii (Samoa Occidentales). Les trois puissances eurent les mêmes droits commerciaux dans les îles Samoa.

Sous l'administration allemande, la région a connu une modernisation des infrastructures. Un accent a été mis sur l'expansion des plantations de coprah et de cacao. L'Allemagne a également introduit une administration coloniale stricte, parfois en opposition avec les traditions locales. Les Samoans ont résisté à plusieurs politiques coloniales, en particulier celles qui réduisaient l'influence des chefs locaux (matai). Le ressentiment croissant a culminé avec le mouvement de résistance non violente Mau a Pule au début du XXe siècle, un précurseur important du mouvement Mau pour l'indépendance.

Lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté en 1914, la Nouvelle-Zélande a rapidement pris le contrôle des Samoa allemandes, et en 1919, le traité de Versailles a officialisé cette annexion en tant que mandat de la Société des Nations sous administration néo-zélandaise. En 1918, un navire néo-zélandais  introduit la grippe espagnole qui infecte 90 % de la population et tue plus de 20 %,  provoquant une immense colère contre les autorités coloniales. Ce mécontentement a alimenté le mouvement Mau, qui est devenu un mouvement de masse dans les années 1920. Le Mau, sous la direction de chefs locaux et de figures comme Tupua Tamasese Lealofi III, a plaidé pour l'autodétermination samoane. Le 28 décembre 1929, la police coloniale néo-zélandaise a tire sur une foule de manifestants pacifiques, tuant 11 personnes,, dont Lealofi, lors d'un événement connu sous le nom de Black Sunday. Après des décennies de pression pour l'autonomie, les Samoa occidentales ont obtenu leur indépendance de la Nouvelle-Zélande le 1er janvier 1962, et sont devenues ainsi le premier État indépendant de Polynésie. 

Pendant ce temps, les Samoa orientales (Samoa américaines), ont continué sous la souveraineté des États-Unis. Administrées par l'US Navy jusqu'en 1951, les Samoa américaines ont ensuite été placées sous la juridiction du Département de l'Intérieur des États-Unis. Une constitution locale a été adoptée en 1960, et en 1977, les Samoans américains ont élu leur premier gouverneur. Contrairement à leurs homologues indépendants, les Samoa américaines ont maintenu une relation étroite avec les États-Unis, bénéficiant d'une aide économique fédérale importante, mais restant politiquement et culturellement distinctes. Les habitants des Samoa américaines sont des nationals (= ressortissants) américains, mais pas des citoyens à part entière, ce qui a alimenté des débats sur leur statut politique tout au long du siècle.
La constitution adoptée à l'indépendance a établi une monarchie parlementaire démocratique qui intègre des éléments traditionnels samoans. Le système politique est dominé par le Fono, l'assemblée législative, composée de représentants élus, principalement des chefs (matai), qui jouent un rôle clé dans la gouvernance. Les deux premiers chefs d'État des Samoa indépendantes étaient des co-chefs d'État traditionnels, Tupua Tamasese Mea'ole et Malietoa Tanumafili II, qui incarnaient la fusion des structures modernes et traditionnelles. Après la mort de Mea'ole en 1963, Malietoa Tanumafili II est devenu le chef d'État unique, un poste qu'il a occupé jusqu'à sa mort en 2007.

Les premières décennies après l'indépendance ont été marquées par la stabilité politique, avec peu de changements majeurs dans la direction du pays. Le Parti pour la protection des droits de l'homme (HRPP) a émergé comme la force politique dominante, particulièrement après les élections de 1982. Le HRPP a gouverné les Samoa presque sans interruption depuis cette époque. Le pays a cherché à moderniser son économie, qui reposait principalement sur l'agriculture, notamment la production de coprah, de bananes et de taro. Toutefois, les Samoa ont également souffert de l'isolement économique et de la dépendance à l'égard des envois de fonds de la diaspora, particulièrement en Nouvelle-Zélande, en Australie et aux États-Unis.

Plusieurs catastrophes naturelles ont frappé les Samoa dans les années 1980 et 190, en particulier le cyclone Ofa en 1990 et le cyclone Val en 1991, qui ont causé de graves dégâts aux infrastructures et à l'agriculture du pays, ralentissant le développement économique. Le gouvernement a répondu en tentant de diversifier l'économie. Le tourisme a été identifié comme un secteur clé pour la croissance économique et des efforts ont été faits pour promouvoir les Samoa comme une destination touristique attrayante. En parallèle, le pays a bénéficié des envois de fonds croissants de la diaspora samoane, qui est restée une source importante de revenus pour de nombreuses familles. En 1997, le pays a changé son nom officiel de Samoa occidentales à Samoa, ce qui a provoqué une certaine controverse avec les Samoa américaines, qui craignaient que ce changement n'implique une revendication territoriale sur l'ensemble de l'archipel.

La mort du chef d'État Malietoa Tanumafili II en 2007, qui était l'un des chefs d'État les plus anciens au monde, a marqué la fin d'une ère. Son successeur, Tui Atua Tupua Tamasese Efi, un ancien Premier ministre et membre d'une éminente famille noble samoane, a été élu chef d'État par le Fono, poursuivant ainsi la tradition d'intégration des structures traditionnelles dans le système politique moderne. Dans les années récentes, les Samoa ont continué à se développer. Mais le pays reste vulnérable aux catastrophes naturelles, comme, cette fois, le tsunami de 2009 qui a causé des pertes humaines et matérielles importantes. Le changement climatique constitue également une menace croissante pour ce pays insulaire.

En 2011, les Samoa ont modifié leur calendrier en sautant le 30 décembre pour se déplaçant ainsi du côté ouest de la ligne de changement de date internationale, de sorte que l'archipel a désormais une heure d'avance sur la Nouvelle-Zélande et trois heures d'avance sur la côte est de l'Australie, plutôt que 23 et 21 heures de retard, respectivement. (L'ancienne convention remontait à 1892, quand des commerçants américains avaient convaincu le roi samoan d'aligner la date de son pays sur celle des États-Unis, en se déplaçant à l'est de la ligne de changement de date internationale). 

La même année, une décision plus controversée a été prise de changer le sens de circulation des véhicules, passant de la droite à la gauche, pour aligner les Samoa sur ses voisins régionaux comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Cette décision a illustré les efforts des Samoa pour renforcer leurs liens avec la région tout en affirmant leur indépendance. Les élections de 2021 ont conduit à une crise politique significative, lorsque le Premier ministre sortant, Tuilaepa Aiono Sailele Malielegaoi (au pouvoir depuis 1998), a refusé de céder le pouvoir après la victoire de Fiame Naomi Mata’afa et son parti, FAST (Fa'atuatua i le Atua Samoa ua Tasi). Après une impasse et des interventions juridiques, Fiame Naomi Mata’afa a finalement été confirmée comme Premier ministre, première femme à occuper ce poste.

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